COURS D’ÉTÉ : Le Totalitarisme pour les Nuls
Ce cours est destiné aux dirigeants de droite, de gauche, du centre, aux gens sans appariement discernable, afin de leur permettre d’établir un nouveau système de gouvernance qui assure stabilité, ordre et bonheur pour les peuples.
Le totalitarisme est un régime sans aucune possibilité d’opposition et dans lequel une petite minorité contrôle la totalité des activités de la société. Le digital, le numérique, les algorithmes permettre l’établissement aisé et rapide de tels régimes, avec de plus l’agrément des citoyens.
Comment l’établir pour la nuit des temps ?
L’Histoire permettait parfois d’anticiper le futur des peuples, la Philosophie aidait à comprendre les individus : ce n’est plus nécessaire, le nouveau monde ne fonctionnera plus comme par le passé. La torture, les camps d’internement, les rafles appartiennent à des temps dépassés et sont devenus inutiles pour l’établissement du néo-totalitarisme. Plus de führer qui donne la seule vérité véritable, place au conditionnement global qui instille l’ordre établi à tous, à chaque instant de la vie et à tout propos. L’abolition de la notion même de vérité au profit du consensus médiatique permet de reléguer la propagande ancestrale aux oubliettes de l’histoire.
La maîtrise d’une population repose sur le nombre et la qualité des données disponibles sur chacun des individus. Les technologies actuelles permettent à l’évidence de saisir tous les échanges faits par Internet (téléphone, courriels, SMS…), de les stocker et de les analyser. L’efficacité de cette technique est incomparablement supérieure à la collecte de rumeurs ou de qu’en-dira-t-on que faisaient nos anciens. Nos services savent donc ce que nous nommons les idées apparentes d’un individu, c’est à dire ce qu’il exprime ouvertement. Il faut encore découvrir les pensées intimes, celles qui peuvent engendrer des pulsions nuisibles à l’ordre social. Il y a peu à attendre des écoutes pour détecter des activités terroristes mettant en cause le bon fonctionnement essentiel de l’État, les malfaisants ont tôt fait de se méfier des nouvelles technologies, même cryptées, qu’ils utilisent. L’analyse des maladresses verbales, des lapsus, des erreurs involontaires ou des signes subliminaux d’insoumission reste cependant pertinent : on en dit plus en se trompant qu’en disant la vérité. À cet égard, l’utilisation du système qui détecte les vibrations des vitres des appartements en détectant ainsi les conversations, peut conduire, s’il est effectué par des spécialistes, à une augmentation significative des interpellations préventives pour trouble de l’ordre public.
Les caméras de surveillance munies du système de reconnaissance faciale couplées avec le type d’achats faits dans des magasins sont susceptibles de conduire à un profilage fiable des habitudes et des goûts des individus. Être surveillé nuit et jour, avec discrétion mais précision, permet, même si l’intéressé se méfie, de traquer ses envies, ses désirs. Une analyse plus fine des mimiques du visage doit être concomitamment effectuée afin de déterminer sa propension profonde au passage à l’acte. Une analyse croisée des comportements et des analyses sanguines rendues obligatoires par la loi du 12 Mai 2022 est susceptible de donner une estimation fiable du taux de testostérone et donc sa propension à l’agressivité et aux viols, un traitement précoce d’éventuels malfaisants est alors possible.
Lorsque l’individu fait peu d’achats explicites, il y a lieu de chercher dans les poubelles environnantes si le total des achats correspond à la quantité de détritus. En cas de désaccord entre les deux valeurs, une perquisition est requise pour qualifier l’éventuel délit en cours car une association dissimulée de malfaiteurs est probable.
Le dire et le faire ne sont pas les seules sources possibles d’indices criminels. Les individus peuvent être également suivis olfactivement grâce à un nez électronique qui détecte les vapeurs sudoripares exogènes, les parfums féminins (ou pas), les traces d’explosifs, de sperme ou autre liquides coïtaux… ce qui permet d’établir des relations sub-amicales, amicales voire intimes qui auraient antérieurement échappé aux autorités.
Des scanners de reconnaissance faciale peuvent suivre les allées et venues de tous les individus (et leur rencontre) dans les hôtels, les centres commerciaux, les banques, les gares ferroviaires, les terminaux de bus ou d’avions. La police utilise des appareils portables pour rechercher sur tous les smartphones les discussions en ligne cryptées, les vidéos à caractère politique ou social, ainsi que tout autre contenu suspect. Bien entendu, une parfaite interconnexion entre les enregistrements des tribunaux, de la police, des banques, des impôts et des employeurs, est indispensable pour obtenir une surveillance soucieuse des libertés.
Ces quelques outils sociaux permettent un recadrage idéologique préventif si besoin est.
Chaque citoyen doit être associé à une note sociale qui permet de quantifier sa dangerosité et les mesures à prendre en conséquence. Dans les cas bénins (recherches en ligne suspectes, like d’un indésirable, passages piétons traversés à la hâte…), l’interdiction de voyager, d’approcher certains sites classés, le non-accès aux réseaux Internet peut être proclamé par un comité de quartier. Des difficultés importantes pour l’accès à des prêts bancaires peuvent être également mises en place. Des points de note sociale pourront ensuite être regagnés grâce à de bonnes performances au travail ou la publication sur un réseau d’articles vantant les mérites du système en place. La note peut être aussi augmentée si un utilisateur est liké par quelqu’un de bien noté, sa note sera naturellement abaissée s’il est choisi par quelqu’un de mal noté.
L’indice de désirabilité sociale va plus loin car il quantifie l’acceptation d’un individu par la société plutôt que son rejet. Son calcul est simplement donné par le nombre de like multiplié par la note de chacun des correspondants. Bien que suranné, la distribution de médailles, de diplômes, de certificats peut être tentée pour les plus frustres, pour les autres le don discret de plus ou moins fortes sommes d’argent est préférable car plus efficient.
Les violence physiques étant prohibées au sein des démocraties occidentales (pour les autres pays il est recommandé de les faire effectuer par des tiers), seule la mort sociale peut être décidée si les manœuvres frauduleuses voire terroristes la nécessite. Bien des moyens existent pour ce faire. La plus simple consiste à mettre à portée de l’individu ciblé (le prévenu) une jeune femme, attrayante, sans interdits. Les statistiques montrent que la probabilité qu’un homme refuse une proposition d’une femme belle et expérimentée est quasi-nulle ou du moins non mesurable. La suite est prévisible.
Pour les gens du commun, il est en général suffisant de prévenir la compagne de l’infidélité du prévenu, puis les réseaux sociaux, surtout que tout ou partie des ébats a été filmé et que des modifications de certaines scènes sont possibles. Il faut tenir compte à ce moment que le vrai n’a aucune importance, ce qui compte c’est ce qui est cru par les médias ou les bonnes âmes : la civilisation de la réalité virtuelle est tellement bien installée que les gens ne pensent plus et se contentent de croire ce qu’on leur fait savoir.
Pour les gens puissants, les salissures doivent être plus spectaculaires, il faut ajouter un viol avec éventuellement quelques détails ignominieux : tabassage, sodomies, émission d’urine sur la victime.
En général, même les magistrats les plus intègres, car l’indépendance de la Justice est un prérequis pour avoir une démocratie, n’hésitent pas à punir même préventivement un justiciable ainsi exposé.
La peine de mort sociale est suffisante pour assurer la quiétude et l’ordre d’une société, les coercitions physiques n’ont plus à être utilisées officiellement et massivement. Les gens sont heureux car l’ordre règne. Les discussions logorrhéiques et stériles d’organisation de la société n’ont plus lieu d’être et sont d’ailleurs très sévèrement réprimées : elles laissent place à un vivre-ensemble entier, planifié et obligatoire qui débouche sur un bien être sociétal inconnu sans ces légères restrictions des libertés individuels.
Mais comme le dit un poète : « Un groupe sans chef, c’est une meute ! »
Toutefois la manipulation des génomes et de l’ADN est maintenant suffisamment avancée pour qu’une race supérieure puisse être engendrée en éprouvette : elle courra plus vite, sautera plus haut, sera plus intelligente, aura plus de vertus que les peuplades actuelles. Il n’y aura plus lieu de s’inquiéter de faire respecter l’ordre, l’ordre sera ancré au sein du matériel génétique car tout le matériel vivant sera sous forme d’une seule cellule, comme le blob, et les divertissements ne manqueront pas car le choix est possible entre 221 sexes.