Avec Hollande et Valls, tous perdants, sauf le FN !
Politiquement, le PS est le premier perdant de la politique gouvernementale. Le reste de la gauche ne profite guère du mécontement suscité pour le pouvoir. Malgré sa victoire aux municipales, l'UMP n'est pas forcément la mieux placée pour profiter de la situation... Face à ces deux forces qui peinent à se distinguer, le FN semble voir s'ouvrir un boulevard. On ne peut prétendre sa progression sans redonner vie par une véritable recompoistion politique à un clivage gauche-droite que le solférinisme à bout de souffle ne cesse d'affaiblir.
Comme Blair et Schröder en leur temps, Hollande et Valls appliquent dans une large mesure le programme de la droite en matière économique. Agissent-ils ainsi par pur dogmatisme, ou espèrent-ils eux-aussi gagner leur réelection ?
On connait l'idée de la fameuse triangulation, consistant à emprunter aux idées de l'adversaire pour mieux le neutraliser. Blair et Schröder, bien qu'impopulaires et ayant perdu les élections intermédiaires ont pu être réelus. Mais comparaison n'est pas raison. Schröder avait pu bénéficier de sa gestion des inondations, Blair de l'état de déliquescence du Parti Conservateur. On notera aussi que les deux prophètes de la gauche de droite, ont, sur le long terme, durablement affaibli leurs partis. Naguère le SPD pouvait dépasser les 40%, aujourd'hui même les 30% sont presque inatteignables... Et la gauche française a une tradition de résistance au néo-libéralisme bien plus forte que ses homologues...
Cet affaiblissement, dans le cas du PS, est déjà bien réel. Le parti d'Epinay a essuyé aux municipales sa pire défaite sous la Ve République. On peine à concevoir comment il pourrait miraculeusement redresser la barre d'ici 2017. Qui peut douter que la perte de confiance dans ce parti soit profonde et durable ? Seule la faiblesse de l'adversaire pourrait encore sauver le PS.
L'UMP, il est vrai, n'est pas en aussi bonne posture qu'on pourrait le croire. Son triomphe aux municipales fut assez largement par défaut, facilité par l'abstention massive et les très mauvais reports de voix à gauche. Bon nombre de conquêtes de la droite ont été enregistrées avec un nombre de voix inférieur au précédent. Les élections européennes, premier scrutin national depuis 2012, ne s'annonçent pas forcément sous les meilleurs auspices pour les amis de Sarkozy. Si le rapport de force que dessinent les sondages devait se vérifier, mais UMP d'un côté, UDI-Modem de l'autre recueilleraient ensemble autour d'un tiers des sondages. Rappelons qu'à ce meme scrutin européen, la droite parlementaire (RPR/UDF, MPF/RPF, DL, UMP, Modem) a pu totaliser plus de 40% dans les années 80, et jamais moins de 35% par la suite...
Comment s'étonner de cette situation ? Confrontée à un gouvernement appliquant peu ou prou son programme, la droite se trouve face à un terrible dillemme. Qu'elle admette son approbation, et on se demandera inévitablement quelle est son utilité. Qu'elle choisisse la surenchère ultra-libérale pour se démarquer du PS, et elle risque de faire fuir la fraction modérée de son électorat.
Dans ces conditions, le FN qui semble avoir réussi à fidéliser son électorat parait avoir le vent en poupe. Cela reste encore à vérifier, il est vrai dans un scrutin d'ordre national (malgré ses succès, le FN gère ainsi dix fois moins de villes de plus de 30 000 habitants qu'un PCF pourtant très affaibli). Mais logiquement, un parti qui arrive à garder et à amener aux urnes ses électeurs est promis à de francs succès dans un contexte de désarroi et d'abstention massive des autres forces politiques. Serrer les rangs sans avoir besoin de trop les étoffer...
Il ne faut pas sous-estimer une Marine Le Pen, reine du marketing politique réussissant à rassembler un électorat sociologiquement et idéologiquement très divisé. Mais le FN est surtout fort des faiblesses d'un système politique à bout de souffle, profitant à plein du brouillage du clivage gauche-droite. En divisant, deséspérant et démobilisant l'électorat de gauche, le gouvernement contribue grandement à la prospérité du FN. Certains députés socialistes semblent en avoir conscience, qui manifestent leur mécontement d'une façon inédite.
On ne peut que les encourager à aller jusqu'au bout de leur logique. Le gouvernement n'écoute rien ni personne. Il n'a tenu compte ni de la raclée des municipales, ni des avertissements de ses propres amis. Clairement aujourd'hui, Hollande, Valls, et la politique qu'ils mènent ne sont pas la solution, mais le problème. Si les députés PS contestataires devaient céder aux appels à la discipline ou se contenter de concessions de façade, ils portraient une lourde responsabilité.
Avec ou sans eux, dans la douleur ou en douceur, la recomposition de la gauche se fera. Il parait téméraire de compter uniquement sur leur lucidité et leur courage. Alors, le 25 mai, par notre vote, montrons que la gauche peut survivre au solférinisme !