Bobo... Et adhérente UMP !
Le bobo fait plus que jamais débat : dossier spécial dans le Nouvel Observateur, articles dans Libé, Le Monde... Les sociologues s’interrogent : le bobo forcément de gauche, pourrait-il (truc de dingue) voter Bayrou ? Peut-il faire basculer les élections ? Les présidentielles comme les autres, notamment les municipales à Paris et ailleurs ? Eh bien n’en déplaise à la journaliste de l’Obs qui titre « Le bobo ne peut pas voter UMP », j’ai tous les attributs du bobo et pourtant je soutiens Nicolas Sarkozy ! Ça fait trois ans que notre famille a traversée le périph’ pour s’installer dans le 93, dans un presque loft, trentenaires, nous travaillons dans la Com, trois enfants... bref tous les attributs du Bobo selon la chanson de Renaud et pourtant je suis adhérente de l’UMP depuis fin 2006.
Depuis quatre ans, je vis une sorte de conte de fée social. J’ai traversé un drôle de pont-levis appelé périphérique, exploré les forêts des clichés, traversé les rivières des préjugés et résisté au tam-tam des médias et des kandiratons de la machine à café. Saint-Ouen dans le NeufCube est devenu mon royaume.
De belles rencontres, des engagements associatifs forts et des anecdotes croustillantes plus tard, une certitude demeure : je ne pourrai pas revenir en arrière et je m’en veux encore d’avoir pu douter.
Déformation professionnelle oblige, pour moi, la banlieue, c’est une marque que tout le monde connaît, mais que personne ne souhaite porter.
Quand les villes deviennent des ghettos de pauvres ou de riches, quand les habitants ne se déplacent plus dans les urnes ou dans les réunions publiques parce qu’ils ne croient plus dans la capacité du politique à peser sur la vie quotidienne, alors la démocratie est en danger. Quand les habitants sont certains que tout est décidé et que leur avis ne sert à rien, là encore la démocratie est en danger.
Le message que je voudrais faire passer ? Allez au moins une fois par an au Conseil municipal de votre ville, c’est là que beaucoup de choses se décident pour vous-mêmes et pour les générations futures : on a la ville et le pays qu’on mérite.
Ce qui me motive ? Eh bien c’est ce que Jacques Attali appelle « l’altruisme rationnel » : je reçois au moins autant que ce que je donne. C’est mon intérêt autant que celui de la collectivité que les valeurs de la République et de la démocratie soient pleinement actives, et plus que jamais en banlieue.
Ce sont les femmes qui m’ont conduite sur le chemin du changement, de l’ouverture aux autres, bref de la quête de l’identité. En premier lieu, je remercie bien sûr ma mère et ma grand-mère immigrée ukrainienne qui m’ont élevée avec le sens de l’autre et de la famille, ainsi que l’école de la République.
Mais depuis quatre ans maintenant, ce sont les femmes de Saint-Ouen et leurs racines d’ailleurs qui m’ont apprivoisée et façonnée. À Saint-Ouen, j’ai ainsi fait des rencontres de femmes bien plus déterminantes qu’en trente ans à Paname 17.
Ce sont les femmes de l’équipe pédagogique de l’école qui m’ont bluffée par leur professionnalisme, leur engagement pour les enfants : on le sait tous suffisamment par les médias, ce n’est pas tous les jours facile, l’école ZEP de la Rép’ !
Avec mon look de jeune cadre dynamique, mes deux blondes, au début je me suis sentie très observée et j’avais l’impression d’être la minorité visible au milieu des prénoms de sitcom et du prophète. Mais très vite, la convivialité des maîtresses et des mamans m’a emportée. Nous nous sommes apprivoisées : je me suis engagée dans l’association des parents dont je suis aujourd’hui la présidente. J’ai appris à penser aux sandwichs hallal pour la fête de l’école, à célébrer Noël autour du sapin du préau sans parler de Dieu et en étant pourtant en communion avec près de vingt cultures différentes. J’ai compris que l’on peut porter le voile sans dévoiler son infériorité, même si en tant que femme, le voile reste pour moi une des choses que j’ai du mal à comprendre.
En tant que femme et mère, ça été plutôt facile, parce que cette relative fragilité féminine rend aussi plus simples les relations. Une jeune mère est forcément sincère, surtout si elle reste accessible et ouverte par l’intermédiaire de ses enfants qui sont de formidables accélérateurs de contacts et donc de lien social. Je me souviendrai toujours de ce moment très touchant, quand nous avons pour la première fois invité la grande copine Maîssa, cadette d’une fratrie de cinq enfants, et que Samya sa maman m’a dit en partant : « Je ne pensais pas que des gens comme vous nous recevraient dans leur maison. »
Attention, la vie n’est pas rose tous les jours à Saint-Ouen : commerces en berne, agressions, tours grises, et c’est la chaleur, la solidarité, et la volonté de ces femmes pas toujours aidées par le destin qui m’ont appris à relativiser mes petits problèmes quotidiens, et comme elles à voir le verre à moitié plein, inch Allah !
Ensuite, pour sensibiliser la municipalité aux problèmes de sureffectif et de sécurité à l’école, je me suis rendue à une réunion publique sur le Plan local d’urbanisme (PLU) et c’est là que l’engagement citoyen s’est accéléré : encore grâce à une rencontre de femme !
Après l’Irlande, l’Algérie, la France, ou encore la Côte d’Ivoire... Cette fois c’est l’accent italien et la détermination de cette jeune femme qui m’ont totalement interpellée. Moi, bonne élève timorée qui n’a jamais été déléguée de classe, ni mes parents d’ailleurs, ou d’un quelconque organisme professionnel ou politique, je me suis retrouvée avec un micro dans les mains, un caméraman de la ville à quelques centimètres. Sans doute m’a-t-on donné la parole au milieu de tous ces bras levés parce que le visage inconnu de la jeune cadre dynamique suscitait l’interrogation ? De mon côté, je me suis lancée, confiante, parce que la force de cette Italienne qui avait parlé quelques minutes avant d’un projet de ZAC bulldozer m’avait totalement transcendée. Tout d’un coup, j’ai mesuré à quel point l’auditoire était plus silencieux quand il s’agissait d’écouter la parole des femmes.
À la fin de la réunion, l’Italienne s’est approchée et quelques autres personnes que je connais maintenant pour être des militants engagés dans différentes associations. C’est à cet instant précis que mon combat de femme de banlieue a vraiment commencé.
Ça peut sembler très « Petite maison dans la prairie » tout ça. C’est sans doute parce que Saint-Ouen est comme Walnut Grove. Un village attachant, où j’espère vos lecteurs auront envie de venir, pas seulement pour l’ambiance de son marché aux Puces, le plus grand du monde, mais aussi parce que les Gauloises blondes, les Blacks de la famille Cosby et les Beurs de la famille Ramadan essayent (encore) d’y vivre ensemble.
Pour que tout cela continue et que les socialo-communistes ne transforment pas certains coins de Gaule en zones de non-droit, de descenseur social, la solution d’avenir, c’est de voter Nicolas Sarkozy aux présidentielles.
Que les médias se le disent, il n’y a pas que des bus qui brûlent en banlieue, il y a aussi des habitants enflammés de citoyenneté.