lundi 23 octobre 2017 - par Daniel MARTIN

De « révolutions industrielles », en mutations anthropologiques

Les révolutions industrielles, synonyme de mutations anthropologiques

L’explosion de la croissance démographique dans le monde depuis les années 1800 où l’on passe de moins d’un milliard d’habitants à 7,5 milliards en 2017 est du à trois « révolutions industrielles » caractérisées par des découvertes qui ont produit chacune des mutations anthropologiques. La troisième qui débute dans les années 1970, celle de l’ordinateur et du numérique avec les nouvelles technologies, la cyber-économie, la Mondialisation, le triomphe de l'économie libérale, l’individualisation des mœurs, mais aussi une situation écologique planétaire d’une extrême gravité, héritée aussi en grande partie de le seconde, est un exemple qui traduit un profond changement de société d’où une mutation anthropologique radicalement différente des précédentes dans le monde Occidental. Avec celle de la nouvelle intelligence artificielle (4 ème révolution industrielle) qui se profile à grande vitesse, ce sera encore une nouvelle mutation anthropologique qui va profondément affecter les sociétés moderne, comme l’horloge mécanique a pu le faire, sauf qu’elle s’accompagne d’une sixième extinction des espèces et d’une nouvelle explosion de la bombe démographique, dont on ne peut que s’inquiéter. D’autant plus que les pouvoir politiques ne s’attardent généralement que sur l’aspect global de ce qu’ils considèrent comme positif pour certains intérêts économiques de court terme, laissant seule « maître à bord » la techno-science tout réguler… 

Au départ, l’idée de révolution industrielle fut un mythe construit largement par l’Angleterre. Ce mythe ne peut que fonctionner de façon efficace sans la techno-science, qui passe d’une période de la mécanisation grâce à la machine à vapeur de James Watt, entraînant mécaniquement cette nouvelle société dite » société industrielle ». Ce mythe fonctionne à la répétition chaque fois qu’une grande innovation scientifique a lieu, on parle de « nouvelle révolution industrielle ». Après la machine à vapeur de Watt, l’électricité, l’ordinateur et le numérique et maintenant la nouvelle intelligence artificielle où le robot se substitue progressivement en totalité à l’homme, nous entrons chaque fois dans un nouveau monde qui caractérise une mutation anthropologique, avec de nouvelles espérances mais aussi avec de nouvelles contraintes aux effets souvent désastreux sur la vie et la planète.

Avec l’horloge mécanique qui se caractérise par sa précision, une mutation anthropologique fondamentale passée presque inaperçue…

Chacune des mutations anthropologiques des « révolutions industrielles » qui sont dues à des inventions ou des découvertes, est à la fois le prolongement et une rupture avec la précédente, mais n’en efface aucune dans la vie humaine. Avec l’horloge mécanique, innovante par sa précision, qui date des XIIe-XIIIe siècles, Lewis MUMFORD (1895 -1990) a bien vu que c’était une technologie essentielle, car désormais, toute l’histoire de la vie, mais aussi « l’industrie » dans le sens large « d’entreprise » est bâtie sur la mesure du temps, le rythme et la cadence. Les pouvoirs, pas seulement économique mais aussi politique et spirituels, surtout l’État, quand il se développera à partir des XIIe-XIIIe siècles et surtout au XVème deviennent maîtres de l’horloge, c'est-à-dire gestionnaires du temps, avec la rationalité et la technologie qui leur sont nécessaire pour s’imposer, y compris par l’usage de la démocratie. Temps rationalisé, linéaire, quantifié et mathématique, symbolisé par la généralisation de l’horloge aux dépens des rythmes journaliers et saisonniers qui régissaient les sociétés d’Ancien Régime. Par la suite, avec la découverte du son et de l’image s’affirme une croyance en la toute puissance de la science, vue comme un moyen de maîtriser le cours de la nature et de promouvoir le « progrès » de l’humanité par une accumulation infinie des connaissances et des dispositifs techniques, et c’est une nouvelle mutation anthropologique.

En étudiant les conditions qui ont déclenché les grandes mutations anthropologiques de l’histoire, on observe qu’elles se produisent à chaque fois que de nouvelles technologies de communication apparaissent et se conjuguent simultanément avec de nouvelles sources d’énergies. La crise que nous connaissons aujourd’hui tient au fait que nous cherchons à restaurer ou prolonger artificiellement les « vieilles recettes » de la deuxième révolution industrielle, plutôt que de raisonner dans le cadre de la troisième révolution industrielle et se projeter sur la suivante, dans laquelle nous entrons à marche forcée, fondée sur le couplage des technologies de l’Internet et des nouvelles intelligences artificielles qui restent consommatrice d’énergie fossile, des énergies nouvelles et surtout des métaux issus des terres rares (bien toutes ne le sont pas).

Bien que sa technologie de fonctionnement ait changé et que l’horloge fut de plus en plus précise avec l’électronique, la mutation anthropologique, dont elle fut l’origine perdure encore et pour longtemps, car aucune technologie depuis sa mise au point et à fortiori celles de la nouvelle intelligence artificielle ne peut s’en passer. A moins que la chute d’un astéroïde, un accident nucléaire ou une explosion volcanique majeure, sans compter les conflits majeurs résultant de la surpopulation et des crises alimentaires éliminent totalement » l’homo faber consumméris », l’horloge est irremplaçable pour la survie de nos sociétés modernes.

Révolutions industrielles et mutations anthropologiques enchaînement presque mécanique

Les révolutions industrielles, avec les mutations anthropologiques, dues à des découvertes, s’enchaînent presque mécaniquement comme dans une chaîne de montage qui assemble des éléments successifs. La toute première révolution industrielle Prend son essor dans les années 1780. L’invention en 1769 de la machine à vapeur par J. WATT en constituera l’élément déclencheur. 100 ans plus tard, en 1880, c’est au tour de la seconde révolution industrielle. Celle-ci donne un nouvel éclairage au progrès par la magie de l’électricité. Avec l’invention du moteur à explosion que le Belge Étienne LENOIR a mis au point, en 1860 et son perfectionnement qui le rendra opérationnel à partir de la fin des années 1880, nouvelle mutation anthropologique avec seconde révolution industrielle. C’est le début de l’ère du pétrole et de l’explosion démographique. Puis, un siècle après, à partir des années 1970,  lannonce de l’ère numérique avec le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication pour aboutir à la société dans laquelle nous évoluons de plus en plus portée par l’innovation technologique du numérique, qui depuis 2010 nous fait enter dans la quatrième révolution industrielle, celle des nouvelles intelligences artificielles et des mégadonnées (Données structurées ou non dont le très grand volume requiert des outils d'analyse adaptés).
 

Avec la première révolution industrielle, l’histoire tourne ainsi la page d’un monde qui, depuis l’invention de l’agriculture au néolithique, il y a quelques 10 000 ans, avait très peu évolué. Surtout, l’activité de production n’avait pas connu de transformation majeure, malgré le recours à des énergies naturelles comme l’hydraulique ou le vent. Toutefois des sociétés rurales des pays pauvres, notamment Africaines, une partie ne connait pas encore l’électrification et travaille ses parcelles de terres pour survivre par sa seule force physique et celle animale. Pour l’habitant de ces pays, débattre sur la problématique des nouvelles intelligences artificielles et de la mutation anthropologique lui est totalement incompréhensible et inutile au sens culturel et économique.

Si les partisans de la croissance démographique considèrent que celle-ci apparaît comme le fruit de l'amélioration des conditions de vie des populations, dans les pays du tiers-monde, la pression démographique apparaît surtout comme un handicap. Le lien entre démographie et développement de ces pays qui ne pourront jamais atteindre le modèle Occidental, auquel ses populations aspirent légitimement, reste l'objet de nombreux débats, mais à terme c’est le risque de grandes migrations avec des conflits aux violences insoupçonnables... Avec une perte annuelle mondiale de 100 000 km2 de terres arables et si la population augmente d’un milliard d’habitants dans les 12 ans à venir, comme pour la période 1999 – 2011, ce qui apparait comme une réalité, nous frôlerons les 9 milliards à l’horizon 2030 …Si on y ajoute l’épuisement des énergies fossiles, le dérèglement climatique, les conflits économiques aggravés par des données cultuelles et culturelles plus la sixième extinction, les perspectives les plus optimistes de la nouvelle révolution de l’intelligence artificielle (IA) mises en avant par certains resteront une chimère…  

Nouvelle révolution de l'intelligence artificielle et mutation anthropologique sans précédent en perspective

La nouvelle révolution de l’intelligence artificielle (IA) va, à coup sur, produire une mutation anthropologique sans précédent, dont on peut imaginer des effets comparable à ce que fut l’Horloge mécanique pour la vie humaine dans les sociétés modernes.

Avec cette nouvelle révolution industrielle, au niveau de l’entreprise, progressivement va se mettre en place un nouveau concept d'usine complètement « virtualisée » qui permet de modéliser en 3D à la fois l'environnement de production, les processus de production, et les produits eux-mêmes, ce qui lui permet de se reconfigurer dynamiquement pour différents types de production en fonction de la demande et de l'usage des produits.

Toutes les machines, opérateurs, produits, physiques ou virtuels, communiquent entre eux, via l'Internet. Les chaînes d'approvisionnement, de production, de maintenance deviennent collaboratives. On utilise dans cette évolution l' « Internet des objets », où tout objet à l'intérieur comme à l'extérieur de l'usine devient également un capteur connecté qui communique avec son environnement de production et d'usage via des réseaux intelligents. La boucle d'amélioration des produits est ainsi optimisée, comme leur maintenance. Il n’y aura plus d’intervention humaine, ou si peu, tout cela se passera dans un monde froid sans âme…A moins que les robots s’en dotent d’une…

Quand un robot n’a plus besoin d’apprendre sans l’expérience humaine

Récemment de nombreux médias ont relaté l’information où « AlphaGo » a été balayée par sa petite soeur « AlphaGo Zero », qui apprend désormais sans l’expérience humaine.

En 2016 « AlphaGo », l’intelligence artificielle de Google DeepMind, avait surpris son monde en venant à bout de Lee SEDOL, un des meilleurs joueurs mondiaux de Go. Un peu plus d’un an après, cette version de l’intelligence artificielle a été elle-même surpassée, et de loin, par la nouvelle création de Google DeepMind. Plus épatant encore, AlphaGo Zero, n’a pas eu besoin d’emmagasiner des millions de parties de Go humaines pour apprendre à le maîtriser. Non, elle n’a eu besoin que de connaître les règles du jeu et la position des pièces sur le plateau. AlphaGo Zero a alors pu enchaîner des millions de parties contre elle-même et bâtir petit à petit ses propres stratégies. 

Il s’agit là toutefois d’un exemple d’Intelligence Artificielle « trans-humaniste » somme toute très rustique à coté des développements des IA à venir… Dans tous les domaines : entreprises, services, santé, hôpitaux, transports, militaires etc. désormais l’IA va s’installer partout avec des applications par phases successives. Nul doute qu’elle va susciter des espoirs, parfois surréalistes, mais aussi des craintes apocalyptiques, dont certaines peuvent être justifiées, compte tenu de notre culture actuelle et du recours trop réactif à la violence.

« L’intelligence artificielle c’est le futur, pas seulement pour la Russie, mais pour l’humanité tout entière. Elle apportera « des opportunités colossales, mais aussi des menaces difficiles à prévoir ». Déclarait notamment Vladimir POUTINE, venant ainsi grossir les rangs des leaders et personnalités qui s’impatientent autant qu’elles s’inquiètent des avancées toujours plus importantes constatées dans le domaine.

Certes, il y a toujours des experts économiques de PwC qui indiquent que l’IA pourrait contribuer à hauteur de 15.700 milliards de dollars à l'économie mondiale en 2030. 6.000 milliards proviendraient d'une augmentation de la productivité et 9.100 milliards de son impact sur la consommation. La somme peut paraître exagérée, mais PwC est sûr de son fait, à la décimale près… Selon eux : l'IA augmenterait le PIB de la Chine de 26%, celui des Etats-Unis de 14,5% et celui de l'Europe du Nord de 9,9%.

Mais toute la Silicon Valley n’est pas béate d’admiration devant les prouesses de l’IA. Même au sein de Google, un courant de pensée qui prédit une accélération de l’innovation et l’amélioration des caractéristiques physiques et mentales des êtres humains, la critique existe. Le géant américain, pour savoir où il met les pieds, vient de créer un comité d’éthique pour l’intelligence artificielle. « La technologie n’est pas neutre sur le plan des valeurs, et les technologues doivent assumer la responsabilité de l’impact éthique et social de leur travail », peut-on lire sur le blog de Deep-Mind, la filiale IA de Google.

En France, Lintelligence artificielle semble être un marqueur de la volonté politique du président de la république, mais est-ce suffisant ?

A peine six mois après la remise du rapport « France IA » qui, à la fin du mandat de François Hollande, a dressé un premier tableau de l’intelligence artificielle (IA) en France, le gouvernement a choisi d’en faire un marqueur fort de sa politique d’innovation. Alors que plusieurs pays, Etats-Unis, Chine avec 13 milliards de dollars d’investissements annoncés pour les trois prochaines années, Corée du Sud, etc.  se sont dotés de plans stratégiques dans ce domaine, c’est le député Cédric VILLANI qui a été chargé d’un nouveau rapport qu’il doit remettre dès le mois de janvier 2018 au gouvernement. Une mission tous azimuts, confiée à ce mathématicien de 44 ans devenu député LREM de l’Essonne.

Choisi pour sa « méthode de travail assez hétérodoxe et complète », selon  Mr. Mounir MAHJOUBI Secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du Numérique, Cédric VILLANI explique sa vision de ces technologies de « simulation de l’intelligence » dont les progrès récents sont rendus possibles par l’explosion des données. En 2020, l’humanité en produira 100 milliards de milliards chaque semaine que l’intelligence artificielle, grâce à la puissance de calcul des ordinateurs, transforme en outils de conduite autonome des véhicules, agents de conversation intelligents ou encore robots dans les usines, à l’hôpital, etc.

En ne visant que l’aspect positif n’oublie-t-on pas de s’attarder sur les effets négatifs ?

Le problème, c'est que ni la problématique démographique, ni les besoins en électricité qui vont croître démesurément ou les Terres Rares qui sont aussi une énergie venant du sous-sol ne semble pas être la première préoccupation des responsables politiques, espérant probablement que les futurs robots apporteront une réponse… Sans terres rares, pas d’intelligence artificielle (IA), pas d'Ipad, pas d'écrans plasma ni LCD. Impossible de produire une voiture hybride ou à pile à combustible, pas d'ampoules LED basse consommation. Dans une technologie donnée où elles sont utilisées, les Terres Rares sont difficilement substituables, ou alors au détriment de la qualité et des performances. Il peut en revanche y avoir des basculements de technologies, or, aujourd'hui, la situation est alarmante. En effet, la demande de terres rares est explosive, notre dépendance totale et l'offre est sur le point de s'assécher violemment. Il n´existe peu de matières premières, dont la demande, a été multiplié par 30 fois en 50 ans.

La Chine, c'est 90 à 95% de la production mondiale (2013). Elle alimente à elle seule toute la planète en terres rares. En 10 ans, elle a éradiqué la quasi-totalité de ses concurrents occidentaux par une guerre de prix destructive. Elle est devenue totalement « maître du jeu ».
 

Conclusion

En ne visant que généralement l’aspect positif, n’oublie-t-on pas de s’attarder sur les effets négatifs ? Passons sur la voiture sans chauffeur ou le drone taxi, les robots joueurs ou tueurs pour l’armée, la nouvelle révolution de l’intelligence artificielle avec une « robotisation » totale des entreprises, c'est-à-dire sans une intervention humaine, telle qu'elle a été évoquée au forum économique de Davos indique qu'elle entraînera la perte de plus de 5 millions d'emplois d’ici à 2025. Bien que de nouvelles activités, que l’on ne peut imaginer aujourd’hui verront le jour, comme en 1980 nous ne pouvions imaginer les activités résultant, par exemple des plateformes numérique, si aucune réflexion n’est sérieusement évoquée dans ce sens, les gouvernements devront faire face à un chômage en hausse constante et à des inégalités croissantes. Pas un secteur d'activité ne sera épargné et ce ne sont pas les formations, plus ou moins longues pour certains métiers, parfois d’ailleurs dépassées à l’issue de la formation, qui résoudront les problèmes. On peut donc imaginer les conséquences ...

 



19 réactions


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 23 octobre 2017 20:14

    Définition. L’anthropologie étudie principalement les rites et les croyances, les structures de parenté et les mariages, et les institutions. Plus généralement, elle cherche à « penser et comprendre l’unité de l’homme à travers la diversité des cultures ».


    L’anthropologie ne se limite pas à la technologie. Pour moi, la civilisation n’a jamais été progressive mais cyclique. Nous somme, c’est évident dans la phase de déclin. Le tout est de s’amuser à amuser le futur. Mais comme la plupart des écrivains de science-fiction se sont trompés. Je choisi l’inconnu.

    • L'enfoiré L’enfoiré 24 octobre 2017 18:38

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      « L’anthropologie ne se limite pas à la technologie. »
      Tout à fait.

      « la civilisation n’a jamais été progressive mais cyclique »
      Tout à fait.

      " Nous sommes, c’est évident dans la phase de déclin« 
      Le déclin se trouve surtout dans la civilisation occidentale.
      Si vous avez suivi ce qui se passe en Chine. Ce n’est pas vraiment le déclin que l’on décline.

       »... amuser le futur... la plupart des écrivains de science-fiction se sont trompés« 
      Ils ne se sont pas trompés. Ils n’ont pas entrevu notre monde connecté comme aujourd’hui et qui va l’être encore plus dans le futur

       »Je choisi l’inconnu".
      On peut parler de tendance mais rien de plus.


  • Christian Labrune Christian Labrune 24 octobre 2017 00:12

    à l’auteur,
    Il y aura eu effectivement pas mal de révolutions anthropologiques depuis le néolithique, mais celle de l’intelligence artificielle sera la dernière. Les meilleurs spécialistes estiment que l’IA forte devrait émerger bien avant le milieu de ce siècle. L’intelligence, qui est le propre de l’homme, ne disparaîtra certes pas, on pourra même au début améliorer un peu les possibilités de l’homme en interfaçant plus étroitement son cerveau à la machine planétaire globale dont la mémoire est déjà en train de se constituer, mais quand les machines pourront se complexifier à l’infini et à très grande vitesse, le cerveau biologique ne le pourra pas : en dix mille ans, il n’a probablement pas sensiblement changé. Il est donc à prévoir que passé le moment de ce que les post-humanistes appellent une « singularité », l’homme disparaîtra d’un monde où il n’aura pas plus son mot à dire que les grands singes qui, aujourd’hui, vivent dans les zoos.
    Cette hypothèse de la singularité, pensée pour la première fois au début des années cinquante par Von Neumann, l’inventeur de la structure de nos ordinateurs actuels, n’est pas du tout une rêverie de romancier de science-fiction. Elle découle d’une manière parfaitement logique de la possibilité de l’IA forte. Dans les années 80, les spiritualistes ne la pensaient pas possible parce que les machines étaient rudimentaires, mais ce n’est plus là, et les machines à Qbits ne sont déjà plus des hypothèses théoriques : il en existe qui commencent à fonctionner.
    Enfin, il faudrait tenir compte aussi du fait que les nanotechnologies sont en train de changer radicalement notre rapport à la matière. Il sera de plus en plus possible de l’organiser atome par atome selon un programme bien défini et non plus, grossièrement, par usinage additif ou soustractif comme on le fait depuis des siècles.
    Dès lors, les préoccupations écologiques me paraissent assez vaines : la température de la planète pourrait bien s’élever de quelques dizaines de degrés, si le substrat de l’intelligence n’est plus biologique, pour des machines intelligentes formées de métal et de silicium, ce serait de peu d’importance. Mais ce substrat lui-même ne tardera pas à être remplacé par autre chose de plus performant. Ce qu’il y a de bien, de toute façon, avec la notion de singularité, c’est qu’il n’est même plus possible de penser ce qui viendra après nous : avec les cerveaux très rudimentaires dont nous disposons, la tâche serait impossible.


    • pemile pemile 24 octobre 2017 01:08

      @Christian Labrune « Les meilleurs spécialistes estiment que l’IA forte devrait émerger bien avant le milieu de ce siècle »

      Vous nous donnez les noms de ces « meilleurs spécialistes » ?

      Et des liens vers les déclarations communes et partagées de ces meilleurs ?


    • Christian Labrune Christian Labrune 24 octobre 2017 18:50

      @pemile
      Vous avez dans Wikipedia un article « Intelligence artificielle » qui pose assez clairement le problème de l’IA forte. Les objections théoriques et leurs réfutations sont très bine présentées. A la fin, vous trouverez une longue bibliographie.
      Je vous conseille le bouquin d’Alain Cardon que j’avais lu à sa sortie et que je n’ai plus : « Modéliser une machine pensante ». Je ne suis pas trop d’accord sur certaines de ses approches, mais lui ne doute absolument pas qu’on puisse réaliser cela et, du point de vue matériel, il n’y a plus grand chose qui puisse s’y opposer. La mémoire de la machine très ordinaire dont je me sers pour vous répondre est cent soixante mille fois plus étendue que celle de mon premier ordinateur qui était, en 1981 un Apple II.

      La différence est beaucoup plus impressionnante qu’entre l’avion de Clément Ader et un Airbus A380, et la progression dans ce domaine aura à peu près suivi la loi de Moore : doublement tous les dix-huit mois du nombre des transistors sur un processeur.

      Baquiast publie assez régulièrement des articles sur AgoraVox. Vous les trouverez aisément. Son site « Automates intelligents », que je n’ai pas visité depuis longtemps, est très bien fait.

      C’est un sujet qui est régulièrement abordé depuis les années 70 dans la revue La Recherche. Il est très intéressant de voir comment les hypothèses ont évolué dans le temps.
      A partir du moment où la capacité de traitement de l’information dans les machines est à peu près la même que celle du cerveau humain, comme c’est déjà le cas, il ne manque plus que les logiciels permettant d’implémenter un embryon de structure ’intelligente.

      L’intelligence artificielle ne se programme pas à proprement parler, et l’apparition de ce que les philosophes appellent conscience est une émergence de la complexité. Cette notion d’émergence est tout à fait essentielle. Il y a peut-être un article de Wikipedia sur la question, mais je n’ai pas vérifié.


    • pemile pemile 24 octobre 2017 20:52

      @Christian Labrune « Vous avez dans Wikipedia un article « Intelligence artificielle » qui pose assez clairement le problème de l’IA forte. »

      Bien loin de votre affirmation que les meilleurs spécialistes estiment que l’IA forte devrait émerger bien avant le milieu de ce siècle !


    • Christian Labrune Christian Labrune 24 octobre 2017 22:09

      Bien loin de votre affirmation que les meilleurs spécialistes estiment que l’IA forte devrait émerger bien avant le milieu de ce siècle !
      ------------------------------------------------------------------------

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Singularit%C3%A9_technologique

      @penile
      L’article de Wikipedia, que j’avais regardé en diagonale ne me semble pas évaluer le temps qui nous séparerait de la singularité. En revanche, si je consulte l’article « singularité technologique » (en haut de page) que je connaissais pas - et que vous auriez pu trouver aussi bien que moi !-, il est question de la troisième décennie de notre siècle. Des années 20 par conséquent. Nous n’en serions donc plus très loin et il y a déjà bien dix ans que beaucoup d’auteurs s’accordent sur cette hypothèse, tenant compte des recherches qui sont effectuées un peu partout dans le monde et qui finiront nécessairement par aboutir. Songez que dans les années 1880, quand on a commencé à penser à des machines volantes, beaucoup pensaient qu’il serait évidemment toujours impossible de faire voler une machine plus lourde que l’air. Il me semble quand même, quand je vais voir au Bourget le salon de l’aviation, qu’on commence à y parvenir.

      Je vois en survolant rapidement cet article sur la singularité que certains craindraient que l’homme perdît le contrôle de la planète. Ils voient juste !!! Mais je ne pense pas que cela soit très inquiétant. Pas plus inquiétant que la disparition des dinosaures, lesquels n’étaient pas des créatures particulièrement estimables par leur intelligence, semble-t-il. L’essentiel est que la terre reste habitée par des créatures conscientes, et si possible un peu plus que nous ne pouvons l’être, moins mortelles et moins atrocement limitées.

      Je vous parlais de la notion d’émergence. Il y a aussi une entrée dans Wikipedia, qui évoque bien, mais fort succinctement, le type d’émergence qui apparaît dans les colonies de robots où des comportements apparaissent spontanément, qui n’ont jamais été programmés.

      Je me permets de vous conseiller aussi cette page, à propos du « jeu de la vie » qui pose procède d’une recherche suprenant et des plus heuristiques.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_de_la_vie


    • pemile pemile 25 octobre 2017 16:43

      @Christian Labrune « il est question de la troisième décennie de notre siècle »

      Annonce de futurologue, non ? Surement pas un consensus des meilleurs spécialistes !


  • Franck Einstein Franck Einstein 24 octobre 2017 01:00

    Excellente conférence d’Hervé Juvin au parlement européen sur le transhumanisme,
    la déconstruction, l’effacement de l’histoire, l’indifférenciation.
     
    La race des seigneurs du futur
     :
     
    https://www.youtube.com/watch?v=Rf3clg82a_Q
     
    Evidement excellente conférence de Pierre Magnard sur les 4 cavaliers de la déconstruction
    pourquoi vous êtes des patates sans organe en meute du rizome sans racine et que le mal est beau, le faux bien et les drogues dures c’est génial...
     
    https://www.youtube.com/watch?v=agoUU78Q980
     
    (les pseudo « phi » doivent eux regarder « Le merdia » avec Natoufa Dialho et Garrido chez Ardisson)

     


  • babadjinew babadjinew 24 octobre 2017 11:26

    Belle analyse de notre triste monde contemporain mais, RIEN n’est immuable !


    En premier lieu il est une révolution humaine que vous maintenez sous silence histoire d’en extraire des fruits amers. La RÉVOLUTION de la famille nucléaire ! (2 enfants par femmes) Personne jamais n’en parle et pourtant sur les 200 dernières années sous sommes passé de 7 enfants par femmes à une tendance globale et mondiale de 2 ! La bombe démographique que vous craignez est donc à terme (pic en 2100 puis rapide décru de population ensuite) une chimère...... 

    Coté capacité à nourrir cette immense population aucun soucis non plus ce a condition d’arrêter le gaspillage actuel. (50% de l’alimentation produit en occident fini à la poubelle) La perte des 100 000 h de terre arables annuel que vous citez est elle aussi réversible avec de simple technique ancestrale (permaculture) qui associer aux progrès robotiques pourra nourrir sans soucis et sans casser les dos tous le monde. Ce à condition tout de même que nos régimes excessifs en protéines changent !

    Coté révolution IA vous posez la question de Skynet or no Skynet. Nul de peut répondre dans l’état actuel de nos connaissances.

    MAIS, comme vous le démontrez plutôt bien dans votre texte la seule chose qui ce doit d’évoluer c’est nous même. Toutes ces rEvolutions que vous citez ne nous ont paradoxalement que très peu changé. Le temps s’est accélérer nos outils de productions ne cessent de s’améliorer et pourtant nous conservons encore et toujours le vieux logiciel de Moise (travail, croit, et procréer).

    Notre plus grave défi est de changer ce logiciel (paradigme) économique histoire de basculer d’une économie basée sur le profit à une économie basée sur les ressources. Pour ce faire seul un revenu de base nous permettra d’enclenché ce changement urgent et INDISPENSABLE.

    Nous avons aujourd’hui les outils technologiques pour fabriquer ou notre ENFER ou notre JARDIN D’EDEN !!!! 

    Wake Up !!!        

  • La Voix De Ton Maître La Voix De Ton Maître 24 octobre 2017 11:39

    Reporter la faute sur ses créations, c’est la première raison que l’on se donne pour ne pas agir.


  • zygzornifle zygzornifle 24 octobre 2017 14:17

    La révolution industrielle c’est la perte d’emploi pour beaucoup de monde , le chômage et enfin la misère ....


  • Sparker Sparker 24 octobre 2017 18:20

    Merci pour ce récapitulatif et perspectives.
    En effet il est probable voir incontournable que les technologies vont nous contraindre à changer de regard sur le monde et sur ce que nous y faisons.
    Dans une certaine mesure, j’utilise aujourd’hui des outils informatiques qui permettent de faire un travail qui nécessitait 5 personnes pour dix fois plus de temps il n’y a même pas 10 ans et je n’en suis qu’au début. Quand je vois les progrès fulgurants qui s’annoncent dans cette pratique, il y a de quoi prendre peur si on ne change pas de mentalité, il y aura des « travailleurs » en moins (peut-être des créateurs de plus...)
    De toute façon je ne vois pas comment nous ne pourrions ne pas changer nos mentalités et nos méthodes. Même l’esclavagisation ou la misérabilisation du plus grand nombre ne permettrait pas de faire fonctionner une société avec ses machines « intelligente ». Il leur faut des données et donc plus les données sont diversifiées et particulières ou singulières plus les IA peuvent aller loin, si j’ai bien compris. Il faut quand même des humains qui évoluent pour alimenter les bigs datas. Après à savoir dans quel sens on évolue, là aussi les IA ne nous laisserons pas le choix. J’espère que nous leur donnerons les infos pour nous traiter d’imbéciles et d’évoluer pour reprendre le dessus par la conscience et l’intelligence collective et reléguer les IA au niveau d’un marteau ou moteur à vapeur , mais vu le niveau d’intelligence généralisée actuelle c’est pas encore gagné.


  • baldis30 24 octobre 2017 19:00

    Bonsoir,

    hé bien NON ! L’explosion démographique n’est pas due au développement industriel mais à deux facteurs qui apparurent dans une période comprise entre 1760 et 1840 ... en gros deux générations ..

     Quels sont les phénomènes qui ont conduit à cela :

    a) une amélioration indiscutable de la nourriture de la population où Parmentier joue un rôle essentiel par son coup de génie PROMOTIONNEL sur la culture de cette substance : jusqu’alors la pomme de terre cotée à la bourse de Toulouse ( voir Fernand Braudel sur le sujet) était réservée aux animaux ( essentiellement les cochons). Elle devient une source de sucres dont on connaît l’importance dans le développement mental ... mais aussi le renfort de l’organisme contre des affections mortelles qui deviennent moins mortelles et on accroit la durée de vie

    b) La découverte de la vaccination par Jenner ... cela va presque de pair avec le point précédent sur la durée de vie

    c) Encore en Angleterre le rôle de l’eau dans la propagation du choléra !

    Donc meilleure alimentation même si elle n’est pas équilibrée au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Meilleure défense contre certains fléaux (variole, choléra) . Voir durée de vie !

    Voir aussi au XVIIIème siècle la mortalité infantile qu’on peut facilement étudier, par exemple par la numérisation des registres B.M.S des paroisses, travail qui a été effectué le plus souvent par des bénévoles et déposé aux archives départementales ( série J) ou municipales et accessibles à tous. (J’ai fait ma part là-dessus ...) Pour avoir deux enfants survivants à 20 ans il n’est pas rare d’avoir dix naissances ....

    Sur le rôle de l’alimentation on peut lire ou relire « les paysans du Languedoc » de Fernand Braudel et en particulier le chapitre sur les suites de la grande peste du XVème siècle et les leçons sociales que les paysans du Languedoc en ont tiré ! 

    Que l’Encyclopédie de Diderot, D’Alembert ait joué un rôle c’est indiscutable mais seulement dans des cercles de pouvoir. Elle a eu un effet de diffusion par mi une population plus importante ...


  • Anatine 25 octobre 2017 05:50

    Une remarque.

    Alphago zero peut aprrendre seul parce que la representation des sequences de jeu est possiblé. La capacite d’auro apprentissage depend de la capacite a construire des representations du reel.


  • Jean Keim Jean Keim 25 octobre 2017 09:19

    Une des grandes mutations qu’a connues la Vie fut l’apparition d’un être vivant doté d’un gros cerveau aux circonvolutions inédites, un cerveau qui tente de s’étudier lui-même, le défi était et est toujours prégnant : comment l’utiliser, quoi en faire ? 

    Toutes les révolutions et autres mutations ne sont que des conséquences de cet événement ; que sera le prochain bond évolutif, serons-nous prêts à l’accueillir ou passerons-nous à côté ?
    Toute notre technologie, y compris celle que nous sommes sur le point d’heberger dans notre corps pour devenir un homme augmenté, sera-t-elle un atout ou au contraire rédhibitoires ?


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 25 octobre 2017 12:45

    En un mot : 


    La droite ligne vers «  »La Planète des Singes«  » !

  • zygzornifle zygzornifle 25 octobre 2017 16:24
    “Je crains le jour où la technologie dépassera les capacités humaines. Le monde risque alors de voir une génération de parfaits imbéciles.”
     Albert Einstein

  • Franck Einstein Franck Einstein 26 octobre 2017 00:33

     

    Le bobo narcissique à vomir devint junkie à l’élixir de Jouvence,
    L’utérus artificiel repeupla la Sibérie de tant de Roy Batty,
    Et l’Armée Rouge eut allégeance de l’Armée Blanche.
    Ainsi le Hinterland continental du tsar fut bâti,
    L’État total gardien de la nouvelle espèce,
    Eurasia la forteresse.

     


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