Deux mots proscrits : « Génocide et Islamophobie »
Guerre sémantique, où, la bien-pensance et la machine à contrôler la pensée, s’arc-boute en une joute verbale sans fin, pour que certains verbatims ne soient prononcés, ou, alors, noyés dans une diarrhée verbale où surnage à coup sûr les totems d’immunités tels que les anathèmes : « d’Antisémitisme » et « l’islamophobie n’existent pas ! » Ainsi, à longueur de plateau TV, prononcer « génocide de Gaza » vaut à l’inconscient une volée de bois vert portée par la meute de cabots journaleux qui s’en va ergoter sans fin sur son sens, sa légalité et sa portée historique, nous ramenant aux années noires etc, etc. Pour ces idiocrates aux verbes hauts, qui tancent, qu’il faut mesurer la portée de ses paroles et que certains parallèles avec la Shoah seraient malvenus, sinon blasphématoires. Tout ce fatras se perd en considérations inaudibles causées par le brouhaha de chacun ; Ainsi le pauvre téléspectateur lassé d’entendre tout ce petit monde parler en même temps sans que personne ne s’écoute, n’y comprend rien perdu qu’il est dans ce salmigondis, alors qu’en fait en ce même instant, des hommes, des femmes et des enfants meurent sous les bombes de Tsahal, fournies par les pays dits développés, dont le nôtre, qui extermine sans distinction, avec cet argument massue : « Israël a le droit de se défendre ! » Après cet oukase, pas intérêt de la ramener, car aussitôt, la qualification de suppôt d’LFI tombe, et revient à être traité comme un lépreux évadé de son domus leprosorum situé à Mélenchon city...[i]
Suite au meurtre dans une mosquée d’Aboubacar Camara,[ii] impossible de faire prononcer le mot « islamophobie » à Retailleau et autres sbires à la Manuel Valls comme s’te pousse. Le ministre des cultes est allergique à ce type de terme et donne des explications alambiquées comme quoi la France n’aurait rien contre les musulmans. Ne suffit-il pas en ce monde dystopique de prétendre énergiquement que ça n’existe pas, pour que… Ça n’existe pas ! Le ministre de l'Intérieur argumente qu’en qualifiant d’islamophobie un acte tel, « qu’il y a une connotation idéologique du terme islamophobie très marqué notamment vis - à - vis du côté des frères musulmans qui fait que dans notre ministère, on prend une précaution à ne pas l’utiliser. » Au passage, ses prédécesseurs utilisaient ce terme, des vidéos viennent le contredire. Quant à Manuel Valls, ce « français » presque aimé de tous, à la pointe pour montrer sa fiole au fenestron, en remet une couche lorsqu’on lui pose la question « utilisez-vous le terme d’islamophobie ? » Réponse : « Non, je ne parle jamais d’islamophobie. Je n’utilise pas ce terme, il a été inventé, il y a plus de trente ans par les mollahs iraniens pour clouer aux piloris, blabla… » Une fois de plus, les membres de la tribu macron ne s’embarrasse pas de mensonges, fausses affirmations et manipulations pour contourner ce mot, qu’il ne faut pas entendre. Ajoutons, afin de ne pas mourir idiot : la genèse du terme « islamophobie » remonte à 1910. Dans un article Orient XXI, sa première utilisation est retrouvée en pleine période coloniale, sous la plume d’ethnologues spécialisés dans l’étude de l’islam ouest-africain. Cette année-là, dans sa Politique musulmane de l’Afrique occidentale française, Alain Quellien définit l’islamophobie comme un « préjugé contre l’islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne ». Enfin, « islamophobe » n’existe pas dans la langue arabe… Ce qui importe en l’occurrence n’est pas d’où vient ce mot et son origine, mais sa réalité quotidienne dans notre société. Si nous avons besoin d’un tel mot-là, c’est qu’il est nécessaire de nous comprendre et mettre le doigt sur des actes perpétrés contre une communauté de concitoyens. Il est évident que ceux qui veulent tirer les ficelles passent leur temps en arguties infinies afin que nous, gens de bon sens qui veulent comprendre ne puissions mettre des mots - un mot, sur les dérives de notre société. Comme dans le roman 1984, dévitaliser la valeur des mots revient à vider de sens tout acte.
Qu’entraîne les termes génocide et islamophobie ? D’une part, une montée réelle de l’antisémitisme, car les images journalières du massacre de Gaza ne passent pas pour la plupart des gens ayant un tant soit peu de l’empathie pour les plus faibles et font que de nombreuses manifestations de soutiens à la Palestine sont teintées à la marge par des propos délictueux contre les Juifs, car, injustement, certains associent judaïté à ce génocide. Ce qui a pour effet de cabrer les défenseurs d’Israël, qui mettent en avant le pogrom d’octobre 2023 et les otages détenus par le Hamas, qui selon eux utiliserait la population civile comme otage. Il faut dire que les individus de la communauté du CRIF desservent plus qu’ils ne servent la cause : de l’outrancier, aux termes racistes qui volent bas et la déshumanisation exprimée par ces fanatiques, la sphère médiatique est saturée par ces rageux/haineux qui ne veulent entendre aucun argument et en découdre pour un oui, pour un non, afin de faire taire l’évidence : nous sommes bien témoins d’un génocide en direct !
D’une autre part, il est démontré qu’il y a de plus en plus d’actes islamophobes dans tout le pays. Les enregistrer est difficile, car les victimes ayant une très basse confiance dans le système policier préfèrent s’adresser à des associations communautaires ou religieuses, qui sont soit non reconnues, ou dissoutes : voir le cas du CCIF pour (comité contre l’islamophobie en France) qui fut dans le viseur de Darmanin, alors ministre de l'Intérieur qui devait trouver un coupable lors de l’affaire de l’assassinat de Samuel Paty par un dément islamique. Les musulmans n’ont pas la cote d’amour dans les medias, et c’est à qui parmi les animateurs de plateau prononcera sa petite vacherie ou durant un « débat » lancera des termes racistes comme ça, mine de rien. Il y a un consensus parmi cette profession pour nous dire qu’en chaque musulman sommeil un islamiste, et que sous chaque foulard porté par une femme, vit un être soumis à la férule masculine djihadiste…
Ce qui rassemble les termes « antisémitismes » et « islamophobie » est qu’ils expriment la stigmatisation de deux communautés. Cependant, pour le premier[iii] qui a été tellement galvaudé, qu’il en perd aujourd’hui toute sa force. D’autant que de nombreux membres de cette communauté ne veulent entendre le terme de « génocide à Gaza ». Tout est fait pour les encourager en ce sens. Macron le mardi 13 mai sur TF1 lorsque le journaliste lui pose la question - y a-t-il ou non un génocide à Gaza ? Il botte en touche en disant : « Ce n’est pas à un responsable politique d’employer ces termes, mais aux historiens », en ajoutant sans se risquer, « c’est un drame humanitaire inacceptable, horrible, une honte du gouvernement israélien. » Pour l’extrême droite, Marine Le Pen dans une interview au média israélien i24 News, le 15 mai a dénoncé la déclaration « indigne » d’Emmanuel Macron, et affirmé « partager » l’objectif de Netanyahu.[iv] Comme on le voit, ce terme cristallise toutes les cervelles, et ne pousse pas à l’apaisement et à surtout mettre la pression sur Israël pour arrêter le blocus et les bombardements. C’est certainement à dessein. Quant à « islamophobie », toujours selon Retailleau, « des actes antimusulmans et non pas des actes d’islamophobie », et il y tient le ministre à sa définition. Pour le sociologue Julien Talpin le refus d’utiliser le mot islamophobie revient à minimiser des actes.[v] Ce qui est probant, c’est que ce terme s’est imposé comme une problématique majeure en France. Médias traditionnels et plateformes numériques jouent un rôle-clé dans la diffusion de représentations biaisées de l’islam, alimentant une tendance à la méfiance à l’égard des musulmans, ce qui crée des tensions entre cette communauté et celle des « natifs ».[vi]
Soyons bien d’accord, les mots ont leur importance, cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’au-dessus de ces batailles verbales il y a des drames humains, où des innocents meurent à chaque instant. Il serait temps de se reprendre en main, de chasser les propagandistes qui ne font qu’allumer des feux, où notre civilisation se brulera, se perdra… Tout en restant spectatrice devant les actes antisémites et islamophobes.
Comme a si bien dit Edwy Plenel : "les mots introduisent la catastrophe."
Georges ZETER/mai 2025
Vidéo : Là, ça commence à devenir inquiétant…
[i] https://www.la-croix.com/France/Politique/Islamophobie-histoire-dun-mot-origines-contestees-2019-11-11-1201059748
[ii] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-question-politique-du-jour/la-question-politique-du-jour-du-lundi-28-avril-2025-1979303
[iii] https://www.huffingtonpost.fr/international/article/comment-le-mot-genocide-cristallise-toutes-les-tensions-sur-la-situation-a-gaza_250101.html?utm_source=firefox-newtab-fr-fr
[iv] https://www.huffingtonpost.fr/international/article/comment-le-mot-genocide-cristallise-toutes-les-tensions-sur-la-situation-a-gaza_250101.html?utm_source=firefox-newtab-fr-fr
[vi] https://musulmansenfrance.fr/comment-les-medias-et-les-reseaux-sociaux-vehiculent-et-encouragent-lislamophobie-en-france/
Merci pour l’illustration : Cartooning for peace - Moyen-Orient