mercredi 3 septembre 2008 - par Paul Villach

Écoutes téléphoniques de l’Élysée : des fonctionnaires enfin personnellement responsables ?

Selon le journal Le Monde.fr du 2 septembre 2008, la Cour de cassation a examiné le même jour le pourvoi déposé par les auteurs des « écoutes téléphoniques de l’Élysée » perpétrées sous la présidence mitterrandienne. Ils avaient été condamnés le 13 mars 2007 à verser de leur poche des dommages et intérêts à quelques parties civiles, dont l’actrice Carole Bouquet et le lieutenant-colonel Jean-Michel Beau qui avaient osé faire appel d’un jugement précédent estimé trop clément à l’égard des coupables.

On a eu l’occasion à trois reprises d’expliquer sur Agoravox l’enjeu de ce procès capital qui risque de clore en principe, "par la force des choses et des hommes", deux affaires qui durent depuis 1982, date de la mise en scène de l’arrestation des Irlandais de Vincennes. On se contentera donc de résumer cet enjeu dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation qui est prévu pour le 30 septembre prochain, et de renvoyer le lecteur à ces trois articles (1).

Une faute jugée d’abord « non détachable du service »

MM. Gilles Ménage, ancien directeur du cabinet du président de la République, Christian Prouteau, patron de la cellule antiterroriste de l’Élysée, Charroy, Gilleron, Schweitzer, Esquivier et le célèbre Paul Barril, à l’origine du montage de l’affaire des Irlandais de Vincennes, avaient été condamnés dans l’affaire des écoutes téléphoniques de l’Élysée, le 9 novembre 2005, à des peines plus symboliques que réelles au regard de la gravité du délit commis, la violation de la vie privée des victimes.

Surtout, le tribunal avait alors estimé qu’ils n’avaient pas de dommages et intérêts à verser puisque, selon lui, leur faute était « non détachable du service ». Les victimes n’avaient qu’à s’adresser au tribunal administratif pour se faire dédommager puisque c’était à l’État de se substituer aux fonctionnaires coupables du délit reproché.

La même faute jugée « personnelle et détachable du service » par la Cour d’appel

Quelques parties civiles ne l’avaient pas entendu de cette oreille, estimant que la faute commise était d’une gravité telle qu’elle était « personnelle et détachable du service  », que la responsabilité de l’État n’était pas engagée et qu’il revenait donc aux agresseurs de leur payer de leurs propres deniers des dommages et intérêts.

C’est, en effet, ce qu’avait jugé la Cour d’appel de Paris, le 13 mars 2007, en estimant que le devoir d’obéissance de ces fonctionnaires au président de la République – sous le parapluie de qui ils s’abritaient tous pour justifier les écoutes téléphoniques auxquelles ils s’étaient adonnés – n’aurait pas dû les dispenser de respecter les grands principes de la République. « L’autorité légitime, écrivait magnifiquement la Cour, arguée par les prévenus pour permettre la qualification des délits qu’ils ont commis en faute de service, ne peut être reconnue en faveur d’un officier supérieur de la gendarmerie et de hauts fonctionnaires dès lors qu’aucune disposition légale ne leur imposait une obéissance inconditionnelle à des ordres manifestement illégaux (…) du président de la République. (…) Ces délits d’une extrême gravité jettent le discrédit sur l’ensemble de la fonction publique civile et militaire, affaiblissant l’autorité de l’Etat dans l’opinion publique, n’excluant nullement la satisfaction de leurs intérêts personnels, telle la garantie d’une évolution intéressante de leur carrière ou la conservation d’avantages à raison de leur proximité avec les plus hautes autorités de l’Etat, outre leur volonté d’éviter la divulgation d’agissements peu glorieux. »

Ce n’était donc pas à l’État de payer le dévoiement de fonctionnaires sans principe ! La Cour de cassation va-t-elle confirmer cette analyse ? Selon Le Monde.fr, l’avocat général a conclu au cours de l’audience qui vient de se tenir, au rejet du pourvoi. « C’est la gravité de la faute qui constitue la ligne de démarcation entre ce qui est détachable du service et ce qui ne l’est pas  », a-t-il observé avant de conclure que la Cour d’appel avait « justement caractérisé la gravité des faits reprochés aux prévenus  ».

Une révolution dans les mœurs administratives ?

On croise les doigts ! Si la Cour de cassation suit son avocat général et confirme l’arrêt de la Cour d’appel, c’est une nouvelle ère qui s’ouvrira, celle de la responsabilité personnelle de fonctionnaires qui, si hauts soient-ils, ne pourront plus s’abriter sous le parapluie de leur supérieur hiérarchique pour s’exonérer de toute responsabilité dans les délits qu’ils peuvent être amenés à commettre sciemment. C’est l’irresponsabilité de ses agents qui fait les administrations-voyous.

Ce serait donc une révolution dans les mœurs séculaires de l’administration française, après une première tentative qu’a représentée la condamnation en avril 1998 de M. Maurice Papon, l’ancien secrétaire général de la préfecture de Gironde en 1942, pour complicité de crime contre l’humanité. Paul Villach


(1) Paul Villach, « Les écoutes de l’Élysée : la Cour d’appel de Paris à l’écoute... d’une nouvelle civilisation », Agoravox, 19 mars 2007.
Paul Villach, «  Une dignité cher payée : l’affaire des Irlandais de Vincennes - 1982-2007 - ou l’honneur d’un gendarme, un livre du lieutenant-colonel Jean-Michel Beau », Agoravox, 18 mars 2008.
Paul Villach, « Est-ce à l’État de payer en cas de "faute personnelle" commise par un fonctionnaire ? » , Agoravox, 7 juillet 2008.



8 réactions


  • cti41 cti41 3 septembre 2008 11:34

    Cher Paul Villach, il faut espérer que l’avocat général de la cour de cassation sera entendu et qu’enfin chacun prenne sa part de responsabilité.
    Vous relatez dans votre article une partie des conclusions de la cour d’appel :
    """"Ces délits d’une extrême gravité jettent le discrédit sur l’ensemble de la fonction publique civile et militaire, affaiblissant l’autorité de l’Etat dans l’opinion publique, n’excluant nullement la satisfaction de leurs intérêts personnels, telle la garantie d’une évolution intéressante de leur carrière ou la conservation d’avantages à raison de leur proximité avec les plus hautes autorités de l’Etat, outre leur volonté d’éviter la divulgation d’agissements peu glorieux""""
    Je retiens principalement "la volonté d’éviter la divulgation d’agissements peu glorieux" qui renvoie à l’affaire des irlandais de vincennes dans laquelle le lieutenant colonel Jean-michel BEAU a été "carbonisé" alors que les responsables du montage se retrouvaient à la cellule anti-terroriste de l’Elysée de laquelle il pouvaient surveiller les correspondances téléphoniques de "leur victime" pour contrer sa défense.


  • arturh 3 septembre 2008 11:59

    Il est de toute façon complètement anormal que les fonctionnaires relèvent d’un droit différent que les autres citoyens dans l’exercice de leur métier de salarié.


  • Alexeï 3 septembre 2008 16:26

    Vous avez parfaitement le droit de réver, cher Paul Villach, mais je vous signale que :

    Dans l’affaire Papon que vous rappelez justement, Maurice Papon qui a effectué une brillante carrière sous tous les régimes (il a fini ministre du budget) et été couvert par Mitterrand qui a retardé autant qu’il l’a pu la procédure entamée contre lui (seize ans) a bénéficié d’une remise en liberté pour raison de santé (il est sorti de prison sur ses deux jambes, narguant ses victimes) grâce à notre actuel ministre des Affaires Étrangères (de Sarkozy), alors secrétaire d’État à la santé (de Jospin), Kouchner : le gouvernement trouvait sans doute que la punition avait assez duré. Pourtant, le verdict a eu le mérite de nous le rappeler : la culpabilité de la déportation des juifs de Gironde a été partagée entre l’occupant et Vichy. Mais il a surtout montré qu’un individu n’en est pas moins responsable de ses actes. Enfin, la ministre de l’Intérieur a eu beau protester, Papon a eu la possibilité dêtre enterré avec sa légion d’honneur.

    Dans l’affaire des paillotes corses, le préfet Bonnet reconnu coupable en première instance, en appel puis en cassation n’a pas effectué la peine de prison à laquelle il a été condamné. Dans un précédent de vos articles, le colonel Beau faisait justement remarquer que le préfet avait vu tous ses frais de justice payés par la collectivité publique alors que les gendarmes ont dû y aller de leurs deniers. À ce jour, il ne me semble pas que l’on ait demandé à ce préfet voyou de rembourser le moindre centime.

    Dans l’Affaire des Irlandais de Vincennes qui est le fond de votre article, on ne peut que souligner le courage de Jean-Michel Beau qui a dû affronter cette procédure seul et porter des années durant les poids de l’infamie. Même rétabli dans son honneur, « Le Monde » n’a pas trouvé mieux que de la salir de merde (sic).

    Déjà Platon, au Livre IV de « La République », soutenait que le courage est le propre des gardiens de l’État, car leur devoir est d’observer un comportement farouche à l’égard de tout ce qui risque d’infliger un mal irréparable à l’âme.

    Avons-nous progressé depuis ?


    • Alexeï 3 septembre 2008 16:34

      Après l’attitude scandaleuse des magistrats corrompus dans les affaires Burgaud et Lesigne, on peut tout de même saluer les conclusions de l’avocat général de la cour de cassation (qui est plus souvent une chambre d’enregistrement).

      N’en déplaise à certains, nous vivons en pleine insécurité. Seulement, cette insécurité n’est pas celle que véhiculent à longueur de JT TFN et autres acolytes du service public. Nous vivons en pleine période d’insécurité judiciaire : la justice est plus que jamais une loterie et l’on peut légitiment en droit de se demander si les numéros gagnants n’ont pas tous été retirés du panier.


    • Paul Villach Paul Villach 3 septembre 2008 17:17

      @ Alexeï
      Je partage votre point de vue, hélas ! Trop d’exemples ont jeté depuis plusieurs années le discrédit sur l’institution juridictionnelle française (tant judiciaire qu’administrative). 
      Voyez comme on chasse le responsable de la sécurité en Corse pour une occupation délictuelle temporaire d’un domicile par un groupe de manifestants et comme un procureur qui, avec une soixantaine de magistrats, a fait le malheur de 14 personnes (et celui de leur famille respective) dans l’affaire d’Outreau, échappe, lui, à toute sanction ! Paul Villach


  • Alexeï 3 septembre 2008 18:05

    Il est exact que l’on se focalise sur l’incompétent juge Burgaud et sur l’infâme procureur Lesigne mais vous avez raison de rappeler que plus de 60 personnes sont responsables de ce naufrage judiciaire et surtout humain (pourquoi ne pas les appeler assassins puisque sont morts en prison la personne handicapée en prison dont il a été prouvé que matériellement elle ne pouvait être coupable de ce qu’on l’accusait ainsi que la mère de l’huissier ?) Le plus écoeurant est bque ces assassins vont poursuivre une brillante carrière. Les travaux de la comission d’enquête parlementaire ont mis à nu les vices du système : il n’en est rien ressorti, tant sous la chiraquie finissante que sous la sarkozye bling-bling. On n’a pas beaucoup entendu la garde des sceaux sur ce sujet : il est plus important pour elle passer se faire relooker cher Drucker et de corrompre les magistrats pour que ses deux frères dealers (des marchands de mort) échappent à la prison.

    Le cas du responsable de la sécurité en Corse (non ce n’est pas une blague) a eu paraît-il une carrière exemplaire. Cela ne l’a pas empéché de subir le courroux présidentiel. Un peu de justice (pour rire). Il aura le temps de réfléchir sur ses propres turpitudes. Le Père Noël est vraiment une ordure.


  • krolik krolik 3 septembre 2008 23:08

    Il serait normal qu’ils paient de leur poche.
    Ils étaient vraiment des Pieds Nickelés amateurs , pas de méthode...
    Lorsque vous êtes écoutés et rentrés sur Cristina c’est classifié "secret-défense" et rien ne sort plus...
    Ils ne s’étaient même pas "couvert" de ce point de vue L’amateurisme le plus complet.
    Mais avec Mitterand.. le Rainow Warrior.. ça a été la "complète" dans l’infamie
    @+


  • USA 613 7 septembre 2008 12:52

    Combien de saloperies sous Mitterand , sous Chirac, Pompidou, etc...
    Mitterand c’est le pompon je crois
    Ce Mitterand quelle honte
    Pauvre Mazzarine....
    Au fait comment s’appellent son ou ses gamins ? François ?
    Que sont devenus les fils Mitterand avec cette autre saloperie mitterandienne "le Rwanda" avec des Védrine, Dumas, De Villepin qui s’en sortent bien trop facilement à mon goût
    Qui la justice condamne-t-elle des responsables politiques ou des exécutants supposés des techiniciens de la science du renseignement.... ???

    Quand fera-t-on tomber les statues de la mitterandie... Dumas, Védrine etc... en Russie on a fait fondre certaines statues en tous cas elles ont disparu des places publiques idem en Irak avec Sadam... mais en France on en est dans certains coins encore au culte d’un sacré escroc, bien entendu qu’ila fait des trucs positifs idem pour Chirac mais le bilan c’est quoi sur chacun d’eux... idem pour Pompidou, pour Barre et d’autres salopards qui ont détenu une certaine parcelle de pouvoir je ne mentionne pas les Laval, Bousquet, Touvier, et autres eux avec Céline et d’autres c’était la période honteuse de la France

    Maintenant il y a eu une période de désacralisation du personnage il serait peut être temps de passer à Dumas avant qu’il ne rejoigne son pote et Védrine avec ses belles formules alambiquées qui ne cachent pas le salopard et les coups bas du bonhomme quand il a été dans les arcanes du pouvoir idem pour son pote de l’autre bord le sieur De Vil-Pin

    Tous des salopards le pouvoir corrompt mais qu’on s’en prenne à ces gars là et non à des exécutants qui étaient supposés faire un boulot dont nous ne devions rien savoir....

    Restent tous ces exécutants qui ont bien fait leur boulot et dont nous ne savons rien

    Merci à eux d’avoir mal fait leur boulot mais maintenant il faut demander des comptes à tous ces salopards qui se cachent derrière les exécutants pour clamer comme les nazis qu’ils ne savaient pas, qu’ils étaient des scribouillards, des ... mais des quoi ?

    Alors s’exciter sur les exécutants c’est bien restent tous ces salopards de l’ombre qui se la ramène avec des chaussures faites sur mesure...

    Ecoeurant pouvoir


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