jeudi 31 décembre 2009 - par Christian Delarue

Les résistances au modèle de l’entreprise dans l’Administration

Identité nationale sous tension et service public.

Les résistances au modèle de l’entreprise (privée) introduit dans l’Administration française néolibérale et son débouché possible.

Le statut des fonctionnaires et de la fonction publique ne cesse de subir des modifications depuis trente ans. Il subit les effets des mutations économiques et politiques qui affectent la société depuis le début des années 1980. Mais loin d’un matérialisme mécanique il faut voir que les mutations idéologiques préparent et accompagnent les transformations économiques et sociales. Autrement dit elles ne font pas que dissimuler des transformations en cours, elles les favorisent. Dans ce cadre là le droit a une fonction essentielle. Il est à la fois l’ instrument pratique d’une nouvelle régulation et l’idéologie juridique adaptée à cette nouvelle régulation.

L’essentiel de cette mutation jadis observée par Michel Foucault tient au fait que la société contemporaine est beaucoup plus régulée par la norme plus que par la loi. Il y a évidemment toujours des lois pour recomposer globalement les dispositifs de contrainte, les représentations et l’organisation des rapports sociaux dans la société civile et dans ses liens à l’Etat. Mais l’essentiel n’est pas là . Michel Miaille suivant plus Foucault que Weber et sa théorie de la domination rationelle-légale indique que la société moderne fonctionne à la discipline et non au droit, au contrôle et non à l’impératif catégorique. L’aboutissement de plus de 20 ans d’un tel fonctionnement se traduit par un passage de l’idéologie juridique à l’idéologie de l’efficacité. Cela s’est manifesté dans l’Administration et les services publics par la transformation des outils de commandements en outils de régulation et de management. Le statut est toujours là comme forme, comme coquille mais son contenu a changé. Il est moins protecteur. Rien d’étonnant puisque l’efficacité a plus vocation à exclure sur fond de compétition, de performance et de concurrentialisme que le droit. Le droit n’est pas systématiquement protecteur mais il peut aisément le devenir.Il ne l’est pas quand précisément il sert à généraliser la structure de l’échange là ou à priori ce n’est pas son terrain.
 
L’examen d’un corpus législatif en lien avec sa pratique montre souvent que certaines catégories sont protégées et pas d’autres. Prenez par exemple la situation des créanciers selon les différents droits de ce que l’on nommait jadis " la faillite des entreprises". Les lois sous le néolibéralisme ont servi à libérer l’action de certains acteurs sociaux en dans le même temps à faire sauter les protections des autres acteurs sociaux, en général positionnés autrement dans des rapport sociaux croisés : patrons, salariés, créanciers publics, créanciers privés... Regarder les avatars du code du travail dans le privé. Cf les écrits de M Filoche ( ). L’administration est-elle mieux épargnée par ce mouvement de "destruction créatrice" (sic) au profit des grands entrepreneurs ? Quelle légalité dans les services publics ? Danièle Loschak a démonté jadis le délitement du principe de légalité en cours dans l’administation  : "Le principe de légalité, mythes et mystifications" (AJDA 1981). Non seulement, la raison d’Etat demeure. L’acte de gouvernement en est le symbole. Depuis c’est la raison marchande et privatiste qui a pénétré les services publics . On essaie de simplifier la législation trop complexe mais cela n’améliore pas la légalité proprement dite.


La pratique administrative comme copie du monde du business ?

Mais au-delà du discours des juristes c’est la pratique administrative quotidienne qui réduit la légalité à une simple couverture idéologique. Dans le réel, il y a le déploiement de l’action administrative dans un cadre d’efficacité et ensuite son étiquetage juridique. D’abord l’action efficace ensuite le référencement et l’ajustement entre droit et fait. L’administration n’agit pas pour autant n’importe comment hors du droit. Elle bénéficie d’un droit qui de par sa mutation lui permet d’agir efficacement . Il faut ici remarquer, et c’est fondamental , c’est que l’Administration fonctionne largement comme une grosse entreprise privée sur la base de critères de rentabilité et d’efficacité. Largement ? Pas toujours certes mais quand même très largement.
 
Pourtant, l’Administration et les services publics sont producteurs de valeurs d’usage et de ce fait ils ne peuvent pas toujours s’intégrer dans une logique de valeur d’échange, celle qui spécifie le marché. En effet, l’Administration ne produit pas fondamentalement pour vendre, ni pour faire du profit. Mais la mutation réalisée a modifié ce principe d’action de l’Administration. De plus en plus elle fait "comme si". Le "comme si" fonctionne comme une "seconde nature". L’administration applique d’ailleurs en ce cas des règles de droit privé, telle le contrat plus que des règles de droit administratif tel que l’acte unilatéral. Cela mériterait bien des commentaires plus scientifiques : lire ici Jacques Caillosse. Mais chacun sait que le droit privé notamment le droit commercial, devenu droit des affaires, est un droit profondément inscrit dans la logique marchande, de son échange de biens et services via un prix à des clients . Qui dit client dit solvable ; et ce en vu d’un profit. Le marché ici colle à la logique capitaliste. La contamination privatiste-commercialiste est là, très puissante, même s’il y a des résistances importantes.


- La résistance à la logique marchande.


La résistance est aussi très forte chez les fonctionnaires de base (C, B, A de base) à ce mode de fonctionnement mis en place par la Haute administration. Cette dernière est même largement discréditée aux yeux de la base comme des vendus au transnationales. Les fonctionnaires de base ne sont pas nécessairement altermondialistes mais il y a chez eux une critique forte de la marchandisation-privatisation des services publics qu’ils adressent non seulement aux politiques mais aussi à la très haute hiérarchie dans la mesure ou elle fait le jeu du privé et se comporte comme le privé. Un fonctionnaire pour bien agir ne saurait copier un commerçant. Chacun son job ! Le fonctionnaire doit traiter les dossiers non rentables. D’ailleurs le privé lui prend les dossiers rentables selon le vieux principe de la socialisation des pertes et de la privation des bénéfices. Dans la même logique, le service public s’adresse à des usagers et non des clients, et donc d’abord à ceux qui ne sont pas solvable. Il rend service gratuitement à ces usagers-là ce qui est impossible pour l’entreprise privée de nature marchande (elle doit vendre) et capitaliste (elle doit faire du profit). Le service public ne vend pas même si la monnaie intervient dans un échange. C’est le système de tarification qui fait qu’il n’y a pas marché et échange marchand et pas plus profit capitaliste. La tarification réglementaire est un acte politique et non économico-marchand. Elle permet la gratuité et donc la satisfaction des besoins sociaux des populations dans un cadre d’égalisation lorsque s’y ajoute la péréquation tarifaire dans un cadre national et ou régional. Pour le fonctionnaire de base résistant à la logique marchande-capitaliste, l’intérêt général n’est pas le cache sexe de l’intérêt des entreprises privées et de leurs dirigeants qui eux profitent du marché. L’intérêt général est conçu comme celui qui porte sur la satisfaction directe en valeur d’usage de la population. Cette mentalité est encore forte surtout chez les fonctionnaires de base. Cette mentalité collective est porteuse d’espoir.


- Les fonctionnaires comme noyau dur du socialisme.


En ce sens les fonctionnaires de base sont les vecteurs avancés du socialisme qui fondamentalement fait la promotion de la valeur d’usage contre la valeur marchande. Le socialisme procède à une large extension des services publics sans détruire totalement le marché qui garde un champ d’activité pour tout ce qui n’est pas le plus nécessaire à la vie mais qui n’est pas pour autant nuisible. Cette détermination est nécessairement l’objet d’un grand débat démocratique qui prend en compte les questions écologiques, ce que l’on nomme l’alterdéveloppement. Par ailleurs, le socialisme ne saurait vivre que sous régime démocratique. L’histoire du siècle dernier montre qu’il n’y a pas de socialisme qui puisse durer sans démocratisation permanente des instances de la société (dans et hors l’entreprise) et de l’Etat (democratie délégataire des personnels et des usagers plus démocratie citoyenne directe pour les grandes orientations). Sur ce dernier point lire Ellen Meikins Wood et sa contribution dans Contretemps n°4 : "Redéfinir la démocratie".

Si le socialisme fait nécessairement une part prépondérante à l’économie non marchande alors le consentement à la fiscalité redistributive doit devenir massif. La démocratie fiscale est un aspect important du socialisme. Car ce qui signifie pleinement l’acceptation du socialisme c’est l’idée que tout humain doit vivre aisément sans souci des fins de mois mais pas richement. Ce principe d’humanité est supérieur à celui qui domine sous le capitalisme qui justifie lui la charité publique du revenu de misère. Pour le socialisme, chacun doit participer à la production de l’existence sociale via la RTT. Il ne saurait y avoir sous le socialisme, de division entre ceux qui travaille intensément avec gros salaires et ceux qui ne font rien avec le revenu caritatif social-démocrate. Ces principes guident l’action pour l’éco-socialisme pluriel.

Sans être exhaustif, il faut encore dire une résistance des fonctionnaires des services publics contre le rétrécissement de la couverture des services implantés sur les grandes villes puis au sein des grandes ville sur le centre-ville. Ici l’Etat néolibéral devance et accompagne le développement inégal et combiné du capitalisme. Le socialisme opère une dissémination de l’implantation sur le territoires en fonction des besoins des populations . Il opère en contresens du développement inégal du capitalisme, notamment de sa configuration néolibérale.
 
Le socialisme n’est vivable qu’en luttant contre le racisme et le sexisme. Le classisme et la marchandisation ne sont pas les seules dominations à combattre. Retenons ici la leçon de Philippe Corcuff et portons le fer contre toutes les dominations. La difficultés est qu’elles sont plus cachées que les simples rapports de pouvoir.

Christian Delarue

Pour un éco-socialisme pluriel sans racisme, ni sexisme.
http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article800
 


12 réactions


  • LOKERINO LOKERINO 31 décembre 2009 07:19

    En tournant un peu autour du pot et avec un discours pompeux , cautionné par quelque termes techniques, vous faites simplement l’éloge d’un système qui a largement été « testé » au cour du 20 siecle avec le ’succès" qu’on lui connaît et ses ravages humains

    Bien entendus , vous allez prétendre qu’il n’y a jamais eu véritablement de communisme.....


    • Christian Delarue Christian Delarue 31 décembre 2009 11:49

      Lokerino bjr,

      Je crois que le néo-socialisme n’a rien à voir avec le système du parti unique et la dictature d’un Staline, d’un Mao ou d’autres grand leader. Quasiment plus personne ne veut de cela . Le néo-socialisme plaide pour la démocratisation généralisée en complète contradiction avec le « communisme de caserne »


  • Kétamine 31 décembre 2009 10:48

    Le message est un peu alambiqué mais j’adhère à la logique du « non tout marchand ». Effectivement tout ne doit pas « vendable ». La dignité d’une société se mesure peut-être à cela. Dans Marianne 2 ce matin j’ai lu une nouvelle que je peux qualifier selon ma sensibilité de bonne : l’eau de Paris qui était gérée par le Privé va à nouveau être un service public municipal, Les bénéfices seront utilisés pour améliorer le réseau et sans doute que le prix de l’eau sera revu à la baisse, cela peut aussi être cela le Public bien géré. Public ne veut pas dire qu’il faut gaspiller, au contraire la gestion doit être rigoureuse et vertueuse (on peut rêver un peu pour le nouvel-an ?)
    Bonne année 2010


    • Christian Delarue Christian Delarue 31 décembre 2009 17:10

      Kétamine,
      Contre les firmes transnationales française imposons un service public national de l’eau.
      Avec péréquation tarifaire sur tout le territoire. Bonne idée.
      Bonne soirée.


  • Philippe D Philippe D 31 décembre 2009 12:03

    Eco-Socialisme...

    Eco-Dictature
    Eco-Consommation
    Eco-Fonctionnaires
    Eco-Economie
    Eco-Participation
    Eco-Redistribution
    Eco-Nivellement par la base
    ....

    Allez, récupérons l’idée à la mode pour tenter de vendre la même salade sous un nouvel emballage (Emballage recyclable et labellisé Eco-Compatible, of course)


  • chris chris 31 décembre 2009 13:12

    Quel fatras, quel gallimatias, voir quel gloubi boulga que tout ce charabia !
    On comprend vaguement où vous allez mais on a l’impression que vous avez construit vos phrases en jouant au scrabble et en plaçant quelques « mots compte triple » ici et là...

    Vous enfoncez quand même quelques portes ouvertes du genre « l’administration ne produit rien », etc ...
    Il n’est pas question de transformer les fonctionnaires en clones de salariés du secteur privé, mais il est simplement question de s’interroger sur l’efficience de l’action de l’Etat, cad se demander quel coût/efficacité il faut lui reconnaître.
    ça s’appelle la rationalisation des dépenses et ce n’est ni de droite ni de gauche.  

    Evidemment, quand on est un idéologue on croit aux vertus de l’idéologie, ce que vous faites, au mépris de toute réalité, le communisme ayant démontré à chaque fois ses échecs à travers l’histoire  


    • Christian Delarue Christian Delarue 31 décembre 2009 13:41

      Chris
      Vous êtes grossier comme bcp de ceux qui se cachent derrière un pseudo. Pas glorieux.
      Sachez que l’administration produit de la valeur d’usage, autrement dit des produits ou services directement utiles à la population sans filtre de solvabilité marchande.
      bonne soirée cpdt


    • Christian Delarue Christian Delarue 31 décembre 2009 23:12

      "La culture du travail n’y est pas fameuse« . Qu’est ce que la »culture du travail«  ? Je ne suis pas du tout sûr d’apprécier positivement cette notion si elle signifie »travailler plus, plus vite pour éviter des embauches nouvelles« . Excusez mon laconisme vu le jour et l’heure de ce post.

      Les services publics sont efficace mais il ne traitent plus toutes leurs missions. L’efficacité est réduite faute de moyen.

      Ignore vous que depuis 1989 - réforme Rocard - le service public ne cesse d’être »remis en question" . De rapport en réforme ce n’est jamais assez . Tjrs plus de performance, de qualité, de quantité. En l’espèce les gouvernements de gauche ont précédés ceux de droite qui n’ont fait qu’enfoncer le clou . Il y a plus de harcèlement dans le public que dans le privé !.Il faut une autre gauche que celle du PS pour combattre la droite.

      Bonne soirée monsieur.


  • tvargentine.com lerma 1er janvier 2010 01:07

    Encore un article à d’AGORAVOX : sectaire

    Décidement c’est de pire en pire,et espèrons que l’Etat ne va pas accorder de subvention à ce type de site qui se prétend citoyen mais qui est sectaire et qui ne véhicule que des idées sectaires et réactionnaires d’une autre époque

    Oui,il faut des réformes dans l’administration et oui,il faut des résultats dans l’administration ,car dans SERVICE PUBLIC il y a SERVICE et PUBLIC et vous êtes donc prestataire de services des citoyens


    bonne année 2010

    http://www.tvargentine.com


    • Christian Delarue Christian Delarue 4 février 2010 00:43
      Service public et néolibéralisme.
       
      C’est dans les entreprises publiques et les services publics que se voit le mieux le travail du néolibéralisme.
       
      Dans les administrations publiques on est passé d’un discours empreint de juridisme à un discours économiste. Le fonctionnaire a profil administratif est devenu manager et même « patron ». Il voit dans les usagers des clients. Du coup au lieu de satisfaire des besoins sociaux il se préoccupe de la solvabilité des demandeurs. Point d’argent point de service ! Un critère d’exclusion typique du monde marchand est introduit massivement dans les administrations et les services publics. Plus fondamentalement, il applique non seulment les recettes de stages sur le bon management humain mais aussi et surtout une normativité qui relève d’abord de la rentabilité, de la performance issue du monde marchand et capitaliste . Cela fonctionne d’autant plus facilement que les privatisations ont peu peu placé les services publics dans le champ de l’économie marchande.
       
      Deux mots sur le néolibéralisme . Il n’est pas seulement défini par cette extension de la sphère marchande issue des politiques de privatisation et de marchandisation. C’est certes une dimension importante mais pas la seule. Ce qui le caractérise, notemment par rapport au libéralisme classique, c’est l’introduction d’une normativité marchande là ou la logique marchande est absente. Ce propos implique une différentiation sur ce que l’on nomme le capitalisme . Le capitalisme au plan institutionnel productif et distributif ne recouvre pas toute la société puisqu’il y a des institutions politiques non marchandes comme la Sécurité sociale, les services publics, le statut du fonctionnaire, etc. De ce point de vue il est faux de parler de système capitaliste. Il s’agit seulement d’un capitalisme dominant. Par contre la rationalité capitaliste tend à recouvrir toute la société. Peu de lieux échappent à la logique marchande. C’est cela la marque propre du néolibéralsme. En ce sens on peut dire que le système capitaliste recouvre toute la société y compris ce qui semble le plus éloigné de lui tel la famille « travaillée » sous de multiples logiques capitalistes allant du licenciement au travailler plus, etc.
       
      Dans ce cadre le droit n’intervient que comme procédé de légitimation, de mise forme. L’intervention du droit n’est pas sans opérer au passage des modifications. Il n’est pas neutre. Les juristes ont des contraintes d’accrochage du nouveau à l’ancien. Il doivent faire avec les pesanteurs du droit existant encodé. Mais ce que l’on nomme les libérlisations ont eu pour effet de casser peu à peu ces rigidités. Les libéralisations venant de l’OMC ou de l’Union européenne ou des néolibéraux français ont mis plusieurs années pour déconstruire le droit social antérieur conçu comme mixte de règles favorables au capital et de règles favorable au monde du travail.


  • Christian Delarue Christian Delarue 1er janvier 2010 12:54

    Lerma vous faites semblant d’ignorer que le service public subit des réformes de gauche et de droite depuis 20 ans et qui vont quasiment toutes dans le même sens : moins de service public, moins de personnels, moins de mission, plus de mise sous tension des personnels avec un management issu du privé.

    Laissez donc Agoravox et mes textes car le jour ou il n’y aura que des textes sarkozystes alors il n’y aura plus de pluralisme. Subventionner les sites et les associations soumises voilà bien une initiative sarkozyste ou disons venant de ceux qui ont le pouvoir et qui veulent soumettre la société à leur désir.

    Le réactionnaire n’est visiblement pas celui qu’on croit !


  • Christian Delarue Christian Delarue 15 février 2010 01:55

    Le réformisme radical pour le travail.

    Cette orientation dite réformiste radicale vaut pour les très grandes entreprises qui mettent en place une forte division technique et socio-professionnelle des postes et des fonctions. Cette orientation s’oppose à la fois aux anarchistes qui plébiscitent l’organisation horizontale du travail (positive mais qui n’est applicable que dans les petites unités de production) et le management moderne qui lui milite pour le mérite et la compétence appréciée par le patron en interne, dans l’entreprise, selon des critères variables qui échappent assez peu à l’arbitraire et donc qui délégitime l’autorité.

    *Une nouvelle configuration productive.


    Elle suppose de nouvelles normes pour démarchandiser le travail, pour desserrer l’emprise de l’exploitation de la force de travail.

    Ce management s’appuie en plus sur les logiques marchandes et financières pour élargir considérablement les écarts de revenus ce qui abouti à avoir en-haut des très riches mais aussi en-bas des très pauvres. Un écart de revenus moindre fondé sur la distribution méritocratique républicaine donne des moins pauvres et des moins riches et donc une société plus en cohésion. Lorsque l’on ne prend pas pour base le système méritocratique républicain fondé sur la légitimité rationnelle-légale pour l’attribution des individus qualifiés sur les postes de la division technico-sociale du travail on en vient à défendre le mérite arbitraire et la compétence arbitraire. La question des revenus étant laissée aux marchés.

    Les bases du réformisme radical du travail sont la norme selon laquelle nul n’est exempt - sauf jeunes à scolariser et les handicapés - de *participer à la production de l’existence sociale.* Tous et toutes, hommes et femmes doivent y participer. Cela signifie engager une campagne nationale et européenne de RTT pour donner du travail à chacun et à tous. Cela va évidemment à l’encontre de la dualité capitaliste du travail qui met d’un côté des chômeurs et de l’autre des travailleurs en surcharge de travail. Parler de dualité simplifie la réalité du travail aujourd’hui qui montre l’existence d’un troisième catégorie avec le précariat sous toutes ses formes. Le système capitaliste pousse en même temps vers le chômage et vers les bas salaires généralisés.

    Il faut sans doute rompre avec l’institution de la *polyvalence généralisée *qui a visé à faire des économies d’embauche plus qu’à enrichir le travail. Il s’agit alors de faire en sorte que des postes soient dégagés dans chaque unité pour recevoir les travailleurs les moins qualifiés. En ce sens l’abandon de la catégorie D et celle programmée de la C dans les administrations n’est pas une bonne idée. Il faut aussi revaloriser le SMIC et l’indexer sur l’évolution des prix . Une grille de carrière devrait être négociée dans chaque branche pour permettre aux travailleur(se)s de décoller du SMIC. Par ailleurs la RTT doit etre plus forte vers les 28 heures au lieu des 32 heures là ou le travail est intensif ou pénible (travail de nuit, travail dehors, travail monotone et répétitif).


    Cette ensemble de mesures vise à abattre *la « théorie » du travailleur « fainéant »* trop bien présente chez les managers et les petits patrons. Les hypothèses implicites sur la nature humaine par les dirigeants sont selon Douglas Mc Grégor :
    - L’individu moyen éprouve une aversion innée pour le travail, qu’il fera tout pour éviter.
    - A cause de cette aversion caractéristique à l’égard du travail, les individus doivent être contraints, contrôlés, dirigés, menacés de sanction, si l’on veut qu’ils fournissent les efforts nécessaires à la réalisation des objectifs organisationnels.
    - L’individu moyen préfère être dirigé, désire éviter les responsabilités, a relativement peu d’ambition, recherche la sécurité avant tout.
    Ces lignes sont rapportées par Philippe Bernoux in La sociologie des organisations qui signale que cette théorie justifie l’autoritarisme patronal qui sévit encore dans les entreprises privées orientées vers la recherche maximale du profit mais aussi sous l’influence du néolibéralisme dans les entreprises publiques et les administrations privées.

    La politique réformiste radicale du travail ci-dessus dessinée n’est pas soutenue par les syndicats qui parlent peu de la RTT car ils la voit comme contraire à l’augmentation des salaires. Pour cela il faut défendre massivement la baisse des revenus des hauts revenus et l’augmentation des revenus des moins de 3000 euros par mois.

    * Au-dela de cette politique.

    Contre le néolibéralisme un rééquilibrage vers plus de service public et moins de secteur privé marchand est à promouvoir. Cela signifie valoriser le *travail pour la production de valeur d’usage* face au travail producteur de valeur d’échange. Il s’agit donc via l’impôt de construire une économie non marchande. Les besoins sont réels pour satisfaire sans passer par le prisme de la rentabilité et de la solvabilité les besoins sociaux en matière de logement, de scolarité, de santé, d’énergie, de transport, d’eau, de communication,etc.

    Toute cette poltique est fondée sur le partage des richesses et donc sur la ponction par l’impôts des riches à commencer par les financiers qui sont les plus gros prédateurs. On ne saurait parler de cohésion sociale avec de tels écarts de revenus et des travailleurs aussi fragilisés aux fins d’accroissement des profits. Profit qui partent vers la bulle financière et l’oligarchie financière mais pas vers les investissements productifs utiles ni vers les salaires qui ne cessent de baisser depuis 20 ans dans quasiment tous les pays (lire ici Michel Husson site hussonnet).

    CD


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