vendredi 25 octobre 2013 - par Eric Fontaine

Les salariés de Carrefour City, sur les traces de Sephora ?

En octobre 2013, le Carrefour City de la gare Saint-Lazare a fait l’objet d’une condamnation pour ouverture le dimanche et ouverture de nuit. Travail dominical ou nocturne, la polémique prend de l’ampleur en France… et la condamnation des commerces, peuvent s’interpréter comme de véritables sanctions à l’embauche. Ce que les salariés, les consommateurs et nombre de citoyens peinent à comprendre.

L’automne 2013 a été marqué par les débats autour du travail la nuit et le dimanche. L’ébullition médiatique avait commencé, on s’en souvient, avec l’affaire Bricorama il y a près d’un an de cela. « Depuis le 4 novembre [2012], et une décision de la justice saisie par le syndicat FO, Bricorama ne peut plus ouvrir le dimanche », rapportait notamment Le Figaro. À l’époque, le débat se structurait doucement, pour finir par revêtir le tour qu’on lui connaît aujourd’hui. Mais ce n’est qu’avec des affaires plus médiatiques que ce sujet est devenu une véritable polémique pour tout un chacun, à commencer par les salariés.

Fermeture du Séphora Champs-Élysées en soirée, ou la fin d’une institution

Des années durant sa vitrine a fait partie du concert d’illumination qui se joue chaque soir sur les Champs-Élysées. Des générations de jeunes filles sont venues y « tester » un produit à la dernière minute avant de s’en aller danser dans les clubs. Mais en automne 2013, cette institution de la vie nocturne parisienne s’est vue contrainte de mettre un terme aux ouvertures tardives. « Nous avons gagné sur toute la ligne », a commenté, dans les colonnes du Point, Karl Ghazi du Comité de liaison intersyndicale du commerce de Paris (Clic-P), « Sephora est condamné par la Cour d’appel de Paris à fermer à 21heures […] sous astreinte de 80 000 par infraction constatée et par salarié ».

Problème : cette décision de justice est loin d’être une avancée pour tout le monde. L’enseigne, tout d’abord, n’a ainsi pas manqué de souligner que les salariés de son magasin amiral travaillaient de nuit bien avant 2001 et la loi encadrant le travail nocturne. Les salariés, surtout, ont fait part de leur inquiétude. « On se demande comment on va finir le mois », explique l’un d’entre eux au micro de France Télévision. « On a envie de travailler le soir », avance une autre employée, « on l’a choisi, c’est volontaire, ce n’est pas forcé ». Leur condition n’aura pas suscité beaucoup d’émoi, puisqu’un certain nombre d’entre eux ont du réorganiser leur temps de travail en fonction des injonctions judiciaires.

Inévitable, la fermeture de Séphora n’est toutefois pas un évènement anodin dans le débat sur le travail nocturne et dominical. Car la fermeture nocturne de cette célèbre enseigne de l’Avenue des Champs-Élysées est un vrai changement dans le paysage parisien. Elle a donc permis à tout le monde de prendre conscience d’une législation tellement complexe qu’elle apparait absurde avec des inégalités de traitement en fonction des zones et des secteurs d’activité. Depuis en effet, l’actualité française vit au rythme des fermetures d’enseignes « hors la loi » et des complaintes de salariés qui comptait jusque-là sur le travail nocturne ou dominical.

Des Champs-Élysées à la gare Saint-Lazare : des lieux parisiens emblématique ciblés

En octobre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a également condamné à la fermeture dominicale et en soirée le Carrefour City de la gare Saint-Lazare. « Les premières victimes de la menace de fermeture qui pèse sur mon magasin sont précisément les salariés que j’emploie ce jour-là », écrivait Franck Palizzotto dans une tribune publiée sur Économie Matin suite à son assignation en justice par l’intersyndicale Clic-P. « Un tiers des 33 salariés en CDI qui travaillent au Carrefour City de Saint-Lazare sont des étudiants qui n’ont que les week-ends pour travailler et financer leurs études », explique le patron de cette boutique située en plein cœur de cette gare parisienne. Un discours qui ressemble fort à celui entendu depuis le Séphora des Champs-Élysées. Pourtant, on trouve peu de produits cosmétiques, mais surtout des casse-croutes dans le Carrefour City de la gare Saint Lazare.

« Mes clients sont des voyageurs qui rentrent de week-end, d’autres sont des travailleurs du dimanche : des infirmières, des ambulanciers, des gendarmes, des pompiers, des ouvriers d’usine qui font les 3/8 tous les jours de la semaine. Au nom de quel principe les empêcher de trouver un magasin ouvert le dimanche pour se ravitailler ? » L’incompréhension du commerçant parisien est d’autant plus palpable que certaines grandes surfaces ont, elles, l’autorisation d’ouvrir. C’est le cas d’Aeroville, un centre commercial géant situé à Roissy à proximité de l’aéroport. Quant aux salariés de Carrefour City de Saint Lazare, les sentiments oscillent entre exaspération et injustice car à chaque nouvelle sentence administrative, ils voient leur source de revenus s’envoler alors qu’ils sont volontaires pour travailler. L’une des employés invoquait récemment le principe de liberté : « au nom de quel principe, autre qu’une loi du siècle dernier, m’empêcherait-on de travailler ! » Les salariés ont donc « pris l’initiative de se battre contre cette décision » début octobre 2013. « Le gérant n’est pas associé à ce recours », a affirmé à L’Expansion Sonia Benhadj, employée résolue du Carrefour City Saint-Lazare. Autre point de vue, celui du président de la SNCF G. Pepy qui a pris l’initiative de contacter Jean Paul Bailly en charge d’une mission de réflexion pour le gouvernement sur l’ouverture du dimanche. Il demande que les gares soient traitées comme les aéroports qui ont l’autorisation d’ouvrir les commerces du dimanche. Selon le patron des cheminots la question n’est pas seulement commerciale car la présence de commerçants a également un impact en matière de sécurité.

En outre, le Carrefour City de la gare Saint-Lazare n’est pas le premier à faire l’objet d’une condamnation pour ouverture dominicale après 13 heures. En avril 2012 déjà, trois magasins de la ville de Marseille étaient déjà condamnés à la fermeture dans des modalités similaires. Une condamnation assortie d’une injonction à s’acquitter d’une astreinte de « 600 euros par dimanche et par salarié en cas de nouvelle infraction qui serait constatée », expliquait alors Le Parisien. La polémique n’a donc rien de nouveau. Mais elle est indéniablement devenue très médiatique à mesure qu’elle s’est rapprochée de la capitale et de ses environs. Aussi y a-t-il fort à parier qu’à Paris comme ailleurs, les salariés qui en ont fait les frais connaissent désormais parfaitement le sujet et ses implications sociales.

 

Ce problème du travail du dimanche et du soir suscite bien des interrogations. Dans une période de chômage endémique la situation parait en effet absurde : des syndicats qui ne représentent guère que 5 à 7% de la population active du secteur privé se targuent de …supprimer des emplois sur la base de l’application d’une loi vieille de plus de 100 ans ! Pourquoi, ces organisations s’évertuent-elles à se décrédibiliser à ce point en se cabrant sur une thématique de peu d’intérêt alors qu’en période de crise les salariés, touchés de plein fouet, ont besoin de syndicats forts et légitimes ?



12 réactions


  • La mouche du coche La mouche du coche 25 octobre 2013 09:30

    Article ultra-libéral que l’on peut éviter de lire, sauf si on fréquente le milieu ultra-libéral et qu’on est à la recherche de chose à dire pour la conversation.


  • jako jako 25 octobre 2013 09:58

    C’est vrai que les syndicats en france ne sont guère re-présentatifs comme aux states ou en germany. Il faudrait rendre l’adhésion obligatoire


  • unandeja 25 octobre 2013 10:30

    Grand débat que l’ouverture le dimanche ou le soir...Je ne suis pas pour une généralisation de ces ouvertures tardives ou dominicales....mais sur les champs elysées, l’avenue touristique la + importante de France et du monde, c’est pour moi une hérésie que ces fermetures.
    Pour carrefour city à Saint Lazarre, idem, il s’agit d’une gare majeure de Paris avec des gens qui travaillent tard. Il y a un réel besoin, après libres aux salariés d’accepter ou non le contrat de travail qu’on leur propose (généralement on est informé dès l’embauche des horaires de travail).

    En fermant les enseignes le soir, où les étudiants parisiens vont-ils pouvoir bosser pour financer leurs études ?? serveurs dans un bar jusque 3h du mat ?....si j’avais eu le choix, le préfère bosser à carrefour market que serveur :/

    Cela soulève aussi l’effet néfaste des syndicats et aussi leur totale non représentativité.

    Pour reprendre l’exemple sephora. L’argument était qu’il n’y avait plus de vie de famille...je trouve cet argument fallacieux car il faut savoir qu’ils ont droit à double durée de récupération....ça veut dire 2 fios + de temps en famille !


    • foufouille foufouille 25 octobre 2013 11:10

      "Il y a un réel besoin, après libres aux salariés d’accepter ou non le contrat de travail qu’on leur propose (généralement on est informé dès l’embauche des horaires de travail)."

      libre serait le cas avec le plein emploi


    • unandeja 25 octobre 2013 13:05

      Ce que je sais c’est qu’à SEPHORA la TOTALITE des salariés demandé à pouvoir bosser le soir.

      Ce que je sais c’est qu’au Bricorama de ma ville, les salariés sont venus me chercher pour me dire qu’ils voulaient bosser le dimanche.

      Ce que je sais c’est que ces salariés Carrefour market dont parle l’article veulent bosser le soir, alors même que le gérant du magasin ne s’est pas joint à leur réclamation.

      Si je suis célibataire je préfère peut être bosser le dimanche et gagner ++ pour pouvoir me promener en semaine, profiter des musées avec moins de monde dedans...etc.

      La question principale est de savoir que que veulent les salariés.....et les crétins de syndicalistes ne se renseignent même pas avant de porter leur plaintes juteuses pour eux....


    • cevennevive cevennevive 25 octobre 2013 13:35

      Bonjour unandeja,


      Ce que je sais également, c’est que ma fille cadette n’aurait pas pu faire d’études sans le travail du soir ou du week-end qu’elle faisait chez SEPHORA à Nîmes.

      Moi-même (il y a longtemps...) je n’aurais pas pu faire d’études si je n’avais pas trouvé un job à la fois dans une parfumerie et dans un salon de coiffure.

      Dommage pour les étudiants (es) qui pouvaient ainsi assister à leurs cours et gagner leur vie le soir ou le week-end.

      Il n’y a pas que des gosses de riche chez les étudiants. Et les bourses d’études ne suffisent pas.

      Bien vu unandeja, il fallait que ce fût dit.

    • jaja jaja 25 octobre 2013 16:48

      E il n’y a pas que des gosses de riches à la caisse de mon Franprix le dimanche où bien sûr je ne mets jamais les pieds le dimanche...

      Pas que des volontaires non plus... comme chez ces caissières d’Albertville qui se sont battues et ont fait grève deux ans pour ne pas être obligées de travailler le dimanche...

      http://www.bastamag.net/article1694.html


  • Yohan Yohan 25 octobre 2013 10:45

    1ère préoccupation du GVT, créer des taxes

    2ème préoccupation du GVT, emmerder les employeurs
    3ème préoccupation du GVT détruire l’emploi
    4ème préoccupation du GVT, faire plaisir à ses militants fonctionnaires.
    La preuve ? « la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires » si ça c’est pas du clientélisme, alors inutile de poursuivre la discussion...

  • cevennevive cevennevive 25 octobre 2013 13:53

    Bonjour à tous,


    Je trouve que ce débat est vain. Travailler le dimanche, le samedi ou les jours fériés, qu’est-ce que cela change ?

    Il y a des milliers d’employés qui vivent ainsi depuis des années (Ambulances, taxis, hôpitaux, prisons, maisons de retraites ou d’enfants, hôtel, restaurants, bars, boulangers, pâtissiers, etc...)

    Ces employés là ont d’autres jours de congès, voilà tout.

    Et ne me dites pas que la vie de famille est perturbée. Elle l’est de toute façon lorsque nous les femmes, sommes salariées. Quelle est l’employée qui aurait les mêmes horaires que ses enfants ? Cela existe-t-il en dehors des enseignants ?

    La vie de famille est certainement bien plus perturbée lorsqu’il y a le chômage, la précarité et l’impossibilité de loger convenablement enfants et parents.

    Pourquoi, si certains veulent travailler, les en empêcher par des lois restrictives ?

    Dites-moi, êtes-vous obligés d’aller dans ces magasins le dimanche si cela ne vous convient pas ? Etes-vous obligés d’aller y consommer ? 

    Si pour vous le dimanche est « le jour du Seigneur » il y a aussi le samedi ou le vendredi pour d’autres religions.

    Ce débat est vain vous dis-je. Et pourtant, je suis une femme de gauche. Ne vaudrait-il pas mieux se préoccuper de salaires, de conditions de travail, de retraites décentes, d’hôpitaux bien pourvu en personnel, etc ?

    Salut à tous !

  • Robert GIL ROBERT GIL 25 octobre 2013 17:42

    Le Medef et ses divers relais se sont trouvés un nouveau combat : la liberté du travail. On a droit à un beau florilège d’arguments, de l’évolution sociétale à la défense intégriste de la liberté individuelle de travailler comme on veut et quand on veut...sauf que dans le choix de ses horaires ou de ces jours de travail, le salariés n’a pas son mot a dire !

    voir : APRES LE COUT DU TRAVAIL, VOICI LA LIBERTE DU TRAVAIL…


  • Yohan Yohan 25 octobre 2013 20:04

    Tonamarius préfère la France au chômage, sans emploi....c’est clair. le pire pour lui, c’est qu’il risque de gagner smiley


  • cevennevive cevennevive 26 octobre 2013 11:37

    Tonimarius, bonjour,


    Là où vous faites erreur, c’est de ne voir que la grande distribution, le grand magasin à succursales, les galeries marchandes, dans ce problème de travail du dimanche et des jours fériés.

    Bien entendu, ces commerces sont des énormes non sens à eux seuls.

    Mais il existe de petits commerçants, de petits artisans, des étudiants, des retraités qui doivent augmenter leurs revenus par quelques heures dans ces grands magasins haïssables justement.

    Les agriculteurs travaillent dimanche et jours fériés, eux aussi.

    Il n’y a pas que les grands magasins en France, il y a aussi toutes sortes de gagne-petit qui n’ont que faire de la réglementation sur le travail du dimanche.

    Dans la province profonde, il n’y a pas de grands magasins, il y a des petits commerçants qui passent en voiture vous vendre leur pain, leur viande, quel que soit le jour de la semaine. Il y a les marchés de quartier. Il y a le petit plombier ou l’électricien qui vient justement le week-end travailler chez vous parce que vous êtes présent, le petit maçon qui veut finir un chantier et dont les deux ou trois salariés sont bien contents de pouvoir travailler, dimanche ou non.

    Alors, essayez de comprendre qu’il vaudrait mieux s’occuper des vrais problèmes concernant les lois sur le travail. Durant le temps que nous nous disputons sur ce non problème, nous occultons la précarité, les petits salaires, les CDD de trois ou quatre heures par semaine qui font des chômeurs en moins sur les statistiques, mais qui font plus de pauvres.

    Voilà les paroles de la personne de gauche.

    Puis j’ajoute que, si unandeja me dit qu’à midi il fait jour, bien qu’il (ou elle) soit éventuellement du FN, je ne peux que l’approuver... Comme j’approuve parfois les commentaires de Rocla ou de Yohan, et désapprouve parfois aussi, ceux de Soleil ou les vôtres. Je ne puis faire chorus bêtement avec ma famille politique si elle se trompe sur certains points. A mon âge, je puis me permettre de apartés...

    Bonne journée Tonimarius.

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