Couvrez vos seins, montrez vos fesses !
Tel semble être le mot d’ordre que se sont donné les estivantes désireuses d’être à la mode cet été sur les plages de notre pays, et sans doute également sur celles de nos voisins italien et espagnol. Zoom (sociologique, cela va de soi) sur ces seins, naguère si généreusement dénudés, que ces dames et demoiselles cachent désormais aux regards, et sur ces fesses qu’un nombre croissant d’entre elles exposent en toute impudeur....
C’est un fait avéré : naguère omniprésents sur les plages, les seins nus ont de moins en moins la cote : d’année en année, qu’elles soient jeunes et fermes, ou un peu moins jeunes et fatiguées, les poitrines se dérobent toujours plus aux rayons du soleil et aux regards des autres estivants. Une tendance qui se confirme à l’aube de cet été 2022 : quiconque fréquente les lieux de baignade et de bronzette sur le sable ou les galets de nos rivages peut en témoigner.
Dans une étude réalisée pour Xcams Média les 7 et 8 juillet 2021 auprès d’un échantillon représentatif de 1510 femmes, l’Institut Ifop avait déjà clairement mesuré cette évolution sociétale. Il ressortait en effet de cette enquête que 16 % des femmes de moins de 50 ans pratiquaient encore le topless l’an passé alors qu’elles étaient 43 % à enlever le haut en 1984, soit près de 3 fois plus ! Et vu la tendance, gageons qu’elles seront encore moins nombreuses cette année à montrer leurs tétons en public.
La principale raison invoquée dans l’enquête pour expliquer ce reflux était, pour 53 % des femmes interrogées par l’Ifop, liée aux risques sanitaires que fait courir à la peau l’exposition prolongée au soleil. Sans surprise, les autres motifs invoqués par ces dames pour renoncer à dénuder leur poitrine sur les plages étaient notamment, pour 38 %, le désagrément de subir des regards concupiscents et la crainte d’éventuelles « agressions », le plus souvent verbales.
Eu égard aux nombreuses campagnes de prévention des cancers de la peau qui ont été conduites depuis des années par les autorités de santé, il est compréhensible que les estivantes aient été sensibilisées aux risques et se soient peu à peu rallié au principe de précaution afin de préserver leur épiderme. Et cela jusque dans les rangs de la plupart des inconditionnelles du bronzage qui, convaincues par les arguments de leurs médecins ou les « conseils santé » de leurs magazines préférés, ont troqué leur monokini pour un bikini.
Mais alors, que penser de la recrudescence des postérieurs nus de ces dames, ficelle entre les fesses, sur les plages depuis quelques années ? Car là aussi, c’est un fait difficilement contestable : le nombre des habituées des plages et autres lieux de baignade qui exposent leurs fesses nues en bikini minimaliste est en constante progression au fil des ans. La peau de leur derrière serait-elle nettement moins sensible aux rayonnements UV que celle de leur poitrine ?
Oui, affirment les scientifiques : la sensibilité de la peau des fesses est moindre que celle des seins. Soit. Mais si la crainte des UV n’est pas en cause, comment interpréter cet étonnant et spectaculaire reflux de la pudeur qui, hors de tout risque sanitaire, conduit une partie de la gent féminine à s’exhiber sans complexe cul nu ? Y aurait-il moins de remarques graveleuses ? moins de regards concupiscents posés sur les postérieurs si généreusement dévoilés aux yeux de tous que naguère sur les mamelles des baigneuses ?
Non, bien sûr : les mâles restent les mâles ! Face à ce double constat, ô combien paradoxal – on remet le haut pour quasiment enlever le bas –, l’on se perd décidément en conjectures. C’est pourquoi j’en appelle à vous, lectrices, afin que, fortes de vos expériences, vous nous éclairiez sur les raisons qui poussent certaines d’entre vous, toujours plus nombreuses, à couvrir leurs seins et, en même temps, à exposer leurs fesses sur les plages. Est-ce pour céder à la mode du moment ? Ou bien aux injonctions des « influenceuses » du web ?
À moins qu’il faille considérer qu’aux yeux de ces dames seule la nudité des parties intimes de leur corps visibles par autrui est impudique ? Si tel est le cas, voilà qui ne manquerait pas d’intéresser Molière s’il revenait parmi nous pour notre plus grand plaisir. Nul doute que le génial dramaturge auteur de Tartuffe tirerait de cet étonnant paradoxe une savoureuse comédie de mœurs. Tout comme son contemporain La Fontaine, autre observateur avisé de la condition humaine, qui en ferait assurément une non moins délectable fable.