jeudi 22 février 2007 - par Olivier Bonnet

Caricatures : Mahomet, d’accord, mais pas la police !

placid_condamn_"Je préfère l’excès de caricature à l’absence de caricature", écrit Nicolas Sarkozy dans la lettre lue à l’audience lors du procès de Charlie Hebdo. L’ennui, c’est que le soutien à la liberté d’expression du candidat UMP s’avère à géométrie variable. En tant que ministre de l’Intérieur, il est en charge des cultes, ce qui ne l’a pas empêché de prendre parti en faveur des caricatures de Mahomet. Mais son poste place Beauvau en fait d’abord et surtout le premier flic de France, et quand il s’agit de la police, Sarkozy ne chante plus la même chanson. Le dessinateur Placid, poursuivi pour son illustration du livre Vos papiers, au motif que la représentation qu’elle fait d’un policier constituerait à la fois une injure et une diffamation publiques, peut hélas en témoigner. D’abord relaxé en première instance - à la suite d’une plainte déposée en 2001 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, le "socialiste" Daniel Vaillant - il a vu le Parquet faire appel et un nouveau procès s’est déroulé en novembre dernier. Placid s’y est défendu seul, sans avocat. "J’ai produit des photocopies d’œuvres de dessinateurs célèbres pour leurs portraits ou caricatures de policiers (Siné, Cabu, etc.). Ce qui semblait m’être reproché était le nez retroussé du policier, proche du nez d’un cochon. J’ai aussi produit des exemples de ma production de dessins, où on peut voir des nez de cochon sur toutes sortes de personnages", raconte-t-il. Une défense qui n’a pas convaincu les juges puisque le verdict est tombé le 18 janvier et que le dessinateur est condamné pour "injures publiques envers une administration, en l’occurrence la police nationale" à une amende de 500 euros. Une somme qui peut sembler dérisoire, sauf lorsqu’elle doit sortir de la poche d’un particulier n’ayant pas forcément la chance de "travailler plus pour gagner plus" : "Une amende de 500 euros est plus compliquée à supporter pour moi qu’une amende de 500 000 euros pour, disons, un responsable d’Elf", explique Placid, qui aurait pu citer Total. Il n’est pas le seul condamné dans l’affaire : l’éditeur Michel Sitbon, responsable de la maison L’esprit frappeur, qui a publié l’ouvrage, devra acquitter 800 euros et Clément Schouler, l’auteur de ce livre écrit sous l’égide du Syndicat de la magistrature, 1000 euros. Que reproche-t-on à ce dernier  ? Une phrase : "Les contrôles d’identité au facies, bien que prohibés par la loi, sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient." Il suffit d’interroger, au hasard, les habitants des banlieues, pour se convaincre de la véracité de cette affirmation. Oui, mais voilà : dans la France actuelle, on n’a pas le droit de l’écrire. Le jugement expose en effet que cette phrase est "attentatoire à l’honneur et à la considération de la police nationale" et "présente en conséquence un caractère diffamatoire à l’encontre d’une administration publique". Le journaliste Denis Robert a réagi en signant samedi dernier un article titré Bienvenue à Sarkoland, où il s’indigne en ces termes : "La vraie censure est en marche. Elle est perfide, efficace et économique. Elle défend l’honneur des multinationales, des vedettes du foot ou du show biz et des premiers ministres. Elle s’attaque aux petits éditeurs, aux dessinateurs sans ressources, aux écrivains et aux journalistes indépendants. Elle use et abuse de mises en examen et de frais de procédure. Elle s’opère méthodiquement dans le silence des tribunaux, des campagnes électorales. Et des journaux. Elle est en train de gagner la partie." Un Denis Robert qui s’y connaît en persécutions ! AgoraVox s’associe à lui pour dénoncer cette condamnation indigne et le "deux poids, deux mesures", qui autorise à représenter le prophète de l’islam avec une bombe à la place du turban, mais pas un policier avec un nez de cochon. Pour la liberté d’expression, grouik !



106 réactions


  • Démos II (---.---.179.173) 28 février 2007 23:03

    Les poulets n’ont-ils pas la grippe aviaire ? ah bon...mais alors il faut éliminer toute l’exploitation.

    bon ok, les flics sont sympas ils ne demandent les papiers qu’aux bronzés III. Quand vous voyez un flic dans la rue, c’est qu’y a pas de danger. S’il y avait du danger, le flic serait pas là c’est comme sur la route et leurs pièges à cons.


  • (---.---.214.63) 1er mars 2007 15:22

    « c’est comme sur la route et leurs pièges à cons » ben si vous vous faites prendre ...


  • (---.---.227.193) 1er mars 2007 16:47

    a t’y té bfai prendr mon zami ?


    • (---.---.164.138) 12 mars 2007 12:41

      Au petit jeu du « plainte contre plainte », celle des forces de l’ordre est toujours traitée plus diligemment. Tous les policiers de France et de Navarre le savent. Et en profitent pour tenter d’échapper aux sanctions. « L’ultime arme de défense du fonctionnaire de police auteur de violences illégitimes est le dépôt de plainte pour outrage et rébellion à agent, note la Commission nationale Citoyens-Justice-Police, un observatoire mis sur pied par des associations de défense des droits de l’homme, le syndicat des avocats et celui de la magistrature. Ainsi, les personnes sont regardées par les autorités judiciaires non pas comme des victimes mais comme des auteurs du délit. »

      Cachez ces bavures que je ne saurais voir. Montrez-moi plutôt des outrages et de la rébellion. Une stratégie payante pour la police, selon Fabien Jobard, un chercheur du Centre de Recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales (CESDIP) : « Celui qui se plaint de violences policières mais est également sous le coup d’une enquête pour outrages a de trois à dix fois moins de chances de voir son cas aboutir à une sanction que la victime non poursuivie par la police. » La technique de la contre-plainte ne suffit pourtant pas à expliquer l’indulgence dont bénéficient trop souvent les forces de l’ordre. Enquêter sur les violences policières relève en effet de la gageure tant l’esprit de corps règne dans les rangs. La très officielle Commission nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), une autorité indépendante chargée d’enquêter sur les incidents mettant en cause la police, en sait quelque chose. Dans son dernier rapport annuel, publié il y a quinze jours, elle déplore cette culture qui « conduit des fonctionnaires à se solidariser et à uniformiser leurs dépositions au risque de couvrir les actes illégaux de collègues ».

      Cette omerta policière explique par exemple l’impunité dont ont bénéficié les agresseurs de Baba Traoré il y a quatre ans. Ce Malien résidant en Espagne et ne parlant pas un mot de français est interpellé par la Police de l’Air et des Frontières (PAF) à la gare d’Hendaye et conduit au commissariat. Là, selon ses dires, il est violenté avant d’être relâché une demi-heure plus tard. Hospitalisé six jours, Baba Traoré porte plainte. Mais l’enquête va se terminer par un non-lieu. Le juge d’instruction était en effet incapable de déterminer avec précision l’auteur des coups, alors même que la victime l’avait identifié sur photo. « On peut facilement en déduire que les policiers s’étaient mis d’accord pour ne pas coopérer avec les enquêteurs », estime aujourd’hui Amnesty International, auteur d’un rapport très sévère publié le mois dernier. Aucune sanction n’a été prise à l’encontre des policiers de la PAF.

      Que fait la police des polices dans ces cas-là ? L’Inspection générale des Services (IGS) en région parisienne et l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), qui enquête dans le reste de la France, ne parviennent pas toujours à faire la lumière sur les affaires sensibles.

      Au début de l’année, deux agents de police impliqués dans une arrestation musclée à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) ont ainsi bénéficié d’un non-lieu. L’interpellation, après un vol et une course-poursuite en voiture, avait mobilisé près de vingt-cinq policiers. Les jeunes délinquants, roués de coups, avaient dû être hospitalisés. Mais l’enquête, faute de témoignages, n’a jamais pu déterminer avec précision les auteurs du passage à tabac. Parfois, la police des polices fait aussi preuve de mauvaise volonté. Comme dans cette affaire d’utilisation massive de gaz lacrymogène dans un restaurant du 18e arrondissement de Paris, à la Saint-Sylvestre 2003. Un des convives intoxiqués meurt quelques heures plus tard. Mais l’IGS se révèle incapable de désigner l’auteur du gazage, parmi les sept policiers soupçonnés. Alors même que le coupable a bien dû, à un moment ou à un autre, demander une recharge de gaz pour remplacer celle utilisée et compléter ainsi son équipement !

      Aux failles de l’enquête vient parfois s’ajouter la mansuétude de la justice. Même, les faits les plus graves, les bavures mortelles ne sont pas toujours réprimés avec grande sévérité. Au printemps 2000, Riad Hamlaoui est abattu à bout portant par un Stéphane A., un policier lillois. Hamlaoui n’était pas armé mais avait le tort d’être le passager d’une voiture présumée volée. Lorsqu’il s’extrait du véhicule, le coup de feu part, la balle lui traverse le cou. La mort instantanée. Le fonctionnaire de police est traduit devant la cour d’assises, radié de la police et condamné à... trois mois de prison avec sursis ! A l’audience, le président de la cour justifiera la mansuétude du jugement en mettant en cause la formation « insipide » dispensée au fonctionnaire par l’école de police. Mais n’ira pas jusqu’à demander l’arrestation immédiate du responsable de ladite mauvaise formation, à savoir le directeur général de la Police nationale !

      Les sanctions pleuvent... doux

      La simple évocation d’une éventuelle impunité de la police fait hurler au ministère de l’Intérieur. Et la Place-Beauvau de brandir ses statistiques disciplinaires pour illustrer son intransigeance sur les principes. L’an dernier, 157 policiers ont été révoqués et 2 406 diversement sanctionnés, du simple avertissement à la suspension temporaire. De son côté, l’IGPN reconnaît que les accusations de violences policières sont en augmentation. Ses services ont en effet traité 724 plaintes en 2004, soit 18,49% de plus que l’année précédente. Mais, après enquête, la police des polices rejette comme infondées sept accusations sur dix...


    • Olivier Bonnet Olivier Bonnet 12 mars 2007 15:42

      Passionnant, mais vous avez omis de citer la source. Qui est ?


  • (---.---.227.193) 1er mars 2007 17:04

    Il y a quelques années, j’ai interpellé trois jeunes de 13 et 14 ans. Pour jouer eux aussi avaient jeté une pierre du haut d’un pont d’autoroute. Malheureusement, la pierre a heurté violemment le pare-brise d’un voiture. La conductrice à eu peur et a donné un coup de volant. La voiture est partie en travers et a fait plusieurs tonneaux pour terminer sa course dans le fossé. Dans la voiture, il y avait une mère et son petit bébé de deux ans.

    Aucun n’a survécu à l’accident.

    Les trois jeunes ne comprenaient pas ce qui leur arrivait et le drame qu’ils avaient causé. Je n’était pas fier non plus d’interpeller de si jeunes enfants, mais j’avoue que j’ai eu plus de peine en voyant le cadavre du bébé. Cette image restera gravé dans ma mémoire jusqu’à ma mort, comme toutes les autres images horribles que je vois dans ma carrière de flic.

    Vous qui vous permettez de critiquer cette profession, que faites vous d’utile dans la vie ? Pensez vous être meilleurs ? Seriez vous capable de vivre comme un flic et de supporter ce qu’il supporte tous les jour ? Je ne pense pas !

    Franck


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