mardi 3 mars 2020 - par Coeur de la Beauce

Chartres (28), une ville qui se désertifie dans l’indifférence des candidats aux municipales

Commerces fermés

Bienvenue à Chartres, préfecture de l'Eure-et-Loir, avec sa magnifique cathédrale. Paris n'est pas loin, les touristes sont nombreux l'été, on y apprécie sa belle médiathèque, son unique cinéma pour une agglomération de 80000 habitants, son complexe aquatique l'Odyssée qui pallie l'absence de plages aménagées autour des plans d'eau d'Eure-et-Loir.

Le samedi-matin, jour de marché, le quidam parcourt la voie piétonne du centre-ville en slalomant entre les vélos, trotinettes et autres bagnoles des riverains dans une anarchie organique qui n'émeut personne. Depuis quelques temps, on ne trouve quasiment plus de médecins en ville, ce qui n'est pas spécifique à Chartres. Les diplômés ne s'installent pas durablement chez les carnutes, et pour cause, car les Yvelines sont proches. Ceux qui ont des revenus préfèrent Rambouillet, ses activités et ses transports en commun. 

A Chartres, les nombreux retraités croisent des jeunes un peu paumés, locataires de passage, dans une commune tenue d'une main de fer par quelques agences immobilières (Citya, Foncia...) qui imposent leur loi du marché. Les appartements à la vente ne sont pas donnés, ni les locations. Et pourtant, d'après wikipédia Chartres a perdu 2000 habitants en 20 ans. Sa principale banlieue, la commune de Lucé, on a perdu 2300 sur la même période. On tombe de 67000 à 62700 habitants pour ces deux villes entre 1999 et 2017.

Cerise sur le gâteau, cette ville autrefois truffée de petits commerces en a perdu 65 l'an passé (!)... Quand on marche dans le centre-ville on croise des vitrines vides et des rideaux de fer baissés. Deux brasseries ont fermé elles-aussi. Le week-end, c'est le rush sur la gare SNCF pour rentrer sur Paris : il n'y a rien à faire dans cette préfecture qui se meurt peu à peu. Autrefois campagne de Paris, c'est aujourd'hui sa banlieue. Il y a quelques temps, un jeune de seize ans est mort lors d'une bagarre en plein centre-ville un samedi après-midi, à coups de barre de fer. Ne comptez pas sur l'Echo républicain, la canard à potins du département, pour livrer une analyse affinée de ce type de drame. Pas un mot sur ces banlieusards de Trappes et Mantes-la-Jolie déplacés dans le cadre de la "politique de la ville", du "vivre-ensemble" et pour compenser la baisse démographique. Pas un mot sur les abribus squattés près de la médiathèque, les clandestins qui trainent sur la place des Epars, cette population froide et triste, les difficultés à garer une voiture dans des artères saturées en permanence où le parking est rare et coûteux.

Pourtant, il y a une mairie à Chartres ainsi qu'une vie politique. Le duc des lieux, pardon, le député-maire, se nomme Jean-Pierre Gorges. Il est candidat à sa réelection. Conservateur ultralibéral spécialiste dans l'art de faire travailler ses semblables (il prône le fin du code du travail), on peut le croiser en ville et échanger quelques mots avec lui, tant que l'on disserte en son sens. Les couloirs à vélo, le développement des transports en commun, la défense des services publics, ce n'est pas sa tasse de thé. Sa clientèle électorale est à son image, âgée, distante et peu cultivée. Les jeunes ne sont que de passage dans la région...

Pour les élections municipales à venir, il y a une liste LREM, deux listes de gauche bobo (PS/FI et écolo) et une liste de lutte ouvrière, menée par un collègue que votre narrateur adore titiller quand il tracte au centre commercial de la Madeleine. Lui, au moins, il accepte la discussion. Cette année, il n'y a pas de liste RN. Beaucoup d'ex-cadres du FN local ont déménagé vers d'autres cieux ; il faudra toutefois compter sur une liste à Lucé menée par un militaire à la retraite.

Il est sidérant de constater l'absence de perpectives des candidats aux municipales. Cette pudeur face aux inciviltés et à la délinquance, l'exil des jeunes diplômés, la crise des commerces qui ferment les uns après les autres. Pas un mot non plus sur le logement social, dans une ville où les prix de l'immobilier ont fortement augmenté, proximité de la région parisienne oblige. Il est vrai que les quelques rentiers qui tiennent la pierre sont les véritables maitres des lieux, comme en témoigne l'abondance des agents immobiliers sur la liste du maire sortant. 

Pas de vie associative hors de la cathédrale, pas d'opposition crédible sur le plan politique, une activité économique qui piétine, Chartres devient un lieu de passage coincé entre le grand ouest et la région parisienne. Est-ce une impression individuelle sur un cas particulier ou le triste destin des villes moyennes de l'hexagone ? A débattre. L'avenir est-il à la concentration dans les grandes mégapoles, le grand Paris ou Rennes métropole ? C'est peut-être tout l'enjeu de cette première moitié de XXIème siècle...

 



14 réactions


  • Alain 3 mars 2020 19:52

    Les vieux ne voient la vie que par « leur » supermarché et les jeunes ne voient la vie que par « leur » téléphone. Entre les 2, rien ou presque rien ===> commerces de proximité qui meurent.

    Les élus promettent tout et son contraire et à la première occasion favorise les gros groupes (qui n’en doutons pas fournissent un retour d’ascenseur) donc ===> commerces de proximité qui meurent.

    Toutes les villes de France sont assujetties à la sacro-sainte bagnole. Les français rêvent d’être proprio d’un petit bout d’herbe et d’une maison mal pré-fabriquée qui sera leur petit chez moi.. Rajoutons les rond-points qui vont bien, le E-Leclerc pas loin et hop... Vous avez la vision de la France.

    Un suisse m’a dit un jour qu’on l’avait prévenu que la France était le tiers-monde, un hollandais rencontré sur une piste cyclable m’a dit qu’il ne remettrait plus le pied dans ce pays mal foutu et un belge m’a demandé si la France était un pays riche parce qu’ii ne comprenait pas de voir que des vélos de supermarché partout.


    • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 3 mars 2020 20:10

      @Alain

      Des belges et des hollandais y’en a un paquet qui viennent par chez moi tous les ans ...et crois moi question connerie ils ont rien à nous envier ...


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 3 mars 2020 22:57

    Sinon problème général. Lorsque je vois le traitement des élections municipales par mon soit disant journal régional, qui une fois sur deux parle de Lille... Jacobinisme régional...lol


  • caillou14 rita 4 mars 2020 08:02

    Combien de supers marchés en banlieue ?

    19 supermarchés, hypermarchés et/ou grandes surfaces aux alentours de Chartres (28000) : Carrefour (1)
    Carrefour City (1)
    Casino Shop (1)
    Franprix (1)
    Geant Casino (1)
    Intermarche (5)
    Leader Price (1)
    Leclerc (1)
    Leclerc Drive (2)
    Lidl (2)
    Magasins U (1)
    Monoprix (2)
     smiley

  • Olivier Perriet Olivier Perriet 4 mars 2020 10:08

    L’avenir est-il à la concentration dans les grandes mégapoles, le grand Paris ou Rennes métropole ? C’est peut-être tout l’enjeu de cette première moitié de XXIème siècle...

    Oui c’est exactement ça ; merci pour ce témoignage vivant qui tranche avec votre « rantanplisme » pro FN habituel smiley


  • ETTORE ETTORE 4 mars 2020 12:27

    Les grandes villes agissent comme des trous noirs qui inversent leur rotation selon les heures, aspirent ou expulsent, les vies.

    Il y a des poussières résiduelles, peut être trop légères pour être en mouvement, ou inutiles au rayonnement de la ville, qui gravitent .....inlassablement...

    Et puis ceux qui font semblant de maitriser le cycle, et qui jouent les équilibristes....

    Voilà comment je vois l’attraction des grandes villes sur leurs voisines plus petites, et surtout les déplacements qu’elles génèrent tels une respiration cadencée, et l’immobilisme de la vie nocturne de ces citées devenues......empilement de dortoirs.


  • zygzornifle zygzornifle 4 mars 2020 13:11

    Faut pas toucher la Chartes a la voisine ....


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