mercredi 6 mai 2009 - par
HADOPI : poussons (un peu) l’analyse
C’est toujours drôle de voir nos hommes et femmes politiques exposer leur incompétence quand on leur demande ce qu’est le « peer-to-peer », le « streaming » ou le « web 2.0 ». C’est affligeant de voir la désinformation de la communication au publique, la démarche politique ainsi que l’indigence et la médiocrité de l’offre. Mais, dans ce tumulte où chacun campe sur ses positions plus ou moins morales, pour des raisons plus ou moins avouées, je souhaite évoquer ici deux sujets de réflexions jamais abordés dans le débat, et pourtant, à mes yeux, cruciaux pour vraiment appréhender toute la problématique posé par l’art sur internet. Bien sûr, c’est technique, alors accrochez-vous !
Tout le monde a pu constater les progrès faramineux opérés par la technologie ses vingt dernières années, en particulier dans le domaine de l’informatique, qui est, je le rappelle pour mémoire la science du traitement automatisé de l’information. Ce progrès a également prévalu pour l’audio-visuel, qui est passé de l’analogique au numérique, donc à l’informatique ; le grand public le connaît bien avec les lecteurs MP3, les appareils photo numériques dédiés ou associés aux téléphones par exemple et les caméscopes qui sont passés au HD depuis peu. On peu facilement imaginer que les ces progrès ont aussi été effectués dans le domaine de l’audio-visuel professionnelle et je vous le confirme. Ainsi tout le monde en a tiré bénéfice : les majors dépensent moins, même pour les productions fastueuses, de nombreux artistes ne travaille plus que chez eux (le concept de home-studio) ou comme Michael Moore, avec juste une caméra à l’épaule et même tout un chacun peu réaliser des œuvres numériques, techniquement de très bonnes qualités, pour un budget très raisonnable. Pour vous donner un ordre de grandeur, en vingt ans, les coûts ont été divisés par dix pour les productions les plus modestes et par plus de mille pour les plus grosses. Relativisons néanmoins ce constat : il y a vingt ans, Rita Mistouko réalisait son premier album, phénomène commercial, sur un huit piste quart de pouce pour un coût dérisoire, par exemple ; alors qu’aujourd’hui l’industrie du cinéma exploite ces baisses des coûts pour rajouter toujours et encore plus d’effets et de trucages.
Cela arrange tout le monde … sauf les éditeurs phonographiques. En effet, la musique, qui était déjà l’expression artistique la plus populaire, a trouvé dans cette révolution technologique une opportunité sans précédant, mettant la production professionnelle à la portée de tout créateur. Donc, les industriels qui alors étaient indispensables car ils apportaient les budgets nécessaires pour faire des productions d’une qualité commercialisable, sont aujourd’hui inutiles, se contentant d’acheter des droits de reproduction et faisant faire la duplication physique par de vrais industriels, avec des machines.
Mais, dans les fait, ces industriels du divertissement détiennent encore le contrôle sur un pan du commerce des œuvres audio-visuelles, parce qu’ils l’ont arrangé ainsi, et c’est pourquoi tant « d’artistes gros vendeurs » restent chez eux. C’est la distribution, et internet menace ce monopole, d’où HADOPI. Exemples de menace : MySpace Music, AcidPanet, etc.

La seconde problématique est à la limite de la science, de la technique et de la philosophie. Seuls quelques informaticiens théoriciens universitaires la maîtrisent. Je l’appelle la valorisation de l’information. (pour info : Théorie de l’information sur Wikipédia)
Voici quelques exemples pour illustrer le problème. Facile : qu’est ce qui fait la différence de valeur entre Mona Lisa sur son support en bois au Louvres et la même sur Google ? Plus dur : y a-t-il une différence de valeur entre une chanson sur son CD, la même chanson ripée bit à bit sur disque dur (copiée sans aucune transformation) et la même encore, convertie en MP3 sur un iPod ? Carrément le pied : ma déclaration d’impôt et mon site de porno sont protégés par le même cryptage, ont-ils la même valeur ?
Dans le monde réel, la loi régit un certain nombre d’informations et de médias : la correspondance est privée, des informations sont classifiées secret défense ou les actes notariés sont probants. En informatique, ce qui pouvait, plus ou moins, être transposé l’a été, mais sur aucune base ou norme technique et chaque pays dans son coin. Ainsi dans les faits, à moins que vous ne cryptiez, assez fortement, toutes vos opérations sur internet, un bon technicien ou un organisme gouvernemental ou privé peut voir, stocker et modifier tout ce que vous faites : surf, email, chat, téléchargement. Les banques en ligne sérieuses sont obligées de recourir à des astuces à couches multiples pour la saisie du code de sécurité sachant que les pages dites sécurisées sont facilement décryptées avec quelques connaissances et les moyens nécessaires en matériel. Enfin, je ne suis pas un spécialiste de la jurisprudence et de son évolution, mais je ne crois pas que l’on ailles très loin en justice avec un email comme seule preuve.
Le problème étant global, transnational, la solution ne sera pas local et bien peu d’autorités seraient légitimes et impartiales dans ce domaine.
Alors, notre personnel politique et notre omni-président sont-ils conscients de cela ? Voudraient-ils agir, le cas échéant ? Sont-ils complètement dépassés, tout comme le grand public et même les professionnels du web ? Et vous, vous en pensez quoi ? Pas grand chose tant que les banques remboursent les fraudes à la carte bleue …