Covid 19 : le retour, c’est maintenant !
2 mois après le début du déconfinement, noyé par le bruit médiatique du remaniement, par la primauté rendue à l’économique, et par l’envie de chacun de penser vacances, socialisation, retour à la quasi normale, d’insouciance en un mot, le risque sanitaire perçu perd de sa force, s’enfonce dans l’oubli.
Les fêtes de la musique, bals non masqués à grande échelle, en ont été la plus spectaculaire manifestation.
Mais le virus est toujours là, et nous commençons à payer le prix de cette inconscience. La vague revient… Partout en France.
Citoyens, autorités publiques, il faut changer de braquet en termes de protection, sinon un désastre s’annonce.
Voilà 2 mois que nous sommes sortis de « la vie d’avant », celle où il fallait une autorisation en poche pour sortir de chez soi.
2 mois pendant lesquels, par étapes, la « vie d’après » s’est organisée : réouverture des écoles, des restaurants, des cinémas, retrouvailles avec nos anciens en maisons de retraite, fêtes de famille...
Et, rapidement, l’impression que tout est redevenu (presque) normal s’est répandue, amenant collectivement une baisse de la vigilance, et du respect des « mesures barrière ». Les signes de cette négligence sont nombreux, ils s’observent dans tous les lieux de vie commune :
- les transports en commun, ceux que j’emprunte en tout cas, où le port du masque reste bien respecté, mais où les places assises « interdites » sont maintenant souvent occupées aux moments d’affluence. Certes les gens se tournent pour ne pas faire face aux voisins, mais la distance n’est plus là. De même pour les places debout, pour lesquelles les marquages au sol des positions recommandées n’ont plus aucun effet.
- Les commerces, agences bancaires, ou services publics comme la Poste, où petit à petit les clients ont repris l’habitude d’entrer sans tenir compte du nombre de gens déjà présents et des distances possibles. Dans ces espaces, d’ailleurs, le port du masque par les clients a clairement régressé.
- Summum de cet oubli, les manifestations de rue récentes et plus encore les fêtes de la musique.
Bien sûr tout le monde souhaite pouvoir vivre des moments d’insouciance, d’abandon, de rencontres… Mais le virus se moque de nos envies humaines. Certaines de ses règles de fonctionnement sont connues (la transmission par les gouttelettes ou par le contact avec des objets contaminés, l’incubation, l’inégalité devant les effets, l’importance de l’âge et de la situation de santé…), d’autres restent à découvrir (la saisonnalité, la capacité à muter…).
Mais ce qui est certain, c’est qu’il est toujours là, et que l’épidémie peut encore repartir. De cela certains faits devraient nous convaincre, comme par exemple les reconfinements « partiels », touchant tout de même toute la population de larges territoires, comme Pékin, des quartiers de Lisbonne, des territoires de Rhénanie du Nord.
Et chez nous ? Sans doute cela approche, car nous sommes clairement collectivement trop négligents.
La preuve nous en est donnée par une analyse imparable produite par OpenHealth, une société spécialisée dans l’étude de données de santé massives. OpenHealth dispose d’une mine d’or en la matière : les tickets de caisse de pharmacie. Tous les jours, provenant de plusieurs milliers de pharmacies (il y en a un peu plus de 20.000 en France au total), elle accède à des millions de tickets produits la veille, et peut en faire des analyses variées. Tous les produits vendus en pharmacie s’y trouvent ; ceux vendus sur ordonnance, ceux utilisables en automédication, et même les équipements qui ne sont pas des médicaments. Un des usages les plus spectaculaires de ces données sont les « IAS », pour Indicateurs Avancés de Santé. Ces IAS sont des mesures locales de prévalence d’épidémies comme la grippe ordinaire, les allergies et, depuis cette année, le Covid. Ils sont accessibles sur le Net, de façon libre, ici.
Pour le Covid, OpenHealth a identifié des médicaments qui sont souvent achetés lorsque les gens sont atteints : les antitussifs. Et des achats de paniers de ces antitussifs sont utilisés comme des marqueurs d’une possible atteinte par le coronavirus. Alors, en comptant par pharmacie le nombre de tickets comportant ces paniers, et en ajoutant quelques traitements statistiques, OpenHealth produit tous les jours une carte de prévalence des achats d’antitussifs quelques jours plus tôt, créant ainsi, jour après jour, un film des va et vient de la maladie.
Or, ce film raconte l’histoire d’une maladie qui revient, très clairement, depuis le 3 juillet, avec de nombreux foyers. Ci-dessous quatre cartes :
- celle du 21 juin, jour des fameuses fêtes de la musique. La France est toute vert clair, couleur de bonne santé. La prévalence est très faible partout.
- Celle du 29 juin. Idem, rien à signaler
- Celle du 1er juillet, 10 jours après les bals non masqués, 15 jours après les vagues de manifestation Black Lives Matter et écologistes. Des foyers apparaissent, à de nombreux endroits du territoire. Mais ils sont encore petits, le territoire est encore majoritairement dans le vert
- Celle du 8 juillet, les foyers se sont étendus, de nouveaux apparaissent, la prévalence locale a augmenté au point de créer des zones rouges dans de multiples endroits. Les hôpitaux peuvent se préparer, des vagues locales arrivent.
21 juin
29 juin
1er juillet
8 juillet
Jusqu’où cela ira-t-il ?
Cela dépend encore, et une fois de plus, en grande partie de nous. Il faut remettre les masques, rééloigner les tables dans les restaurants qui ne respectent pas les bonnes distances, ne pas participer à des rassemblements massifs sans masques.
Et cela dépend, en partie, du gouvernement et des autorités publiques. La première chose qu’elles pourraient faire est de mieux communiquer, à temps, plus qu’aujourd’hui, sur les faits simples que montrent ces cartes. Car on entend parler de foyers localisés. Sans plus de précision, on croit comprendre que des politiques de tests sont bien appliquées, comme il avait été promis. Aucun sentiment d’urgence ni de gravité ne se dégage de ce qui est dit. Seuls quelques médecins ont déploré publiquement, sur des canaux de grande audience, les relâchements des foules sans masques.
Mais… Le remaniement ministériel est une affaire trop importante pour que les medias ne lui donnent pas toute la bande passante, alors même que la population, le taux d’abstention du second tour des municipales l’a prouvé, ne croit plus au pouvoir de ces gens de changer la vie en mieux… Les vacances approchent, et le gouvernement souhaite avant tout que nous partions, pour faire tourner le secteur du tourisme (maintenant, l’économie avant la santé ?) ; le bon temps, la crise économique, la possible perte d’un emploi, remplissent la tête des gens, qui sont ravis de croire que tout est sous contrôle du côté sanitaire.
Eh bien non. Une vague est repartie, et le changement, ce doit être maintenant. À chacun d’y prendre sa part, et mille mercis à OpenHealth, de nous tendre un miroir qui nous reflète si bien.
F. Lainée
Expert en Big Data
Animateur de l’initiative « Le pouvoir, Autrement » de Nous Citoyens France