vendredi 9 octobre 2009 - par Yannick Harrel

Harald, le dernier héros des sagas nordiques

Le dur regard d’Harald s’assombrit, et ne put s’empêcher d’éructer un juron : ces maudit Saxons venaient de le surprendre sur les rives du cours de la Derwent et s’avançaient d’une telle manière que leurs intentions n’étaient aucunement de lui accorder tribut et otages comme il l’avait escompté. Un bon tiers de sa force reposait à plus de vingt-quatre kilomètres de là gardant ses navires avec la majeure partie de son équipement de guerre, compliquant encore plus la tâche présente. Cependant il était Harald, Harald roi de Norvège, Harald le féroce qui avait guerroyé des fjords septentrionaux aux confins arides de l’Empire Byzantin et dont le destin avait toujours été estampillé du sceau du succès. Il lui fallait alors réagir en digne héritier des vikings qu’il était et faire face à la situation : il appela ses troupes à combattre jusqu’à la mort et se dirigea vers les forces ennemies.

Emprunter la voie des Varègues aux Grecs

Harald s’il est considéré comme l’ultime représentant d’une longue lignée de maraudeurs Scandinaves est déjà particulièrement marqué par l’environnement qui amorça la disparition lente et inexorable des Vikings (affaissement des structures claniques et disparition des rites païens), tout en conservant ces attributs qui firent de ses congénères les êtres les plus redoutés des côtes Européennes pendant plus de deux cents ans.

Le fier Harald naît en l’an 1015 dans une Norvège pénétrée profondément par le christianisme, cette religion combattue avec tant d’âpreté par ses ancêtres, et dont la mise à sac d’une abbaye sur les côtes d’Angleterre en 793 fut considérée comme le début de l’invasion Viking sur l’Europe.

Ce fut d’ailleurs en épousant la cause d’Olaf II de Norvège, futur Saint Olaf et demi-frère, que le jeune (quinze ans) nordique s’exprima pour la première fois sur un champ de bataille. Bien mal lui en prit puisque la défaite provoqua à la fois son exil comme la chute d’un parent sur le trône puisque Olaf périt lors de la bataille de Stiklarstadir en 1030 [1].

Refuge lui fut accordé dans ce pays mystérieux où deux cents ans auparavant un aristocrate Varègue [2], Rurik, fonda la première dynastie d’un immense empire appelé à jouer un grand rôle en Europe de l’Est : la Rus’ de Kiev [3]. C’est à la cour de Yaroslav (ou Jarisleif en vieux norrois) dit le Sage [4] qu’il s’emploiera par ses talents guerriers à renforcer le trône de Kiev en affrontant les Polanes qui sous la férule de Boleslas Ier étaient devenus une puissance redoutée en Europe centrale.

Son efficacité sut être récompensée à sa juste valeur puisque le souverain de Kiev lui promit à son retour la main de sa fille, Elizabeta, en guise de reconnaissance. Peut-être même Yaroslav perçut-il le destin hors norme d’un tel personnage et désira opérer un investissement pouvant rapporter quelque dividende pour l’avenir en misant sur l’un de ses généraux les plus talentueux ? L’Histoire allait lui donner raison si telle avait été sa prescience.

Seulement amoureux comme tout bon Viking de la gloire et épris d’une forte indépendance, il décida de poursuivre sa route vers le sud et rejoindre ce que tant d’autres guerriers nordiques accomplirent comme service avant lui : la garde varangienne. L’unité d’élite de l’armée Byzantine qui était de toutes les campagnes, semant la terreur là où sa présence était requise. Une réputation nullement usurpée depuis qu’elle fut créée par Basile II le Bulgarochtone (958 - 1025), ce dernier en bon général comprit combien canaliser une telle force brute pouvait lui apporter sur les champs de bataille.

Il est fort peu aisé de démêler la réalité historique de la légende au sein de la saga parvenue jusqu’à nous : aurait-il comme il est écrit assouvi sa soif de combat jusqu’aux pieds du Caucase ainsi qu’aux rives de l’Euphrate ? Sa fonction d’officier de premier plan dévoué à l’Empereur aurait pu effectivement l’avoir convié à se placer en première ligne lors des zones de frictions territoriales. Durant neuf années, il se porta là où le danger était le plus grand et les zones les exposées ne manquaient pas tant la lutte pour la survie de l’Empire Romain d’Orient était devenue âpre : Italie, Moyen-Orient, Caucase, Balkans mobilisèrent toute l’attention des souverains de Constantinople.

Comme il était de coutume en ces lieux et cette époque, les affaires Byzantines se soldaient de façon périodique par des révolutions de palais, et il semblerait que Harald ait, de par son rôle éminent, participé en quelque façon que cela soit au retour sur le trône de Zoé de Byzance (958 - 1050).

Retour en Norvège, Harald devient Harald III Hardrada

Sans doute très bien informé de la situation politique en Scandinavie par l’afflux de guerriers nordiques empruntant la fameuse voie des Varègues aux Grecs, Harald apprit que Magnus Olafson, son propre neveu, venait d’hériter du trône du Danemark. Il estima en bon renard désormais aguerri par les intrigues de cour que l’occasion était trop belle pour ne pas récupérer un territoire échéant à un homme dépassé par l’ampleur de sa mission.

Sa fuite de Constantinople ne fut pas de tout repos, étant même brièvement incarcéré avant de s’évader de manière rocambolesque suivi d’un voyage haletant pour bénéficier de la sécurité de la Rus’ de Kiev. Ce fut lors de ce retour chez le monarque Rus’ que Harald épousa Elizabeta. Seulement le bonheur conjugal ne pouvait se permettre de le retenir trop longtemps éloigné de Scandinavie et il reprit sa route vers le pouvoir.

Son abnégation et son énergie, mais encore plus son absence de scrupules lui valurent le surnom d’Hardrada (Hardråde). Ainsi fomentant de nombreux raids sur le territoire tenu par Magnus avec le soutien actif de Sven, le fils de l’ancien roi du Danemark déposé, il obligea son neveu à lui céder la co-gouvernance de la Norvège. Magnus préféra-t-il se consacrer aux troubles endémiques Danois menaçant sa plus riche possession ou pensa-t-il amadouer son oncle avec un demi-os à ronger et mieux le surveiller par ce biais ? Rien ne permet de valider l’une des thèses du fait de la survenance rapide de sa mort (un an après), laissant Harald seul maître de la Norvège en 1047.

Ayant désormais les mains libres, il réorganisa le pays avec une dureté qui lui valut l’inimitié de nombreux jarls [5], écrasant les velléités autonomistes des seigneurs locaux pour mieux asseoir sa future dynastie (qui effectivement lui survivra).

Son ancien allié, Sven, qu’il avait trahi sans vergogne pour obtenir sa parcelle de pouvoir, était désormais après la mort de Magnus l’héritier légitime du Danemark, ce qui ne pouvait que poser un sérieux souci de voisinage à Harald.

Une fois que ce dernier eut terminé de consolider son pouvoir, suffisamment avisé qu’il devait pacifier son propre territoire au préalable, il déclencha les hostilités en harassant autant que faire se peut son voisin méridional. La violence des attaques fut d’une ampleur que l’on peut imaginer avec un tel personnage, avec comme démonstratif exemple Hedeby, ville commerciale alors sous domination Danoise et florissante par un commerce très actif, littéralement rasée par l’invasion de forces Norvégiennes en 1050 et qui ne retrouvera plus jamais sa prospérité d’antan.

Toutefois la politique d’usure, malgré quelques victoires retentissantes comme la bataille navale de Niså où Sven perdit soixante-dix navires, ne rencontra pas l’effet escompté, à savoir la reddition de son adversaire régional.

Cette rivalité qui fit rougir la mer du Nord et la Baltique, abreuvant les terres de Norvège et du Danemark de son comptant de sang, aboutit en 1064 (soit dix-sept ans après le début des hostilités !) à une trêve consacrant le statu quo.

La dernière geste du dernier viking

Certainement dépité par ce « match nul », Harald n’était pas homme à se contenter d’une retraite paisible, occupant ses journées à voir grandir ses enfants. Si le Danemark se refusait à lui mais ne pouvait non plus lui causer désormais grand tort car trop exsangue, il pouvait de facto porter son attention en d’autres lieux.

Et ce fut l’Angleterre, contrée qui subit le plus grand nombre d’invasions Vikings de toute l’Europe qui obtint le « privilège » de susciter son appétit. A plus forte raison qu’en 1066 l’affaire de succession prenait un tour singulièrement aguichant pour ce grand randonneur... Edouard dit le Confesseur venait de mourir, et selon ses vœux Guillaume de Normandie était l’héritier légitime habilité à prendre possession de sa couronne. Seulement Harold Godwinson, un noble de premier rang et fort habile maître de l’art de la guerre ayant prouvé sa valeur contre les redoutables Gallois de Gruffydd ap Llywelyn, ne l’entendit pas ainsi, n’hésitant pas à devenir un parjure. Cette situation chaotique favorisait l’entreprise d’Harald qui devait toutefois prendre en considération les ambitions du prétendant légitime.

La volonté de pouvoir corréler l’intervention d’Harald et celle de Guillaume de Normandie est tentante, et trouverait même un argument favorable quant au fait que les deux dynastes plongent leurs racines dans le même terreau qui vit l’étendard au corbeau essaimer sur le pourtour atlantique. Cependant aucune preuve formelle n’existe à ce sujet, quand bien même la coïncidence demeure très frappante.

Harald s’assura avec opportunisme du soutien de Tostig, comte de Northumbrie et surtout frère d’Harold, récemment déchu de son titre par une révolte populaire ; déchéance consacrée par le nouveau roi Harold plus enclin à satisfaire ses sujets que sa parentèle. Ce fut le ticket d’entrée du roi de Norvège pour réclamer son dû tout en bénéficiant d’un appui local, y compris armé.

En septembre 1066, une flotte Norvégienne accosta sur les côtes Anglaises à laquelle se joignit les ressources propres de Tostig, donnant naissance à une armada de trois cents navires et à une masse de dix mille hommes pressée d’en découdre. Harold bien que préoccupé par le dessein prévisible de Guillaume de Normandie comprit que le danger immédiat provenait du nord, dans le Yorkshire où l’attaque de villes côtières lui avait été très vraisemblablement rapportée. Et la réputation d’Harald ne devait pas peu peser dans son empressement à mobiliser ses effectifs pour aller à sa rencontre et sauver sa fraîche couronne.

A Fulford, la fureur viking eut raison des forces Saxonnes en provenance de York sous la conduite du comte Edwin au sortir d’une bataille acharnée. Cette victoire fut la première et la dernière sur le sol Anglais pour Harald qui commit une erreur capitale à la suite de celle-ci. Trop confiant du résultat de cette démonstration guerrière, il se permit de s’éloigner considérablement de ses navires stationnés à Riccall pour s’offrir une marche ressemblant plus à une promenade qu’à une manoeuvre militaire. Laissant même une quantité conséquente de son équipement de combat en arrière, pensant assurément revenir sous peu.

Ce fut effectivement sa plus grande erreur que celle de penser que le moral Saxon avait été brisé et que Harold lui remettrait sa couronne sans coup férir. Le 25 septembre, alors en plein repos près de Stamford Bridge, là où coule la Derwent, il allait affronter son destin. Totalement surpris par l’émergence du corps d’armée d’Harold et n’ayant pas correctement défendu le pont autorisant la jonction entre chaque rive, le combat se déroula férocement car remis de sa surprise, le dur chef Scandinave harangua ses troupes de telle manière à tenter l’impossible.

Et l’impossible ne se réalisa pas… Harald fut touché à la poitrine par une flèche Saxonne au plus fort de l’affrontement, faisant pencher irrémédiablement le fléau de la victoire en faveur des locaux.

Magnanime ou conscient qu’un autre danger menaçait, toujours est-il qu’Harold autorisa les survivants nordiques à réembarquer vers leur pays d’origine avec le corps de leur roi veillé par son fils, Olaf. Ce dernier régnera en tant que Olaf III de Norvège (1050 - 1093), affublé du vocable Kyrre signifiant… Le tranquille !  Se consacrant à pérenniser le trône par diverses mesures plus indirectes que la conquête par le fer comme le commerce, Olaf donnera corps au legs de son père, non sans avoir toutefois tenté de forcer une nouvelle fois le destin en échafaudant un nouveau débarquement sur cette île funeste [6]. Projet qui restera sans lendemain, mais prouvant que tout n’était pas encore oublié de la saga d’Harald Hardrada.
 

Le crépuscule des vikings scellé par l’un de leurs descendants

Ce 27 septembre 1066, soit à peine deux jours après la terrible bataille où périt Harald, Guillaume le Conquérant, descendant d’une lignée remontant à Rollon, le maraudeur Scandinave devenu Duc de Normandie par le truchement d’un accord avec Charles III le Simple, voguait vers sa propre destinée en se rapprochant des côtes du Sussex.

Ironie de l’Histoire, Guillaume, le descendant de Vikings allait par sa gestion avisée et rigoureuse du royaume comme par sa défense sans faille contribuer à empêcher toute nouvelle invasion en provenance de Scandinavie. Clôturant définitivement une ère ouverte au même endroit, entérinant le Ragnarök des fiers et libres Vikings.

Carte de l’Angleterre en 1066 avec indication des principales batailles

[1] Il trouvera en Snorri Sturluson (1179 - 1241) le remarquable conteur de ses exploits.

[2] Synonyme de Viking dans la partie orientale de l’Europe.

[3] Cf l’article sur les 1150 ans de Novgorod en sa première partie.

[4] L’une des filles du Grand-Prince de Kiev, Anne, deviendra reine de France en épousant Henri Ier en 1051.

[5] Définition de Wikipédia : Le jarl est en langue scandinave l’équivalent de comte ou de duc (cf. l’anglais « earl »).

[6] En 1085 - 1086, avec le concours de Knut IV du Danemark, homme dont le caractère était fort proche de Harald de par sa nature belliciste comme pour ses victoires obtenues par l’épée.



13 réactions


  • pépé 9 octobre 2009 10:02

    Juste un infime complément à votre excellent article : Hardrada signifie le sévère de « hard » dur et « rada » conseil.


  • Hieronymus Hieronymus 9 octobre 2009 21:51

    magnifique sujet, merci @ l’auteur

    tout de suite je voudrais soumettre une interrogation, a t on la preuve historique formelle que Edouad le confesseur avait bien designe Guillaume le batard comme son successeur legitime ?
    l’histoire etant toujours ecrite par les vainqueurs, ne peut on pas supposer que si a Hastings Harold avait pu vaincre Guillaume, il n’aurait jamais ete question ensuite d’un Harold le felon mais tout simplement d’un Harold glorieux vainqueur des envahisseurs vikings (Hardrada) puis normands (Guillaume) ?
    ce qui me permet d’en douter c’est qu’apres sa victoire a Hastings Guillaume devra encore guerroyer plusieurs mois avant d’etre reconnu par les Anglo-saxons comme souverain legitime, ainsi il mettra plus de 2 mois avant de pouvoir penetrer Londres pourtant tout proche de Hastings, reecriture historique a posteriori ?

    sinon merci de rappeler que la diversion produite par Hardrada en epuisant les troupes de Harold a ete essentielle ds la victoire de Guillaume qq jours plus tard a Hastings, sans nier le courage des guerriers debarques du continent, ils avaient tout de meme l’avantage d’etre frais et dispos par rapport a leurs adversaires ..
    aussi il semblerait qu’en s’echinant ds une guerre fratricide contre son parent Danois ce Hardrada ait sonne le glas de la puissance des royaumes scandinaves, curieux de penser que jusqu’au XI siecle les royaumes du Danemark ou de Norvege etaient plus puissants que l’Angleterre, avec la conquete normande les choses allaient s’inverser et ce no man’s land politique (terre des Angles) allait enfin apparaitre comme un etat puissant et redoute et surtout definitivement independant et souverain !
    cela deborde du cadre de l’article mais c’est la une veritable enigme historique, comment cette ile geographiquement reduite allait progressivement au fil des siecles devenir la plus grande puissance du globe ? le point de depart de cette montee en puissance semble se situer a Hastings, les Ducs normands en devenant souverains d’Angleterre auraient realise un syncretisme qui fait le genie politique de ce somme toute petit royaume, alliance du fonctionnement souple et consensuel d’une societe en majorite germanique aux structures administratives heritees de l’ordre romain ? le resultat est tout simplement prodigieux tant le systeme anglais est remarquable par a la fois sa stabilite et sa capacite d’adaptation, apres Rome ce fut Londres le maitre du Monde ..


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 9 octobre 2009 22:40

      Bonjour,

      Pour répondre à votre interrogation, oui Edouard le Confesseur apparait avoir à deux reprises désigné Guillaume de Normandie comme son héritier légitime (1053 puis 1064). Pourquoi ? Parce qu’il se méfiait de l’influence de plus en plus grandissante à sa cour du Comte de Wessex, Godwin. En outre, Harold Godwinson (fils de Godwin) avait promis pour sa part et sous serment de reconnaître Guillaume de Normandie comme héritier légitime : son parjure devait d’ailleurs signifier son excommunication par le Pape de l’époque, Alexandre II, qui ira jusqu’à confier l’étendard du Vatican à Guillaume de Normandie !

      Mais l’Angleterre ne se livre pas si facilement, et effectivement il faudra plusieurs années à Guillaume pour prendre réellement possession de l’intégralité de son domaine royal, sporadiquement convulsé par des révoltes Saxonnes jusqu’en 1071, date à laquelle il écrasera les troupes d’Hereward the Wake (L’Exilé), soit six ans tout de même après sa victoire contre Harold. Car n’oublions pas que la majeure partie de l’Angleterre restait sous le contrôle des Barons Saxons (en fait même Dano-Saxons si l’on tient compte de la persistance de lignées Danoises issues du siècle précédant celui de Guillaume), trop conscients que l’arrivée de nobles Normands allait les contraindre à faire de la place voire à disparaître.

      Paradoxalement, c’est sur le continent Européen que Guillaume allait connaître des déboires grandissants.

      Cordialement


    • armand armand 9 octobre 2009 23:18

      Bonsoir,

      Intéressant rappel d’une des batailles les plus cruciales d’une année non moins fondamentalepour l’histoire de la région - 1066.
      Vous auriez pu rappeler l’échange qu’il y eut à la faveur d’une trêve entre Harald - qui avait apporté dans ses bagages le frère félon de Harold, Tostig - et le roi d’Angleterre. L’Anglais propose en effet de laisser repartir les envahisseurs, mais quand le Viking l’interroge pour savoir ce qu’on lui lui donnerait, le fils de Godwin lui lance : Six pieds de terre anglaise, et autant qu’il fallait en plus, le Norvégien étant plus grand que la plupart des hommes...

      Si je puis être un brin critique, je trouve que vous ne soulignez pas assez la prouesse militaire qui consistait, pour Harold Godwinsson, à mener son armée jusqau’à Stanford Bridge, par marches forcées, puis à s’en retourner dans le Kent pour affronter Guillaume. Sachant que Hastings faillit être une vctoire anglaise - elle l’eût été très certainement si le roi n’était pas tombé avec ses deux frères Gyrth et Leofwine, on admire d’autant plus l’exploit du Saxon.
      Je vous trouve d’ailleurs un peu péremptoire sur la question de la légitimité de Guillaume - la promesse d’Edouard aurait été contredite sur son lit de mort, les serments de Harold ont été obtenus par la contrainte - car le Saxon, victime d’un naufrage sur la côte normande, était entre les mains du Duc. Quoi qu’il en soit, promette, Pape ou non, la seule autorité en Angleterre saxonne qui détenait le droit de désigner le roi était le Witangemot, ou Conseil royal. Or le witan se déclara, sans l’ombre d’une hésitation, en faveur de Harold Godwinsson.
      Quant à savoir si la conquête normande fut une bénédiction ou une malédiction pour l’Angleterre...
      Pour répondre à Hiéronymus, ce n’est pas tellement que les royaumes scandinaves fussent plus puissants que l’Angleterre au début du XIe siècle - c’est qu’ils formaient un ensemble homogène - Cnut et ses deux fils ont bien été à la tête d’un empire anglo-scandinave - et les Anglais ont emprunté aux Scandinaves de nombreuses institutions - leurs ’Earls’ (équivalent des comtes) et les fameux ’Housecarles’ - ces soldats d’élite armés de haches à deux mains qui donnèrent tant de fil à retordre aux Normands à Hastings. Avec la conquete normande, l’Angleterre est aspirée dans l’orbite continental.

      En tout cas, l’affrontement de 1066 mit aux prises les trois princes les plus remarquables de l’époque - tous les trois des guerriers chevronnés, d’âge mûr, intelligents et énergiques.


    • Hieronymus Hieronymus 10 octobre 2009 00:53

      Rebonsoir
      et merci @ l’auteur de sa reponse circonstanciee et a Armand de ses precieux complements
      effectivement je serais assez enclin comme Armand a mettre en doute l’absolue legitimite a la succession d’Edouard le confesseur de Guillaume le conquerant (devenu William the first), en effet me revient en memoire cet episode d’un debarquement malencontreux de Harold qq temps plus tot en Picardie ou il se retrouve prisonnier de Guillaume qui l’aurait contraint a ce serment, aussi la resistance acharnee des barons anglais envers Guillaume (apres sa victoire decisive a Hastings) indiqueraient que ceux-ci avaient initialement pleinement reconnu Harold comme roi d’Angleterre ..
      je me demande aussi s’il y a pu avoir arrangement tactique entre Guillaume et Hardrada pour « tomber » en meme temps sur Harold ? Guillaume avait en effet tout a fait interet a ce que Harold aille d’abord s’epuiser contre Hardrada mais comment auraient ils pu « minuter » ensemble leur coup, on voit mal a l’epoque des communications fonctionnant entre la Norvege et le Duche de Normandie ? mystere ..

      « Quant à savoir si la conquête normande fut une bénédiction ou une malédiction pour l’Angleterre... »
      les faits parlent d’eux meme, Guillaume et ses successeurs ont realise une combinaison politique extremement efficace en important du continent des elements empruntes a l’ordre romain allies aux coutumes locales deja en place, ils ont realise une sorte d’equilibre des pouvoirs qui allait permettre a l’Angleterre de survivre a toutes les crises historiques, Dieu est anglais serait on tente de dire au vu de l’Histoire !


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 10 octobre 2009 03:42

      Bonjour Armand,

      Vous êtes dans le juste, ces trois personnages qui luttèrent pour le trône d’Angleterre étaient des hommes d’une qualité exceptionnelle. Et s’il est vrai que je me suis principalement focalisé sur Harald Hardrada (trop peu connu en France), Harold est un personnage extrêmement impressionnant : diplomatiquement (car comme vous le rappelez, le Witangemot vota à l’unanimité en sa faveur, ce qui prouve qu’il sut se concilier les grâces des grands seigneurs qui comptent) comme militairement. Sur ce dernier point, j’évoque (succinctement il est vrai car ce n’était pas le thème de l’article) sa campagne contre les Gallois, mais il est vrai que la victoire de Stamford Bridge tient énormément à sa rapidité de réaction et de mobilisation qui surprit un combattant chevronné comme Harald, et qu’ensuite Hastings fut à deux doigts de devenir une victoire Saxonne (la tactique, le choix du site de la bataille ainsi que la qualité des troupes comme les Housecarls/Huskarls démontrent sa parfaite maîtrise de la question militaire).

      Le souci avec ce dédi sur le lit de mort d’Edouard le Confesseur est justement qu’il est très sujet à caution et que l’on peut faire dire bien des choses à un mourant. Ca n’enlève rien à la popularité réelle d’Harold c’est sûr car outre les nobles il semble avoir été fort bien accepté par ses sujets, mais il était évident qu’il allait provoquer l’ire de Guillaume en procédant de cette manière.

      Cordialement


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 10 octobre 2009 03:54

      @Hieronymus

      Bonjour,

      Il faut ajouter pour mieux comprendre la situation que les Normands disposaient au moment de la conquête de l’un des fiefs fédoaux les mieux administrés et les plus puissants militairement. A une époque où rappelons le le roi de France n’était qu’un roitelet qui n’en menait pas large avec un domaine royal rachitique (inférieur en taille au Duché de Normandie en tout cas) et des capacités militaires tout aussi limitées. Les hommes du nord surent en tout cas compenser leur infériorité numérique sur le terrain par de la souplesse d’esprit et l’appui de l’Eglise ou de féodaux tiers pour leur emprise du territoire. Je me souviens même que mon professeur d’histoire des institutions nous expliquait que les nobles Normands étaient de redoutables gestionnaires là où d’autres grands seigneurs dépensaient sans compter, se contentant de pallier au manque de recettes par une pression fiscale toujours plus forte.

      Cordialement


  • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 9 octobre 2009 22:05

    J’ai lu récemment qu’il avait fallu plusieurs ANNEES aux Normands pour soumettre l’Angleterre après la victoire d’Hastings !

    Sans parler du Pays de Galles et de l’Ecosse !


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 9 octobre 2009 22:52

      Bonjour,

      Effectivement, comme indiqué dans mon commentaire ci-dessus, l’Angleterre a nécessité une attention soutenue de Guillaume et de ses fidèles pendant plusieurs années. Sans compter les risques d’invasion en provenance de Scandinavie comme d’Ecosse qui menaçaient de bénéficier de soutiens Saxons locaux (comme ce fut le cas lors de l’arrivée d’une flotte Danoise en 1069).

      C’est là où Guillaume mérite son épithète de Conquérant car il sut par la force, la ruse et l’administration pacifier un territoire perpétuellement rebelle, y compris sous Alfred le Grand.

      Cordialement


    • armand armand 9 octobre 2009 23:23

      Faut-il rappeler que les actions punitives des Normands dans le nord de l’Angleterre ressemblaient à s’y méprendre aux ’colonnes infernaes’ que la Convention lacha sur la Vendée sept siècles plus tard... Ou mieux encore, aux exactions des Hanovriens dans les Highlands après la bataille de Culloden en 1745...

      Hereward the Wake, qui conduisit la résistance contre les Normands, reste un héros national en Angleterre... enfin, chez ceux qui connaissent l’Histoire.


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 10 octobre 2009 03:21

      Bonjour Armand,

      Je pense que vous faites principalement allusion à la campagne de Northumbrie où Guillaume pratiqua la politique de la terre brûlée afin d’une part de calmer les velléités des populations locales ainsi que prévenir toute aide profitables à une force d’invasion Ecossaise. L’épisode est connu en Angleterre sous la dénomination d’Harrying of the North pour ceux qui seraient tentés de faire des recherches.

      Cordialement


    • ASINUS 10 octobre 2009 07:14


      yep armand les « liquidations » concernaient surtout les tenant de fiefs
       serfs et autres porchers etaient trop utiles au nouveaux maitres sans compter qu il est evoqué une pratique systematique de la « priméa noctis » pour expurger le sang saxons ,
      et la nominationd eveques normands « pas de colonnies sans missions pour précher la soumission »



      ps trouvé un vieux et intérréssant bouquin CM Trevelyan precis d histoire de l angleterre

      merci a l auteur et aux intervenants
      asinus ne varietur


  • Fergus Fergus 10 octobre 2009 11:15

    Bonjour, Yannick, et merci pour ce superbe article sur un sujet trop méconnu des Français en général et de... moi-même en particulier.

    J’ai bien apprécié également les commentaires d’Armand et de Hieronymus qui montrent que l’on peut s’intéresser à de multiples sujets pour peu que l’on sorte de temps à autre de l’actualité franco-française.

    Cordiales salutations.


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