Ad astra
L’aventure spatiale nous fascine depuis longtemps et Thomas Pesquet en est aujourd’hui la figure emblématique. Mais peut-elle changer la destinée de notre espèce ?
C’est un constat partagé par la plupart d’entre nous : nous nous sentons à l’étroit dans nos vies. Les confinements successifs et les limitations de déplacement n’ont fait qu’accroître ce sentiment. Aussi, plus que jamais, nous rêvons de liberté et de mouvement. C’est ce qui explique sans doute l’engouement suscité, la semaine dernière, par la nouvelle mission spatiale de Thomas Pesquet. Alors que, depuis plus d’un an, la pandémie de Covid-19 nous accable d’incertitudes sur notre devenir terrestre, voilà un garçon – français de surcroit – qui s’offre le luxe de quitter la terre pour six mois, même investi d’une mission scientifique. Six mois en de vie en apesanteur, à 26 000 kilomètres au dessus de notre planète (qu’il pourra contempler comme aucun d’entre nous) : imagine-t-on l’aventure prodigieuse que cela représente pour un être humain ? Quand il reviendra ici bas, il retrouvera sans doute bien des problèmes qu’il a momentanément quittés, mais beaucoup de choses auront changé. Lui aussi aura changé, tant sous l’angle psychologique qu’au niveau biologique : un tel privilège, une telle responsabilité, ont un prix.
Il n’empêche : Thomas Pesquet est encore jeune – 43 ans -, il est grand, beau, sportif. Autrement dit, il a tout ce qu’il faut pour incarner un héros des temps modernes. Ce n’est pas étonnant s’il cristallise autant l’affectivité des plus jeunes – qui l’ont déjà starifié. En outre, il devient le premier français à diriger une équipe d’astronautes à bord de la station spatiale. Oui un tel destin a de quoi faire rêver et il est fort possible que certains, dans quelques temps, cherchent à récupérer à des fins politiques sa formidable popularité. Mais peut-il changer le cours de nos vies ? Que résultera-t-il, pour l’humanité, d’une telle aventure ? Pas grand-chose, à mon humble avis. Car malgré l’enthousiasme que soulève, depuis six décennies, la conquête spatiale, nous savons bien au fond de nous que nous ne sommes faits que pour vivre sur cette petite planète. Nous savons instinctivement que hors d’elle, la perpétuation de notre espèce est totalement incertaine. Les vrais défis sont sur la terre et nous devons tous nous employer à les affronter si nous voulons préserver notre part d’avenir. Même si l’échappée belle dans l’espace de quelques-uns de nos congénères nous apporte cette ouverture sur l’ailleurs dont nous avons tous, peu ou prou, besoin pour continuer le chemin.
Jacques Lucchesi