Chine -Tibet : les Jeux ne sont pas encore faits...
Août 2008, les Jeux olympiques d’été se dérouleront en Chine, à Pékin. Un enjeu d’importance pour tous les protagonistes d’une autre partie qui se joue sur la scène internationale depuis 1950, date de l’invasion du Tibet par la Chine. Le choix de la Chine comme pays organisateur n’est pas neutre. Il relève d’une volonté d’encourager cette dictature militaire de sortir définitivement de son autarcie afin de l’amener, pas à pas, vers la démocratie. C’est le pari du développement économique, de la normalisation, fait par des Etats démocratiques qui justifient ainsi leurs relations économiques avec ce grand marché de plusieurs milliards de consommateurs appelés à devenir, demain, nécessairement, des citoyens. Qui ne voudrait pas y croire ? Pourtant, nous constatons chaque jour, combien, dans nos démocraties, les mêmes s’emploient avec tant d’énergie à créer des consommateurs efficaces souvent au détriment du citoyen... Plus prosaïquement, si l’on se réfère au dernier rapport publié par Amnesty international sur la Chine, sur le plan politique, pour l’heure, les choses n’ont guère évolué, et le gouvernement chinois fait preuve d’un cynisme zélé.
Une certitude : les Jeux olympiques se présentent pour chaque pays organisateur comme une vitrine sur le monde. Evènement surmédiatisé, il attise tous les appétits marchands, mais aussi militants. Or, le gouvernement chinois n’ignore rien de la sympathie que rencontre la lutte d’indépendance menée par le peuple tibétain, essentiellement à l’extérieur de son pays, sous l’égide pacifique et spirituelle du Dalaï Lama. Alors il prépare. En d’autres termes, il verrouille.
La sécurité constitue, bien évidemment, aujourd’hui plus encore qu’hier, un enjeu majeur, et l’histoire des JO montre qu’ils peuvent effectivement devenir le théâtre d’évènements tragiques (Munich 1972, ou plus récemment Atlanta 1996) . Il paraît donc tout à fait normal que le gouvernement chinois envoie, dès à présent, à travers le monde, et en premier lieu en Europe, des représentants, et notamment son vice-ministre de la sécurité publique, afin de nouer des contacts et d’élaborer des projets de collaboration en la matière. Si tel est le cas, il conviendrait bien évidemment de s’en féliciter. C’est, encore une fois, une démarche classique et légitime, menée pour chaque grand événement sportif et, dernièrement, le bon déroulement du Mondial allemand en a démontré l’efficacité.
Pour autant, il serait utile de nous intéresser de plus près au contenu des discussions, et on devrait dire des négociations. En effet, s’il s’agit en revanche, avec l’aide de chaque gouvernement partenaire économique, de tuer dans l’œuf toute velléité d’action de soutien en direction du peuple tibétain, il nous appartient de nous en faire l’écho, afin que chaque citoyen puisse réagir.
Or, la seconde hypothèse n’est pas d’école. Plusieurs signes le confirment et doivent nous alerter. En premier lieu, les réactions de Reporters sans frontières, et également celles de l’association Human Rights in China, relayés en France par France Tibet, lesquels dénoncent d’ores et déjà tant les conditions dans lesquelles le gouvernement chinois entend contrôler la médiatisation de l’événement que l’intensification, deux ans avant l’ouverture des Jeux, de la répression contre la presse et les différentes formes d’expression en Chine, notamment les sites Internet. Autre signe, les réactions qui ont entouré la visite de la délégation chinoise en Suisse, et plus particulièrement celle de Boris Banga, député social démocrate particulièrement sensible à la question tibétaine. France Tibet notait sur son site qu’une rencontre s’était déroulée en France sans provoquer la moindre réaction politique ou médiatique. Et en effet, il s’avère très difficile d’en trouver le moindre écho, y compris sur le Net... De tels silences valent bien des déclarations d’allégeance.
Alors, qu’est-ce à dire ? Les Etats démocratiques vont-ils une nouvelle fois renoncer si facilement à la tribune idéale qui se présente en 2008 aux partisans de la liberté, aux défenseurs des droits de l’homme ? Les Jeux olympiques ont trouvé leur forme actuelle au sortir du XIXe siècle, afin de tenter d’instaurer entre les nations des valeurs de paix et de rencontre, de transcender par le sport cette énergie guerrière qui semble intrinsèque à la nature humaine. Cela n’a pas suffi à éviter les horreurs du XXe siècle. Le XXIe siècle ne n’annonce pas nécessairement meilleur... Pourtant, comment ne pas voir la convergence d’un tel événement avec la position du Dalaï Lama et de son peuple, qui ont renoncé à la violence et qui mènent leur lutte de façon pacifique ? Allons-nous manquer cette chance historique ? La réponse est en chacun de nous...