lundi 27 juin 2011 - par Vincent Verschoore

Prolifération nucléaire et couverture du risque

Dans ce récent billet sur la géothermie je parlais de l’état alarmant du parc nucléaire, mais tous comptes faits on ne peut pas dire que Fukushima et l’actuel problème à Fort Calhounau Nebraska aient tempéré les ardeurs de ceux jusqu’à présent exclus de la production d’énergie nucléaire. L’arrêt brutal du “revival” de l’industrie nucléaire en cours depuis une dizaine d’années ne vaut en fait que pour l’Allemagne (qui espère sortir complètement du nucléaire pour 2022), la Suisse (qui ne remplacera pas ses installations actuelles), l’Italie (qui renonce à s’engager dans cette voie) et, peut être, le Japon dont on ne sait pas vraiment ce qu’il compte faire.

Pour le reste du monde, l’IAEA recense 65 réacteurs actuellement en construction, et on arrive à plusieurs fois ce chiffre prenant en compte tous les projets de nouveaux réacteurs.

Les Emirats Arabes ont par exemple un projet de construction de 4 réacteurs avec la firme coréenne Korea Electric power Corporation. Ce pays serait le premier nouvel entrant au “club” depuis la Chine en 1985. L’Arabie Saoudite a un projet de construction de 16 réacteurs d’ici à 2030, et la Turquie va ajouter 2 réacteurs à son parc actuel. Avec une trentaine de réacteurs en construction (sur les 65 de l’IAEA), la Chine a décrété un moratoire sur les nouveaux projets le temps de réévaluer la sécurité de ses installations, mais rien n’indique qu’elle compte sortir du nucléaire.

Les critères requis par l’IAEA avant toute approbation à l’entrée au club nucléaire sont, en toute logique : un réseau électrique solide, une gouvernance stable et une économie de taille suffisante pour absorber l’investissement de départ. Des 52 pays ayant récemment demandé à l’IAEA un ticket d’entrée, seules 10 rencontrent l’ensemble de ces critères. 10 autres disposent de l’infrastructure mais pas de la stabilité institutionnelle requise (voir Energy Policy), dont l’Egypte. Par les temps qui courent et la mainmise des grands prédateurs sur les leviers du pouvoir politique, on peut d’ailleurs se demander quels pays disposent encore d’une réelle stabilité institutionnelle.

Un grand avantage du nucléaire, du point de vue des nouveaux arrivants, est que c’est “relativement” bon marché – du moins tant que l’on ne prend pas en compte tous les coûts réels dont les déchets et le démantèlement des installations en fin de vie. C’est également moins directement polluant en termes de rejets, un facteur clé en Chine dont l’essentiel de l’énergie provient du charbon, avec les problèmes d’environnement que l’on sait. Par contre, en cas d’accident, la note est de plusieurs ordres de magnitude supérieure à toute autre source d’énergie et il est tout à fait incroyable que cela ne soit pas pris en compte, surtout après Three Mile Island, Tchernobyl et maintenant Fukushima. Le coût de ce dernier pour les Japonais va se chiffrer en milliers de milliards de dollars. En fait, pour Juergen Baetz de l’AP écrivant pour le Pittsburghlive , les gouvernements font des paris : que tout ira bien, que rien de ce qui n’a pas été prévu arrivera quand même.

En France, les centrales nucléaires sont assurées à hauteur d’une centaine de millions d’euros seulement. En Suisse le niveau d’assurance obligatoire vient de passer de 1 milliard de franc suisses à 1,8 milliards (soit 1,5 milliards d’euros). Il est clair que la prise en compte de primes d’assurance couvrant le coût réel d’un accident nucléaire remettrait en cause toute la logique économique de la solution nucléaire. Le fait de ne pas le faire est de facto une manière de subsidier le parc nucléaire aux dépens d’autres formes d’énergie qui n’ont pas, ou nettement moins, de risque “cachés”.

Bien sûr, en dernière analyse c’est une question politique : quel risque est-on disposé à prendre ? les Allemands ont finalement décidé que le risque du nucléaire ne valait pas les avantages qu’il apporte par ailleurs. Et les solutions alternatives ne manquent pas, sachant qu’une énergie de base (électricité disponible 24h/24 et 7j/7) ne peut pas être dépendante de l’heure du jour ou de la météo : il faut passer à un mix énergétique incluant par exemple du nucléaire sous-critique tel les réacteurs à Thorium dont j’ai déjà parlé, et des installations géothermiques à grande profondeur.



11 réactions


  • Harfang Harfang 27 juin 2011 17:02

    La filière Thorium reste « moins pire » que celle de l’uranium, mais est loin d’être parfaitement propre. Les déchets les plus virulents ont une période de l’ordre de quelques siècles au lieu de plusieurs dizaines de milliers d’années, ce qui n’est tout de même pas la panacée. L’idéal serait une filière ne produisant aucun déchet, ce qui, à ma connaissance n’existe pas.

    Même en filière de fusion, le « si merveilleux » ITER que nos chers dirigeants ont obtenus en France à la force du poignet est loin d’être un modèle de propreté : risques de fuites de tritium radioactif, et quantité de métaux lourds pas très sympa qui peuvent « fuiter » et polluer. D’autant que les réactions visées par ITER ne sont pas aneutroniques : les parois du machin vont donc rapidement acquérir une radioactivité induite assez désagréable, ce qui risque du reste de les dégrader assez rapidement.

    L’idéal serait une filière de fusion aneutronique... ah oui, mais ça ITER n’en sera pas capable : la température nécessaire est d’un ordre de grandeur considérablement plus grand. Peut être un espoir du côté des Z-machines ? Enfin... si les militaires acceptent de déclassifier les recherches menées dans cette direction...


  • sto sto 27 juin 2011 19:07

    Le Thorium est sale. Tres sale.


  • Alexis_Barecq Alexis_Barecq 27 juin 2011 22:18


    Le Thorium est propre. Très propre.


  • xray 27 juin 2011 22:46


    Énergies 

    Nucléaire ou autres, le véritable problème se situe dans la croissance démographique imposée par les curés. 

    D’ailleurs, les curés sont optimistes ! Ils affirment que 20 milliards d’habitants sur la planète,  c’est possible. (Les curés vivent de la misère qu’ils produisent.) 

    L’hypocrisie religieuse 
    http://echo-athees.over-blog.com/ 

    L’EUROPE des curés
    http://mondehypocrite.midiblogs.com/ 

    DEPUIS 5 000 ANS ! QUOI DE NEUF ? 
    http://echo-agnostiques.over-blog.com/article-depuis-5-000-ans-quoi-de-neuf-55838469.html 



    • Harfang Harfang 28 juin 2011 08:40

      Il est évident qu’une croissance « illimitée », qu’elle soit démographique ou économique, est matériellement ingérable dans un monde dont les ressources sont nécessairement finies. Même une diaspora spatiale (bon, ok, là on entre en pleine science-fiction) ne résoudrait pas tous les problèmes.


    • Le péripate Le péripate 28 juin 2011 08:49

      C’est mal comprendre la nature de ce qu’est une ressource.

      Par exemple les paléoanthropologues définissent les différentes tailles de pierre en fonction du rapport « linéaire du fil tranchant »/« masse de pierre ».
      Pour une même quantité de pierre des techniques différentes permettent d’accroitre la ressource utile, le tranchant de la pierre.
      Dire que les ressources sont limités, c’est la même chose que dire que l’esprit humain est limité. C’est possible. Concernant quelques uns, c’est même certain. Mais que l’humanité dans son ensemble, ou même le vivant, soit nécessairement limitée est une vue très étriquée.


    • Harfang Harfang 28 juin 2011 09:15

      Je me suis mal exprimé : il est probablement possible de gérer, bon an mal an, une croissance démographique plus ou moins exponentielle. Ceci étant, l’espace étant par nature limité sur notre planète, cela n’ira pas sans poser un certain nombre de problèmes. On peut parler de croissance si on veux, mais si elle se fait dans des conditions de vie de plus en plus déplorables, ça n’est pas forcément souhaitable.
      En outre, je maintiens que certaines ressources sont limitées. Si pour certaines d’entre elles une meilleure gestion, ou l’amélioration des techniques d’exploitation, voire le recyclage peuvent rendre cela gérable, pour d’autre, ça sera virtuellement impossible car ces ressources ne sont pas renouvelables. L’histoire nous fournit des exemple : les habitants de Rappa Nui ont vu leur civilisation s’effondrer après avoir désertifié cette île forestière en utilisant le bois pour le transport de leurs statues colossales. Certaines espèces animales ou végétales ont été anéanties à cause de la croissance de la société humaine : en ce sens ces ressources ne sont plus disponibles. Les réserves exploitables d’uranium fissile sont estimées à une trentaine d’année. Alors oui, j’ai bien utilisé le terme exploitables : donc, techniquement, il restera de l’uranium fissile à extraire, mais cela sera plus coûteux. Mais seront nous en mesure de payer ce prix (à tous points de vue) ?


    • Fabien 09 Crazy Horse 28 juin 2011 11:27

      C’est sûr qu’une croissance démographique continue, mise en parallèle avec une diminution des terres arables, des ressources en eau potable, sans parler de ces territoires qu’on condamne pour 1000 ans avec nos joujous nucléaires, ça risque de ne pas tenir bien longtemps...

      Mais si on était raisonnable, on pourrait certainement doubler voire tripler la population actuelle. Il existe des méthode de production infiniment moins coûteuses pour l’environnement et tout autant voire plus productives que l’agriculture chimique intensive répandue actuellement (par exemple l’hydroponie verticale).

      Je rappelle qu’on vit actuellement dans une civilisation du gaspillage et de l’irresponsabilité. On fabrique des objets dont le but premier est de générer du profit, et l’on se fiche de balancer dans l’environnement tout un tas de saloperies. On jette des tonnes et des tonnes de nourriture, que ce soit dans les supermarchés, les restaurants, les hôpitaux, etc. Toujours mus par la recherche du profit et de la facilité, on pollue nos nappes phréatiques, nos rivières et les océans.

      Pour revenir sur le nucléaire, et en particulier Fukushima, voici le témoignage d’un expat’ Français.


    • Mugiwara 28 juin 2011 11:45

      effectivement, il convient de faire attention à toute la flore et la faune qui nous permet justement d’y trouver des ressources nécessaires, car quand il y a en plus, oui, on risque à terme la disparition des humains. 

      bien sur, ça ne sera pas pour tout de suite, nos descendants doivent le savoir, mais en attendant, si réellement le nucléaire est marché où la france n’est pas la seule en lice, il est vrai que en bon français que je suis, je tiens à donner une idée ultra farfelue : faire les recherches du nucléaire sur ... la lune. on avait notre planète poubelle sous les yeux, on peut y déposer quantités de déchets nucléaires ou électroniques qui de toutes façons vont finir par contaminer à terme le monde entier. quoi qu’il en soit, il doit être possible de créer des batteries tellement grosses pour aimenter une centrale nucléaire dans le but de faire de la recherche à moindre coût car les retombées en cas d’accident serait largement moindre. 
      il faut repenser les fusées pour qu’ils puissent contenir les déchets nucléaires, construire des batiments de déchets toxiques pour ne pas trop vite pourrir la lune, y forer etc ... il y a là un marché énorme et la terre gagnerait au change. 
      pour les autres énergies, si évidemment, ils ne posent aucun problème, on peut faire de la recherche ici. 
      pour la gestion de la population, il convient que tous les pays signent des pactes de non agression pour éviter de faire du nombre de la population une arme. 
      bien entendu, il faut pour cela plus de démocratie dans la majorité des pays du monde. bref, que la notion de la démocratie, même mauvaise (car on n’a pas encore la démocratie à l’islandaise) domine le monde. pour cela, il faudra se serrer les coudes entre pro-démocraties, car de toutes les façons, la france est bien en avance dans le domaine nucléaire, et il faudra des années et des années pour qu’elle soit rattrapée. 
      je ne crois donc pas que sa place très envieuse sera discutée avant des décennies. 
      bien entendu, on ne peut pas non plus tout miser sur cette seule énergie, on ne sait jamais. 
      bref, allons sur la lune, il y a des millions et des millions d’emplois qui nous y attendent. 
      en attendant, il conviendra de fixer les limites même sur la lune pour qu’un jour, peut être, les autres pays veuillent aussi y aller. 
      alors, entendons nous entre européens, essayons ça, ça fera souffler la terre et vous aurez la tranquilité grâce à ça de la part des populations qui ne veulent plus vivre en respirant les gaz toxiques ou polluantes... 

      désolé d’avoir fait un long com, je tenais à rester stupide parce que je suppose qu’on y a déjà pensé, et je ne vois pas vraiment d’autres façons de gagner la paix sociale que celle là. 

      bref, la lune est déjà une planète poubelle, est ce que vraiment on peut arriver à y vivre dans les centaines ou milliers d’années ? 

      et puis, je crois sincèrement que s’il devait y avoir de la vie pour les humains, ça se saurait déjà je crois, parce qu’étant placée proche de la terre, il se trouve qu’elle a pas la chance de la terre. 

      voilà ce que j’avais à dire, en espérant que d’autres me suivent. et meme si ça vous plait pas, je tiendrais à cette idée et la balancerai partout là où il faut, s’il le faut. 

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