Un gigantesque bidonville en croissance
Si l’on mettait ensemble tous les habitants de tous les bidonvilles du monde, cela ferait une ville de plus d’un milliard d’habitants. Pour chaque groupe de 100 personnes, 16 vivent dans un bidonville. Et ce n’est pas fini, si rien n’est fait.
L’accélération, ou plutôt l’explosion de l’urbanisation, s’est surtout produite, on s’en doute, dans les pays du Sud . En 1950, 60% des citadins vivaient dans les pays riches. En 2000, ils n’étaient plus que 29%.
Un phénomène caractérise cette progression fulgurante de l’urbanisation dans le monde : l’apparition de villes gigantesques, les mégalopoles.
Dans la plupart des pays en développement, on assiste au gonflement démesuré d’une ou deux villes qui attirent les populations rurales demeurées très pauvres parce qu’en dehors des circuits commerciaux internationaux qui ont donné naissance à ces villes.
Le dumping de produits agricoles en provenance de l’étranger accentue la dichotomie entre les mégalopoles du Sud et le reste du territoire. Un double phénomène s’ensuit : les campagnes sont incapables de développer un secteur agricole qui devrait, en théorie, nourrir les populations urbaines, tandis que celles-ci vivent de plus en plus une situation de très grande précarité d’emploi.
Les bidonvilles sont le produit de ce double phénomène. Plus les campagnes s’appauvrissent, plus les villes gonflent. Plus les villes gonflent, plus le nombre des sans-emploi augmente. Nécessité faisant loi, ces sans-emploi bricolent, avec des matériaux récupérés, des abris de fortune qui tiennent comme par miracle.
Si l’on se fie aux statistiques, hormis en Afrique, où « la majorité des citadins sont largement condamnés à vivre dans la pauvreté et dans des conditions environnementales pauvres », révélait en 2005 Anna Tibaijuka, chef du Centre des Nations-unies sur les établissements humains (UN-Habitat, basé à Nairobi), les urbains seraient en meilleure situation que les ruraux.
Le problème, avec les statistiques, c’est qu’elles indiquent en fait une plus grande monétarisation des échanges dans laquelle les ruraux sont perdants puisqu’une plus grande proportion de ceux-ci ont des revenus à peu près inexistants.
Or, même si la monnaie y circule davantage que dans les campagnes, les pauvres n’en représentent pas moins la moitié de la population urbaine dans les pays en voie de développement, et le monde continue de s’urbaniser à un rythme accéléré.
Pire, « la civilisation urbaine est productrice d’exclusion, du fait du contexte économique et politique mondial » (Association internationale de techniciens, experts et chercheurs , Note de cadrage pour le quatrième Forum international sur la pauvreté urbaine (FIPU) organisé à Marrakech du 16 au 19 octobre 2001).
Les bidonvilles sont la face la plus visible d’un phénomène de « ségrégation spatiale et sociale à grande échelle » qui va en s’accentuant à mesure que les villes du Sud grossissent.
La mégapolisation désarticule la ville traditionnelle et tend à exclure des pans entiers de la population urbaine, des services, du logement normé, des transports publics, de l’urbanité. AITEC. Note de cadrage.Pour contrer ce phénomène, il faut miser sur des contre-tendances inclusives. Cela peut aller de la création d’un milieu de vie plus sain (rendre l’eau potable, assainir les lieux, ramasser, traiter les ordures ménagères...) à l’amélioration des opportunités de sortie de la pauvreté par l’éducation, la santé, la sécurité alimentaire.
Si, en outre, on amélirore les transports, les communications, l’accès à une énergie domestique et la sûreté, on aura mis en place ce qu’il faut pour contrer le phénomène d’exclusion sociale qui caractérise la croissance des villes.
Tout un chantier en perspective, mais avons-nous vraiment le luxe de ne rien faire ?