De l’utilité des religions !
Il est parfaitement possible d'atteindre la sagesse et la sérénité sans aucune des religions. Le risque est cependant grand d'abandonner toute espèce de but qui dépasse un tant soit peu le strict intérêt personnel pour se réfugier dans l'empilement des jouissances de l'instant, dans les délices de la domination, de l'amour de soi qui est tout sauf de l'Amour. Le risque est grand que l'on préfère les palais et les tours aux dispensaires et aux bibliothèques, que l'on préfère les miséreux exotiques à ceux du coin de la rue. Même si l’on fait l'hypothèse raisonnable que Dieu n'existe pas, que c'est une construction des Hommes pour les Hommes, pourra-t-on se passer de ce qui a construit historiquement toutes les sociétés, toutes les civilisations. Et d'ailleurs l'Amour n'est-il pas la seule chose que l'on doive garder de toutes les religions. On peut nommer cette forme de croyance l’areligion. Pour inciter à la haine, pour exterminer son prochain, pour dominer ceux qui sont à votre portée, pour devenir une célébrité médiatique, l'amour n'est d'aucun recours, il n'aidera pas, il existe mille autres moyens infiniment plus efficaces pour s'affirmer par les prouesses et le combat.
Faire des propositions intellectuelles présente l'immense avantage de ne pas avoir à être confronté avec le réel, surtout si on se garde bien d'indiquer, même très schématiquement, comment les appliquer dans le quotidien. Toutefois, si on ne garde que l'amour des religions en évacuant tout le reste (les rites, les miracles, l'au-delà, la vie éternelle, les guides moraux, comportementaux, les solennités faites pour impressionner la multitude, les prêches prétendument édifiants...), si on conserve l'essentiel en se débarrassant du superflu, de ce qui divise, ce qui est en fin de compte nuisible pour tous et nécessaire seulement à quelques uns pour conserver une main mise sur leur troupeau, si on écarte tout ce qui conforte un clan, une secte, il reste ce qui fait la substance même de l’espèce humaine. En d'autres termes, si l'on veut surmonter l'individu pour obtenir une personne, il faut lui ajouter une dimension et cette dimension ne dépend ni du lieu, ni de la culture, ni de la couleur de peau, ni de la croyance ou de l’incroyance, elle doit être universelle et éternelle.
L’areligion n'a rien à voir avec la politique qui est un ‘sport de combat’ par excellence. L'espérance d'accéder aux plus hautes marches du pouvoir implique de mettre au rebut une prétendue éthique de conviction pour adopter une tout aussi prétendue éthique de responsabilité. C'est confondre l'indication de la boussole avec la direction prise dans l'instant, il n'y a qu'une éthique personnelle construite à partir de maîtres et de son vécu et il n'y a pas lieu de s'en départir sous la pression des responsabilités, c'est à dire en fait des autres. Mais ceci n'a qu'une importance sans toute qu'assez relative car l’areligion, elle, n'est pas (du tout) une lutte et elle s'accommode fort bien des défaites d'un jour pour préserver le lendemain.
Il est impératif d'unir les gens de foi ou plus simplement de bonne foi pour que les marchands sortent d'un temple qu'ils n'auraient jamais dû coloniser. Car le négoce est avant tout lui aussi affaire d'affrontements, de groupes de pression où la rouerie est plus utile que l'honnêteté ou le talent pour réussir.
Il n'est pas nécessaire de penser à une autre foi, un autre idéal, une autre idéologie, une autre église, un autre parti, un autre cadre de pensée : tout ce qui se trouve sous nos yeux permet de résoudre les problèmes existentiels qui se posent crûment à nous une fois que la submersion du vivant par une goinfrerie sans limites a commencé à cesser.
En France, puisque c'est le pays qui nous concerne plus particulièrement, le patrimoine catholique dénombre 45 000 églises paroissiales, en plus d'un grand nombre de chapelles et d'abbayes. Il y a également 3000 lieux de culte protestants, 2 200 mosquées, 500 synagogues et 300 temples bouddhistes. À la fin des années 1960, environ 9 enfants sur 10 étaient baptisés, et 25 % des Français assistaient à la messe dominicale. De nos jours, moins d'un tiers des enfants sont baptisés et 2 % des Français assistent régulièrement à la messe. La laïcité implique la libre expression des religions dans le cadre des lois de la République, ce qui ne doit poser aucune espèce de problème si l'on s'en tient au 'coeur de métier' des religions : l'Amour. Donc indépendamment de toute loi ou de toute pression, il semble pertinent de pratiquer l'ensemble des cultes présents en France dans tous les lieux de culte disponibles indépendamment de l'étiquette de ceux-ci dans le respect (pour le moins) des trois religions monothéistes et sous la férule simultanée d'un prêtre, d'un rabbin et d'un imam. C’est la seule forme de religiosité qui puisse être respectée dans un pays laïque.
Si le religieux ne doit en aucun cas se mêler du politique, il est tout aussi important que le politique, qui repose souvent sur un entrelacs d'intérêts, se tienne loin du religieux. Il faut cependant vérifier la compatibilité des 'dires et des faires' du religieux avec la laïcité, c'est à dire son caractère universel. Toute déviation au consensus des trois religions est tenue comme relevant plus du politique que du spirituel et est donc prohibée. Il ne s'agit pas de faire prospérer les uns au détriment des autres, il ne s'agit pas de coaguler des spiritualités, il s'agit d'obtenir l’extrait sec de ce qui est commun à tous en écartant résolument les comportements claniques faits pour fortifier des certitudes, en gommant les groupes, les obédiences, toutes choses qui se révèlent à l'usage être des armes de domination.