lundi 9 novembre 2020 - par C’est Nabum

Une histoire qui ne vaut pas un clou

À s’en mordre les doigts.

Il convient de puiser dans l’enfance l’origine de bien des travers. Je dois vous faire ici confession qui me coûte et risque fort de me clouer au pilori des bricoleurs. Le récit m’en demandera bien des efforts, je vais ici porter ma lourde croix en espérant y mettre la manière. Prenez la peine de la lire sans me taper sur les doigts si elle vous déplaisait.

Tout a commencé pour moi dans un atelier de tapissier. Mon père, homme habile et doué de ses mains avait la prétention de faire de son rejeton, son digne successeur. Selon l’adage, la valeur ne doit jamais attendre le nombre des années, c’est donc dès mes quatre ans qu’il me mit un marteau dans les mains pour enfoncer le clou et inculquer par la même occasion le virus du métier.

Bien mal lui en prit… Ce fut pour moi un véritable chemin de croix, le clou se refusant obstinément à la tête en acier trempé du marteau qui avait quant à elle une singulière attirance pour mes doigts de la main gauche. Ce fut là un calvaire car mon géniteur s’obstina à m'inculquer les bases de son art. Lui qui passait ses journées avec de petites pointes dans la bouche qu’il allait quérir avec un marteau à tête aimantée.

Je le regardais faire, attrapant la pointe avec une précision diabolique, l’enfonçant d’une seule frappe à l’endroit précis où il en avait décidé. Je voulus naturellement opter pour cet outil. Mal m’en prit car cette fois, la blessure fut plus grave, accompagnée des stigmates de notre seigneur des cieux. De là on me colla la terrible réputation d’avoir deux mains gauches qui me colle encore à la peau sans que je fasse quoi que ce soit pour démentir la chose.

Je pense aussi que ma sympathie, toute païenne cependant, pour le fils du charpentier de Judée, naquit à ce moment-là. Je crois que lui aussi a partagé l’éducation d’un père qui voulait faire de lui un artisan. Si nos chemins ont différé, le choix de la langue plutôt que du marteau fut notre point commun. C’est en son hommage du reste que je me fais un devoir de toujours traverser sur les clous même si ceux-ci ont disparu de nos villes.

Je laissai donc rapidement choir les outils pour me consacrer au vélo. Quel rapport me direz-vous ? Ce n’était certes pas un vieux clou bien que rapidement dans mes mains, mon beau coursier Peugeot devint rapidement une sorte d’épave ambulante. Comme j’étais strictement incapable de réparer les sottises que mon sens de la cascade provoquait, je devins le meilleur client d’un réparateur qui pour nous tous était Charlot, un surnom affectueux, rassurez-vous.

Le clou revint au galop cependant dans mon existence d’enfant d’artisan. Puisque je ne pouvais l’enfoncer, on me réserva l’honneur de l’arracher. C’est bien la seule chose d’utile que je sus faire convenablement dans cet atelier. À deux pas de la Sologne, j’étais muni d’un petit pied de biche ou communément appelé Chasse-clou, et sans permis d’aucune sorte, je traquais le clou récalcitrant pour dépouiller fauteuils et canapés de leurs parures.

Il y avait un intérêt à cette activité, non pas dans ce geste éminemment répétitif, mais dans l’espoir de la découverte fabuleuse. Les fauteuils recèlent des trésors qui se sont glissés dans leurs interstices : pièces de monnaie le plus souvent ayant échappé à la poche qui leur servait de refuge. Ne pensez pas que le butin fut prodigieux ; ce n’étaient le plus souvent que de vieux sous troués, depuis belle lurette hors d’usage. Qu’importe si cela ne valait pas un clou, c’était la fièvre de la traque qui réjouissait le déclouteur.

N’ayant nul trésor désormais à espérer dans le bricolage, je renonçai à jamais à Satan et à ses manœuvres bricoleuses. Le seul clou qui puisse encore me satisfaire est celui du spectacle si par bonheur, il me permettait à nouveau de trouver une chute glorieuse. Pour me prémunir de tout risque sur le grand théâtre de l’existence, m’étant quelques fois déchiré mes pieds nus à quelques clous dépassant de parquets usagés de nos scènes rurales, pour éviter tout risque sanitaire je me suis laissé inoculer le seul vaccin qui vaille pour un arcandier de mon acabit : l’antitétanique !

Cloutement vôtre



28 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 9 novembre 2020 14:49

    Je n’avais ni lu ni entendu le mot « arcandier » depuis que mon père (nivernais) est mort.

    Pour lui, ce n’était pas un compliment.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 9 novembre 2020 15:59

    Idem, ayant assisté au décès d’une actrice après un déménagement. J’aurais pu écrire une ARC trice. Il est assez pénible de voir une femme pleine de vie mourir tendue en ARC de CERCLE. Enfin par ailleurs elle avait malgré tout connu quelques petits triomphes. Son mari m’a cédé la boucle de la ceinture de SARAH BERNARD qui lui appartenait. Des clous en forme de perle enchâssées dans un support de cuivre et d’argent. 


    • amiaplacidus amiaplacidus 9 novembre 2020 17:32

      @osis
      Et ??

      Rien, comme d’hab.


    • C'est Nabum C’est Nabum 9 novembre 2020 18:02

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      Le clou du spectacle en somme 


    • Gollum Gollum 10 novembre 2020 16:08

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      Son mari m’a cédé la boucle de la ceinture de SARAH BERNARD

      Ben voyons. Au lieu de la vendre aux enchères et d’ainsi récupérer un petit pactole... Encore quelque chose de vachement crédible de notre princesse belge.

      Vachement crédible tout comme son compagnon ayant traversé l’Atlantique, fréquentant les 200 financiers les plus riches de la planète, etc, etc, etc...

      Le plus probable est que notre Mélu mène une petite vie minable dans un appartement minable quelque part dans une ville minable et qu’elle se fait ch... mais ch... au point de trainer ses savates ici, de s’inventer un pedigree factice qu’elle jette à la seule de tous comme si on allait gober la fable...


  • velosolex velosolex 9 novembre 2020 17:07

    J’ai commencé à apprendre à lire et à écrire non avec un crayon, mais avec un marteau, à trois ans, enfonçant des clous dans un billot de bois, que mon père avait placé dans le jardin, après avoir tracé à la craie mon nom sur la coupe.

    La paire de tenailles faisait office de gomme. Je me tapais sur le doigts assez souvent, mais mon père dédramatisait quand je pleurais, en me disait qu’il fallait souffrir un peu pour apprendre, et que si j’aimais assez l’exercice pour y revenir, c’était bon signe !. 


    • Clark Kent Séraphin Lampion 9 novembre 2020 17:50

      @velosolex
      « c’est le métier qui rentre », qu’ils disaient, les anciens...


    • C'est Nabum C’est Nabum 9 novembre 2020 18:04

      @velosolex

      J’ai renoncé je suis donc un médiocre 


    • velosolex velosolex 9 novembre 2020 19:22

      @C’est Nabum
      Les enfants d’artisan ont des émotions communes
      « Un Breton, ça a la tête dur ! » Me disait mon père.
      Quand à lui il avait à lire tout seul en gardant les vaches
      Mine de rien les messages vous structurent ; on n’est rien d’autre que ce que l’opinion nous fait.
      Il avait pas lu Sartre, l’être et le néant, mais il avait du bon sens. Tout du moine copiste, quand il cousait ses godasses. 
      Je dormais dans un carton, à deux ans, au milieu des pièces de cuir, enivré des odeurs de la colle.
      On ne s’en remet pas. 
      Mes écoles ont été ensuite très médiocres.
      J’ai eu le tort de faire le deuil de la cordonnerie. 
      Mais j’ai gardé très grand respect pour le bel ouvrage
      Lu dernièrement un livre sur le compagnonnage. Un univers oublié, ou la poésie, la chanson de geste, se conjuguait avec l’art du beau geste et de la fraternité.


    • velosolex velosolex 9 novembre 2020 19:31

      @Séraphin Lampion
      Paroles d’autrefois.
      Avec d’autres qui n’ont plus presse, heureusement « Tu vas en prendre une ! »
      Mettez un marteau dans la main d’un gamin, et il se fera embarqué par la DDASS., tandis que vous finirez chez les flics..Il faut pourtant faire l’éloge de l’ampoule au doigt, ou au pied.
      Lachez la bride aux gosses !
      Croisé dernièrement un campement de gens du voyage, installé sur le bord d’une rivière où l’on voyait des enfants. Et j’ai souri en me reconnaissant dans le tas. Une photo des années 60...
      Le gamin de cinq ans s’acharnait à couper du bois avec une hache plus grosse que lui...Sa sœur, une vraie dégourdie, slalomait sans casque et faisait du vélo cross, puis s’est arrêtée longuement devant une flaque d’eau, perdue dans la contemplation d’une tache d’essence faisant des arabesques et des volutes. 
      A cette époque, on en apprenait autant sur le chemin de l’école que dedans, avec tout le respect que je dois aux quelques instituteurs qui m’ont inspiré. 


    • C'est Nabum C’est Nabum 9 novembre 2020 21:53

      @velosolex

      J’ai moi aussi un profond et filial respect pour le bel ouvrage. 
      C’est un héritage à jamais ancré en moi

      Le clou ne s’arrachera qu’à ma mort 


  • mosel 9 novembre 2020 18:30

    dommage que vous ne soyez pas un pro de la clouterie j’aurais aime que vous clouassiez le bec a un certain marcheur.


  • juluch juluch 9 novembre 2020 18:50

    essayez les vis à la place des clous ça fera moins mal....

    merci nabum pour ce petit moment clouté de sympathie. 


  • Attila Attila 9 novembre 2020 21:11

    Le clou, une technologie de pointe !

    .


  • troletbuse troletbuse 9 novembre 2020 21:53

    Tiens vous me rappelez que dans l’ancien temps,on chopait de temps à autre une infection de la peau que l’on appelait clou. C’était un petit furoncle, une cochonnerie dont on avait du mal à se débarrasser surtout quand il était mal placé.

    J’ai cru que cette appellation avait disparu mais non. En tapant « clou furoncle » sur google, j’ai eu immédiatement la réponse :

    Comment soigner un clou ?

  • Attila Attila 9 novembre 2020 22:41

    «  Je laissai donc rapidement choir les outils pour me consacrer au vélo »

    Plutôt que de les laisser choir, vous auriez pu les mettre au clou, cela vous aurait rapporté quelques piécettes.

    .


  • charlyposte charlyposte 10 novembre 2020 08:33

    Et dire qu’avant en quittant le trottoir on marché sur des tas de clous.


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