samedi 20 avril 2013 - par Aimé Mathurin Moussy

Cameroun : Libération suspecte des otages français

Le Cameroun n'existait plus. Les otages français sont venus ressusciter ce pays fantôme. Un pays d'insolite et d'anecdotes, comme cette prise d’otages. Un pays où l’armée est omniprésente. Les otages français sont révélateurs de ces incuries et ces contradictions d’un système, qui tient lieu de gouvernement, censé veiller sur la sécurité des biens et des personnes. Avec des relents électoralistes, au lendemain des sénatoriales truquées du 14 avril, 2013 ; Paul Biya, s’est trouvé un détergent, avec cette libération d’otages, pour se nettoyer de ses manquements : l’anarchie.

 La paix est fragile : les institutions sont soumises à rude épreuve. Le Cameroun ne parvient pas à enrayer la rébellion qui progresse à petits pas, d’abord dans le Nord, ensuite, endiguer l’insécurité et l’indiscipline qui gangrènent les forces de l’ordre. Le calendrier électoral et la libération de ces otages, laissent plus d'un observateur songeur. Comment Paul Biya a-t-il pu, au lendemain d'une élection cruciale libérer les otages ? Pourquoi deux jours après la prise en otage de ces Français, un général de l'armée confirmait la libération de ces otages ? Pourquoi ce n'est qu'au lendemain d'une visite foireuse de Paul Biya en France, que ces Français sont pris en otage ? Toutes ces interrogations ne sont pas de nature à militer en faveur de ce régime "voyou".


  L'image du régime

La communication et l'image ont conquis le monde ; sans image un État n'existe pas. Sans communication, il s'asphyxie. Conscient des lacunes de communication sur son image dans l'opinion internationale, par rapport, à sa longévité au pouvoir (31ans), Paul Biya, a conscience qu'il ne fait plus l'affaire des chancelleries étrangères. Sa gouvernance, a une réputation sulfureuse, comme étant un des pays les plus corrompus au monde, selon Tranparency International ; un pays où les droits de l'homme sont bafoués ; un pays où la course aux biens mal acquis est un sport national ; en somme, un pays en déliquescence. Face à cette donne, qui lui semblait insurmontable, Paul Biya n'avait que le sport pour redorer son image ternie dans le monde. Le football aussi a déçu, ni Eto'o, ni Milla, n'ont pu rapporter à ce pays, le crédit et le capital qu'ils ont drainé par le passé, avec les prouesses de Milla au mondial 90 ; et les exploits d’Eto’o au Barça.
Aujourd'hui que retient-on du Cameroun du 21ème siècle ? Évasions de capitaux et petites misères ; jeunesse à l'assaut des ambassades pour émigrer ; taux de prévalence du VIH avoisinant 70% de la population active ; illettrisme et déscolarisation grandissants. L’arbitraire a été érigé en système politique ; la famille Fournier n’a pas échappé à l’oeil de ce cyclone omniprésent. En tout cas, tout laisse à le croire. Avec l'image de la libération des otages, l'image de Paul Biya et sont système, seront à la une de notre « société de communication ». Avec l'image et la communication, il va sans dire que, devant l’impact, la force de ce que l’on voit sur l’écran, on oublie parfois de se demander comment cela est filmé, comment ces images ont été élaborées, cadrées, bref, mises en scène. On en arrive à se persuader - tellement le débit des images coule naturellement - que filmer va de soi, qu’il suffit de laisser une caméra tourner, enregistrer l’événement pour faire acte de crédibilité politique.


 Une armée omniprésente

Hegel, il y a deux siècles, déplorait l’incapacité chronique des États à tirer les leçons des expériences de l’histoire. Les gouvernements ne sont pas les seules puissances incapables d’apprentissage. Le gouvernement de Paul Biya a échoué, même s'il ne veut pas l'accepter. La communauté internationale en cautionnant cette libération d'otage suspicieuse, semble elle aussi condamnée à la persévérance dans l’erreur, à l’aberration récurrente et à l’éternel retour de la crise des institutions internationales - Onu, Union Africaine. Quoique portant sur du « terrorisme » nouveau, la crise actuelle politico-religieuse, donne à voir une fois de plus les ingrédients chimiquement purs du désastre des institutions régaliennes : armée, police, gouvernement. Mais , à regarder de près le système de gouvernance au Cameroun, et par rapport à son armée, donne une occasion de plus, de méditer sur les « bienfaits » de la libération de ces "otages" électoralistes.


Un des signes annonciateurs de la crise qui secoue le Cameroun, a pris un autre tournant, en décembre 2012, quand un sous-officier de la garde présidentielle, a tiré sur le cortège présidentiel. Il n'a échappé à personne que de nombreuses fractures ont été observées au sein de l'armée. Des jeunes officiers voulaient en découdre avec leur hiérarchie, selon eux, corrompue. Et pourtant, en mai 2000 lorsque le président Paul Biya, lors d’une conférence de presse, indiqua qu’il ne pas pouvait être question de punir les militaires pourtant mis en cause dans le rapport d’une commission d’enquête, pour les détournements. Ce rapport stigmatisait le vieillissement des chefs d’État-major (70 ans est la moyenne d’âge des 25 généraux que comptent l’armée camerounaise). Ne voyant pas cette intrusion d’un bon œil, les pressions des forces armées se sont accélérées pour avoir une mainmise sur ce qu’ils appellent leur chasse gardée.

Le chef suprême des Forces armées nationales du Cameroun, a promu en 2011, une dizaine d’officiers supérieurs au rang d’officiers généraux, c’était faire une armée de métiers taillée sur mesure. Paul Biya décida de ne donc pas mettre ses officiers généraux à la retraite. Pendant que le peuple boude en privé et des officiers subalternes sont prêts à en découdre, il paraphrase, lors d’un de ses multiples voyages à l’étranger le feu président Houphouët Boigny ;vous m’exigerez pas de "mettre mon armée contre moi-même. . . Je ne prendrai aucune sanction" avait-il conclu, pendant que le népotisme est érigé en valeur au sein de l’armée. Fort irrité des tensions qui prévalent sur le plan intérieur, un Paul Biya vieillissant, malade et dépassé, ne peut qu’avoir pour pilier son armée.
Comment donc comprendre que, dans un pays hautement militarisé comme le Cameroun, avec toutes ses forces d'élites, que celles-ci , n'aient pas pu contrecarrer les preneurs d'otage, si ce n'est avec la complicité passive de certains gradés, si ce n'est avec celle de leur chef ? A quoi servirait donc le BIR (Bataillon d'intervention rapide), supposé lutter contre les terroristes et protéger les frontières camerounaises ?
Paul Biya n’ayant pas de dauphins supposés, laisse courir tous genres de guéguerres au sein des institutions. Car, déclarait-il, qu’il ne pouvait laisser le Cameroun dans le chaos et entre les mains d’apprentis sorciers (opposition). L’armée étant son excroissance politique, elle ne pouvait pas ignorer où se trouvaient les otages. Encore qu’au sein des forces de l’ordre cupides, sont tapis bon nombre d’indicateurs de Boko Haram…

 

 © Aimé Mathurin Moussy



5 réactions


  • Massaliote 20 avril 2013 17:31

    En fait, ils n’étaient qu’en cure d’amaigrissement . smiley


  • Mwana Mikombo 20 avril 2013 18:33

    @l’auteur Monsieur Mathurin Moussy

    Votre article sur la libération par le Cameroun des otages de la secte mahométane de Boko Haram est très instructif sur la situation politique générale chaotique qui prévaut au Cameroun, pays de la Françafrique complètement et curieusement absent des radars médiatiques internationaux. Cette libération des otages par le régime néocolonial de Paul Biya, tout comme le rapt de ces otages lui-même, sont en effet suspects. Il n’y a qu’à suivre les commentaires énigmatiques des médias français pour s’en rendre compte. Il y a là dedans quelque part une supercherie.

    Si le Cameroun est bien un pays qui n’existait plus ou un pays fantôme, c’est seulement sur le plan des agitations, révoltes, guerres et crises diverses qui secouent, ravagent le Continent et tournent en boucle quotidiennement sur tous les médias du monde entier. Cette discrétion du Cameroun au devant de la scène des événements médiatique vaut au Cameroun son pendant d’oreille. En effet, le Cameroun est considéré sur la scène internationale comme étant le rare pays encore calme en Afrique subsaharienne, où règnent la tranquillité et la paix depuis les indépendances, un pays prospère et stable économiquement et politiquement, en contraste avec la situation catastrophique du reste du continent. Cette auréole est un masque perméable qui n’empêche pas de humer la forte odeur de putréfaction qui se dégage de la poubelle à ciel ouvert qu’est le Cameroun comme partout en Afrique Noire.

    Le Cameroun est la poubelle la plus sécurisée de la Françafrique, la base arrière qui, peut-être plus que toute autre, garantit la présence et le rayonnement de la France en Afrique. L’existence de la Françafrique dépend de la stabilité de la poubelle du Cameroun. En effet, sur l’échiquier stratégique de la France en Afrique, le Cameroun joue le rôle d’amortisseur des contrecoups néfastes des opérations militaires de la France sur le continent. Ce rôle s’est surtout renforcé avec les troubles en Côte d’Ivoire. Ainsi, le Cameroun est devenu le refuge de toutes les populations africaines et autres fuyant les zones de combats dans tous les pays d’Afrique où la France est militairement engagée. C’est ainsi que le Cameroun est le pays d’accueil et d’hébergement de la majorité des génocidaires Hutus évacués du Rwanda par la France. Il en est de même des maliens, ivoiriens, tchadiens, centrafricains, congolais, angolais, ayant fui les troubles militaires dans leurs pays respectifs, troubles impliquant la France. L’Université Adventiste Cosendaï est venue s’implanter en 1996 à Nanga-Eboko près de Yaoundé après sa dislocation au Rwanda suite au Génocide rwandais. Tous les présidents déchus de Centrafrique, sauf Bokassa, se réfugient au Cameroun avec les ressortissants français et leurs populations partisanes. Ainsi, le Cameroun est le sous-traitant discret des engagements militaires de la France en Afrique, à l’insu des camerounais, qui se voient de plus en plus submergés, dans tout le pays, par des populations jusque-là inconnues sortant de nulle part, et par une hausse vertigineuse de la corruption et de la criminalité.

    On comprend les raisons de l’absence du Cameroun sur la scène des événements médiatiques. C’est que le Cameroun est le pays où la France lave en douce ses mains de sang en Afrique. On comprend la longévité des régimes successifs d’Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya, bons et loyaux serviteurs de la France. L’affaire des otages français de Boko Haram s’inscrit dans cette dévotion des régimes camerounais à leur créateur la France.




  • francoyv francoyv 21 avril 2013 19:10

    aux commentateurs censés bien connaître l’Afrique
    Pourquoi aucune évocation de l’échange de prisonniers ? A l’auteur, que des généraux soient encore en poste à 70 ans n’est pas le sujet même si je conçois son amertume
    On pourrait aussi évoquer les contreparties que la nonFranceafrique du Président Hollande a certainement négociées en secret et qui ne seront jamais débattues au parlement comme au temps de Foccart
    Quel peut être l’intérêt de saboter la réputation touristique de la réserve de Wasa ? A qui cela est-il censé rapporter ? Est-ce une question d’ethnies encore une fois ?
    Qu’aura-t-on gagné une fois que le Cameroun serait coupé en deux voire plus ?
    En tant que francophones on a aussi trop tendance à oublier que les acteurs sont également situés au Nigéria ; pourquoi aucune analyse les concernant ? 


  • Ruut Ruut 22 avril 2013 09:40

    Peut être un vrais faux enlèvement pour rehausser la cotte de notre président.

    Personne ne peut être aussi stupide pour enlever une famille complète aussi longtemps.
    C’est trop dur a gérer des enfants.

    Peut être un coups des services secrets Français.
    C’est trop gros pour être vrais.


  • vesjem vesjem 23 avril 2013 14:08

    et la scélérate ANI , on en parle ? 


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