Belgium, twelve points
Une fois n’est pas coutume, cet article a été conçu sur commande. Il y a deux semaines, nous fêtions notre nation, la Belgique. Comme départ, on ne pouvait espérer mieux. Le titre, lui, venait d’ailleurs, d’un ailleurs plus musical « J’aime la vie », mais qui pourrait bien résumer l’esprit belge.
Cet article fait suite à une « commande » en voici le lien de l’article et le commentaire qui le demandait « Belgique : toujours pas de gouvernement ».
Le décor y était planté.
Quant au tempo, comment trouver meilleur moment pour parler d’un pays que lors de sa fête nationale, qui a eu lieu le 21 juillet ? En point d’orgue, on l’avait annoncée avec la pluie, la drache nationale, comme on dit chez nous. Ce fut tout le contraire. Présage ? Un monde de centaines de milliers de personnes était au rendez-vous et apparemment contents d’y être.
La Belgique reste encore une énigme pour pas mal de Français et pas mal d’autres d’ailleurs qui sont venus nous voir à domicile pour se rendre compte sur pièce de la manière « bizarre » de nous comporter en diverses communautés complètement différentes de conception.
Avant d’être Belgique, le territoire a été le couloir de passage et d’invasion de pas mal de peuples d’Europe et d’ailleurs. Ce qui a constitué une richesse incontestable malgré elle. On le reconnaît maintenant. Ce sang mêlé peut se découvrir dans les noms des habitants et à certains mots restés dans le langage de la rue. L’ouverture vers l’extérieur existe peut-être plus qu’ailleurs.
Aujourd’hui intégrée à l’Union européenne, accueillant une immigration venue de loin, la Belgique a aussi trois langues officielles. L’une, nordiste, le flamand, dialecte du néerlandais aux consonances germaniques ; une autre, sudiste et francophone ; et une dernière, enfin, germanique à fond. Au milieu de tout cela, Bruxelles qui mélange les pinceaux de toutes origines.
Je me souviens d’un de mes chefs hollandais qui me disait de manière amusée que le néerlandais était un dialecte de l’allemand (ou vice-versa).
Après les dernières élections de juin 2007, nous sommes donc en pleine négociation pour la constitution d’un nouveau gouvernement. En affaires courantes, en période de crise, diraient certains.
Le fédéralisme se chercherait une nouvelle étape vers une ségrégation plus effective. Les nerfs sont à vif et la presse se charge de faire mousser une situation qui s’éternise à leurs yeux. Chaque jour, un accord précède ou suit un désaccord.
Des dossiers restent ouverts depuis longtemps et font mal. BHV, réforme de l’Etat...
Sept assemblées parlementaires, six gouvernements, dix provinces, trois régions, trois communautés et 589 communes, voici donc la Belgique politique pour seulement 32 545 km2 et moins de 10 millions d’habitants. Partagée en nationalisme flamand, régionalisme wallon et « belgitude » bruxelloise. Véritable échafaudage institutionnel qui n’est évidemment pas gratuit. Cela fait du monde au balcon et dans les tribunes... et dur, dur, d’être Belge ?
Le suffrage universel obligatoire à la proportionnelle ne donne pas les mêmes chances de refermer le problème de la formation d’un gouvernement aussi rapidement qu’en France. Deux tiers des votes sont nécessaires pour former celui-ci.
Cette fois encore, informateur (Didier Reynders), modérateur (Jean-Luc Dehaen) ou démineur, formateurs (Yves Leterme) se succéderont à la table des négociations. La patate chaude en forme de quadrature du cercle se passe de main en main.
Accrochons-nous car la tempête va souffler !
Alors, on s’installe dans la discussion dans le meilleur cadre possible, le prieuré de Val-Duchesse, à l’orée de la Forêt de Soignes. « On travaille pour réussir », dit-on... On compte surtout les points en relation avec les programmes et les promesses devant l’électorat.
Sera-ce « Belgium, twelve points » ? Le suspense continue.
La dernière gaffe du futur Premier ministre, formateur, qui chantait la Marseillaise au lieu de l’hymne de la Belgique, la Brabançonne, n’est qu’une des péripéties, piège banal d’un journaliste pour les uns, énormité inadmissible pour les autres.
Il faut bien le dire, les paroles de cette Brabançonne ont évolué de nombreuses fois dans l’histoire depuis celle de Jenneval. Le côté révolutionnaire des débuts était totalement obsolète. Des mots comme « esclavage » par exemple n’avaient plus de sens aujourd’hui. Des alexandrins de début qui se sont mués en vers à dix pieds, rendent la chanson difficile. L’air, lui n’a pas changé. Entonner un « la-la-la » ajusté aurait donc été plus judicieux ou une présentation humoristique sous forme d’Alzheimer notoire. Résultat, une nouvelle méfiance vis-à-vis d’une possible communion bien digérée.
Le confédéralisme sans séparatisme est le but avoué du côté nord. Comme corollaire, se marier, oui, mais sans bague au doigt de mariage... et quelques casseroles derrière le cortège des voitures.
Cette fois, croisée des chemins qui précède un grand tournant ? Serait-ce « Te veel is te veel » ou « Trop, c’est trop » ? Tous poussent, en apparence, pour le contraire.
Je prends à dessein le site de la Flandres on line d’aujourd’hui pour présenter la situation. Le site est en grande ligne vrai en substance mais évidemment dirigé vers des idées politiciennes de l’actualité plus flamandes de conception qu’à la recherche d’une Belgique unifiée.
Les télévisions du Nord et du Sud n’ont reçu que récemment une incitation à parler avec un langage commun et un partage d’informations.
Le discours du roi se voulait encore plus intégrateur et rassembleur que d’habitude, pas nécessairement comme le disait un des commentateurs français, pour tenir sa place, mais aussi dans d’autres buts plus importants. Le roi règne mais ne gouverne pas. Sans pouvoir réel sinon de conseil avec rôle de signataire des lois votées par le gouvernement. Le devoir de réserve n’est pas un vain mot et son successeur en a fait les frais.
Notre image de marque belge n’est pas vraiment à rechercher dans Wallonie ou Flandre expos. La petitesse de ce pays ne justifie pas plus de ségrégation. Une séparation de fait ne se marie pas avec les réalités du terrain et de l’Europe en formation.
Bruxelles, en plus de capitale de la Belgique, est la capitale de l’Europe. Elle a été adoptée sans aucun référendum comme capitale de la Flandre. Personne n’en aurait cure et pourtant. Bruxelles (« Air de Bruxelles, Bruxellairs »), entourée de la communauté flamande, ne vit pas en flamand mais avec un fort pourcentage de sa population d’expression française. Elle n’appartient pas plus à la Wallonie, d’ailleurs. Elle est une entité séparée à part entière. De plus, les autochtones ont été depuis longtemps accompagnés d’allochtones de toutes origines de l’Europe. On pourrait dire que c’est la ville européenne par excellence. Donc, faux problème ? Pas de problèmes insurmontables à la suite d’une immigration de toutes formes (« Europe irisée »). La Communauté européenne a attiré de nouvelles langues et un melting-pot s’imposera naturellement avec de l’organisation.
La détermination à réaliser l’union dans la diversité se retrouve dans le pourcentage de nos concitoyens (seulement 13%) qui exprime parfois bruyamment que la séparation est la solution à tous les maux du pays. Des preuves partisanes inverses font partie du concert.
Le 13 décembre 2006, coup de théâtre, voilà le Faux Journal télévisé qui fait annonce de manière très vraisemblable de la séparation de la Belgique et d’une prise du pouvoir dans le Nnord du pays. Cette élection sentait le soufre après cela et après une ruade de la justice qui forçait à trouver une solution pour le problème BHV (Bruxelles, Halle, Vilvoorde). L’« Onde de choc » de la RTBF a été totale et diversement appréciée. La constitution réglée à la proportionnelle et non pas avec une vue à moitié-moitié comme commence à l’imaginer la France.
Cela prend du temps pour créer un gouvernement à chaque fois, surtout que les problèmes litigieux sont généralement repoussés pour l’occasion après les élections. Mais cela n’a jamais empêché à créer la coalition qui se greffe le mieux possible avec les résultats d’élections. En 1930, pas moins de six formateurs se sont succédés.
Faut pas rêver : les problème sont de taille. Bizarrement, ils pourraient être complémentaires.
Des clichés au niveau emploi entre Nord et Sud existent. Le chômage des jeunes pourrait très bien trouver preneur dans le Nord. L’inverse est vrai pour les travailleurs plus âgés dans le Nord qui pourraient faire valoir leur expérience dans le Sud. Des échanges donc, pour résoudre les problèmes d’emplois ?
Un retour à cette histoire particulière, je l’ai réalisé sur mon site mais qui aurait dépassé les limites de longueur.
Toujours plus d’« autonomies » pour arranger les choses ?
Cinquante jours pour former un gouvernement en moyenne. On dépasse donc la moyenne et les choses sérieuses n’ont pas encore été abordées.
La situation actuelle est particulière. Les dernières élections ont amené l’idée d’une coalition Orange-Bleue, mais avec des acteurs qui n’ont pas les mêmes buts de chaque côté de la frontière linguistique et cela même dans un même parti centriste. Du temps, et encore du temps, est nécessaire.
Le « Vif L’Express » se pose même la question « Et, si Leterme « échouait ? ». La personnalité du futur Premier ministre qui a récolté du côté flamand environ 800 000 voix de préférence ne correspondrait pas à ce que le pays pourrait attendre d’un homme rassembleur. Un mépris des journalistes, une absence de compromis, un manque d’humour sont les reproches principaux. Les phrases assassines contre les francophones accusés d’incapacité à apprendre la seconde langue. Mi-flamand, mi-wallon, comment aurait-on pu espérer meilleur candidat médiateur et conciliateur bien belge ? Et pourtant, voilà une nouvelle blague belge, alors ?
Quand on n’aime pas les histoires belges, cela pourrait être un chant du cygne. Quand la Flandre arrive avant tout autre chose avec un CD&V accoquiné au N-VA séparatiste, il y a problème. Situation explosive s’il en est. Véritable crise, crise de personnalité ou de départ ?
La politique, c’est comme la guerre. La paix suit toujours et on continuera à gouverner avec le « parler belge », ce compromis, cette spécificité très particulière.
Vous avez raison, Français, nous sommes difficiles à cerner...
Alors, vite un demi ou une Chimay Bleue, mon frère, « mijn broer » car, on a si soif, « we hebben zo dorst ».
Julius Caesar disait de nous : « Horum omnium fortissimi sunt Belgae. » Que l’on pourrait traduire en extrapolant par l’"Union fait la force".
Tiens, c’est justement notre devise !
L’enfoiré,
Citations :
- « Plus vieux est le bouc, plus dure est sa corne », proverbe belge.
- « Que celui qui n’est pas content de son voisin recule sa maison », proverbe belge.
- « Les anges ne croient au diable que quand ils ont reçu un coup de cornes », proverbe belge.
Des images de la fête nationale pour remonter le moral, non peut-être ?
Des bouquins qui parlent de la situation actuelle en Belgique :
Incurable mal Belge, de Jules Gheude
Belgique, où vas-tu ? de Pierre-Yves Monette
La vie est belge, de Jan Bucquoy iconoclaste, subversif qui voit « le paradis, là maintenant et tout de suite »