Ballade avec Brassens
Tel est le nom donné à ce rendez-vous bisannuel des Rennais avec le ménestrel trop tôt disparu. Organisé pour la première fois en 2004*, ce rendez-vous a connu ce dimanche 12 septembre sa 4e édition sur les pelouses de la bien nommée « promenade Georges Brassens », un espace piétonnier protégé des rumeurs de la ville où il fait bon égrener les couplets du bon moustachu.

Organisée à l’initiative d’une association de quartier et de la Maison du Ronceray** en collaboration avec la Ville de Rennes et Rennes Métropole, cette Ballade avec Brassens a tenu toutes ses promesses. Grâce aux 110 bénévoles qui se sont dévoués à la réussite cet hommage, elle a attiré vers la promenade dédiée au célèbre Sétois des milliers de visiteurs venus écouter les artistes amateurs sous un soleil radieux (comme très souvent en Bretagne !).
Quatre scènes, quelques stands pour se désaltérer, pour déguster les traditionnelles galettes-saucisses rennaises, pour participer à des jeux en rapport avec Brassens, ou bien encore pour maquiller des gamins ravis de l’aubaine. Et surtout une bonne humeur omniprésente tout au long de la promenade.
Les scènes, baptisées pour la circonstance Margot, Pénélope, Marinette et Jeanne, en hommage à quatre des héroïnes de Brassens que les inconditionnels auront immédiatement reconnues, ont vu se succéder durant 7 heures une centaine de musiciens et chanteurs venus avec enthousiasme rendre hommage à l’homme à la pipe, l’anti-star qui détestait les paillettes plus encore que les pandores, ce qui n’est pas peu dire !
Disons-le tout net, la voix n’est pas toujours bien accrochée et les accords sont parfois hasardeux. Mais le cœur y est, et c’est bien là l’essentiel. Il y a d’ailleurs des groupes talentueux, d’autres qui le sont moins, et quelques-uns pas talentueux du tout. Le public n’en n’a cure, il est là pour Brassens et, le sourire accroché aux lèvres ou la larme à l’œil, récompense d’applaudissements sincères les bons comme les moins bons. Et c’est très bien ainsi.
Comme il est bien de s’aventurer parfois sur des arrangements inédits au son, au-delà des inévitables guitares, ici de la flûte traversière, du washboard ou du saxophone, là d’un mélodica, d’un banjo ou d’une chorale. Sans oublier les chanteurs a cappela. Sans oublier surtout les accordéons diatoniques venus là pour adresser un clin d’œil complice au Vieux Léon, ou les contrebasses dont l’une, jouée avec talent par un anonyme, donne à La non demande en mariage une coloration digne du regretté Pierre Nicolas, accompagnateur et ami de Brassens durant près de 30 ans après leur rencontre chez Patachou.
Tout le répertoire y passe, ou presque, du Gorille au Voyou en passant par La supplique, Le parapluie ou Le grand Pan, de L’orage au Bistrot en passant par La femme adultère, Je me suis fait tout petit ou La rose, la bouteille et la poignée de main. Mais aussi Les passantes, Histoire de faussaire, La religieuse, Le joueur de flûte, et tant d’autres… Jusqu’à La mauvaise réputation, revisitée sur l’air de Yellow Submarine, ou Les trompettes de la renommée chantée en franglais par un décoiffant groupe rebaptisé pour la circonstance Brassens attitude !
Un dernier mot sur le public venu nombreux pour cette Ballade. Beaucoup de retraités, certes, dont la plupart fredonnent les chansons, mais aussi des plus jeunes, peu familiers de Brassens et qui découvrent avec ravissement des textes si criants de vérité sur l’amour, la vie, la mort ; mais aussi tellement en rapport avec l’actualité sur la rigidité des juges, l’aveuglement des flics ou l’exclusion des plus faibles. C’est peut-être ce dernier message, accompagné ici et là de commentaires beaucoup plus aigres que doux sur le sort fait aux Roms, qui a le plus marqué l’auditoire. La preuve que, tout compte fait dans cette société mondialisée et formatée, l’humanisme n’est pas encore mort !
* Organisée les années paires à Rennes, cette Ballade avec Brassens connaît un prolongement les années impaires à Saint-Brieuc, également dans la première quinzaine de septembre. Avis aux amateurs !