samedi 21 juin 2008 - par Jean-Pierre Lovichi

Cortège... funèbre !

17 juin 2008. Tours. Manifestation contre la réforme des retraites, la casse des trente cinq heures. Je ne dispose pas des chiffres officiels de participation, mais une chose est certaine, la mobilisation est nettement moins forte que celle du 22 mai, elle-même décevante au regard de la réaction que l’on aurait pu attendre face aux attaques tous azimuts d’un gouvernement qui ne cache pas de vouloir « moderniser la société française », c’est-à-dire la libéraliser afin de désintégrer définitivement le modèle français et lui substituer celui des grandes nations anglo-saxonnes. Drôle de modèle sur lequel il suffirait de se pencher sérieusement pour démontrer combien il ne peut être attractif pour la majorité des individus.

Et pourtant, en ce énième jour de contestation ponctuelle, c’est un très petit cortège qui s’ébroue dans la rue, composé pour l’essentiel de militants de la CGT et de la CFDT. Sud apparaît disséminé. Le Parti Anticapitaliste ferme le rang avec une poignée de sympathisants. On est loin des 40.000 personnes qui avaient défilé en 1995.

Tout cela dans une ambiance de marche funéraire. Les sonos débitent toujours les mêmes slogans.

« Sarkozy, si tu savais, tes réformes où on se les met… »

« Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère, nous ne voulons pas de cette société là ».

Mais ils ne sont pas repris.

Les gens marchent lentement, presque traînant le pas. Ils discutent, commentent l’absence de mobilisation, critiquent les confédérations, le manque de conviction à organiser la résistance.

Les drapeaux rouges sont de sortie. Rouges et noirs aussi.

Mais le vent de la révolte n’y souffle manifestement pas.

Et s’il y a quelque chose de rouge dans ce genre de réaction, c’est le tapis qu’il déroule devant les « régresseurs », néologisme qui me semble plus adapté que celui de réformateur tant la tendance est au retour en arrière. Quand la modernité a oublié de se référer à la notion de progrès entendu comme progrès de l’humanité.

Tout cela manque définitivement d’élan.

Mais est-ce vraiment une surprise ?

Il conviendrait de s’interroger sur les causes de cet échec annoncé.

Quel rôle jouent réellement les confédérations syndicales ? Défendent-elles encore l’intérêt général des salariés ? Sont-elles en prise avec leurs problèmes lorsqu’elles n’en représentent que 8% ? Sont-elles encore légitimes à conduire la lutte sociale quand elles s’enferrent dans une stratégie des « temps forts » incapable, aujourd’hui encore, de construire un vrai rapport de force seul susceptible d’éviter que le libéralisme ne triomphe trop facilement et n’emporte tout ce que des années de luttes ont permis de bâtir.

Alors, oui, aujourd’hui, au milieu d’une manifestation sans joie, comme une émanation d’un corps social malingre et sans doute malade, j’avais l’impression qu’effectivement on enterrait quelque chose. Mais hélas, j’avais la certitude que ce n’était pas les réformes contre lesquelles nous marchions. Non, plutôt un mode d’action suranné parce qu’inefficace.

Dès lors, doit-on le regretter ? Ce qui compte c’est que l’esprit de résistance subsiste comme une spécificité française. Et il me semble qu’il soit toujours présent. Il y a toujours dans la mort les germes d’une vie souvent plus forte. Peut-être est-ce le moment d’imaginer d’autres formes de lutte, d’autres formes d’organisation ? Sans doute sommes-nous à un moment de transition. Quand les partis existants, notamment de gauche, ne portent plus d’espoir, quand les syndicats paraissent en décalage avec les enjeux, c’est peut-être le signe que le peuple doit se réapproprier le politique, reprendre son destin en main et en redevenir l’acteur principal.



9 réactions


  • jaja jaja 21 juin 2008 18:39

    Vous faites un constat très juste de la situation générale et de la morosité ambiante dans ces cortèges syndicaux. J’aurai préféré que vos (très bonnes) questions deviennent des affirmations avec ébauches de solutions..

    "Quel rôle jouent réellement les confédérations syndicales ? Défendent-elles encore l’intérêt général des salariés  ?"... A cette question je réponds que les directions syndicales jouent, en pleine conscience, le rôle de frein qui sera de plus en plus notoire au fur et à mesure que le mécontentement des salariés augmentera et cherchera à s’exprimer.

    "Sont-elles encore légitimes à conduire la lutte sociale quand elles s’enferrent dans une stratégie des « temps forts » incapable, aujourd’hui encore, de construire un vrai rapport de force..." Évidemment non, ces journées bidons ne sont d’aucune utilité pour construire un vrai rapport de force tandis que les directions syndicales refusent de "mettre le paquet" sur des luttes significatives. Lors du conflit du CPE toutes empêchèrent  le lien avec la jeunesse en liant au CPE la revendication de la suppression du CNE et des contrats précaires qui concernait les salariés au premier chef.

    Ainsi les Confédérations continuèrent leurs grèves-bidons empêchant la jonction salariés-jeunes dans ce conflit dur, aux cortèges animés et offensifs, ce qui était leur but d’ailleurs...

    "c’est peut-être le signe que le peuple doit se réapproprier le politique, reprendre son destin en main et en redevenir l’acteur principal." Ce n’est pas peut-être, c’est sûr !

    "Peut-être est-ce le moment d’imaginer d’autres formes de lutte, d’autres formes d’organisation ?"

    Eh oui c’est le moment ! Pour ma part je travaille avec le Nouveau Parti Anticapitaliste .. on verra bien !


    • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 23 juin 2008 11:54

      L’objectif de ce petit article sous la forme d’un billet d’humeur était effectivement davantage de poser les questions que d’y apporter des réponses définitives, de lancer le débat.

      Mais les questions étaient déjà comme souvent un début de réponse.

      Et je partage un certain nombre des votres.

      Il est plus que nécessaire que les personnes qui pensent que le capitalisme financier n’est pas la fin de l’histoire continuent à dialoguer, à se rencontrer en dehors des structures déjà existantes qui héla, oui, ne jouent pas le rôle que l’on espère.

      En dépit de nos différences d’approches, de nos différences de conception, il faut que le peuple de gauche se mobilise et tente de reconstruire une alternative, un espoir sur des propositions concrètes.

      Pour le reste, je vais répondre à travers la réponse au commentaire suivant...

       


    • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 23 juin 2008 12:13

      le réalisme !

      le grand mot est lâcher !

      Avec ce mot-là,on a tué l’espoir,on a tué le politique et laisser le champ libre aux magiciens de l’économie libérale.

      Est-ce réaliste de continuer à mener une guerre aux services publics et à préparer ainsi une société toujours plus individualiste et donc violente ?

      A ce sujet, voir l’analyse dans lelibé de samedi d’un universitaire africain sur la crise en Afrique du sud et le fait que contrairement à d’autres états africains qui parviennent à mener une vraie politique de développement et de croissance, l’afrique du sud n’avait pas su résister aux diktats de libéralisation de la banque mondiale et n’avait pas mis en place l’état providence nécessaire au moins dans un premier temps pour assurer la transition après apartheid.

      Est-il réaliste de continuer à voir dans lemodèle américain un modèle de société ?

      Est-il réaliste de continuer à faire de la bourse l’alpha et l’omega des systèmes de financement et de levée de fonds alors qu’elle implique l’idée de spéculation laquelle obéit à ses seuls impératifs et ce y compris dans des domaines essentiel à la survie de notre espèce (cf crise alimentaire ou crise pétrolière) ?

      Alors s’il vous plait, pas de leçon de réalisme...

      C’est bien ce qui a tué l’esprit critique des français et de nombre d’autre peuples.

      Ce qui a tué leur espoir.

      Le système actuel, le capitalisme financier n’est pas unmouvement naturel. Il est mis en place par des institutions non démocratiques (OMC, Banque mondiale, FMI) et constitue une solution parmis d’autres.

      Ne soyons pas monomanique ou bi-maniaque...

       


  • ombrageux ombrageux 22 juin 2008 16:24

    C’est peut être une mauvaise lecture de ma part mais est ce que cet article serait un appel aux armes et au terrorisme ?

    Que doit on comprendre par "Peut-être est-ce le moment d’imaginer d’autres formes de lutte, d’autres formes d’organisation ?"

    Hormis les élections et le droit à manifester ou faire grève je ne vois pas d’autre moyen de forme de lutte si ce n’est celle armée.

    Qans une certaine mesure, ce ne serait pas surprenant c’est la manière employé par les lache qui veulent imposer de toute force leur point de vu face à une majorité de personne.

    Il n’y a plus, dans les manifestations, qu’une poignée d’irreductible extrémiste qui n’ont rien compris à la démocratie et à la modernité du monde.

    Lorsque je lis "spécificité français" je m’écroulerais de rire si ça ne prétaipas à pleurer d voir qu’il y a encore des personnes qui croient qu’il y a des pays, fusse la France, qui pourraient vivre en dehors des autres peuple du monde et qui pourraient jouer celons leurs règles à eux voir même imposer leur règle au reste de laplanète.

    Définitivement la spécificité française, le mode de vie à la française, lesystème français est mort et définitivement mort.

    La seule chose qu’il reste à faire c’est l’enterrement et la chose que fait ce gouvernement c’est de faire que l’enterement soit le moins douloureux possible.

    Il faut bien être conscient que soit la France s’intègre dans le système mondial, avec les rajustement qui s’impose soit se pays crevera et régressera dansles années proche à venir.


    • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 23 juin 2008 12:18

      Rassurez-vous, il ne s’agit pas à un appel aux armes !

      Peut-être oui à une forme d’insoumission intellectuelle.

      A une forme de désobéissance civique...

      Ca oui.

      "la modernité du monde", là aussi le beau concept vide de communicant.

      Loi de modernisation...

      la modernité est-ce la préacrité, l’augmentation des inégalités ?

      Qu’est ce que vous entendez par "Moderne", expliquez-moi,sincèrement ça m’intéresse !

      Il ne s’agit pas de vivre en dehors des autres peuples...

      Il s’agit juste d’essayer de ne pas vivre dans un système qui bénéficie une petite minorité et participe de la précarisation d’un nombre toujours croissant de personnes...

       

       

       

       


  • jaja jaja 22 juin 2008 20:13

    "Ce qui compte c’est que l’esprit de résistance subsiste comme une spécificité française."

    Grâce à Ombrageux qui pourfend la "spécificité fançaise" et qui ne sait pas, le pauvre, s’il doit en rire ou en pleurer, j’ai retrouvé cette phrase qui m’avait échappé et dois dire, que l’esprit de résistance est bien partagé entre les différents peuples de cette planète et nullement l’apanage des seuls Français...

    Heureusement pour toutes celles et tous ceux qui espèrent un changement radical de société à travers le monde...

    "Définitivement la spécificité française, le mode de vie à la française, lesystème français est mort et définitivement mort."

    Ombrageux vous ne m’empêcherez jamais d’aller prendre l’apéro le dimanche au café du coin après une diff sur le marché, de discuter politique et révolution avec les potes et de manifester contre votre gourou Sarko... Nous étions plus de 600 000 dans les rues de Paris contre le CPE et la prochaine fois que ça pétera nous serons au moins autant...

    Et n’oubliez pas que le droit à l’insurrection est un droit inaliénable des peuples... Que ça vous plaise ou non d’ailleurs...

    Ceci dit lire un appel aux armes dans le texte de l’auteur est effectivement une mauvaise lecture de votre part...


  • j casamarta 23 juin 2008 16:52

    Il y a urgence à s’interroger sur les causes des échecs succéssifs... des régressions... des reculs de civilisations... du manque de mobilisations... du péssimisme ambiant... Et de l’absences de perspective crédible, humaniste et progressiste ... 

    Tu as raison dans ton article Jean Pierre, il faut peut- être plus de désobéissance civique, peut-être aussi que la décomposition politique (à Gauche s’entend) doit aller à son terme pour re-composer sur d’autres bases.

    Ton article à le mérite de poser la question, les questions là ou ca fait mal.. . AU MOINS POUR CERTAINS 

     

     


    • Jean-Pierre Lovichi Jean-Pierre Lovichi 23 juin 2008 17:25

      Merci !

      Je sais qu’il y a des hommes et des femmes de bonne volonté qui n’ont pas baissé les bras, que les luttes s’organisent...

      Sans doute encore trop éclatées.

      Il faut nous rassembler !

       


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