Chansons des Années folles : 1920 - Du gris, du gri-gri, du grivois !
En 1920, les vedettes du music-hall tiennent l'affiche. Il faut dire que le cinéma est encore muet. La radio commence seulement à émettre en France. Quant à l'enregistrement, il est de piètre qualité et deux systèmes incompatibles se font concurrence : les disques à aiguille et les disques à saphir (enregistrement vertical). Dans ce contexte, le "spectacle vivant" comme on dit aujourd'hui, triomphe. Le couple Chevalier-Mistinguett en particulier. "Du gris", chante Georgel. Mistinguett chante "le gri-gri d'amour" et c'est du...grivois !
Dans l'immédiat après-guerre, la femme s'émancipe. Majoritaires dans la société après l'hécatombe masculine, elles ont aussi appris aussi l'autonomie. Les amuseurs veulent faire oublier au public les années sombres. Ces deux conditions sont propices à l'émergence de Mistinguett qui connaît la gloire à 45 ans avec "Mon homme", une chanson qui, si on la prend au pied de la lettre, n'exprime pas l'émancipation féminine, bien au contraire. C'est tout le paradoxe de ces Années Folles.
La femme émancipée s'amuse, elle danse. Le tango fait fureur, ainsi que le charleston et, depuis peu, le fox-trot. La femme suit la dernière mode et s'habille, donc, à la garçonne. Un roman, "La Garçonne", de l'écrivain Victor Marguerite, connaît d'ailleurs un franc succès.
La femme émancipée fume...
Justement, Renaud reprend un succès écrit pour Georgel en 1920 : "Du gris". Laissez-vous griser !
Il est aussi de bon ton de s'encanailler ou, du moins, de s'en donner l'air en fréquentant les lieux de plaisir mal famés. Maurice Chevalier et Mistinguett cultivent leur accent gouailleur. Mistinguett tombe franchement dans la grivoiserie.
Le tandem Chevalier-Mistinguett
Les deux artistes ont vécu en couple durant une dizaine d'années. Des liens forts et indéfectibles les relient. Selon Wikipedia, Minstinguett est allée jusqu'à devenir espionne pendant la guerre pour faire libérer son amoureux qui était prisonnier des Allemands.
En 1920, c'est Maurice Chevalier qui s'apprêtait à interpréter "Mon homme" mais évidemment en adaptant le texte. L'anecdote veut que Mistinguett dédaignait toutes les dernières créations des auteurs. Ceux-ci (Jacques-Charles, auteur, Albert Willemetz et Maurice Yvain) travaillent à la prochaine revue "Paris qui jazz". Dans une villa sur la côte normande, ils préparent des chansons. Soudain, alors que Jacques-Charles lit la pièce "Mon homme" de Francis Carco qu'il doit adapter pour les Etats-Unis, Yvain se met à taper sur son clavier. La chanson est née. Mistinguett fait la fine bouche. Maurice Chevalier est sur le point de la prendre à son compte en se disant à quelque chose près "mon Homme c'est pour ma pomme". Mais on connaît la suite...
Chantée par Mistinguett, la chanson "Mon homme" n'est pas à prendre au premier degré. Elle ne prêche pas la soumission de la femme au mâle. Cette chanson connaîtra une gloire internationale, reprise successivement par, notamment, Billie Holiday en 1952, Barbra Streisand en 1965, Sarah Vaughan en 1967, Colette Renard en 1997. Qui osera prétendre que les succès de cette année-là sont oubliés ? Pas Renaud ! Pas, non plus, Nicole Martin qui reprend "mon homme" dans son album Cocktail (2010) ni Lea Michele, dans la saison 2 de Glee en 2011.
Des reprises et un plagiat, de chansons de 1920
Comme on savait (re)rire en ce temps-là (pensez, le mouvement Dada colle des moustaches à la Joconde., les Charlots l'ont compris. Dans les années 70, ils reprendront deux titres de 1920 : "Cache ton piano" (vidéo) de Dréan. "Si tu n'veux pas payer l'impôt, cache ton piano, cache ton banjo...". Encore un succès d'actualité en 2013 où l'impôt sur le revenu (créé pour financer la Grande guerre) connaît de plus en plus d'affiliés. Les mêmes Charlots reprennent "Tu finiras sur les planches" de Georgel.
Avant les Charlots, c'est "Charlot" lui-même qui utilise une chanson de 1920, "La violetera" de Raquel Meller (en espagnol) sur une musique de José Padilla. On entend la chanson dans les Lumières de la ville en 1931. Dalida l'interprétera en français et en espagnol en 1956.
Si je vous dis : "Quand vous voyez la Lisette / Vous en perdez la raison / Mais vous perdez aussi la tête / Dès que vous voyez Lison", vous me répondez Dany Briant. Perdu ! C'est un succès de 1920, "Lison-Lisette" (paroles). Hasard ? Plagiat ? Clin d'oeil ?
Quelques autres grands succès de 1920
Le tango de Manon par Georgette Plana en 1968
Il était syndiqué
Le gri-gri d'amour par Mistinguett soi-même en duo (grivois) avec Louis Boucot. Tiré de la revue "Paris qui jazz".
Le tapis vert de Bérard
Tu voudrais me voir pleurer d'Emma Liébel
Autres titres :
Dans les faubourgs
Y'a du jazz band partout paroles : Julsam musique : Harold de Bozi, interprètes : Alibert (1920), Andrex
Oh ! la la oui, oui (international)
Ouin !
La Royale
Salomé (international)
Si vous rencontrez une blonde