vendredi 10 mars 2017 - par NAMASTE

Enrichissons-nous ! Oui mais non...

... Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes
Décrétons le salut commun.
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l'esprit du cachot,
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer tant qu'il est chaud...

(L’Internationale )

Le 6 mars 2017, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME ) tenait un forum où les candidats à l’élection présidentielle étaient invités à présenter les volets économique de leurs programmes respectifs. Bien que conviés comme les autres, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon se firent remarquer par leur absence.

Mis à part quelques béotiens, cette attitude des deux candidats de gauche ne devrait étonner aucune personne un tant soit peu au courant de l’échiquier des partis politiques français et de leur histoire.

En matière de lutte des classes, l’entreprise implique un patron c’est-à-dire un ennemi de classe ou, pour être précis, un exploiteur de prolétaires. Evidemment, il n’y a guère de dialogue constructif possible entre un patron et un pur leader de gauche. En attendant le Grand Soir, il faut se montrer patient voire caresser les patrons, petits et grands, dans le sens du poil mais cela ne signifie pas qu’il faille aller jusqu’à se joindre à eux en des réunions publiques où l’assistance n’a pas été filtrée par des vigies politiques dignes de confiance.

Il y a une cinquantaine d’années, le grand gourou Sartre déclarait : « Tout anticommuniste est un chien ». Plusieurs décennies plus tard, cette sentence reste gravée dans les esprits de centaines de milliers de Français de gauche, le plus souvent inconsciemment. On ne va quand même pas créer des goulags pour y laver leurs cerveaux de cette tache spécifique de la culture française, n’est-ce pas Monsieur Macron ? (1). Comme on a de beaux restes culturels, Nathalie Artaud, gentille candidate trotskyste, a obtenu ses 500 parrainages avant la méchante fâcho Marine.

L’homme de gauche veut « Changer la vie » par le truchement de l’économie c’est-à-dire par la production et la distribution des richesses. On connaît la formule de Marx : « De chacun selon ses forces, à chacun selon ses besoins ». Le « de » s’applique à la production quand le « à » se rapporte à la distribution. La production, c’est la première divinité collectiviste (Revoyez le premier mot du couplet de l’Internationale placé en exergue de cet article). Qui se risquerait à trouver à redire devant cet aphorisme marxiste qu’on dirait tout droit sorti de l’Evangile ? Le seul problème - la nature humaine étant ce qu’elle est (2) - réside dans le fait que produire demande plus d’efforts que recevoir. Pour faire bref, l’individu module son travail en fonction de ce qu’il espère en tirer. Bien sûr, on peut tenter de transcender ce vilain égoïsme naturel à grands coups de pelotons d’exécution, de fêtes de fédération, de chants martiaux et de grandes marches mais de telles ivresses ne sauraient durer éternellement.

 Selon une étude récente menée par Opinion Way (3), six jeunes Français sur dix rêvent de créer leur propre entreprise et, par conséquent, d’adhérer un jour à la CPME boudée par Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon. Certains d’entre eux, comme des joueurs au Loto de la FDJ, espèrent sans doute décrocher quelque gros lot un jour. Mais le Loto ce n’est que des millions, c’est un peu ric-rac, c’est quasiment un jeu de losers. Ceux qui ont un véritable tempérament de gagneurs, ce sont ceux qui rêvent depuis qu’Emmanuel Macron a clamé :« Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires » (4). A ce sujet, Le Parisien titrait, le 7 janvier 2015 « Macron et les jeunes milliardaires : la phrase qui consterne la gauche ». C’est sûr qu’on est ici à mille lieues du fameux cri du cœur de François Hollande :« Je n’aime pas les riches ! ». Depuis Proudhon, la palette de couleur socialiste a déteint : lessivé par le temps, le joli rouge cerise des débuts a fondu en cinquante nuances de lavis rosâtres. Au diable le fixisme !

A la décharge d’Emmanuel Macron, rappelons qu’il parlait dans le cadre du Consumer Electronics Show (CES ) de Las Vegas. Las Vegas, la ville du péché (Sin City ) où Satan a bidouillé le plastoc, le stuc et le stupre afin que l’Homme oublie sa condition et croie en sa rédemption par l’argent, au moins l’espace d’un week end. Alors, si vous ne penchez pas trop à gauche, pardonnez cette fois à l’éclaireur d’En Marche. Et puis, il y a 25 ans, Deng Xiaoping ne lâcha-t-il pas son fameux « Enrichissez-vous ! » devant ses camarades chinois (5). Il y a fort à parier qu’on pleura amèrement, ce jour-là, dans les chaumières maoïstes françaises. Dieu merci, de temps en temps, des braves gens comme François Ruffin apportent un peu de baume aux cœurs souffrants de gauche en cette époque de capitalisme éhonté (6). Quand même, pour ne rien laisser dans l’ombre, rappelons un bruit qui court ces jours-ci. Il concerne une réception donnée à Las Vegas par Emmanuel Macron à l’occasion du CES 2016. La noce aurait coûté 381759 euros sans qu’on passât préalablement par un appel d’offres. Révéler de telles bagatelles au peuple devrait être passible de la Loi. Tout fout le camp : on a donc oublié le magistral :« Il ne faut pas désespérer Billancourt » de Sartre (7). Et puis, faut pas confondre Bercy avec une vulgaire perception de sous-préfecture : quand on gère une dette de 2200 milliards d’euros, on ne va pas mégoter pour une poignée de dollars lâchée au pays des westerns.

Finalement, on peut résumer tout cela de façon lapidaire. Il suffit de choisir entre : « Je ne serai jamais si bien servi que par moi-même » et « Je ne serai jamais si bien servi que par l’Etat-providence ». Par pitié, ne vous montrez pas trop gourmand en cherchant à tirer sur les deux ficelles à la fois car vous compliqueriez encore plus une situation déjà bien complexe.

 

(1) A Lyon, le 5 février 2017, Emmanuel Macron avait déclaré : « Il n'y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse ».

(2) Je me base ici sur celle que je crois connaître le mieux c’est à dire la mienne qui ne doit pas différer beaucoup de celle des autres et, vraisemblablement, de la vôtre ...

(3) Entreprise française de sondages

(4) Dans un entretien aux Echos du 7 janvier 2015

(5) « Enrichissez vous, il faut prélever les éléments positifs du capitalisme pour édifier le socialisme à la chinoise »

(6) Journaliste et réalisateur. Il se dit qu’il aurait été l’une des chevilles ouvrières du mouvement Nuit debout. Il vient de recevoir le César du meilleur film documentaire pour son film Merci patron ! pas spécialement amène pour le milliardaire Bernard Arnault, PDG de LVMH.

(7) Il voulait dire par là qu’il ne fallait pas dire toute la vérité au sujet des affres stalinistes afin de ne pas démotiver les travailleurs.



10 réactions


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 10 mars 2017 16:38

    « Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes » (L’Internationale )

    Marx, faisant le constat de la richesse (¿ excessive ?) de la bourgeoisie, n’a vu qu’une seule des deux branches de l’alternative qui se présentait pour résoudre le problème :

    1) Éradiquer la Bourgeoisie,
    2) Copier le mode d’enrichissement de la bourgeoisie au bénéfice du « Prolétariat », des Démunis.

    C’est la mise en œuvre de la seconde branche de cette alternative, insoupçonnée de Marx et de ses zélateurs théoriques ou/et pratiques, qui est donc proposée ci-dessous.

    Des peuples socio-économiquement incompétents ne peuvent élire qu’un personnel politique socio-économiquement incompétent.http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/des-peuples-socio-economiquement-189741

    • NAMASTE 11 mars 2017 14:08

      @Jean-Pierre Llabrés

      Oui, pourquoi ne pas tenter une telle expérience ? Personnellement, j‘accepte toutes les propositions techniques pourvu qu’elles arrivent sur la table par des voies démocratiques.

      Je ne crains qu’une chose : les dictatures du prolétariat, de l’argent, des religions, des idéologies et, par-dessus tout, celle du politiquement correct.

      Liberté d’opinion et d’expression avant tout ! 


  • Le421... Refuznik !! Le421 10 mars 2017 17:09

    Oui, c’est exact.
    Le vilain Mélenchon et le négligeable Benoit Hamon n’ont pas voulu se prêter à cet exercice aussi inutile et couru d’avance qu’est cette manifestation.
    Est-ce pour cela qu’ils s’en désintéressent ?
    Ils sont complètements cons alors. Ben voyons...
    Si tu passes pas chez Drucker le Dimanche, t’es mort !!
    (Re) Ben voyons !!
    Si tu vas pas au Salon de l’Agriculture, c’est que t’en a rien à foutre des petzouilles !!
    Ben voyons (ter).
    On reste au niveau TF1/Pernaut et ça ne s’arrange pas.
    A la France Insoumise, nous faisons confiance (peut-être à tort) au bon sens des gens et à leur esprit critique.
    Avez-vous vu Macron critiquer le fait que les entreprises du CAC40 payent environ 8% de charges pendant que les TPE en payent environ 40...
    Voilà un élément de réponse.
    Entre « la flambe » et la réalité...


    • NAMASTE 11 mars 2017 14:14

      @Le421

      Qu’un candidat ou un autre soit élu démocratiquement et je compterai parmi ses administrés honnêtes : je ne saboterai pas ses actes techniques. 

      Je ne crains qu’une chose : les dictatures du prolétariat, de l’argent, des religions, des idéologies et, par-dessus tout, celle du politiquement correct.

      Liberté d’opinion et d’expression avant tout ! 


  • Louve Louve 10 mars 2017 17:49

    « Oui mais non » , c’est du pur belgicisme comme expression. Y a que la bas que j’ai entendu cette expression. 


    Une erreur sémantique française en tout cas. 

    • NAMASTE 11 mars 2017 14:00

      @Louve

      Libre à vous de chercher à pinailler une fois...

      On rencontre cette expression de temps en temps et ce n’est qu’un péché sémantique très véniel.

      Ca n’est pas plus grave « fifty-fifty » .

      Tenez, je suis en train de lire LE GRAND MARIN ( Catherine Poulain, Editions de l’Olivier, 2016) et j’ y trouve :

      -  C’était bien ? T’étais avec les gars ?

      -  Oui, non, j’ai retrouvé l’équipage du Venturous. On a bu des White Russians. Après je me suis ennuyée. 


  • petit gibus 11 mars 2017 08:40
    reprocher aux Insoumis de tirer que sur une seule ficelle
    c’est juger d’un programme avec l’œil d’un borgne

    • NAMASTE 11 mars 2017 14:27

      @petit gibus

      Attention à ce que vous écrivez : n’oubliez pas les mésaventures de celui qui a récemment utilisé le mot « autiste »

  • julius 1ER 11 mars 2017 10:09

    article servant d’auto-critique ou de mea-culpa à un féal de multinationale recherchant le pardon des petites entreprises pour les avoir par trop martyrisées !!!!!


    rassures -toi mon vieux çà ne change pas le groupe LVMH vient de lâcher une PME dans le Jura..
    entreprise dédiée à la lunetterie ..

     170 pers à la rue sans autre forme de procès et sans chercher de solutions non -plus ....

    ils ont eu le tort de n’être que des sous-traitants ....dixit LVMH et en guise d’oraison funèbre !!!! 

    • NAMASTE 11 mars 2017 14:24

      @julius 1ER

      Cogner sur les multinationales dont celles du CAC40 semble de bon ton. Vous savez, il est très facile de s’en débarrasser (les Chinois ou d’autres sont acheteurs ) ou de les nationaliser ( revoir 1981 ).

Réagir