jeudi 4 novembre 2010 - par j-p. bédol

Euthanasie : je veux pouvoir décider de ma mort !

Le 2 novembre 2010 l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) organisait son rassemblement annuel sur le Parvis des Droits de l’Homme, à Paris, au Trocadéro.

J’y étais ! Je voulais, encore une fois, et avec d’autres, nous étions près de deux cents, interpeller les pouvoirs politiques sur la nécessité impérieuse d’organiser un "grenelle" sur la fin de vie. Légiférer pour promouvoir une loi humaniste, une loi de liberté. Loi qui permettra à chacun et à chacune de choisir d’organiser son ultime Liberté. Celle de mourir en bénéficiant d’un accompagnement légal vers une mort douce, choisie.
 
Une loi qui pourrait répondre au sigle suivant : IVCV (Interruption Volontaire et Consentie de la Vie). Loi qui existe d’ailleurs dans de nombreux pays. Les trois plus avancés en Europe étant la Hollande, la Suisse et la Belgique où 2 % de leurs morts relèvent de cette loi. Si un tel texte existait chez nous, cela représenterait quelques 10 000 morts, à qui on aurait donné la possibilité de choisir le jour de leur départ, dans la plus extrême douceur.
 
C’est le sens de l’histoire ! S’il y a cinquante ans le sujet était tabou, souvent pour des motifs de croyance, aujourd’hui ces tabous sont largement dépassés comme le montre le dernier sondage qui fait apparaître clairement qu’une majorité de Français et Françaises, 87 % en 2008, 94 % hier, le 30 octobre 2010, sont favorables à ce type de mort dans la dignité. Que je nommerai : suicide assisté ou mort accompagnée. Le terme d’euthanasie étant peu approprié à une telle démarche.
 
Beaucoup d’entre vous ne manqueront pas de me rappeler qu’il existe déjà une loi.
 
La loi dite Leonetti du 22 avril 2005, votée dans la précipitation et l’émotion de l’affaire Imbert. Elle n’est pas connue du corps médical. Et quand elle l’est, elle n’est pas appliquée. Tout au plus permet-elle à quelques médecins qui la connaissent (très peu), de ne pas pratiquer, quand cela n’est pas contraire à leur conscience ou à leur croyance, d’acharnement thérapeutique sur une personne mourante. Malheureusement, comme trop souvent, notre corps en fin de vie est à "la disposition" du médical, qui décide quasiment de tout. Prolonger la vie à tout prix, au sens premier du terme, c’est-à-dire sans compter son coût financier, pour nous maintenir dans un état grabataire, parfois de longue durée, ce n’est pas mon choix. Même si la société peut encore payer !
 
Ce que nous réclamons, nous les adhérents et militants de l’ADMD, c’est de pouvoir avoir le droit de mourir dans la dignité, c’est-à-dire dans le strict respect de notre volonté qui est de choisir, en toute liberté, d’être accompagné dans notre ultime décision, la mort douce.
 
De nombreuses questions se posent, notamment :
 
- les possibles dérapages d’une telle loi ? Les lois de nos voisins Hollandais, Suisses et Belges ont montré leur sérieux. Aucun dérapage ! Il suffit juste, à nous Français, de s’inspirer de leur texte de loi. Nos voisins ne sont pas moins intelligents que nous.
 
- qui accomplirait le dernier geste ? Quiconque étant habilité par la loi : médecin, infirmier / ère, spécialiste diplômé de la fin vie, etc.
 
- quel coût pour la Sécurité Sociale ? Aucun ou plutôt une vraie économie ! En effet l’ensemble des experts montrent qu’aujourd’hui, notre dernière année de vie coûte le tiers de tout ce qu’ont coûté les soins durant toute notre vie. C’est-à-dire des milliers d’euros, voire souvent des dizaines de milliers d’euros !
 
 Ce débat comptable, bien que difficile, ne peut pas être éludé.
 
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, en 2060 il y aura 200 000 centenaires en France. Qui prendra en charge le coût de leur dernière année de vie ? Quid pour les centaines de milliers de personnes de plus de 90 ans ? Alors que dans le même temps, notre Sécurité Sociale demandera sûrement à nos enfants et petits-enfants de faire des économies, de bout de chandelles !
 
C’est aujourd’hui qu’il faut réfléchir. Pas dans 50 ans, au pied du mur !
Nous, adhérents et militants de l’ADMD ne demandons finalement pas grand-chose. Juste que notre pays engage une réflexion de fond sur ce sujet qui n’est plus aujourd’hui tabou, comme y consent l’immense majorité du pays.
De toute façon, c’est inéluctable. Prendre du retard ne sert à rien. Comme trop souvent, nous ferons la même chose que nos voisins, mais avec 10 ou 15 ans de retard. Dommage !
 
Alors, à tous ceux et celles qui adhérent en partie, ou plus, à une telle idée, rejoignez l’ADMD. Plus nous serons nombreux et plus vite la réflexion débutera.
 
Photo : rassemblement ADMD du 2 novembre 2010 au Trocadéro.


25 réactions


  • Halman Halman 4 novembre 2010 10:33

    "Prolonger la vie à tout prix, au sens premier du terme, c’est-à-dire sans compter son coût financier, pour nous maintenir dans un état grabataire, parfois de longue durée, ce n’est pas mon choix. Même si la société peut encore payer !"

    C’est FAUX Bédol !

    En réalité et en pratique quand un patient arrive en fin de vie, nous convoquons la famille pour discuter du choix à faire, continuer ou pas les médications. Ces discussions se déroulent en plusieurs fois, avec TOUTE l’équipe médicale, du chef de services aux aides soignantes en passant par les cadres et les infirmières.

    Ne confondez pas état grabataire et fin de vie, ce n’est pas la même chose.

    Grabataire ne veux pas dire dans le coma et sans conscience, vous faites l’amalgame intolérable et faux !

    J’ai été 10 ans aide soignant en gériatrie et c’est comme cela que cela se passe pour CHAQUE patient.

    Légiférer pour tous les patients est impossible.

    Chaque patient est différent et nous obligera, si une loi est passée, à l’outrepasser pour chaque patient, selon son état, son désir, le désir de la famille.

    Et sachez que bien souvent, les gens qui font le choix écrit et discuté avec les proches de l’euthanasie quand ils sont plus jeunes, si ils se retrouvent grabataire, changent d’avis au dernier moment et se mettent à lutter de toutes leurs forces contre la mort. Alors, on la débranche contre son avis ? Parce qu’elle a signé un papier ou parce qu’elle aurait dit que ceci que cela à une personne. On ne peut accepter ce genre de décision sur la parole d’un tiers.

    Et quelques fois cela marche, on en a vu reprendre gout à la vie et apprécier quelques semaines de vie supplémentaire, leur état physique ne leur important plus.

    Légiférer sur l’euthanasie, contrairement à votre titre, ce n’est pas décider de sa mort, au contraire, c’est faire fi de ceux qui ont des sursauts de pulsion de vie, de ceux qui veulent vivre quand même.

    Vous semblez ignorer leur existence.


    • j-p. bédol 4 novembre 2010 10:36

      Très bien !

      Vous êtes l’exception qui confirme mon propos. Cela participe de notre réflexion.


    • Halman Halman 4 novembre 2010 10:42

      L’exception à quoi  ? A vos idées ?

      C’est la pratique dans tous les hopitaux de gériatrie, ce n’est pas une exception, c’est la réalité, vous voulez enfumer les gens ?


    • Cap2006 4 novembre 2010 19:11

      Désolé,
      vous êtes bien une exception...
      Et puis le sujet, ce n’est pas que vous le soyez ou pas, c’est la possibilité du choix personnel... pré établi suivant des critères propre à chacun... 


  • Halman Halman 4 novembre 2010 10:41

    Ce que vous ne comprenez pas c’est que loi ou pas, nous avons toujours fait et feront selon le désir de chaque patient, de ses proches, de sa famille, de l’équipe soignante au cas par cas.


  • foufouille foufouille 4 novembre 2010 12:19

    faut pas avoir des organes en bon etat
    sinon on va lui forcer la main au malade


  • tmd 4 novembre 2010 13:54

    Si vous voulez décider, vous en avez déjà la possibilité. Je vais choquer, mais le suicide est autorisé en France. Vous ne serez pas interdit de crémation ou de cimetière si vous vous suicidez. Votre insistance à demander une loi afin que quelqu’un d’autre puisse mettre un terme plus rapidement à votre vie ne montre que votre manque de courage à faire ce geste.


    • j-p. bédol 4 novembre 2010 14:05

      Si Vous devenez grabataire, cloué sur un lit pendant des années, comment vous suicider tout seul ?

      Si vous devenez un légume, comment mettre fin seul à vos jours ?

      Etc., etc., etc., les situations où il y a impossibilité d’agir sur soi-même sont très très nombreuses.


    • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque 4 novembre 2010 16:41

      D’autant plus que l’ouvrage « Suicide mode d’emploi » est interdit.


  • Muriel74 Muriel74 4 novembre 2010 15:15

    « le droit de mourir dans la dignité »... et le droit de vivre la fin de sa vie dans la dignité vous en faites quoi ? Oui, cela a un coût et alors ?
    Je suis entièrement d’accord avec Halman, étant soignant moi-aussi, je confirme les réunions pluridisciplinaires personnel médical/famille/patient pour discuter des meilleurs choix à faire, et parfois au jour le jour, et si on creuse un peu on s’aperçoit que la volonté de vivre une fois les douleurs calmées,  est bien présente. Ne pas voler ces derniers instants, cette dernière expérience qui pour moi est de l’ordre du spirituel. Jusqu’à la mort accompagner la vie.
    A votre association ADMD ( thanatos) j’oppose l’association JALMAV
     

    qui accomplirait le dernier geste ? pas moi, objection de conscience , que d’ailleurs on voudrait essayer de supprimer, et ça c’est très grave
    les possibles dérapages d’une telle loi ? vous n’en voyez aucun, attendez que le gouvernement s’attaque à la réforme de la Santé et privatise, dérapages ? ce sera une vraie patinoire !


    • j-p. bédol 4 novembre 2010 15:35

      C’est aussi un droit. Personne ne le dénie.
      Vous faites partie des 6 %. C’est bien ! Mais les autres, les 94%, ont aussi le droit d’avoir leur opinion.


  • intercepte 4 novembre 2010 16:58

    Le problème est dans le titre. C’est facile de décidé. mais, passer à l’acte seul, pour certain c’est pas possible et puis quand on est dans un état végétatif ou mort cérébrale on peut plus décidé.

    J’ai plus impression que c’est un problème d’exclusion et d’impuissance quand on vie des années avec comme meilleure amie le mur d’un plafond d’hôpital, ça semble logique de perdre la boule.

    J’ai connue une personne avec alzheimer et paralysé je l’ai jamais entendu demandé qu’on le tue. Quand on voit sa famille tous les jours, ces petits enfants qui arrivent au monde. Il faut vraiment être individualiste pour louper tout ça.


    • j-p. bédol 4 novembre 2010 17:10

      Pourquoi décider à sa place ?

      Sa mort lui appartient. Ce n’est pas à nous de décider. Ni à sa famille.C’est tout simplement à lui !


    • Png persona-nongrata 4 novembre 2010 18:36

      Certes alors mettez fin a vos jours en silence s’il vous plait ce n’est pas la peine d’aller manifester pour ça...une défenestration ou une balle dans la tête c’est réglé...Encore une revendication de « no-life »....

      Vive le droit à la vie !

    • j-p. bédol 4 novembre 2010 18:57

      Si Vous devenez grabataire, cloué sur un lit pendant des années, comment vous suicider tout seul ?

      Si vous devenez un légume, comment mettre fin seul à vos jours ?

      Etc., etc., etc., les situations où il y a impossibilité d’agir sur soi-même sont très très nombreuses.


    • foufouille foufouille 4 novembre 2010 19:27

      Si vous devenez un légume, comment mettre fin seul à vos jours ?
      tu fait banque d’organe


  • Cap2006 4 novembre 2010 19:15

    Surtout, offrir le droit de ne pas laisser le corps médical imposer ses choix... trop dépendants des consciences des uns et des autres...
    Combien de médecins font trainer les dossiers d’avortement, déconseillent la pilule contraceptive etc...


  • Furax Furax 4 novembre 2010 21:39

    Aucun dérapage chez nos voisins !

    Une information parue il y a quelques mois dans la presse allemande signalait un afflux de retraités hollandais dans ce pays. Ils fuyaient leur pays où ils craignaient pour leur vie...
    « L’avis médical » était déclaré valable PAR TELEPHONE !

    Euthanasie : les Nations-unies épinglent les Pays-Bas

    25 Septembre 2009 | Pierre-Olivier Arduin*

    Alors que trois Français sur quatre se déclarent favorables à l’euthanasie des malades incurables qui la réclament, selon un sondage BVA/ADMD [*], le Comité des droits de l’homme de l’Onu s’inquiète de la progression de l’euthanasie aux Pays-Bas. Sur place, des députés français ont constaté que la pratique euthanasique s’est emballée et que le pouvoir des médecins est devenu incontrôlable.

    Du 13 au 31 juillet 2009, le Comité des droits de l’homme de l’Onu a tenu à Genève sa quatre-vingt seizième session à l’issue de laquelle il a présenté des observations finales sur un groupe de pays dont les rapports lui avaient été soumis. Cette institution est chargée de veiller au respect par les États signataires du Pacte international sur les droits civils et politiques de 1966. Si le Comité n’a pas de pouvoir d’investigation sur le territoire concerné, il peut rédiger des conclusions sur la base d’un rapport de l’État en question et de contributions émanant d’ONG locales.

    En conclusion de la séance de juillet, les experts du Comité reprochent ainsi à la Tanzanie un « schéma persistant de discriminations à l’encontre des femmes ». Au Tchad, est demandé de remédier « aux disparitions forcées » et à la « censure de la presse ». L’Azerbaïdjan est soupçonné d’extorquer des aveux « sous la torture ». Beaucoup plus surprenant, à côté de ces nations qui ne sont guère connues pour faire preuve d’un respect tatillon des droits de l’homme, le comité épingle les Pays-Bas pour son « taux élevé de cas d’euthanasie et de suicide assisté ». Les membres du Comité s’inquiètent notamment que « la loi permette à un médecin d’autoriser de mettre fin à la vie d’un patient sans recourir à l’avis d’un juge » et que le « deuxième avis médical requis puisse être obtenu au travers d’une ligne téléphonique d’urgence » [1].

    Une « excuse exonératoire »

    La loi néerlandaise du 12 avril 2001 dite de « contrôle de l’interruption de la vie sur demande et de l’aide au suicide » est entrée en vigueur le 1er avril 2002. Celle-ci n’a pas surgi brutalement dans le paysage législatif des Pays-Bas : elle est au contraire le fruit d’un consensus social largement favorable à l’acceptation légale de l’euthanasie. Dès 1984, le procès Schoohheim, au terme duquel la Cour suprême prononça un non-lieu à l’encontre d’un généraliste qui avait supprimé une patiente atteinte d’un cancer, avait créé un droit jurisprudentiel qui dépénalisait de facto l’euthanasie. Par la suite, un rapport publié en 1996 – donc avant l’entrée en vigueur de la loi – révéla qu’entre 1990 et 1995, sur les 6324 cas d’euthanasie répertoriés, 13 seulement donnèrent lieu à un procès, chacun suivi d’un non-lieu.

    Pour entériner définitivement ce choix de société, le gouvernement batave décide avec la loi du 12 avril 2001 d’introduire une excuse exonératoire de responsabilité pénale au profit du médecin qui euthanasie un malade en respectant un certain nombre de critères de minutie. Le praticien doit ainsi s’assurer que la demande d’euthanasie ou de suicide assisté est mûrement réfléchie et pleinement volontaire, que les « souffrances du patient sont insupportables » et qu’il a consulté un second médecin ayant approuvé par écrit la démarche. Cinq commissions régionales sont chargées de contrôler a posteriori le respect des critères de minutie ; en cas de violation de la procédure, un rapport est transmis au Collège des procureurs généraux qui a tout pouvoir pour se saisir de l’affaire et poursuivre le médecin.

    L’enquête de Jean Léonetti

    Que se passe-t-il réellement sur le terrain pour que le Comité onusien des droits de l’homme s’alarme de la sorte ? C’est le nouveau rapport parlementaire sur la fin de vie signé par le député Jean Leonetti qui va nous fournir d’intéressantes pistes de réponse. En effet, au cours du travail d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 relative à la fin de vie mené en 2008 à la demande du Premier ministre, la mission parlementaire dirigée par Leonetti a effectué un voyage aux Pays-Bas pour mieux se rendre compte de la réalité des pratiques hollandaises en matière d’euthanasie.

    On apprend ainsi que les directives de politique pénale édictées en 2006 par le ministère de la Justice hollandais n’évoquent plus que deux critères pour classer sans suite un protocole euthanasique : le consentement du malade et la présence de souffrances irrémissibles. Les Hollandais parlent de critères substantiels en l’absence desquels il deviendrait licite d’enclencher une procédure d’infraction. Ces circulaires prônent en effet l’absence de poursuite même si le médecin consultant n’a pas été sollicité pour donner son avis, et ce, alors même que la loi l’impose.

    Évidemment, on voit mal un médecin rédiger explicitement dans son rapport que le patient qu’il a euthanasié ne souffrait pas ou ne le lui avait pas demandé. L’appréciation du médecin semble bien subjective, l’existence même de ce contrôle a posteriori faisant porter la vérification plus sur le respect technique de la procédure que sur la réalité objective des motifs médicaux.

    Jean Leonetti n’a pu que relever cette ambiguïté qui consiste à revendiquer haut et fort un droit à l’autodisposition de soi pour s’en remettre en définitive à la décision toute-puissante du médecin. Fort judicieusement, il en conclut que « cette législation consacre un nouveau pouvoir médical [2] ».

    Ne pas sanctionner

    Au final, depuis l’entrée en vigueur de la loi, aucune poursuite pénale n’a été exercée à l’encontre d’un médecin. Vingt-quatre cas litigieux en tout et pour tout ont fait l’objet d’une transmission par les commissions de contrôle au Collège des procureurs généraux en six ans. Dans tous les cas, les médecins concernés ont été invités à s’entretenir avec le procureur de la reine pour un « simple rappel à la loi ». Le chef du Collège a d’ailleurs estimé devant les députés français que ce rappel à l’ordre suffisait, un renvoi des intéressés devant les tribunaux étant contre-productif étant donné la jurisprudence très conciliante pratiquée depuis vingt-cinq ans dans le pays. Il existe donc une volonté tacite de ne pas sanctionner une méconnaissance de la loi quand bien même elle serait avérée.

    On a donc d’un côté la consécration d’un nouveau pouvoir où le médecin endosse simultanément les fonctions d’expertise, de décision et d’exécution de la sentence et de l’autre des commissions qui ne sont en fait que des chambres d’enregistrement des actes euthanasiques. Tout se passe comme si l’État avait mis en place un système administratif indépendant dédié aux affaires euthanasiques avec ses propres règles, ses pouvoirs, ses fonctionnaires, ses formulaires. Jean Leonetti en tire la leçon suivante : « L’absence totale de saisine judiciaire amène à s’interroger sur la réalité du contrôle a posteriori effectué  : soit on est en présence d’un professionnalisme exceptionnel […], soit on est conduit à avoir des doutes sur la réalité de ce contrôle [3]. »

    Comme on la vu, le Comité des droits de l’homme pointe le nombre important d’euthanasies annuelles : 1933 cas recensés par les autorités en 2005. Le dernier chiffre connu est celui de 2120 euthanasies pour l’année 2007, un taux qui reste très important. Ce que les experts des Nations-unies ne mentionnent pas, c’est la persistance d’actes cachés pratiqués en dehors du cadre légal. D’après une étude néerlandaise, 20 % des euthanasies ne sont pas déclarées, les pouvoirs publics estimant à 3600 leur nombre véritable. Pour Jean Leonetti, cette situation où deux euthanasies sur dix ne sont toujours pas déclarées « fragilise les vertus de transparence prêtées à cette législation par ses promoteurs [4] ».

    Le caractère secret de l’euthanasie

    En fait, la réalité de la fin de vie en Hollande montre que la dépénalisation de l’euthanasie renforce le caractère secret de la pratique. Pourquoi ? D’abord parce que les professionnels de santé déclarent sous couvert d’anonymat qu’ils préfèrent s’épargner, à eux-mêmes et aux familles, les désagréments d’un rappel à l’ordre, voire d’une poursuite judiciaire dont le risque est pourtant nul. D’autre part parce qu’il existe toujours des cas pour lesquels les exigences de minutie prévues par la loi ne sont pas remplies, donc qui continueront à ne pas être déclarés. Certains patients sont euthanasiés sans recueil de leur consentement, toutes les parties jugeant qu’il en est mieux ainsi pour eux au vu de leur qualité de vie médiocre. D’autres demandent le mort pour une simple « fatigue de vivre », critère flou qui ne rentre manifestement pas dans le cadre d’une souffrance insupportable.

    Tout se déroule donc comme si la législation augmentait la permissivité et la tolérance envers l’acte euthanasique, à la fois chez les médecins et chez certains malades. Bref, une fois institutionnellement et officiellement approuvée et pratiquée, l’euthanasie développe sa propre dynamique et résiste à toutes les procédures de surveillance sensées la contenir.

    S’exiler pour survivre

    Il existe enfin un dernier point extrêmement inquiétant qui était jusqu’ici parfaitement méconnu. On l’a dit, la loi semble être l’aboutissement d’une réflexion consensuelle de la société hollandaise dans son ensemble. Pourtant, ce consensus paraît s’effriter plus qu’on ne le pense. L’Ordre des médecins allemands fait état de l’installation croissante de personnes âgées néerlandaises en Allemagne, notamment dans le Land frontalier de Rhénanie du Nord-Westphalie. D’après la mission parlementaire française qui rapporte cette information de taille, « s’y sont ouverts des établissements pour personnes âgées accueillant des Néerlandais. C’est le cas notamment à Bocholt. Ces personnes craignent en effet que leur entourage ne profite de leur vulnérabilité pour abréger leur vie. N’ayant plus totalement confiance dans les praticiens hollandais, soit elles s’adressent à des médecins allemands, soit elles s’installent en Allemagne. De telles réactions dont la presse allemande s’est fait l’écho démontrent que les pratiques médicales hollandaises sont mal vécues par une partie de la population [5] ».

    Loin d’être le théâtre d’un tourisme de la mort, la dépénalisation de l’euthanasie conduit bien au contraire à un exil des personnes les plus fragiles. Faudra-t-il que les Nations-unies fassent rentrer dans la catégorie des réfugiés les personnes malades, handicapées ou âgées qui émigrent par crainte d’être euthanasiées ?

    Dernière leçon à tirer de tout cela. Des parlementaires français, tous partis confondus, n’ont de cesse depuis plusieurs mois de vouloir enfoncer un coin dans la loi Leonetti [6]. Dès qu’une niche législative le leur permet, ils ont la fâcheuse habitude de mordre en déposant des projets de loi qui ne sont souvent que de vulgaires copier-coller de la loi néerlandaise. La réalité que nous venons de décrire, qui vaut aux Pays-Bas d’être rappelés à l’ordre par le Comité des droits de l’homme des Nations-unies, suffit à discréditer sévèrement la démarche idéologique de ces députés.


  • kemilein 4 novembre 2010 23:16

    l’euthanasie c’est comme l’avortement, ça concerne ceux qui le veulent.

    et moi j’ai envie de choisir (sauf accident) quand je mourais et comment, serais-je même encore en pleine forme, ce la ne concerne que moi, et je n’apprécie pas du tout qu’on me l’interdise.


  • foufouille foufouille 5 novembre 2010 10:46

    "et moi j’ai envie de choisir (sauf accident) quand je mourais et comment, serais-je même encore en pleine forme, ce la ne concerne que moi, et je n’apprécie pas du tout qu’on me l’interdise."
    le suicide est pas interdit
    tu prend seringue et t’injecte de l’air


    • kemilein 7 novembre 2010 21:13

      heps ducon, toi qui a une bonne tete de vaincu..
      une pilule que tu gobe et qui te fait faire dodo et mourir ca serait pas plus sympa ?


  • kiouty 7 novembre 2010 00:21

    La mort est dramatique et souvent extremement brutale, c’est le dur lot de la condition humaine et animale. une loi a ce sujet et l’illusion de controle et de domination sur la mort qu’elle apporterait semble bien derisoire et vaine.

    Vous voulez pas mettre votre energie militante au service d’une VRAIE cause ? Quel dommage.


    • j-p. bédol 7 novembre 2010 08:23

      A kiouty

      A vraie cause  ? 
      Quelle est, à vous, votre vraie cause ? J’essaierai de voir où se situe alors la mienne.
      Merci d’avance.


  • Manu Manu 7 novembre 2010 14:31

    Parler de « suicide assisté » est extrêmement intéressant, car il est intéressant de soulever une différence fondamentale de considération entre ces deux formes de suicide :

    • la forme « traditionnelle », dont on déni le caractère « de bon sens », puisque on pratique systématiquement le sauvetage ;
    • la forme « assisté », acceptable.
    On voit donc qu’on arrive à une position inconciliable de refus du suicide « normal » mais d’acceptation du suicide « assisté ».

    En vérité, il s’agit plutôt d’un débat sur l’utilité : quelqu’un de bien portant ne doit pas attenter à ses jours, alors qu’un malade, oui.

    Ce qui parait « tomber sous le sens » doit nous faire réfléchir à notre considération des malades, à la place qu’on leur accorde, à leur visibilité plutôt que de vouloir les faire « disparaitre ».


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