Chartres (28), une ville qui se désertifie dans l’indifférence des candidats aux municipales
Bienvenue à Chartres, préfecture de l'Eure-et-Loir, avec sa magnifique cathédrale. Paris n'est pas loin, les touristes sont nombreux l'été, on y apprécie sa belle médiathèque, son unique cinéma pour une agglomération de 80000 habitants, son complexe aquatique l'Odyssée qui pallie l'absence de plages aménagées autour des plans d'eau d'Eure-et-Loir.
Le samedi-matin, jour de marché, le quidam parcourt la voie piétonne du centre-ville en slalomant entre les vélos, trotinettes et autres bagnoles des riverains dans une anarchie organique qui n'émeut personne. Depuis quelques temps, on ne trouve quasiment plus de médecins en ville, ce qui n'est pas spécifique à Chartres. Les diplômés ne s'installent pas durablement chez les carnutes, et pour cause, car les Yvelines sont proches. Ceux qui ont des revenus préfèrent Rambouillet, ses activités et ses transports en commun.
A Chartres, les nombreux retraités croisent des jeunes un peu paumés, locataires de passage, dans une commune tenue d'une main de fer par quelques agences immobilières (Citya, Foncia...) qui imposent leur loi du marché. Les appartements à la vente ne sont pas donnés, ni les locations. Et pourtant, d'après wikipédia Chartres a perdu 2000 habitants en 20 ans. Sa principale banlieue, la commune de Lucé, on a perdu 2300 sur la même période. On tombe de 67000 à 62700 habitants pour ces deux villes entre 1999 et 2017.
Cerise sur le gâteau, cette ville autrefois truffée de petits commerces en a perdu 65 l'an passé (!)... Quand on marche dans le centre-ville on croise des vitrines vides et des rideaux de fer baissés. Deux brasseries ont fermé elles-aussi. Le week-end, c'est le rush sur la gare SNCF pour rentrer sur Paris : il n'y a rien à faire dans cette préfecture qui se meurt peu à peu. Autrefois campagne de Paris, c'est aujourd'hui sa banlieue. Il y a quelques temps, un jeune de seize ans est mort lors d'une bagarre en plein centre-ville un samedi après-midi, à coups de barre de fer. Ne comptez pas sur l'Echo républicain, la canard à potins du département, pour livrer une analyse affinée de ce type de drame. Pas un mot sur ces banlieusards de Trappes et Mantes-la-Jolie déplacés dans le cadre de la "politique de la ville", du "vivre-ensemble" et pour compenser la baisse démographique. Pas un mot sur les abribus squattés près de la médiathèque, les clandestins qui trainent sur la place des Epars, cette population froide et triste, les difficultés à garer une voiture dans des artères saturées en permanence où le parking est rare et coûteux.
Pourtant, il y a une mairie à Chartres ainsi qu'une vie politique. Le duc des lieux, pardon, le député-maire, se nomme Jean-Pierre Gorges. Il est candidat à sa réelection. Conservateur ultralibéral spécialiste dans l'art de faire travailler ses semblables (il prône le fin du code du travail), on peut le croiser en ville et échanger quelques mots avec lui, tant que l'on disserte en son sens. Les couloirs à vélo, le développement des transports en commun, la défense des services publics, ce n'est pas sa tasse de thé. Sa clientèle électorale est à son image, âgée, distante et peu cultivée. Les jeunes ne sont que de passage dans la région...
Pour les élections municipales à venir, il y a une liste LREM, deux listes de gauche bobo (PS/FI et écolo) et une liste de lutte ouvrière, menée par un collègue que votre narrateur adore titiller quand il tracte au centre commercial de la Madeleine. Lui, au moins, il accepte la discussion. Cette année, il n'y a pas de liste RN. Beaucoup d'ex-cadres du FN local ont déménagé vers d'autres cieux ; il faudra toutefois compter sur une liste à Lucé menée par un militaire à la retraite.
Il est sidérant de constater l'absence de perpectives des candidats aux municipales. Cette pudeur face aux inciviltés et à la délinquance, l'exil des jeunes diplômés, la crise des commerces qui ferment les uns après les autres. Pas un mot non plus sur le logement social, dans une ville où les prix de l'immobilier ont fortement augmenté, proximité de la région parisienne oblige. Il est vrai que les quelques rentiers qui tiennent la pierre sont les véritables maitres des lieux, comme en témoigne l'abondance des agents immobiliers sur la liste du maire sortant.
Pas de vie associative hors de la cathédrale, pas d'opposition crédible sur le plan politique, une activité économique qui piétine, Chartres devient un lieu de passage coincé entre le grand ouest et la région parisienne. Est-ce une impression individuelle sur un cas particulier ou le triste destin des villes moyennes de l'hexagone ? A débattre. L'avenir est-il à la concentration dans les grandes mégapoles, le grand Paris ou Rennes métropole ? C'est peut-être tout l'enjeu de cette première moitié de XXIème siècle...