lundi 7 août 2017 - par Monolecte

La règle et l’exception

Notre gros problème, c’est que nous avons la mémoire courte. Qui se souvient qu’il n’y a pas encore si longtemps, le repos du dimanche était la règle  ? Et qui se souvient que cette règle du repos dominical qui avait seulement 111 ans avait été accordée juste pour ne pas user trop vite le salariat au turbin  ?

 

« N’achetez pas mesdames, n’achetez pas,
Laissez-nous l’dimanche, dimanche,
Dimanche, Laissez-nous le dimanche,
Mesdames, n’achetez donc pas. »

Ils sont 3 000 employés, à Bordeaux, ce 28 février 1904 à reprendre leur chanson en chœur :
« Viens la foule,Viens donc manifester,
Plutôt que d’acheter. Viens en foule,
Viens, viens dire à ce pantin,
D’fermer le dimanche matin. »

Source : La reconquête du dimanche, Fakir, aout 2011

 

Bien sûr, toute règle a ses exceptions et, pour la plupart, elles sont pertinentes et justifiables. Ainsi, même au temps de sa gloire, le repos dominical connaissait un très grand nombre d’exceptions.

Ce qui caractérise l’exception, c’est précisément qu’elle ne soit pas la règle, c’est ce qui est hors de la règle commune, qui parait unique. Sauf que depuis 10 ans, le repos dominical est constamment attaqué dans son principe et que d’exceptionnelles, les ouvertures du dimanche et des jours fériés sont devenues habituelles.

Nous ne doutons pas que le bulldozer législatif de l’été aura tôt fait de faire du dimanche un jour travaillé comme un autre et d’éborgner plus que sérieusement la notion même de travail de nuit ou de repos hebdomadaire !

De l’exception à l’habituel

Par principe, je ne vais pas dans la société marchande le dimanche et les jours fériés. Le problème, c’est qu’à force d’un patient travail de sape, dont notre actuel roitelet a eu sa part, la possibilité maintenant de magasiner 7/7 jours existe et que quand quelque chose est accessible, on finit toujours par avoir une bonne raison d’y aller.
Dans mon cas, c’est parce que le matelas gonflable de l’invitée avait rendu l’âme dans la nuit du samedi au dimanche.

Me voilà donc à découvrir l’hypermarché du coin un dimanche matin… bondé de monde. J’arrive à la caisse, un peu vraiment honteuse d’être là et de participer à l’exploitation de la classe laborieuse dont je fais aussi partie et je m’en ouvre à la caissière.

— Mais c’est tous les dimanches comme cela ou c’est juste parce que ce sont les vacances  ?

— C’est mon premier dimanche, mais oui, pour ce que j’en sais, c’est tous les dimanches comme cela.

— Mais les gens n’ont pas assez de toute la semaine pour faire leurs courses  ?

— Faut croire que non… mais en fait, c’est surtout parce qu’ils s’ennuient chez eux et qu’ils ont pris l’habitude de se retrouver ici le dimanche matin.

— Super ! Et pour les gens qui sont obligés de venir travailler aujourd’hui, qui ont des frais en plus, ce n’est pas cool du tout !

— Mais non, c’est sur la base du volontariat et puis, le dimanche, ce sont des étudiants qui tiennent la caisse, ça leur rend bien service.

Vaguement dubitative malgré cet intéressant échange, je n’informe auprès de la caissière qui doit avoir à peu près mon âge.

— C’est cool, vu comme ça… vous étudiez quoi  ?

— Heu… bon, en fait, moi, ce n’est pas pareil, je viens d’arriver… alors, exceptionnellement, on m’a demandé de venir renforcer les effectifs par rapport à l’affluence…

 

Extension du domaine de l’exception

Ce qui est amusant, quand on y pense, c’est que pendant qu’on banalisait la consommation du dimanche, la démarche absolument inverse s’est appliquée à l’accessibilité aux services publics, pourtant autrement plus indispensables à la vie quotidienne de la population que la possibilité de pousser un caddie n’importe quand et n’importe comment.

Je ne me souviens plus très bien du moment où j’ai été informée de la première fermeture exceptionnelle d’accueil de la CAF de mon département. Entre 2012 et 2013, l’accès libre, qui était la norme, a été de plus en plus restreint et la prise de rendez-vous est devenue la règle exclusive en 2014. Bien sûr, cela a été présenté comme un progrès. Surtout grâce à la magie de la dématérialisation !

Si vous vous présentez à l’accueil sans rendez-vous, des outils en libre service restent à votre disposition : demande d’une attestation de paiement, dépôt ou retrait d’un formulaire, montant de vos prochains paiements…
Le conseiller d’accueil vous accompagne dans l’utilisation de la Borne ou du Caf.fr mais ne répond qu’aux questions générales et vous propose de prendre rendez-vous avec votre technicien conseil en cas de besoin.

Puis est arrivée la première fermeture exceptionnelle… et les suivantes.

 

À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels… c’est quelque chose de facile à comprendre. Je sais que dans d’autres CAF, les fermetures exceptionnelles ont commencé bien plus tôt et qu’elles sont à présent bien plus généralisées. On comprend tout à fait qu’une brusque augmentation d’activité produit une surcharge de travail. Pour la CAF, une dégradation des conditions sociales doit logiquement produire un engorgement des dossiers.

 

Quand le dysfonctionnement devient habituel, c’est qu’il n’est plus accidentel, conjoncturel, mais bien structurel et délibéré.

 

Que penser d’un engorgement récurrent  ? De la répétition des fermetures qui d’exceptionnelles deviennent habituelles  ? Que la situation sociale est nettement plus dégradée qu’on pourrait le penser  ? Les agents des services publics sociaux sont en première ligne et pourraient en témoigner. Mais n’est-ce pas aussi le résultat d’une politique délibérée qui est le plus grand plan social de notre pays et qui ne dit pas son nom : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux  ?

Autre mauvaise nouvelle pour la fonction publique, le non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite, confirmé ce mercredi par le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. « 570.000 départs à la retraite » (dans la fonction publique) sont prévus pendant le quinquennat. « Il ne s’agit pas de faire des ratios, 1 pour 2, 1 pour 3, 1 pour 4 ou 1 pour 1(…) mais on est dans une réorganisation en profondeur de notre administration dans ses objectifs et sa façon de travailler« , a-t-il expliqué.
Source : Point d’indice, non-remplacements… et carence : les fonctionnaires, premières victimes du quinquennat  ?

Les fermetures exceptionnelles des services publics engorgés par l’explosion de la demande et l’écrasement des moyens, tant humains que matériels, sont donc en passe de devenir la norme, le nouveau mode de fonctionnement normalisé. Avec de la casse à tous les étages, tant dans la population que dans les rangs des travailleurs sous la pression d’une organisation du travail qui ne vise plus que les économies de moyens et leur transfert vers les centres de profit, sans aucune considération pour la casse collatérale.



12 réactions


  • mmbbb 7 août 2017 10:55

    Pauvres fonctionnaires ! leur existence est trop dure Lire les articles de Rosemar . Quoi qu il en soit c est quand meme marrant de constater que la gauche n a cesse de vouloir casser les conventions sociales et qu elle s accroche tel un morpion a ce fameux dimanche Ce dimanche est avant tout reservé au catho pratiquant .


    • Sozenz 7 août 2017 13:34

      @mmbbb
      pensez vous qu il est bien que dans une famille , tous les membres de cette famille puissent se voir un même jour , ou que le travail , prime sur tout ?


    • mmbbb 7 août 2017 14:08

      @Sozenz je dis ceci par ironie Mais admettez ce paradoxe ! Je suis plutôt pour une famille unie évidemment et je ne suis pas un chantre de la famille décomposée recomposée . Je sais pas expérience que les enfants réussissent le mieux dans une famille structurée et il est certain que certain événement comme le repas en famille est un rituel bienfaiteur Je suis un hasbeen  Bon il est vrai que dans les familles monoparentales au disloquée qui n est plus désormais l’exception le probleme ne se pose pas


    • Sozenz 8 août 2017 02:43

      @mmbbb
      Bon il est vrai que dans les familles monoparentales au disloquée qui n est plus désormais l’exception le probleme ne se pose pas

      comment ?
      estimez vous que les familles mooparentales oui disloquées n ont pas le soucis d avoir des liens forts avec ce qui reste de leur famille ?

      quitte a ce qu’ une famille soit défoncée , la défoncer complétement ?
      pensez vous que les familles monoparentales ou disloquée n ont aucun ancrage ?


  • zygzornifle zygzornifle 7 août 2017 10:58

    moi qui vais faire mes courses en Italie car c’est meilleur et moins cher et j’en ai marre de régaler la grande distribution Française la bas les commerces sont ouverts le Dimanche et « Carrefoutre » est ouvert en non stop 24/24 Dimanche inclus , ça fait peur n’est ce pas et l’UE finira par mettre tous les autres pays au pas 24/24 .....


  • ZenZoe ZenZoe 7 août 2017 11:12

    Bonnes réflexions de l’auteur.
    Rappelons aussi que le repos dominical n’existe pas vraiment, et qu’il existe un nombre très important de gens qui bossent le dimanche. Pas seulement dans les hôpitaux, les commissariats, les casernes de pompiers, mais aussi dans les commerces, les restaurants, les musées, les hôtels,... La liste est beaucoup plus longue qu’on le pense. Alors arrêtons cette hypocrisie de défendre quelque chose qui n’existe pas.
    Et pourquoi trouverait-on juste qu’une serveuse travaille le dimanche et pas un postier par exemple ? Ceux qui défendent le repos dominical devraient être plus cohérents, et demander aussi la fermeture des musées, restaurants etc.


  • Yvance77 Yvance77 7 août 2017 12:49

    Ma vision est - et celle ne changera jamais - qu’il y a six jours dans le semaine pour le business, l’on peut très bien garder le septième pour soi, sa famille où pour ne rien branler ! Cela devrait être la règle commune.


    • Sozenz 7 août 2017 14:03

      @Yvance77
      c est la regle commune de toute façon .

      Article L 3132-1 du code du travail :

      « Il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. »

      donc voilà ...
       


  • La Voix De Ton Maître La Voix De Ton Maître 7 août 2017 16:49

    Les entreprises, les banques et l’état fonctionnent la main dans la main (Il suffit de regarder la construction européenne)

    Les entreprises espèrent augmenter le chiffre d’affaires puisque si le magasin est toujours ouvert, le client à tendance à moins faire des listes exhaustives de courses. Il peut toujours aller acheter le sel oublié quand il veut... et succomber à quelques achats d’impulsion en passant !
    Plus la démarche de l’achat est facile, plus le client dépense, c’est scientifiquement prouvé.
    Plus le client dépense plus il est incité à s’endetter. Les banques banques désespérées ne seront donc pas contre

    Pour les services publics, strictement identique, c’est un réserve potentielle de croissance. Le laisser-faire ou les restructurations/réorganisations de services qui finissent toujours sabotées vont, grâce aux médias qui pressurent une population déjà en colère à coup d’articles focalisant sur l’impuissance généralisée, ouvrir grand la porte à la privatisation des services publics. Cela se fera au bénéfice de nouveaux investisseurs, de leurs banques...

    Tout converge donc vers le sacro-saint taux de croissance. Celui qui diminue la charge de la dette, qui décide le taux d’emprunt de l’état auprès des marchés financiers, qui décide du taux sur le livret A...
    Dans ce système clos, il n’y a pas de miracles, uniquement des petits ajustements qui arrivent trop tard pour sauver quoique ce soit. Et si un jour tout se casse la figure, on nous imposera un nouveau Bretton-Woods sorti du chapeau. Aucune alternative disponible puisque nous en étions à discuter le sexe des anges ou occupés à aller acheter le sel oublié.


  • Nowhere Man 7 août 2017 22:07

    Les Bourses sont fermées le dimanche. Les banques aussi.


  • troletbuse troletbuse 7 août 2017 23:45

    Par principe, je n’ai jamais mis les pieds dans une grande surface le dimanche ou les jours fériés ;
    Les petits commerçants(boulanger, épiciers, bouchers) ouvrent le matin et ca suffit amplement. Malheureusement, ; le super-marché, surtout par mauvais temps, est devenu le lieu de promenade dominicale pour les sans-dents. Ainsi ils peuvent dépenser le pauvre billet qui leur reste en babioles et saloperies chinoises. Et quand tout le monde travaillera le dimanche, qui ira dans les magasins à part nos feignasses de politicards et les touristes ?


    • Le421... Refuznik !! Le421 8 août 2017 09:13

      @troletbuse
      C’est l’histoire de la poule aux œufs d’or, tout simplement.
      Pas de panique.
      Ils y ont pensé.
      Sinon, ça ferait belle lurette que tout le monde bosserais 7/7 J.
      A part les banques qui ne payent que les jours « ouvrés » !!
      Faut quand même pas déconner.
      On se mets le fric « au chaud » pendant le week-end...


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