jeudi 21 janvier 2016 - par C’est Nabum

Organiser une manifestation

Aventure périlleuse.

Je fus le témoin distant des derniers instants de la préparation d'une manifestation publique, gratuite, dans le cadre de la promotion d'une association de la loi 1901. Ce qui m'a été rapporté suffit à décourager bien des bonnes volontés, surtout quand ce sont des bénévoles qui ont déjà assez à faire avec leurs soucis personnels d'un quotidien qui n'est jamais simple.

Le choix de la date est un problème épineux. Il y a toujours quelqu'un qui ne peut pas, une autre manifestation à proximité, des inquiétudes liées à la météorologie, des calages avec les évènements analogues dans votre domaine. Quoi que vous décidiez, il y aura forcément des mécontents mais gardez-vous surtout de contrarier la mairie : c'est la porte ouverte à tous les ennuis et les désagréments insurmontables.

La date posée, il faut se lancer dans un harcèlement incessant pour obtenir la participation de vos bénévoles. L'engagement associatif est devenu trop souvent un geste de consommation de loisirs sans retour ni participation à la vie réelle de l'association. Que de palabres pour remplir l'organigramme des inévitables et si peu exaltantes tâches à accomplir.

Celui-ci vaut essentiellement pour le jour J mais toutes les démarches à accomplir au préalable relèvent bien souvent de la responsabilité de deux ou trois personnes, pas plus. C'est une charge de travail titanesque, déprimante et si dérisoire : des heures durant vous allez passer des coups de fil, attendre des réponses, remplir des formulaires, demander des autorisations sans au final être jamais certain de la valeur de la parole donnée ; une valeur passée de mode.

L'association est engluée dans les méandres indéchiffrables de l'administration municipale et de sa logique interne. C'est au demeurant le véritable décideur du succès ou de l'échec de l'entreprise. Le prêt du matériel sous quelles conditions, son état car il passe de mains en mains, les jours de disponibilité du personnel communal, …, la liste est longue de ce qui peut vous mettre des bâtons dans les roues.

Vous avez obtenu que la ville vous prête le podium par exemple, vous imaginiez qu'on vous le livrerait ou mieux encore qu'on vous le monterait. Grave erreur : vous découvrez à quelques heures de votre fête qu'il vous faut encore trouver un véhicule pour aller le chercher et des bras et quelques cerveaux pour jouer au mécano. Pendant ce temps, ce qui était prévu devra attendre et vous finirez à pas d'heure vos préparatifs.

Le jour tant attendu arrive et vos troupes sont déjà épuisées. Vous espérez la venue des gens du village : vous avez distribué des prospectus, vous croyez en leur pouvoir d'information. Le matin pourtant, à la boulangerie ou bien au bureau de tabac, on vous demande pourquoi il y a des chapiteaux sur la cale ? L'information n'est pas passée. La communication est le nerf de la guerre en ce domaine mais les médias traînent la patte quand il s'agit de donner un coup de pouce aux petites associations alors qu'ils servent la soupe aux grosses machineries qui n'ont pas besoin d'eux.

Vous découvrez alors les joies des impondérables, les défections de dernière minute, les pannes inopinées, les difficultés d'alimentation électrique, les problèmes d'approvisionnement et, pour corser le tout, le plan de circulation décrété par la mairie qui ne vous a pas informé des choix qui vont à l'envers de vos plans. S'il vous reste encore des cheveux, c'est le moment de vous les arracher.

Puis il y a les acteurs de votre manifestation. Ils sont venus parfois de loin, certains pour vous faire plaisir. Vous êtes tellement pris par tout ce que vous avez à faire, à penser, à la dernière minute que vous n'êtes peut-être pas assez attentif à eux. Affairé ici ou là, débordé et éparpillé, vous les négligez un peu, vous omettez de tous les remercier quand ils partent, un peu chagrinés de n'avoir pas trouvé la considération qu'ils escomptaient. La prochaine fois, ils déclineront courtoisement votre invitation, prétextant par politesse être attendus ailleurs et ou se montreront plus exigeants. Vous ne comprendrez pas pourquoi un tel revirement de leur part !

Vous avez aussi prévu un programme trop copieux. Tout le monde n'aura pas la place espérée. Vous ne percevez pas les signes de mécontentement : vous êtes bien trop sollicité de toutes parts pour sentir ces petits détails. La grogne gagne quelques mécontents, ceux là sont inévitables, vous êtes grisé par la fête, son bruit, son ambiance. L'essentiel vous échappe. Il vous faut encore traiter dignement les élus qui viennent faire un saut. Pour eux, il faut mettre les petits plats dans les grands, vous leur accorderez ces prévenances que justement vous avez omises pour ceux qui vous faisaient l'amitié de se joindre à vous. Vous aggravez votre cas sans le savoir.

La fête se termine, vous êtes épuisé et pourtant il faut remettre ça le lendemain matin pour tout ranger. Le camion de la mairie qui vous avait été promis ne sera pas là : l'administratif ayant oublié que les employés ne travaillent pas le dimanche. C'est le dernier coup de massue d'autant que des bénévoles font faux-bond :celui-ci a trop bu la veille, celle-ci a pris froid et reste au lit.

Vous allez reprendre le travail dans un état d'épuisement qui vous promet une semaine difficile. Rassurez-vous, les ennuis ne sont pas terminés. Des riverains se sont plaints du bruit à la mairie : vous allez devoir vous expliquer ; la Sacem vous tombe sur le dos, vous aviez négligé cet aspect des choses, vous découvrez qu'il manque de l'argent dans la caisse, une indélicatesse fréquente hélas … Rien que de menus désagréments qui s'ajoutent à toutes les péripéties précédentes.

Quelques jours après vous retrouvez vos amis de l'association, l'heure des comptes a sonné. Les calculs sont assez rapides : les soustractions tiennent la dragée haute aux bénéfices. Au bilan vous découvrirez avec un peu de chance un léger excédent en attendant l'inévitable mauvaise surprise qui arrive toujours beaucoup plus tard :une caution qui ne revient pas, une taxe qui tombe du ciel, une amende pour tapage nocturne … Vous vous regardez tous et chacun de s'exclamer : « Tout ça pour ça ! »

Associativement vôtre.

organiser-fete-des-associations.jpg



7 réactions


  • juluch juluch 21 janvier 2016 12:59

    votre récit me rappelle mon engagement syndicale il y a quelques années.....


    Tout ce boxon ne vaut pas le coup...... smiley

    Trop de déceptions.............

    • C'est Nabum C’est Nabum 21 janvier 2016 20:17

      @juluch

      Oh que si
      Il ne faut rien céder

      La loi 1901 est fondatrice de notre société
      Elle seule peut lutter contre le libéralisme sauvage en apportant un peu d’humanité encore, tant que c’est possible


  • Fergus Fergus 21 janvier 2016 13:28

    Bonjour, C’est Nabum

    Pour avoir personnellement été à la tête de l’organisation, sur deux jours, de plusieurs tournois de football dans un grand stade parisien, je reconnais dans ce texte un certain nombre des difficultés auxquelles j’ai été confronté.

    Néanmoins, tout s’est toujours bien déroulé, non sans quelques sueurs froides liées à des évènements imprévus ou à des conditions météorologiques peu favorables.

    Cela dit, l’organisateur de quelque manifestation que ce soit ne doit pas se leurrer : la reconnaissance est rarement au rendez-vous, ou alors de manière marginale et peu empressée. Qui plus est, cette reconnaissance n’empêche pas, ici et là, quelques critiques mesquines portant sur des points d’une importance très secondaire.

    D’où l’intérêt d’être pour un organisateur d’être doté d’un cuir solide et d’une patience à toute épreuve, conditions sine qua non d’un bon déroulement de l’évènement et de lendemains sans aigreurs d’estomac.

    La conclusion la plus courante en matière d’organisation basées sur le bénévolat n’en est pas moins : « Fais du bien à vilain, il te chie dans la main ! »


    • C'est Nabum C’est Nabum 21 janvier 2016 20:18

      @Fergus

      Je force le trait même si vous avez raison, tout fini par se caler et la réussite est bout du chemin

      Merci à tous les bénévoles


  • ben_voyons_ ! ben_voyons_ ! 21 janvier 2016 17:12

    Organisateur de manifestation, c’est un métier.

    Les associations ont le chic de piquer les métiers des autres en les qualifiant de « loisirs », avec des « bénévoles ».


    • Fergus Fergus 21 janvier 2016 19:10

      Bonjour, ben_voyons_ !

      Désolé, mais votre jugement est un tantinet péremptoire, et surtout très éloigné des réalités : la plupart des associations qui organisent un bal, une kermesse, un tournoi sportif ou une rencontre culturelle n’auraient absolument pas les moyens de faire appel à une logistique professionnelle. En conséquence de quoi, il ne se passerait rien, et la communauté dans laquelle sont implantées ces associations perdrait une belle occasion de renforcer le lien social local.


    • C'est Nabum C’est Nabum 21 janvier 2016 20:19

      @ben_voyons_ !

      Vive le libéralisme sauvage et impitoyable

      Exterminez nous !


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