mercredi 31 mars 2010 - par barkhane

Insultes au LIDL

Ce qui pourrait être le titre d’un polar de gare, n’est en fait ni plus ni moins qu’un fait divers. S’il y a un lieu que les sociologues, les politiques devraient investir c’est bien les LIDL véritable lieu d’expériences sociales et miroir d’une société où se côtoient les classes moyennes en proie au déclassement et les classes populaires qui cherchent des repères.
Un fait divers d’un déchaînement de haine verbale inouïe. Cinq minutes d’un feu nourri comme l’expression d’une haine qui ne dit pas son nom. De l’absurde à l’état brut.

Evry. 18h30. C’est la sortie du boulot. Je rentre chez moi. Il faut bien manger alors je m’arrête sur le LIDL qui est sur ma route. Coincé entre la nationale 7, un parking et une cité, ce n’est pas franchement le cadre idéal. Mais au moins, cela est fonctionnel et pratique. Je fais mes courses. La roquette est à 0,99cts. C’est tentant.... mais c’est trop amer. Les raviolis au saumon fumé feront l’affaire pour ce soir. (oui oui il y a des raviolis au saumon fumé au lidl....) J’arrive en caisse. J’ai de la chance ce soir, il n’y a pas de trop de monde. Les chariots ne sont pas trop plein. Dans cinq minutes l’affaire est bouclée.
 
Alors que j’essaye d’attraper la bouteille d’huile d’olive au fond du chariot, tout à coup des cris fusent en provenance de la caisse. Un couple semble-t-il mécontent d’une indélicatesse de la caissière s’en prend à elle. En quelques secondes, les insultes commencent à fuser de la part des clients. L’homme mécontent commence à s’en prendre à la vertu de la caissière. Sa compagne en rajoute une couche sur la vertu de sa mère. La caissière littéralement sous un feu nourri accuse les premières salves. Mais la pression est trop forte. Celle-ci commence à répondre. La tension monte. Le volume sonore aussi. Les agents de sécurité s’interposent. Les caissières d’à côté viennent à la rescousse de la situation pour essayer de s’interposer. On continue à en apprendre des vertes et des pas mûres sur les "vertus supposées" de la famille de la caissière. Comme il semblerait que les clients mécontents aient fait le tour de la famille, on passe à la couleur de peau. Alors pour ceux qui ne l’ont jamais vu le racisme entre arabes et blacks ça vaut le détour... Les trublions de l’extrême droite à côté ce sont des petits amateurs....Les insultes continuent à fuser. Le Lidl s’arrête. Tout semble suspendu au dénouement de cette situation qui paraît inextricable. Enfin le summum arrive. La caissière se voit insulter d’un "si tu me touches, je te tue". Les collègues cherchent à apaiser la situation. La directrice du magasin semble revenir après une journée bien remplie pour essayer de gérer la situation. Les clients indélicats sont emmenés dans les locaux pour déminer la situation.
 
La vie du Lidl reprend son cours. Les clients se remettent à remplir leurs chariots. Les caissières se remettent à biper un article par seconde. C’est mon tour. Avec une constance remarquable et un professionnalisme hors pair, mes raviolis au saumon fumé font bip sur la caisse. Il y a des bip électroniques ordinaires et des bip extraordinaires. Celui-là était extraordinaire. Extraordinaire de dignité, d’humanité, de promptitude mais aussi d’une détresse sociale à demi-étouffée. Bip...
 
Je pense une dernière fois à cette "hôtesse de caisse" comme on dit dans le jargon professionnel. Insultée, diffamée, menacée publiquement. Ne risquerait-on pas de lui reprocher d’avoir voulu défendre sa dignité ? Jusqu’où le capitalisme et la société permettent de construire un client-roi totalitaire ?
 
Alors pourquoi écrire ici cet article. Banal, me direz-vous. Non. Encore un cliché de cité. Oui.
Non ce n’est pas banal. En quatre ans de fréquentation régulière du Lidl, je n’ai jamais assisté à aucun événement grave de ce type. En cinq minutes, j’ai dû entendre plus de fois "salope" et "pute" que dans le restant de mes quinze dernières années. Le quotidien est plutôt tranquille. Que cherche-t-on dans un Lidl si ce n’est faire ses courses ?
La scène fait cliché. C’est vrai. Mais en même temps elle est profondément représentative des quartiers populaires et de la façon dont fonctionne de plus en plus notre société. Non pas par l’événement mais la manière dont celui-ci se trame.
Représentative de ces cités où dans le calme et la tranquillité du quotidien, les éclairs peuvent éclater dans un ciel sans nuage. Où tout redevient paisible aussi vite que le tourment est arrivé comme un tourbillon passionnel incontrôlé.
Représentatif d’une société où la civilité perd son nom. Où les personnes humaines deviennent désocialisées trouvant dans la violence (verbale, physique, économique) le seul refuge de survie. Un réflexe d’animalité en somme.
Représentatif d’une atomisation de la société où les individus agissent seul plus que par groupe sociaux et où toute médiation semble impossible. Les conflits s’enlisant comme dans des autismes communicationnels.
 
D’autres disent : "J’écoute, mais je ne tiens pas compte".
 
 


40 réactions


  • Deneb Deneb 31 mars 2010 11:11

    Article incomplet. En effet, on ne sait pas quelle était « l’indelicatesse » de la caissière, pour pouvoir se faire une opinion.


    • barkhane 31 mars 2010 15:52

      oui petit oubli de m part c’est vrai. L’indélicatesse a été de jeter un coup d’oeil sur les cabas au moment du passage en caisse.

      Ce que font toutes les caissieres de supermarché de France et de Navarre. Notons au passage que les gens préfèrent tolérer les systèmes de vidéosurveillance posés à la verticale des caisses ou les loupes grossissantes posées sur les caisses plus discrètes mais plus perverses plutôt que le regard humain.


  • jondegre jondegre 31 mars 2010 11:45

    perso, le fait d’acheter des raviolis au saumon au LIDL m’a plus choqué que l’altercation rapportée dont on ne connait même pas le point de départ...


    • barkhane 31 mars 2010 15:52

      Tout à fait d’accord !!! Quand je parle de déclassement des classes moyennes....


    • Vox Populi 31 mars 2010 21:03

      En même temps quand on vois des articles parlant de stratégie politiques et autres sujet qu’on peut étirer pendant 1000ans et qui sont à des années-lumières du vécu des français, on s’extasie ici...

      Mais quand c’est pour relater ce genre de faits qui sont si symptomatique de l’apathie dans laquelle nous sommes tombé, non là on est pointilleux, on a quelque chose à redire.

      Mais merde ! Arrêtez de faire vos enfants gâtés, si agoravox devient un enième lieu de boboïtude déconnecté merci mais certains ont assez donné...


  • tourn en ron 31 mars 2010 13:37

    mes ils est bette cet article ce type a vécu dans un monastère sans j’amais en sortir ,sa première sortie a du etre choquante dit donc


  • Cogno2 31 mars 2010 14:55

    La roquette est à 0,99cts.

    Grande braderie sur le panzerfaust ?

    ---> [ ]


  • alceste 31 mars 2010 15:11

    Je ne sais pas si cet accès de violence verbale n’est représentatif que de la vie des cités, j’ai plutôt l’impression qu’il s’agit d’un phénomène plus général.
    Mais j’ai trouvé le récit intéressant , d’autant que je fais partie des gens sans doute arrièrés que la violence choque, comme si le tissu très mince de la sociabilité craquait brusquement, et montrait un fond d’agressivité incontrôlable. Certaines professions sont rarement la cible de cette agressivité, mais les caissières le sont malheureusement très souvent : l’une d’elles m’a raconté qu’elles avaient des cours spéciaux pour apprendre à « gèrer » insultes, menaces et autres agressions de la part des clients.


  • barkhane 31 mars 2010 15:55

    Non c’est ce que je dis il est et n’est pas à la fois représentatif des cités.
    Non il n’est pas représentatif, car c’est un phénomène totalement gratuit soudain et violent. De l’incivilité à l’état pur comme il peut en exister partout.
    Oui il est représentatif de ces cités où quand les incidents surviennent ce sont toujours des mouvements brusques, soudains, violents mais qui s’estompent aussi vite qu’ils sont arrivés.


  • Laura 31 mars 2010 16:09

    J’ai vu mieux à mon LIDL ; un gamin ouvre un tube de vitamine C, lèche une pastille et la remet tranquillement dans le tube en rayon. Le vigile fait remarquer l’indélicatesse au père qui le prend très mal, la caissière pour calmer le jeu indique au père qu’elle fait cadeau du tube. Le père hurle après le vigile, jette le tube par terre et là, le vigile, un jeune, craque et propose au père de sortir s’expliquer sur le parking. Caissière et clients ont du le maîtriser, en pleine crise de nerfs... Ambiance... smiley


    • barkhane 31 mars 2010 16:56

      Ben nous hier soir, ca n’a pas eu le temps d’aller jusqu’au parking smiley Pourtant c’était la caisse juste à côté de la sortie ...


  • LE CHAT LE CHAT 31 mars 2010 16:15

    je n’ai rien vu de tel chez LIDL hier soir à Istres , il me semble que j’ai du payer plus cher la roquette ! faudra que je me plaigne ! smiley en revanche le cube de purée de tomate était en baisse à 0.27€ , Nicolas Sarkozy a du les appeler à ce sujet !


    • barkhane 31 mars 2010 16:50

      Ah le cube de purée de tomate...mmm tout un programme culinaire smiley


    • cimonie raoul 31 mars 2010 20:36

      Et les pistaches de californie tu les as à combien ? ... c’est la « Grafen Walder pils » qui a vachement augmenté, je trouve ..


    • LE CHAT LE CHAT 1er avril 2010 09:36

      C’est dingue ce qu’on peut faire à partir de cette brique de purée de tomates à 27 cts !
      j’en avais besoin pour faire ma sauce piquante pour les tortillas , caramba ! smiley


    • LE CHAT LE CHAT 1er avril 2010 09:41

      @Raoul

      moi je trouve que les craquottes chez Leader price qui étaient le mois passé à 85 cts et qui sont passées à 1€34 alors que le prix du blé a chuté , c’est abuser !


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 31 mars 2010 16:24

    et ils étaient comment ces raviolis  ?


    • barkhane 31 mars 2010 16:49

      La pâte ca allait... mais la farce ca faisait un peu industriel... Celaa rappelle les paupiettes de saumon des cantines. Mais avec un peu d’huile d’olive, de thym et de parmesan ca va... ca passe bien smiley


    • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 31 mars 2010 18:20

      Dans les plats préparés ils mettent trop souvent des produits bas de gamme : c’est du poison qui coûte cher !

      Il vaut mieux un peu cuisiner que de manger ce genre de choses !


    • cimonie raoul 31 mars 2010 20:37

      pourtant chez Lidl, en surgelé, ils ont du poisson MSC...


    • ARMINIUS ARMINIUS 1er avril 2010 03:35

      Merci pour le « chez », comme disait ma tante : les vaches vont au taureau, mais les gens vont chez le dentiste. De plus ça permet de faire la différence si vous allez au casino ou chez casino , je vous passe le temps des Mammouths qui ont disparu depuis la blague de Coluche...


    • LE CHAT LE CHAT 1er avril 2010 09:38

      @ arminius

      oui , aller « au Mammouth » , ça vous déchirait grave ! la vie aux champs , ça déchire que le porte monnaie !


    • LE CHAT LE CHAT 1er avril 2010 09:46

      @alois Frankernberger

      faut pas s’y fier , ma collègue a bossé chez Panzani , et dans les appels d’offre , Lidl était l’un des clients les plus exigeants question qualité !


    • zadig 1er avril 2010 06:42

      Fluffy,

      Votre remarque est intéressante :

      Votre tentative d’explication de cette régression sociale me semble juste
      et j’y réfléchis.

      Salutations


  • Agoravocs 31 mars 2010 18:01

    Ne vous en faites pas, le gouvernement se penche sur la question.
    Pour l’instant la solution envisagée serait d’inciter l’ensemble les francais à aller faire ses courses chez Fauchon.
    De même, suite à de nombreuses altércations entre voyageurs et hôtesses de l’air, l’idée de demander aux francais d’utiliser des Falcon privés plutôt que les compagnies habituelles fait son chemin.
    Décidemment, ils ont vraiment des solutions pour tout !!


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 31 mars 2010 18:30

    c ’est la faute au grouvrernrenemrent .


  • Agoravocs 31 mars 2010 20:21

    Ce n’est pas ce que je dis...mais il est vrai que j’ai l’impression que celui-ci ne prend pas forcément les bonnes mesures pour agrémenter ne serait-ce qu’un petit peu notre vie quotidienne.
    Il ne me semble pas avoir incriminé qui que ce soit sur les causes de la situation. Par contre, je me moquais gentiment des réponses grotesques du gouvernement à tous les faits divers ces derniers temps. Des belles paroles, oui, des solutions paliatives, possiblement, des solutions curatives, certainement pas...


  • cimonie raoul 31 mars 2010 21:00

    Excellente narration ! (j’en ai profité pour tester la lecture en mp3, c’est parfois bidonnant notamment « lideleu » ) En tous cas, je trouve que tu décris parfaitement les comportements souvent ahurissants de nos concitoyens. J’ai eu plusieurs fois l’occasion d’assister à ce type de scène pas seulement chez Lidl, chez Carrouf aussi et tu mets le doigt sur des antagonismes que l’on ne soupconne pas toujours : les blacks d’origine africaine et les rebeu, parfois ils s’aiment pas beaucoup. Entre blacks, parfois ils s’aiment pas beaucoup non plus parce qu’ils ne sont pas de la même ethnie et entre marocains et algériens, ben ... parfois ca passe pas non plus... Mais bon, c’est surtout l’extériorisation d’une certaine misère et heureusement que bien souvent les anciens nous montrent tout à fait autre chose ! En tous cas, j’ai bien aimé ton article ! A +


  • zadig 1er avril 2010 06:29

    Barkhane,

    Article intéressant (et vivant).
    Je remarque :
    Les insultes (pute,salope) s’adressent surtout aux femmes des familles en cause.
    Ce point à lui seul mériterait une étude.

    Dans le cas présenté içi Eve (la tentatrice) ne semble pas devoir être mise en cause


  • frédéric lyon 1er avril 2010 08:05

    Oui c’est bizarre et intéressant cet obsession pour la « vertu » des femmes. Certains ne semblent pas très sûrs de l’identité de leur père, voilà la question centrale.


    Un problème tout simple.

    Je vois que beaucoup d’entre vous n’ont jamais vécu en Afrique pour s’en étonner.
     

    • cimonie raoul 1er avril 2010 10:29

      Dans ces supermarchés, visiblement bien des choses se savent sur la paternité et l’ascendance de certaines personnes et sont tues. c’est pourquoi on entend « Si tu me touches, je te tue », ce qui veut dire « si tu entreprends un contact sur ma personne qui vise à remetttre en question la paternité d’un de mes enfants, je ne serai pas très disert à ton ègard ». Il est intéressant de constater que tous ces gens se connaissent parfaitement et ont beaucoup à dire les uns sur les autres.


  • 1er avril 2010 08:27

  • caramico 1er avril 2010 10:16

    Bien écrit, agréable à lire.

    Moi qui ai connu le milieu aérien et les aéroports, je peux vous dire que ces accès d’agressivité étaient très fréquents, si les propos échangés étaient moins vulgaires, les échanges étaient par contre d’une rare violence.


  • voxagora voxagora 1er avril 2010 10:26

    Article très intéressant à plusieurs titres, mais ma réaction se limite
    à une opinion sur un seul de ses aspects :
    Il faut arrêter de noyer le poisson (poison ?) de la vraie violence,
    qui est d’opprimer et de maltraiter physiquement et mentalement,
    dans cette frénésie de dénonciation de la « violence verbale ».
    L’auteur, dont l’expression peut trouver une issue policée dans l’écriture,
    et dans la diffusion de sa pensée à des millions (excusez du peu)
    de lecteurs potentiels, n’a certainement pas besoin de « hausser le ton »,
    d’avoir « le verbe haut » ni de « prises de bec » et autres « algarades ».
    Ce n’est pas le cas de tout le monde, de ces citoyens préssurisés,
    muselés et frustrés d’expression. 
    Un bref et vif échange d’injures n’a pas à être criminalisé au même titre
    que d’autres crimes commis dans la plus parfaite politesse apparente.
     



  • Solivo Solivo 1er avril 2010 15:11

    Merci pour l’article.

    Je suis sidéré par ces comportements, imaginez que ce couple doive faire ces courses chez un commerçant de quartier, régulierement, croyez vous qu’un tel irrespect se manifesterait de la part des clients ? Mieux, que ferait le commerçant  ?
    C’est donc tout autant cette attitude mercantile et irrespectueuse envers les employés de l’enseigne qui par son directeur ne donne pas tort à son client Roi, que ces clients qui, parce qu’ils payent, se croient supérieurs.
    Dérive du pouvoir de l’argent sur les consciences et la raison.
    Je consomme donc je suis
    Je paye donc j’ai droit.
    Sinistres cons.. omateurs.


    • cimonie raoul 1er avril 2010 17:05

      Je suis sidéré que l’on vous ait laissé vous afficher avec une cigarette aux lèvres !


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