RD Congo : ces séries télévisées qui ne s’exportent pas
Que d’engouement et d’intérêt pour les groupes « Les Amis du théâtre », « Académie des stars » qui présentent des séries qui relatent les faits sociaux et problèmes quotidiens de tous les Africains, mais incapables de dépasser les frontières congolaises ou plutôt kinoises à cause de l’absence d’une langue de communication internationale.
Plus de 10 millions au moins des Congolais connaissent les noms de groupes qui font le bonheur des ménages kinois et d’une partie de la population congolaise dans le pays ; des groupes qui font vibrer les foules sur les petits écrans de la télévision congolaise. Des « Amis du théâtre » à « Académie des stars », personne à Kinshasa, n’ignore les noms de grandes vedettes de ces groupes qui enchantent grands et petits, riches et pauvres car ces groupes mettent en scène les problèmes quotidiens que vivent les Congolais : du divorce au mariage, de la sorcellerie des familles aux jalousies entre frères, de la bonne gouvernance aux problèmes de l’immigration, les sujets qui intéressent non seulement la sphère congolaise, mais aussi tous les Africains.
Il y’a plus de vingt ans, le groupe dénommé « Théâtre de chez nous » fut une référence pour tous les habitants de cette ville de Kinshasa ; du président au simple citoyen, tout le monde était cloisonné chez soi pour suivre les séries de haute qualité avec les acteurs de talent ; mais ces groupes ne sont jamais arrivés à dépasser les frontières congolaises et, plus précisément, les frontières kinoises faute de langue de communication, en l’occurrence le lingala, langue parlée uniquement dans la partie Ouest du pays.
Le lingala, une langue plutôt nationale que régionale.
Si le lingala n’est connu à l’étranger qu’à travers les musiciens congolais qui l’utilisent, c’est plus par leurs talents plutôt que par cette langue que beaucoup d’Africains en sont conquis.
Si les acteurs des autres séries télévisées de la région vivent de leur travail, ce n’est pas les cas des acteurs des séries télévisées congolaises, faute en grande partie de la langue locale non comprise par la majorité de la population de la région d’Afrique centrale.
Ces séries sont toujours considérées comme un patrimoine national plutôt que des produits commerciaux susceptibles d’être vendus et de rapporter de l’argent aux producteurs et au pays.
L’histoire des groupes de théâtre congolais, ex-zaïrois, ne date pas d’aujourd’hui, mais ses acteurs qui font vibrer les ménages congolais, arrivaient à peine à se nourrir de leurs métiers et à survivre de ce seul métier d’acteurs. La plupart des acteurs ont sombré dans la misère malgré leur renommé.
Les producteurs tanzaniens plus ou moins à l’abri.
Et le piratage est une des causes de la pauvreté de ces groupes et producteurs de ces séries, mais le cloisonnement aussi de ces groupes dans le carcan congolais fait que les producteurs étrangers de la sous-région mieux lotie à l’instar des producteurs Tanzaniens, Kenyans, Ougandais habitués et formés aux techniques de management anglo-saxon, savent contourner ce problème de piratage en essayant de produire et de diffuser les séries de leurs pays dans une langue connue et parlée par une grande partie de la population de cette région, à savoir le Kiswahili. Ce n’est pas par hasard que les séries télévisées tanzaniennes sont vendues comme des petits pains dans toute la région d’Afrique de l’Est et australe. Ces séries, dont la mise en scène n’est égale aux séries congolaises, sont écoulées dans plus de sept pays : la Tanzanie, l’Ouganda, le Kenya, la Zambie, la RD Congo, la Mozambique, le Malawi, le Rwanda, et le Burundi sans parler de la diaspora swahiliphone répartie dans tous les pays d’Europe du Nord et en Amérique du Nord.
Le piratage de ces séries tanzaniennes existe, mais il est souvent étouffé par le système développé par les producteurs qui brouillent les copies et facilitent un écoulement immédiat pour leur permettre d’amortir les investissements initiaux et rentabiliser les produits le plus vite possible.
Les acteurs de ces séries, sont souvent invités dans des galas où ils se produisent sur scène et parvenir à boucler leur fin du mois facilement.
Mais les séries congolaises continuent à être cloisonnées dans le cercle kinois qui continue à penser à la sauvegarde de la culture et la richesse congolaise, sans pour autant penser à valoriser et à internationaliser cette culture et, pourtant, beaucoup de pays s’identifient dans les pièces mises en scène par ces célèbres groupes congolais. Ce n’est pas pour rien que des pays, comme le Cameroun, le Sénégal et d’autres pays francophones d’Afrique, en demandent et parviennent à en pirater parce que le besoin existe.
La langue française comme issue favorable.
Avec la mondialisation ou comment dire, la régionalisation au niveau de l’Afrique, ces séries devraient penser comment utiliser une langue de communication internationale en l’occurrence le français. Cela devrait être un défi à relever et ce n’est pas impossible puisque quelques vedettes de ces séries s’expriment en cette langue, quelquefois, dans plusieurs séquences de ces séries.
Ce n’est pas pour rien que les séries ivoiriennes et du Burkina-Faso font fureur dans toute l’Afrique de l’Ouest francophone et pourtant elles ne sont pas mieux lotis que les séries congolaises.
Avec une langue de communication accessible à la majorité des pays d’Afrique, ces séries sont en mesure de relever un défi et conquérir toute l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest.
Il n’est pas normal que la diaspora congolaise la plus importante basée au Burundi et au Rwanda n’arrivent pas à suivre les séries de leurs compatriotes à cause de la difficulté linguistique et se tournent vers les séries tanzaniennes.
Si le piratage est l’un des problèmes de l’appauvrissement des acteurs et des producteurs des séries congolaises, les barrières linguistiques constituent un grand frein à leur internationalisation combien utile et importante à l’enrichissement de cette industrie toujours enfermée dans le carcan national qui risque de causer sa mort dans l’avenir.
Il est temps aux producteurs, metteurs en scène et au gouvernement de relever ce challenge et de sortir de cette dimension nationaliste vers une stratégie internationale afin de contrer les autres séries Est africaines qui ne font qu’envahir l’espace audiovisuel.