Ce matin, un oiseau a chanté
Qu'est ce qui nous empêche d'être heureux ?
Il paraît (d’après une étude de Gallup International) que les français sont plus pessimistes que les irakiens (mais bon, les irakiens n’ont pas Karim Benzema comme finisseur non plus, faut relativiser).
Pourquoi ne se lève-t-on pas tous les matins avec la banane (non pas celle-là) en travers de la tronche ?
Qu'est-ce qui me retient de discuter avec la jolie caissière de chez Leclerc, et ce malgré son air sévère (et même si le saucisson n'y est pas du tout en promotion).
Je ne suis ni Grec ni Tchétchène, je n'ai pas à rougir de mon métier (je ne suis ni braqueur, ni banquier), je suis beau si la fille en face a picolé de manière velue (je suis donc beau moyennant une vingtaine d'euros), je ne me pose pas de questions quant à l'argent (ce qui tendrait à prouver que soit j'en ai beaucoup, soit je me contente de peu, ce qui au final revient au même), je suis célibataire (donc je ne suis même pas emmerdé pas une gonzesse, et pire elles sont toutes un peu à moi, tellement que je suis libre et dispo).
Fort de ces constats accablants, je me suis levé hier matin (le genre de truc qu'on fait le matin), je me suis énergisé positivement (je me suis regardé dans la glace en prenant des poses à la Tom Cruise), et puis je suis parti à l'assaut du monde.
Première fille croisée, j'ai souri. Et là (chose incroyable), elle a été tellement surprise qu'elle a trébuché (j'ai un sacré pouvoir). Ensuite, j'ai aidé une vieille à traverser (elle aussi a souri, ou alors son dentier était de travers). J'ai discuté avec ma boulangère aux yeux verts (j'ai regretté un peu quand j'ai vu qu'elle avait les dents pourris, mais je me suis vite repris). J'ai croisé une voisine dans l'escalier et je l'ai invitée à l'apéro (ça m’obligera à passer l'aspiro, bien joué !).
Bref, j’ai assuré.
Après cette journée riche d'enseignement où j'ai découvert (dans le désordre) le pouvoir d'un sourire, une voisine, les dents de ma boulangère et un pouvoir insoupçonné, j'ai décidé de continuer dans cette (bonne) voie. Hier, je me disais : à partir de demain (aujourd’hui donc), je me forcerai à parler à au moins un inconnu par jour, ne plus regarder le 20h (à quoi bon être assailli de mauvaises nouvelles stressantes alors que le bonheur n'est qu'une question de perception), je sortirai au moins 3 fois par semaine, je me forcerai à ouvrir le supplément Sortir de Telerama (celui qui me servait à éplucher le poisson ou à faire sécher mes baskets) et choisirai une expo tous les mois, une pièce de théâtre et un ciné toutes les semaines (c’est mon porte-monnaie qui va être heureux).
Je suis allé me coucher avec la joie de vivre d’un enfant de six ans et j’ai dormi 8 heures sans m’arrêter.
Et puis ce matin, y’avait comme un parfum bizarre dans l’air. Un truc qui me grattait derrière l’oreille. Mes jambes étaient lourdes, mon oreille droite sifflait, mon connard de voisin était en train de foutre ses bouteilles vides à la poubelle prévue à cet effet dans de grands bris de verre sonores. Aucun sourire ne trouvait le chemin de ma bouche. Juste quelques soupirs.
La magie avait disparu.
Je suis sorti en me disant qu’un peu d’air frais me ferait du bien.
Mais l'oiseau qui chantait m’a fait chier. J'avais une sale gueule. Je ne me suis plus souvenu pourquoi je voulais être heureux.
Qu'est que je devais faire au fait ?
Ha oui... Sourire aux filles. Pfff...
Le bonheur, finalement, j'sais pas trop.
Je vais y réfléchir.
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