vendredi 2 décembre 2011 - par Paul Villach

Absentéisme scolaire et humanitarisme dévoyé

 L’Éducation nationale meurt de l’invention par un humanitarisme dévoyé d’un amalgame, celui de « l’élève en difficulté  ». Sous cette appellation d’origine mal contrôlée sont désignés à la fois l’élève volontaire qui, travaillant sans parvenir à réussir, mérite d’être aidé et l’élève qui, se conduisant comme un voyou dans une classe ou un établissement, doit être recadré.

 

L’humanitarisme dévoyé au service de la privatisation

Les Ultra-libéralistes ont compris depuis longtemps tout le parti qu’ils pouvaient tirer de cette humanitarisme dévoyé professé, le cœur en bandoulière, tant par des professeurs que par des parents d’élèves « au grand cœur » : au nom d’une sollicitude accrue, on a laissé les voyous faire la loi dans un établissement quand on ne les a pas protégés, en en faisant des indics et des provocateurs, pour régler ses comptes avec tel ou tel professeur qui, déjouant ce leurre, combattait une telle destruction sournoise de l’École publique. Car, forcément, alors qu’il était si simple d’y mettre un terme en appliquant le règlement intérieur et la loi au besoin, le désordre entretenu faisait fuir vers le privé les élèves dont les parents étaient aisés.

Un succès de la loi contre l’absentéisme scolaire allégué par le ministre

On vient d’avoir un exemple de cet humanitarisme dévoyé, en écoutant, le 1er décembre 2011, au « Journal de 13 heures » de France Inter, le président de la FCPE (1). Il était invité à donner son avis sur un premier bilan publié par le ministère au sujet de la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire, dès 4 demi-journées d’absence relevées en un mois.

Selon les statistiques officielles, 32.000 familles auraient été convoquées pour répondre de l’absentéisme de leur enfant. Le problème aurait été réglé dès le premier signalement pour la moitié d’entre elles, et une seconde convocation aurait eu raison de la résistance de l’autre moitié. Il n’y aurait eu, pour finir, que 160 familles à avoir vu leurs allocations familiales suspendues.

On peut comprendre la satisfaction du ministre comme du député Ciotti qui avait eu l’idée de cette loi. Si sur 32.000 familles insouciantes de leurs devoirs – ce qui est considérable – il n’en reste plus que 160 à sanctionner au terme de la procédure de responsabilisation, c’est un franc succès.

Les leurres de l’humanitarisme dévoyé

Pas pour le président de la FCPE dont les arguments complaisamment répétés par France Inter sont confondants ! Ce ne sont que des leurres.

1- Le premier est l’amalgame que contient le concept, évoqué plus haut, d’« élève en difficulté » ou de « gens en difficulté ». Leurs difficultés tant matérielles que culturelles devraient leur valoir exonération de toutes responsabilités quand ils manquent à leurs devoirs. N’est-ce pas les encourager dans l’erreur ?

2- Le second argument est aussi un amalgame : la loi « stigmatiserait » ces pauvres gens quand ce sont eux qui par leur comportement se stigmatisent tout seuls. Le propre du délinquant est en effet de se distinguer par la violation de la loi, quand ceux qui la respectent restent dans l'anonymat.

3- Le troisième argument est encore un amalgame  : ce serait l’école la coupable et non l’élève absentéiste car elle ne saurait pas intéresser le pauvre chéri ! Ce n’est pas à l’élève de s’intéresser à ce qui se passe en classe mais au professeur d’intéresser l’élève. N’est ce pas oublier que la relation pédagogique se joue à deux, le professeur et l’élève ? Que faire quand l’un des deux ne joue pas son rôle ? Oublie-t-on que l’effort précède le plaisir ?

4- Enfin, le quatrième argument est une mise hors-contexte d’une sidérante malhonnêteté intellectuelle. Pour 160 familles, conclut ce président de parents d’élèves, il n’y avait pas besoin de faire une loi : « Tout ça pour ça ! » soupire-t-il. Et France Inter d’enfoncer le clou par trois fois en répétant ce reproche ! N’est-ce pas oublier que c’est le contexte de la loi qui par la contrainte exercée, a conduit les 32.000 familles à respecter leurs devoirs et que seules 160 d’entre elles se sont montrées irréductibles ! Cette loi n’a donc pas intéressé 160 familles, comme le soutient ce président de parents d’élèves, mais 32.000 ! Ce n’est pas si mal

 

Si, encore une fois les statistiques ministérielles sont exactes - car, par expérience, on n'accorde qu'une confiance limitée à ce ministère - , pourquoi bouder son plaisir ? Cette loi n’a-telle pas montré son efficacité ? Pourquoi ne pas le reconnaître ? C’est au-dessus des forces du président de la FCPE sans doute : l’humanitarisme dévoyé qui l’aveugle, ne peut souffrir, en effet, que "la personne en difficulté" qui transgresse la loi, encourt une sanction. Quant à la rédaction de France Inter, qui a répété par trois fois ce point de vue, était-ce pour le valoriser ou pour stimuler un réflexe de répulsion ? Les deux solutions sont possibles sans être exclusives l'une de l'autre. Paul Villach 

(1) « Extraits du journal de 13 heures de France Inter, 1er décembre 2011

Patrick Boyer.- On a commencé à sanctionner les familles pour absentéisme scolaire. L’absentéisme c’est quand l’enfant manque au moins quatre demi-journées en un mois. La sanction, c’est la suspension des allocations familiales aux parents. Cela a concerné 160 familles depuis le début de l’année. Mais Luc Châtel, le ministre de l’Éducation nationale, insiste, Sofia Bourane, sur le fait que 99% des litiges ont été résolus autrement.

Sofia Bourane.- Il a suffi d’une communication de l’inspection d’académie ou du chef d’établissement pour que l’élève absent revienne en cours. Au total 32.000 familles ont été convoquées, la moitié de ces cas ont été résolus dès le premier entretien. Pour l’autre moitié un deuxième rendez-vous a été nécessaire. Mais, au final, 160 familles seulement ont vu leurs allocations suspendues. Pour Éric Ciotti, député UMP et auteur de la loi, ces résultats sont encourageants.

Éric Ciotti.- C’est très exactement l’objectif que nous avions. Ce n’était pas de suspendre les allocations familiales. C’était de faire retourner des enfants vers le chemin de l’école et de lutter contre ce fléau qu’est l’absentéisme scolaire. La crainte de la sanction pour nous, c’était un moyen de rappeler aux parents leur devoir pour ceux qui l’avaient oublié. Ils y en avaient quelques uns.

Sofia Bourane.- Mais fallait-il vraiment faire une loi pour 160 cas ? s’interroge Jean-jacques Hazan, président de la FCPE, fédération de parents d’élèves

Jean-Jacques Hazan.- À partir du moment où il y a des rencontres qui s’organisent, ça responsabilise tout le monde. La question est de savoir si ça fait vraiment revenir les élèves en classe et si on arrive à les intéresser à ce qui se passe en classe. C’est quand même ça l’essentiel de la chose. Je remarque surtout : tout ça pour ça, quoi ! Faire une loi pour stigmatiser les gens les plus en difficulté et en les menaçant de leur enlever les allocations familiales, ce qu’on ne fait évidemment pas avec ceux qui ne touchent pas les allocations familiales, c’est plutôt discriminatoire.

Sonia Bourane.- Pour la FCPE, ces chiffres montrent qu’il n’y avait pas besoin d’une loi, des convocations auraient suffi. »



5 réactions


  • antonio 2 décembre 2011 16:45

    Oui, le « culte  » de « l’élève en difficulté » gangrène l’Education Nationale depuis des années, faisant fi des élèves moyens qui n’ennuient personne et encore plus des bon élèves : qu’ils se débrouillent tout seuls !
    Que n’a-ton pas « justifié » au nom de l’élève en difficulté et ce, avec un déversement écoeurant de « compassion » que ne désavouerait pas une dame patronnesse du siècle dernier !


  • appoline appoline 2 décembre 2011 19:08

    Les professeurs et l’éducation nationale se plaignent du comportement des élèves mais non pas le courage de sanctionner : après 10 avertissements = 1 blâme, après 10 blâmes....... Vous avez foutu le système éducatif en l’air en quelques décennies et vous cherchez toujours un coupable, bande d’irresponsables.


  • easy easy 2 décembre 2011 19:17



    «  »«  » le désordre entretenu faisait fuir vers le privé les élèves dont les parents étaient aisés. «  »« 

    Ya du leurre dans l’air.

    Vous donnez à entendre que les bons élèves friqués ont fui l’école publique pour aller se dans le privé.

    Or le privé est plutôt devenu l’échappatoires des cancres friqués.

    Les enfants que j’ai vu entrer dans le privé avant le Bac étaient certes de parents friqués mais étaient tous des cancres qui ne savaient décliner que le  »De toutes manières, j’aurai l’usine de papa« 

    Il suffit de regarder les résultats au bac, les écoles privées sont à la queue.





    Concernant plus précisément l’objet de votre papier, »élève en difficulté« est effectivement un fourre-tout qui évite une stigmatisation en Bien/Mal mais l’usage de l’expression a démontré à tout le monde son double sens et double jeu.

    Ainsi que »Quartier difficile" 

    Tout en pratiquant cette expression non manichéenne, chaque observateur fait ses propres mesures et sait bien distinguer entre ceux qui peinent vraiment et ceux qui ne vont qu’à l’affrontement.

    L’expression ne leurre personne. Pas plus que technicienne de surface.


  • Spip Spip 2 décembre 2011 19:36

    S’il n’y avait que dans les milieux défavorisés que certains enfants manipulent des parents pas à la hauteur... J’en ai encore eu l’exemple hier (enfant de 8 ans, parents patrons de plusieurs magasins, pas vraiment la zone) Le moutard, vissé devant sa console « Maman, tu viens m’ouvrir l’eau » puis « Maman, viens me fermer l’eau... c’est toi qui paye ! ». Et la mère de s’exécuter, sidérant !

    Alors, manque de quoi ? Pas de moyens financiers ni culturels, à priori. Le nœud du problème, à mon avis, se situe dans le statut réel de l’enfant. Une amie à moi a une expression qui tombe à chaque fois qu’elle est agacée par ce genre de parent « Son œuf à trois jaunes... »

    Quant à intéresser les enfants, ce n’est quand même pas une loi qui va le faire. Ils y a des enseignants qui se décarcassent, d’autres qui n’en on rien à f... C’est une réalité (j’ai assez d’enseignants dans mon entourage). Pour les élèves, si on s’intéressait à leur hygiène de vie, entre autre, on éviterait de voir des zombies couler lentement au décours de la journée.

    Mais là, ce serait de l’intrusion dans la vie des familles...

    PS : Coluche « Il y a des gens qui ont eu un enfant parce que la SPA leur avait refusé un chien ! » Caricatural, certes, mais à méditer quand même.


  • bruno-beauvois 3 décembre 2011 09:57

    Cet article accumule les contres vérités et l’esprit réactionnaire. L’école doit aider les jeunes en difficulté, mais à partir du plus jeune age, au collège ou au lycée, c’est déjà tard et très difficile.

    Sortez de vos convictions passéiste et allez voir dans les pays nordiques les raisons de leurs succès !

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