vendredi 11 mai 2012 - par kali

Après le harcèlement sexuel, le harcèlement moral à la trappe ?

Après l’abrogation du délit de harcèlement sexuel par le Conseil constitutionnel, c’est au tour du délit de harcèlement moral d’être attaqué. Le tribunal correctionnel d’Epinal a accepté hier de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation. C’est un avocat qui a plaidé que ce délit était aussi flou et mal écrit que le texte sur le harcèlement sexuel.

Le harcèlement dans le cadre professionnel a toujours existé. Cependant, depuis la loi sur la modernisation sociale du 17 janvier 2002, il est reconnu comme un délit. La loi de 2002 énonce que « des agissements répétés, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié au travail et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le harcèlement moral est également reconnu comme délit pénal. Art. 222-33-2 du code pénal.

Au fil des années et des procès, la jurisprudence récente a fait évoluer la notion de harcèlement moral, la rendant parfois indépendante de la notion d’intention ou de répétitivité, ce qui était le cas au début. Ainsi, dans des arrrêts récents de la chambre sociale de la cour de cassation, un mode d’organisation du travail ou de gestion pouvait s’assimiler à du harcèlement moral.

 

La loi sur le harcèlement moral a forcé les entreprises à plus de vigilance

Elle a provoqué une prise de conscience. Non seulement, cette loi a permis que des salariés victimes puissent saisir la justice, mais l'augmentation des plaintes depuis 2002 a obligé les entreprises, sinon à se remettre complètement en question, à plus de vigilance, pour éviter les contentieux. Certaines grosses entreprises ont même mis en place, dès 2003, des cellules d'écoute, des observatoires des pratiques managériales.

Cette loi a également permis, indirectement, que l'on se penche sur un phénomène plus large : Les « Risques Psycho Sociaux » dans l'entreprise, élargissant les causes de la souffrance à d’autres facteurs que le harcèlement moral, tels que :

· Exigences liées à l’exercice du travail

 · Exigences émotionnelles

 · Autonomie et marges de manœuvre

 · Rapports sociaux et relations de travail

 · Conflits de valeur

 · Insécurité socio-économique

 

Les suicides de salariés de France Télécom ont mis en évidence des mécanismes de souffrance plus insidieux et aux conséquences dramatiques et ont amené les politiques à se saisir du sujet. Un rapport a même été voté par l’assemblée nationale sur les RPS. (1)

Les accords d’entreprise sur les RPS ont fleuri et ont même été décryptés et analysés par le gouvernement (2).

Cela n’a pas suffi à enrayer le phénomène mais cela a cependant obligé les entreprises à une vigilance et à sanctionner parfois les managers qui pratiquent un management confinant à du harcèlement moral.

Qui fréquente une entreprise tous les jours du matin au soir pendant environ 200 jours par an - sauf quelques bienheureux - a souffert au moins d’un de ces phénomènes :

- Anxiété

 - Dépression

 - Isolement social

 - Troubles Musculo-Squelettiques

Très souvent, ce sont les conséquences d'un mode de management ou de comportement de la ligne managériale, voire d'autres lignes. Le harcèlement moral, ne l’oublions pas, peut émaner d’un supérieur hiérarchique, un collègue de travail, un subordonné ou d’un groupe.

 

L'abrogation de la loi de 2002 dans le contexte actuel serait dramatique

Dans un contexte économique difficile, avec des licenciements de masse qui se poursuivent, l'abrogation de cette loi serait dramatique. Nous verrions le retour des "killers", ces consultants ou managers chargés "d'élaguer", pousser des salariés vers la porte, en les faisant craquer. Cela permet d'éviter le licenciement collectif pour motif économique, plus délicat à mettre en œuvre.

On nous dira que certaines plaintes sont abusives. Certes, mais cela est valable pour tous les délits. Et cela ne justifie pas l’abrogation de toutes les lois pour autant.

En tout état de cause, même si la loi de 2002 n'est pas aborgée, tous les procès en cours sont suspendus tant que la cour de cassation n'a pas statué sur la demadne de l'avocat d'Epinal. Les victimes ayant des procès en cours ou subissant un harcèlement dans leur entreprise, subissent un préjudice supplémentaire, car le harcèlement touche à la psychologie de la personne, plus que toute autre atteinte.

Tout cela parce qu’un avocat veut gagner du temps, surfant sur l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel, pour éviter à son client une condamnation éventuelle.

Si la loi sur le harcèlement moral est aborgée, le monde l’entreprise va trembler sur ses bases. La gestion des ressources humaines par la terreur va reprendre ses droits.

 

Références

1) http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3457.pdf

2) http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Derniers-accords-signes-sur-la.html

 



17 réactions


    • kali 11 mai 2012 10:49

      Bonjour
      Alarmiste et tendancieux...soit.

      http://www.midilibre.fr/2012/03/01/suicide-d-un-agent-de-la-cpam-un-mail-bouleversant-et-accablant,464819.php
      http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/04/26/france-telecom-un-salarie-s-est-suicide-en-s-immolant-par-le-feu_1512911_3224.html

      Cet article parle de harcèlement moral et des RPS qui ont fait l’objet d’accords dans les entreprises. Qui défendez-vous ? qu’est ce qui vous gêne dans les photos ? Elles reflètent une réalité : La souffrance au travail est un problème de santé publique aujourd’hui, même la CNAM le reconnait. 
      Je pense que votre focalisation sur le combat anti féministe et celui, notamment contre l’abus des plaintes en matière de violences sexuelles (l’abus existe et existera toujours mais ne justifie pas le délit), vous brouille la perception, si je peux me permettre. Nous ne parlons pas de la même chose assurément.
      Cordialement


    • chapoutier 11 mai 2012 11:16

      j’interviens encore une fois sur cette question, la première loi sur le harcèlement sexuel se situait exclusivement sur le terrain du monde du travail, dans un rapport hiérarchique , elle n’avait pas vocation à légiférer sur les relations interpersonnelles. si vous harceler votre voisine de palier, et est en mesure de vous claquer , une salariée ne pourra pas se permettre la même chose sur son lieu de travail car elle à besoin de son salaire, elle est tenu économiquement par son supérieur hiérarchique.

      la loi harcèlement morale à dé-régulé cette vision hiérarchique du harcèlement , et cela à l’initiative d’une association de drh des grands groupes. j’avais combattu cette loi à l’époque en tant que syndicaliste car la loi de 2002 mettait sur un pied d’égalité le harcelé et le harceleur.


    • kali 11 mai 2012 23:15

      @Chapoutier

      Tout à fait d’accord. Le lien de subordination est central dans ce type d’affaires.


  • chapoutier 11 mai 2012 09:59

    bonjour Kali, tu as tout à fait raison, cela coule de source. d’ailleurs j’avais fais un article sur l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel ( d’ailleurs on a choisi la même photo smiley ) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/harcelement-sexuel-cela-n-existe-116157
    la loi sur le harcèlement sexuel a été modifiée en 2002 dans le cadre de la loi sur le harcèlement moral et comme pour le harcèlement moral, depuis 2002, c’est à la victime de faire la preuve du délit. la loi de 92 était bien plus en faveur des salariées. la loi de 2002 qui avait été présenté comme une avancée sociale était en fait une régression. à l’époque j’avais combattu cette loi dont les instigateurs était une association de DRH des grands groupes français, dont principalement la DRH groupe france télécom..
    A l’époque j’étais militant syndical à france telecom, et je peux témoigner que la loi harcèlement n’est pas en faveur des salariés puisque c’est aux salariés de faire la preuve qu’ils sont victimes de harcèlement.
    depuis on voit les cadres dirigeants porter plainte contre les salariés pour harcèlement.

    il n’en reste pas moins que tu as tout à fait raison, ils vont tenter de réduire à néants les quelques éléments de la loi harcèlement morale qui pouvait permettre aux salariés de se défendre.

    juste un détail, c’est que le harcèlement moral comme sexuel, même s’il a toujours existé, n’avait pas le même impacte avant les années 80, avant le chômage de masse, car 1) les salariés n’avaient pas à subir cette oppression en changeant de boulot plus facilement qu’aujourd’hui, 2) il y avait une solidarité plus grande dans les boites car justement les gens n’avaient pas peur de perdre leur emploi et les syndicats étaient plus puissant qu’aujourd’hui.


  • Robert GIL ROBERT GIL 11 mai 2012 10:04

    Les entreprises sont de plus en plus des zones de non droit, la destruction du code du travail et la dégradation des conditions de travail précarisent les salariés et les soumettent à une pression continuelle. Ce que nous n’accepterions pas dans la vie de tous les jours nous le supportons au travail...............
    http://2ccr.unblog.fr/2010/11/01/la-violence-du-harcelement/


  • jcbouthemy jcbouthemy 11 mai 2012 10:13

    Bravo d’attirer l’attention sur la démarche de cet avocat qui semble profiter opportunément de l’abrogation du texte concernant le harcèlement sexuel.


    Une comparaison entre le contenu des 2 articles fait apparaitre que le harcèlement sexuel n’est pas caractérisé contrairement au harcèlement moral, ce qui nous permet d’espérer que cette QPC n’aura pas les mêmes résultats que la QPC sur le harcèlement sexuel

    L’article 222-33 du code pénal : Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

    Article 222-33-2 : Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.


  • docdory docdory 11 mai 2012 14:16

    @ Kali

    Si on lit attentivement la décision du Conseil Constitutionnel sur le harcèlement sexuel, on comprend que ce qui est sanctionné, ce n’est pas l’existence de ce délit, c’est la modification absurde d’un texte législatif parfaitement clair et précis concernant ledit délit ( loi de 1992 précisée en 1998 ), par un texte obscur et totalement imprécis ( modification en 2002 dans le cadre de la loi sur la modernisation sociale ).
    Pour ce qui est du harcèlement moral, on ne peut préjuger de la décision de la cour de Cassation ni de celle du conseil Constitutionnel.
    Vous ne dites pas quels sont les éventuels changements législatifs concernant le harcèlement moral survenus avec la loi de 2002 dite de « modernisation sociale ». 
    Il est probable que, dans l’hypothèse selon laquelle cette éventuelle modification de la loi sur le harcèlement moral a rendu le texte fortement imprécis par rapport au texte précédent, à l’instar de ce qui s’est produit pour la loi sur le harcèlement sexuel, le conseil Constitutionnel prendra le même genre de décision.
    Une solution simple existe dans le cas du harcèlement sexuel : faire revoter par les parlementaires le précédent texte qui était parfaitement précis et donc non susceptible de censure par le Conseil Constitutionnel.
    La question prioritaire de constitutionnalité est donc un puissant outil qui permet aux citoyens d’être jugés selon des lois rigoureusement précises, conformes à la déclaration des droits de l’homme et à la Constitution, et non selon des lois floues, mal conçues et sujettes à interprétations variées selon les juges.
    Il est sans doute à prévoir dans les années qui viennent un toilettage massif de la législation française dans tous les domaines, avec élimination des lois rédigées de façon imprécise ou obscure, et remplacement de celles-ci par des lois claires et précises. L’on ne peut que s’en féliciter.

    • chapoutier 11 mai 2012 16:32

      vous avez tout à ,fait raison, la loi de 92 était claire nette précise . elle a été modifié et « dépréciée » par la loi de 2002 de modernisation sociale portant entre autre sur le harcèlement moral.

      la mouture de 2002 comporte les mêmes manques ( et pour cause ) que la loi HM. donc c’est à juste titre que kali estime que les « tares » relevé par le CC à propos du HS risquent d’entrainer pour les mêmes raisons l’abrogation de la loi HM.


  • j.michel j.michel 11 mai 2012 16:56

    « Qui fréquente une entreprise tous les jours du matin au soir pendant environ 200 jours par an - sauf quelques bienheureux – »

    Les bienheureux, sont-ce les chômeurs ?


    • iris 11 mai 2012 17:10

      Depuis 41 ans que je fréquente les pme et entreprise je peux vous dire que la violence la menace l’intimidation sont des choses courantes-et je ne peux tout dire...
      je suis écoeurée et j’ai hate d’arriver à 60ans pour la retraite si holande respecte sa parole...


    • kali 11 mai 2012 23:07

      @j.michel

      Une formulation sans doute imprécise de ma part. Cependant, elle est généralisante et ne concerne donc pas les chômeurs, car un chômeur le reste rarement pendant 40 ans. Je parle donc de ceux qui ont des occupations qui les maintiennent « hors cadre » d’une entreprise : artistes, professions libérales etc... Mais cela dit, toutes les situations ont leurs inconvénients.

       

       


  • Yael Mellul Yael Mellul 11 mai 2012 18:48

    Il est important de souligner le fait que le Conseil Constitutionnel s’est déjà prononcé en 2002 sur la constitutionnalité du délit de harcèlement moral, qui a donc été déclaré constitutionnel.
    Il n’y a aucun amalgame à faire avec le harcèlement sexuel, qui n’est pas défini, contrairement au harcèlement moral.


    • kali 11 mai 2012 23:10

      @Yael

      L’amalgame est fait par l’avocat qui surfe sur l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel pour tenter manifestement de faire aborger la loi de 2002. Les événements sont assez rapprochés dans le temps pour ne pas laisser de doute sur l’intention.


    • Yael Mellul Yael Mellul 12 mai 2012 12:08

      @Kali
      Il me semble évident que cette procédure est totalement dilatoire


  • Yael Mellul Yael Mellul 11 mai 2012 18:49

    Décision du Conseil Constitutionnel =


  • kemilein 12 mai 2012 00:09

    si les patrons ne peuvent même plus Violer leur employée ou va t on je vous’l’demande ?
    si on interdit aux riches le droit de cuissage ils quitteront la France, ou va t on je vous’l’demande !


  • cosworth57200 12 mai 2012 00:35

    Ah çà le harcèlement moral je connais, j’ai subi le truc 2 fois et 2 fois par des subordonnés, une qui voulait bien se faire voir de la haute direction alors que j’étais sur le départ, un autre qui ne supportait pas mon arrivée en tant que supérieur car il s’estimait rétrogradé.


    Dans les 2 cas, cela a été très pénible. L’une s’est excusée par la suite car elle avait été aveugle concernant une situation, l’autre a eu le tort de m’envoyer un mail injurieux (injure écrite à supérieur hiérarchique, son cas a été réglé).

    Je me permets quand même de signaler que, pour l’instant, il ne s’agit que du volet pénal qui est contesté, les dispositions dans le cadre du Code du Travail n’étant pas touchées.

    Ce ne serait pas plus mal que la loi soit précisée car il y a des interprétations curieuses (j’ai eu à traiter récemment le dossier de quelqu’un qui prétend au harcèlement moral en ne faisant état que de 5 faits ponctuels mal ressentis à tort ou à raison sur une période de près de 2 ans).

    Il faut également savoir que 75 % des affaires de harcèlement moral portées devant la justice se terminent par la défaite du salarié.

    Discuter de façon généraliste du harcèlement moral, pourquoi pas, mais je rappelle que ce qui compte, c’est comment c’est apprécié par la Cour de Cassation et, sur ce plan là, c’est très clair.

    Le cheminement à suivre pour la constatation d’un harcèlement moral doit être le suivant :

     Première étape : le demandeur établit les faits

    Deuxième étape : le juge décide s’il y a présomption de harcèlement. 

    Les faits de harcèlement s’apprécient dans leur globalité et à la 

    recherche d’une atmosphère- 

    Troisième étape : les explications patronales

    Quatrième étape : L’employeur et le juge doivent s’en tenir strictement aux faits présentés par le salarié.




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