samedi 18 juillet 2015 - par Robert GIL

Ce n’est pas parce que l’on coupera la jambe de ton voisin que tu courras plus vite …

Dans certains milieux il est de bon ton de chercher à opposer les salariés du secteur public et du secteur privé. Chercher à faire des fonctionnaires les boucs émissaires de la faillite des politiques dont ils ne sont en rien responsables est indigne. Chercher à faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés est injuste ! Les fonctionnaires sont une nouvelle fois les parfais boucs émissaires pour expliquer le délabrement de nos conditions de vie. Régulièrement, on entend cette petite musique à propos de ces fonctionnaires, planqués, paresseux et bien payés. Et ces « mauvais fonctionnaires », qui ne représentent qu’une infime partie (c’est encore trop, je sais), servent de prétexte aux imbéciles ou aux crapules pour stigmatiser les millions de travailleurs de la fonction publique qui font correctement leur boulot, et dont le seul tort est de le faire pour le bien de la communauté nationale et non pas pour des personnes pleines aux as. Bref, pour ceux qui ne supportent pas qu’un investissement, à plus forte raison public, ne rapporte pas de juteux profits privés.

C’est une insulte à l’intelligence que de taper sur les fonctionnaires quand le secteur privé est incapable de créer des emplois en nombre suffisant ! Les taux de chômage dans les pays capitalistes sont de véritables scandales qui justifieraient qu’on remise le capitalisme au rang des idéologies aberrantes. Il y aurait, parait-il, plus de fonctionnaires que nécessaire, d’après qui ? Les longueurs d’attente dans les différents services (hôpitaux, Poste, …) prouvent le contraire. Et je suis persuadé que les épiciers, les propriétaires fonciers, les artisans, les garagistes, etc…, sont heureux de les avoir pour clients, et les préfèrent aux chômeurs, non ? Pour le secteur privé, un secteur public fort est une source de croissance.

Au nom de l’égalité, de l’unité nationale et de la justice sociale, il faudrait démanteler la fonction publique et supprimer les fonctionnaires afin que tous les pauvres soient aussi pauvres qu’il est possible de l’être ! Alors que le secteur qui sert encore de rempart à la folie libérale, c’est la fonction publique avec ses grèves, qui ne sont malheureusement suivies que par 30% de ses effectifs ! Grèves qui sont transformés en « prise en otage » par les grands médias capitalistes et les partis politiques à leur service. Et lorsqu’il n’y aura plus personne pour contester, alors les services publics seront démantelés, livrés au privé, et toutes les autres solidarités seront inexorablement détruites !

Le capitalisme sauvage, complice des néolibéraux, voudrait réduire l’Etat à sa portion congrue afin de précariser l’ensemble du monde du travail. A terme, chaque individu sera à la disposition de son employeur pour une durée, des conditions et un salaire déterminés par lui. Retour au 19eme siècle où chacun se louait à la journée ou à la semaine ! Et que personne ne s’y trompe, la concurrence entre les salariés ne sera pas seulement nationale et limitée aux bas salaires, un ingénieur indien ou un chercheur chinois coûte beaucoup moins cher qu’un diplômé français !

La France est jusqu’à présent l’un des pays les moins corrompu, grâce à sa fonction publique ! Chaque fonctionnaire à un droit de réserve. Mais un employé qui risque un licenciement sera moins regardant sur l’attribution de marchés publics ou de subventions. L’Etat ne sera plus qu’une courroie de transmission entre les finances publiques et les intérêts privés. Dommage pour ceux qui pensent que moins de fonctionnaires leur permettraient de payer moins d’impôts ! Car lorsque tout sera privatisé nous serons privés de tout, mais nous continuerons de payer, très cher, les dividendes des actionnaires, car les services proposés à la place des services publics devront être rentables…mais seulement pour les capitalistes !

Pour finir il faut savoir que de 2008 à 2010, dans une France en crise, les 10 % des ménages les plus pauvres se sont appauvris de 520 millions d’€, pendant que les 10 % les plus riches se sont enrichis de 14 milliards, en captant 58 % de la richesse créée pendant ces deux dernières années (Observatoire des inégalités). En quarante ans, la productivité en Europe a triplé dans l’industrie et sextuplé dans l’agriculture. Alors il y a assez d’argent pour avoir des services publics de qualité et pour passer l’ensemble des salariés à 30 h de travail par semaine et revenir aux 120 trimestres de cotisations comme cela était le cas en 1970, lorsque la France était beaucoup moins riche ! Et rappelles toi, ce n’est pas parce que l’on coupera la jambe de ton voisin que tu courras plus vite …

Sur 2ccr

lire : ECONOMIE et CRISE … ça continue

« Rendez les choses aussi simples que possible, mais pas plus simples »… Albert Einstein


5 réactions


  • Baltha 18 juillet 2015 13:35
    « Régulièrement, on entend cette petite musique à propos de ces fonctionnaires, planqués, paresseux et bien payés. » 

    Précarité des fonctionnaires
    (INSEE, 2013, saufs militaires et emplois aidés) :

    FP d’Etat (FPE) : 2,075 M dont 0,546 M non titulaires (26,31 %)
    FP Territoriale (FPT) : 1,879 M dont 0,426 M non titulaires (22,67 %)
    FP Hospitalière (FPH) : 1,153 M dont 0,317 M non titulaires (27,49 %)

    Toital : 5,107 M dont 1,289 M non titulaires (25,24 %)

    Globalement, 1 fonctionnaire sur 4 n’est pas titulaire de son poste, ne bénéficie donc pas de la sécurité de l’emploi, de droits à l’ancienneté, d’avancement en échelon, de certaines primes, du choix de son affectation et n’est généralement pas prioritaire pour la formation continue. Et corvéable à merci.

    Témoignage perso :
    Etant alors infirmier nouvellement diplômé d’Etat, j’ai fui la FPH dans les années ’90 car à l’époque, déjà, j’avais été embauché avec le statut d’auxiliaire, il fallait attendre 2 ans pour espérer passer stagiaire et 4 ans de plus pour être titularisé. Je me tapais tous les mercredis, tous les samedis soirs et lundi matin, ce qui m’amputait largement TOUS les weekends sans toucher la (maigre) prime de dimanche qui était réservée aux titulaires par la direction. Je me suis barré lorsqu’on m’a contraint de travailler à Noël ET le jour de l’an pour quelques euros de plus. Et on me baladait allégrement d’un service à l’autre, me faisant alterner jours et nuits (on peut travailler de nuit en continu, mais faire plusieurs séries de nuits parmi des postes de jour, ça déglingue bien et ça pourrit la vie privée). Et mon sort n’avait déjà rien d’exceptionnel à l’époque...

    Voici le shéma de carrière type imposé à l’époque et il suffit de lire les témoignages des sites professionnels pour constater que ça ne s’est pas amélioré depuis lors : suppression de postes, surcharge de travail, flexibilité, tentative de suppression des RTT à l’AP-HP pour imposer 38 H payées 35 H, etc.

    Le tout pour être payé avec des billes : en 2010 j’ai été amené à remplacer quelques mois dans la FPH : 1 560 € nets en travaillant 1 week-end / 2 et 1 jour férié / 2. C’était un remplacement de congé de maternité (CDD) et à l’issue, malgré le manque de soignants, il m’a été proposé de recommencer un CDD à 30 Km dans un hosto du même groupement. J’ai dit Niet !

    Qui dit manque de personnel dit remplacement à la volée d’un collègue absent sans qui le service ne peut plus tourner à ce stade de sous-effectif, donc rappel au domicile parfois le jour-même.
    Ce qui amène un pression psychologique : on se sent obligé de continuer de travailler dans ces conditions pour espérer être titularisé un jour.

    Sans compter les nombreux collègues en arrêt de travail, pas pour « convenances personnelles » si chers aux propagandistes-fossoyeurs de la FP, mais pour troubles musculo-squelettiques ou burn out, apanages des soignants lorsque les conditions délétères de travail sont méprisées.







    • lsga lsga 18 juillet 2015 14:38

      le véritable problème, c’est que toutes ces réflexions (pour ou contre l’État Providence) reste bloquées à une échelle nationale.

       
      L’État Providence, comme expliqué par Rosa Luxembourg, c’est avant tout le néo-colonialisme. L’État Providence français était financé sur le dos des africains, spoliés de leurs matières premières et de leurs emplois. 
       
      Avec un socialisme mondial, on aurait pu organisé le rééquilibrage d’une façon démocratique et scientifique. Mais, comme les Européens ne veulent pas entendre parler ni de socialisme, ni de rééquilibrage mondiale, c’est finalement la mondialisation et le libre-marché qui va faire ce rééquilibrage.
       
      vivement. 

  • foufouille foufouille 18 juillet 2015 14:03

    « La France est jusqu’à présent l’un des pays les moins corrompu, grâce à sa fonction publique ! Chaque fonctionnaire à un droit de réserve. »
    mdr !
    sinon, oui, tu as des fonctionnaires dans les bureaux qui sont très chiants et méritent la haine qu’ils recoivent.


  • Pascal L 18 juillet 2015 17:53

    Hum, ce n’est pas en écrivant cela que vous remonterez la cote des fonctionnaires dans l’opinion.

    Dans la débâcle économique que nous vivons, le poids de la fonction publique est en augmentation, il risque bientôt de ne plus avoir de salaires que celui des fonctionnaires et l’argent devra bien être pris quelque part. Que la fonction publique ne soit pas responsable de cette débâcle, ce n’est qu’en partie vrai. Ceux qui ont pondu les règles de fonctionnement monétaires étaient à Bercy avant de passer la main à la BCE (avec d’autres fonctionnaires).
    Quand à la corruption, j’ai déjà eu l’occasion de croiser des fonctionnaires corrompus, et si la corruption n’a pas encore tout gâché, on ne peut pas en dire autant de la bureaucratie.
    Après, qu’il y ait des fonctionnaires honnêtes faisant tout pour le bien de la communauté, c’est tout à leur honneur car ils n’y sont pas encouragés. Que de plus, une bonne partie ait un statut précaire, c’est encore plus méritoire, mais s’il y a des statuts précaires dans la fonction publique, c’est que les fonctions correspondantes sont indispensables, sinon, les contraintes économiques les auraient déjà virés. La vrai question se pose pour les fonctionnaires permanents et surtout la haute fonction publique. Dans de nombreux pays (USA, Suède...), les hauts fonctionnaires ont des contrats courts (4 à 6 ans en général) et sont sélectionnés dans toute la population, pas dans un corps fermé. Si vous pensez que la perméabilité entre le secteur privé et la fonction publique apporte un risque de corruption, regardez donc l’exemple de la Suède. Le problème, ce n’est pas le pouvoir, c’est l’absence de contre-pouvoirs.

  • Iren-Nao 19 juillet 2015 03:37

    Comme je suis un esprit simple, je me demande souvent par quel tour de passe passe il couterait moins cher de faire le boulot par le secteur prive que par des fonctionnaires.
    Secteur prive implique bénéfice, donc une couche de cout supplémentaire etc
    J’ai faux ?
    Bien sur on peut utiliser des étrangers au rabais, voire délocaliser...
    Que la fonction publique et ses droits acquis ait besoin d’un coup de ménage, ça n’est pas douteux,, mais du ménage il en faut tous les jours. Partout.
    Il faut se rappeler que le service Public ne doit pas être a finalité de bénéfice, mais de Service au Public alors que le prive, lui doit gagner sa croute et celle de ses actionnaires.
    Et pour ma part je trouve que les dames des postes et de la préfecture sont devenues plus gracieuses.
    Iren-Nao


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