vendredi 13 mars 2015 - par olivier cabanel

Des mesures qui ne font pas le poids

La science mène à tout, et l’humour s’y invite de temps en temps, comme on peut le constater dans le domaine des poids et mesures

C’est en tout cas ce que l’on pouvait découvrir en écoutant l’émission d’Etienne Klein, (la conversation scientifique-france culture) qui invitait, le 8 mars dernier, un grand scientifique, Gérard Berry, Professeur au collège de France, chercheur en informatique, et qui a reçu récemment la médaille d’or du CNRS pour ses travaux. lien

Il s’est indigné dans une communication récente de la disparition du mètre étalon, ce bel objet en platine iridié, en publiant un « manifeste pour la réhabilitation du pavillon des poids et mesures » lequel est en train de se vider de sens et de ses instruments de mesure. lien

Comme il l’écrit : « au fil du temps, il a perdu le mètre et la seconde, et ne conserve plus que le kilogramme étalon…et encore peut-être pas pour longtemps, car les scientifiques, dits modernes, ont perdu toute raison ».

Il voudrait donc redonner un sens à ce lieu mythique en y introduisant de nouvelles mesures.

Il ne s’agit pas pour lui d'en inventer qui n’existent pas, mais d’utiliser certaines de celles-ci, qui font partie de notre vie de tous les jours, mais qui restent imprécises…comme par exemple l’expression « à un poil près… ».

Il s’est aussi mis en tête de contester la théorie de la relativité d’Einstein, qui dit que rien ne peut aller plus vite que la lumière, en se basant sur une réflexion de Pierre Dac.

Ce dernier postulait : si on lâche en même temps une lampe électrique allumée, et un chat, du haut de la Tour de Pise, les deux arrivent en bas en même temps.

Dac concluait que le chat allait à la vitesse de la lumière…mais aussi que, alors que le chat retombera sur ces pattes, la torche électrique sera irrémédiablement cassée, faisant ainsi sortir le chat grand vainqueur de la compétition.

Dans son article, le chercheur pose avec humour des questions sérieuses : quand on dit par exemple, « ça fait une trotte », ou « c’est pas la porte à coté  »…quelle est l’unité de mesure qui permettrait de comparer les deux distances ?

Il voudrait bien aussi que l’on puisse préciser la hauteur d’une pomme, car dans l’expression « haut comme trois pommes », ce serait tout de même essentiel de la connaitre.

Et le poil me direz-vous ?

Dans l’expression « à un poil près »…combien mesure le poil ?

Il milite donc pour la mise en place d’une « unité de poils » : le poil dans ce pavillon des poids et mesure serait donc la première nouvelle unité de mesure et il propose de faire fleurir les décapoils, hectopoils, kilopoils, mégapoils, térapoils…puis viendront les quart de poil, millipoil, micropoil, et autres nano poils

Mais ce n'est pas tout !

Entre le parcours qui est à « un jet de pierre » ou celui qui n’est pas « la porte d’à côté »…pourquoi ne pas d’établir une échelle de valeur ?

À commencer par différencier les petites distances des autres : « au diable vauvert », « perpète les oies », « à dache »…ou « à Pétaouchnock »…sont à l’évidence assez éloignées …alors que « c’est à deux pas  » est manifestement beaucoup plus près.

Au-delà de ces mesures de distances, le chercheur s’est aussi intéressé à celles qui concernent le temps.

Déjà, il s’interroge lucidement sur la durée des « longues minutes  »…ou de « ces minutes qui paraissent des heures »… « Longues comme un jour sans pain ».

« Midi pétante »…  « À point d’heure » « À une heure indue »…sont autant d’expressions qui manquent cruellement de précision et le scientifique entend y mettre un terme.

« Entre chien et loup » « Dès potron minet » « À l’heure du berger » seraient logiquement les mesures de la matinée.

Suivraient les heures du soir, lorsque l’on se couche « avec les poules »…

Ce qui ouvre un vaste champ de réflexion puisque le temps passé pourrait se mesurer différemment que celui qui vient : quid de l’expression « la nuit des temps »…ou « Dieu sait quand ?  »

Il propose donc une chronologie pour le temps allant à « de mon temps »jusqu’au « bon vieux temps », en passant par « en ce temps-là ».

Puis pour le passé moyen : il faudra trier entre le « il y a un bout de temps »… ou « il y a une paye », « il y a un bail », « il y a belle lurette »…  « Il y a des lustres »…il faudra donc déterminer avec précision combien dure une «  lurette » !

QuanT au futur immédiat, pour les amateurs de procrastination, il faudra étalonner le « sur le champ » « Séance tenante » « Toutes affaires cessante » et « l’illico presto  » lequel semble bien placé pour l’emporter.

Le dernier chapitre sur le temps concernera le futur lointain, voire très lointain, et il faudra mettre de l’ordre entre « c’est pas demain la veille », « quand les poules auront des dents », « aux calendes grecques », « à la Saint-Glinglin », pour finir par le définitif : « jamais, au grand jamais  » qui semble le plus improbable.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le temps, et surtout commencer par déterminer la durée d’un balai dans l’expression « j’ai 40 balais »…

Gérard Berry s’est aussi intéressé à la vitesse : il voudrait enfin déterminer précisément la vitesse de celui qui « marche à un train de sénateur », ou qui « marche d’un bon pas »…voire de celui qui « court comme un dératé »…vaste programme.

Le chantier qu’il veut ouvrir sur le temps ne connait pas de bornes, puisqu’il veut à tout prix donner une durée à quelques expressions que nous utilisons tous les jours, avec la plus grande imprécision : « Aussi sec, dare-dare, en un clin d’œil, en un rien de temps, en deux temps trois mouvements, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire »…

Il s’interroge avec curiosité sur la vitesse que fait l’automobiliste qui « roule à tombeau ouvert  »…va-t-il plus vite que celui qui «  roule comme un malade », ou que celui qui « roule à fond la caisse », voire que celui qui « roule sur les chapeaux de roue » ?

Mais la folie de la grande vitesse n’est pas l’apanage des seuls automobilistes…quelle est celle d’un « vent à décorner les bœufs » ?

Le scientifique voudrait aussi clarifier nos connaissances en ce qui concerne les mesures d’argent.

Entre l’objet qui coute « que dalle », celui qui « coute des clopinettes », celui qui « coûte trois fois rien » il voudrait bien que l’on puisse en déterminer le montant.

Rien, ce n’est pas beaucoup, mais moins que rien, c’est fatalement encore moins…quelle échelle de mesure pourrait-on donner au « rien » ?

Un objet qui « coûte la peau des fesses » coûte-t-il aussi cher que celui qui coute « les yeux de la tête  » ?

N’est-il pas grand temps de donner un prix à ces « peaux de fesses », afin de les comparer aux « yeux de la tête… » ?

Quelle est la valeur d’une « modique somme »…ou d’une « somme rondelette » ?

Il faut donc les mesurer les unes par rapport aux autres : combien faudra-t-il de « modique » pour faire une « rondelette » ?

N’est-il pas essentiel, se demande le scientifique, de donner une échelle de valeur à un objet qui vaut « pas bézef », « pas des masses », « une misère », « une peau de chagrin », « un chouia »…tout ce dont il est sûr, c’est qu’ils sont moins chers que celui qui est « hors de prix  »…mais, s’indigne le chercheur, ça manque cruellement de précision.

Le manque de précision existe aussi en cuisine, car entre un soupçon de safran, une pincée de sel, un filet de vinaigre, un nuage de lait, une larme de cognac, une lichette de crème fraîche, une noisette de beurre, et une giclée de vin blanc, on ne sait plus à quel saint se vouer et tout ça ne peut que provoquer un ratage total en cuisine.

Il ouvre aussi un champ de réflexion sur cette guerre ouverte qu’il existe dans les différentes mesures mondiales en souhaitant une normalisation, et une vraie paix des mesures.

La France défend « l’ampère, le baud, le becquerel, le coulomb, la curie, la poiseuille » alors que les USA ne veulent entendre parler que du « bel, de l’henry, du morgan »…la Suède militant pour le « celsius, l’erlang, le sievert », l’Angleterre ne veut rien d’autre que « le farad, le joule, le newton, », mais l’Ecosse voisine a choisi « le watt, le maxwell »…nos voisins italiens sont les fans du « volt », ceux d’outre-rhin ont choisi « le gauss, le hertz, le mach, l’ohm, le röntgen, le weber, le siemens »…sans oublier l’Irlande qui vote pour « le kelvin, le stokes », et les croates qui ferment la marche en prônant « le tesla »…

Il est vrai que tout çà fait désordre…

Il faudrait aussi demander au chercheur de donner une valeur à l’expression « le changement, c’est maintenant  », expression utilisée comme l’on sait par un ex-candidat à la présidence de la république.

Maintenant, c’est « tout de suite »…ou « presque tout de suite »…ou « bientôt »…

Toute la France s’interroge.

Une seule certitude, les élections départementales, c’est dans deux semaines.

Comme s’interroge mon vieil ami africain : « est-ce que celui qui avoue être un menteur, dit la vérité ? »

L’image illustrant l’article vient de graphicami.com

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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24 réactions


  • Le p’tit Charles 13 mars 2015 11:32

    heu... En réunissant 2 contre 2 en miroir cela forme un poisson, le 3 rapproché du 3 en miroir forme un 8 , le 7 rapproché du 7 en miroir forme un triangle....il me semble.. ?


  • gaijin gaijin 13 mars 2015 15:16

    salut olivier
    " Le manque de précision existe aussi en cuisine, car entre un soupçon de safran, une pincée de sel, un filet de vinaigre, un nuage de lait, une larme de cognac, une lichette de crème fraîche, une noisette de beurre, et une giclée de vin blanc, on ne sait plus à quel saint se vouer et tout ça ne peut que provoquer un ratage total en cuisine. « 

    ben non justement pas ! a la différence de la patisserie il y a précisément dans la cuisine cette part d’impondérable qui en fait la saveur.
    comme dans la vie .......
    seuls les esprits chagrins et étriqués des mathématiciens imaginent que les mathématiques représentent le réel ...mais tout est clou pour celui qui ne possède qu’un marteau : quel réel ? celui des objets pas celui des humains.
    comment expliquer que l’amour s’agrandisse en proportion de ce qu’on le divise par exemple voilà une équation qu’il serait bon de résoudre ...il y a urgence !

     » toute la france s’interroge "
    ben, non plus , justement pas !
    et de moins en moins il semblerait smiley
    malgré les tentatives des bateleurs de la télé réalité les élections font de moins en moins de part de marché
    le village d’irréductibles qui résiste a toute propagande s’agrandit !

    nul doute qu’un jour on se décide a prendre des mesures :

    http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fcollectorbd.com%2FCouvertures%2F1022%2F502%2FCroqueMortLuckyLuke-001a_1.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fcollectorbd.com%2Fdetail_produit%2F502%2Fle-croque-mort-mesurant-lucky-luke&h=4000&w=4000&tbnid=jwW_46y1gxgeSM%3A&zoom=1&docid=mKBj5nK4lBEc7M&ei=bu0CVcGHCcnjU-elgLAJ&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=727&page=1&start=0&ndsp=35&ved=0CHIQrQMwGQ

     smiley smiley smiley

    bonjour chez toi smiley


    • olivier cabanel olivier cabanel 13 mars 2015 18:45

      @gaijin
      oui, c’est vrai, et c’est là tout l’intérêt de la cuisine...

      une affaire de sensibilité. mais qui peut, si nous sommes « un jour sans » nous conduire à l’échec cuisant.
      il s’agit donc d’une quasi alchimie, et ne serait-il pas intéressant de pouvoir mesurer soit la larme de cognac...la pincée de sel... ? etc
      ceci dit, si tu as pris le temps de lire dans le détail le document du scientifique, il prend très au sérieux des choses dans lesquelles on ne pourrait voir que de l’humour.
       smiley

    • gaijin gaijin 14 mars 2015 07:49

      @olivier cabanel
      il s’agit bien d’une alchimie au sens qu’il est question d’une transformation des éléments par le feu et qu’il y faut une pincée de ce qui fait la différence entre l’alchimie et la chimie : le supplément d’âme.
      la cuisine est un art ( pas au sens du grand n’importe quoi qu’est l’art moderne ) dirais tu qu’il est dommage de pas pouvoir produire des mona lisa a la chaine .... ?
      quand au scientifique non je n’ai pas lu mais bien sur qu’il prend ce qu’il dit au sérieux puisque c’est un scientifique et que c’est lui qui le dit ........ smiley
      tu te souviens de ce que disait le petit prince des gens sérieux ?
      http://lepetitprinceexupery.free.fr/chapitre07.htm
      le jour ou les scientifiques prendrons les problèmes humains au sérieux ça m’intéressera sans doute .......
      en attendant je les laisse a leur sériosité
      et je retourne m’occuper de cette chose futile qu’est l’avancée de la conscience de l’humanité smiley


    • olivier cabanel olivier cabanel 14 mars 2015 09:14

      @gaijin
      superbe...

      merci.
      note cette date : 29 mai...une scène ouverte passionnante s’y tiendra, 
      j’y ai participé hier soir, un vrai bonheur, de la bonne énergie, des gens de talent.
      en face de la cascade de Glandieu, dans l’Ain, un petit resto...
      pas loin d’aoste, dans l’isère...gratuit.
       smiley

  • Bernard Pinon Bernard Pinon 13 mars 2015 16:37

    Je me rappelle avoir lu (étais-ce dans les Dingodossiers de Gosciny et Gotlib ?) une réflexion similaire sur les unités pifométriques. On y évoquait par exemple l’utilisation du Cheval pour mesurer la température : une fièvre de cheval smiley


    • Xenozoid 13 mars 2015 16:47

      @Bernard Pinon
      fievre de cheval, est très capitalist, car il sugere que vous aller faire le travail du cheval,a sa place, non ?


  • Cassiopée R 13 mars 2015 16:41

    Un zest aussi.


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 13 mars 2015 17:03

    Bonjour olivier cabanel

    Comme si le monde d’aujourd’hui n’était pas à son comble du vulgaire pour que... vous vous donniez à la vulgarisation de la pauvre science !!!

    «  »Une seule certitude, les élections départementales, c’est dans deux semaines.«  »

    L’Africain que je suis,,. Sait que ce qui doit arriver est déjà du passé !


    • olivier cabanel olivier cabanel 13 mars 2015 18:47

      @Mohammed MADJOUR
      très belle phrase : « ce qui doit arriver est déjà du passé ».

      merci... il s’agit donc de ce fameux « éternel recommencement » ?

  • Gasty Gasty 14 mars 2015 07:52

    Depuis un certain temps, j’espérais que l’on mette en lumière l’existence sur ses mesures de bout de chandelles. J’attend avec impatience l’avis éclairé du professeur Nimbus afin de pouvoir prendre mes distances par rapport aux autres et en connaissance de cause à effet... qui ne saurait tarder.


  • Calva76 Calva76 14 mars 2015 10:41

    Tiens donc !
    Monsieur Cabanel se lance dans la métrologie...
    Il serait temps car j’ai pu constater quelques libertés avec les unités de mesure dans pas mal de ses articles enflammés sur son sujet de prédilection. smiley
    .
    Comme le dirait son vieil ami Africain :
    .
    Même dans le mensonge, mesure il faut garder.

     smiley


    • soi même 14 mars 2015 11:17

      @Calva76, c’est un article hautement politique , il anticipe le 29 mars .....


    • olivier cabanel olivier cabanel 14 mars 2015 11:20

      @Calva76
      la mesure c’est de ne pas évoquer pour des articles de simples informations s’appuyant sur des données scientifiques, le terme « enflammé »...parce que là, vous tombez hélas dans la démesure.

      espérant que ces quelques lignes auront refroidit vos ardeurs injustifiées.
       smiley

  • Calva76 Calva76 14 mars 2015 11:57

    Ouaouh, une réponse personnelle, c’est trop d’honneur. smiley
    Quelle démesure justifierait donc cette déférence ?
    Le fait de faire remonter des (grosses) boulettes écrites par le passé ?
    Grâce vous en soit rendue en tout cas. smiley


  • gaijin gaijin 16 mars 2015 13:23

    salut olivier
    rien a voir avec le sujet mais un petit reportage qui devrais te plaire ( si j’ose dire )
    http://pluzz.francetv.fr/videos/aliments_irradies_mauvaises_ondes_dans_nos_ assiettes_,119394387.html


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