Petites Histoires croisées de l’Europe
Partie 1 : Richard Coeur de Lion le roi "Oc et Non"

Ce qui suit n’a d’autre prétention que de vouloir rappeler une période charnière de l’histoire, la fin du XIIème siècle, qui influa aussi sur le destin de l’Europe. Il s’agit bien d’histoires croisées, histoire qui croise d’autres histoires, et non de d’histoires de croisés, bien que la troisième croisade serve de toile de fond au théâtre des événements.
Richard cœur de Lion, roi d’Angleterre et Philippe Auguste, Roi de France chevauchent gaillardement en ce matin de l’an de grâce 1090. Ils partent pour une croisade, la troisième du nom. Ils semblent très amis, à l’étape ils partagent le même lit, non points qu’ils soient « bougres » (c’est comme ça qu’on appelle à l’époque les homosexuels) mais plutôt pour question de rareté, dans le meilleur des cas il était difficile de trouver un bon lit, alors deux suites royales…même pas en rêve !
Ca leur permet aussi de traiter d’affaires importantes, comme par exemple du mariage de Richard avec la Sœur de Philippe, Alix, histoire de renforcer les liens et surtout d’associer l’ « Empire Angevin » du premier avec le royaume du second ; c’est en tout cas l’idée obsessionnelle du roi de France et le seul ciment de cette amitié provisoire, d’autant que la rumeur s’amplifie : quelques années plus tôt, le père de Richard, Henri II Plantagenêt aurait profité du séjour en son palais de la très jeune princesse pour abuser d’elle, et cela serait parvenu aux oreilles de Richard qui ne voulait pas d’une « second hand »… surtout initiée à l’amour, plus ou moins courtois, par son papa.
Pendant ce temps à des centaines de lieues, Frédéric Barberousse, Empereur du Saint Empire Romain Germanique ( l’Allemagne de l’époque) troisième dirigeant de cette troisième croisade, sans attendre ses royaux amis, écrase déjà du Sarrasin en Asie Mineure. Ca ne va pas lui porter chance…
La pape de son coté est tout content de faire coup double, il bénit à tours de bras, tout ces preux chevaliers qui vont libérer au nom de l’église, les lieux saints de l’occupation de l’infâme Saladin, sultan d’Egypte et de Syrie, mais surtout représentant du monde musulman -pendant ce temps là au moins il a la paix du coté des ambitions envahissantes de son rival Frédéric qui, avec ce Saint Empire Romain pourrit la vie aux papes successifs depuis un ou deux siècles.
C’est fini pour les rôles principaux ? mais non il manque la toujours majestueuse, toujours admirable, toujours intrigante Aliènor, mère aimante de Richard et qui malgré ses soixante sept printemps défend toujours les intérêts de son fils chéri et compte bien lui faire épouser très prochainement la charmante Bérangère de Navarre, jadis poétiquement courtisée par icelui et dont le mariage lui apporterait sécurité en regard aux prétentions du comte de Toulouse sur son duché d’Aquitaine.
Pour des raisons d’intendance, le chemin des deux rois va se séparer et rendez-vous est pris à Messine où Richard a un conflit familial à régler : sa sœur Jeanne, veuve récente de Guillaume de Hauteville roi de Sicile vient d’être spoliée de son héritage et de sa couronne par Tancrède de Lecce, bâtard d’un Hauteville, ça va barder…
Entre-temps, Richard a eu un petit problème en Italie : soudain, alors qu’on ne lui mandait rien, il s’est accusé du crime de sodomie, jurant qu’on ne l’y reprendrait plus, qu’il entrait déjà en grande repentance en priant que Dieu le veuille bien absouldre… Alors , un peu « bougre » le grand Richard ? Oc et Non ( traduction pt’et ben qu’oui, pt’et ben qu’non, n’oublions pas qu’il est aussi duc de Normandie) cette formule mi langue d’oc mi langue d’oïl, reflète aussi ,d’après les chroniqueurs qui en firent même son surnom, un trait essentiel du caractère du gai sire : indécis et lunatique. (à suivre)