jeudi 21 février 2008 - par Emile Mourey

Existe-t-il un autre portrait de la Joconde ?

La Joconde est sans contestation possible le tableau le plus célèbre du monde, identifié aujourd’hui totalement au musée du Louvre et même à la notion d’art en général. Et si nous parvenions à pénétrer dans les origines de sa création, dans ses qualités esthétiques, dans son histoire depuis la mort de son créateur, nous pourrions peut-être dégager des règles expliquant le succès d’une oeuvre d’art (Vincent Pomarède, conservateur au département des peintures du musée du Louvre).

Quelques rares témoignages

1. Don Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Luis d’Aragon : « Rendant visite à messer Lunardo Vinci, âgé de plus de 70 ans, dans une dépendance du château d’Amboise, nous vîmes le tableau d’une certaine femme florentine fait d’après nature sur demande de feu le magnifique Julien de Médicis... portrait de la signora Gualanda (aurait précisé Léonard de Vinci) ».

2. Vasari : « Je suis l’auteur d’un ouvrage publié en 1550 intitulé Vies des plus illustres architectes, peintres et sculpteurs italiens... Il a entrepris pour Francesco del Giocondo le portrait de Monna Lisa son épouse, il y a travaillé quatre ans, mais l’a laissé inachevé ; cette œuvre est maintenant chez le roi de France à Fontainebleau... les yeux, limpides, avaient la brillance de la vie ; cernés de nuances rougeâtres et plombées, ils étaient bordés de cils dont le rendu suppose la plus grande délicatesse. Les sourcils, avec leur implantation par endroits plus épaisse ou plus rare suivant la disposition des pores, ne pouvaient être plus vrais. Le nez, aux ravissantes narines roses et délicates, étaient la vie même. Le modelé de la bouche avec le passage fondu du rouge des lèvres à l’incarnat du visage n’était pas fait de couleurs, mais véritablement de chair. Au creux de la gorge, le spectateur attentif saisissait le battement des veines (extrait du livre de M. Serge Bramly, p. 401) ».

3. Giovanni Paolo Lomazzo, peintre italien : « Par Léonard, une riante Pomone dont un côté est couvert de trois voiles, ce qui est très difficile dans cet art. Il la fit pour Francesco Valeio (François Ier de Valois) ».

4. Le commandeur Cassiano del Pozzo, patron des Arts et humaniste : « En 1625, j’ai vu l’œuvre de Léonard de Vinci à Fontainebleau. Un tableau grandeur nature, sur bois, encadré de noyer sculpté, c’est le portrait en demi-figure d’une certaine Gioconda. C’est l’œuvre la plus complète de cet auteur car il ne lui manque que la parole ».

5. Père Dan, conservateur des peintures du roi en 1642 : « Dans les premiers inventaires royaux qui mentionnent l’oeuvre, j’ai lu ceci : "une courtizene in voil de gaze" mais aussi ‘’une vertueuse dame italienne’’. François Ier a payé la Joconde 4 000 écus  ».

Remarques

1. Les témoignages 3 et 5 font mention de voiles de gaze. Cela leur donne une fiabilité très grande étant donné que notre Joconde du Louvre a effectivement été peinte ainsi.

2. Les témoignages 1 et 4 désignent bien le même tableau, amené en France par Léonard, possédé par François Ier, installé à Fontainebleau puis au Louvre : la Joconde que tout le monde connaît. Elle est désignée sous les noms de "signora Gualanda", (?) ou "certaine Gioconda" (l’épouse de Francesco del Giocondo).

3. Le témoignage 2 de Vasari ne correspond pas au tableau du Louvre : pas de yeux limpides, pas de nuances rougeâtres et plombées, pas de cils, pas de sourcils, pas de pores, pas de narines roses, pas de lèvres rouges, pas de battements de veines au creux de la gorge. Et pourtant ce témoin déclare que cette œuvre est maintenant chez le roi de France, à Fontainebleau. Il y a là une erreur.

Je fais l’hypothèse, premièrement, que Vasari nous a donné la description d’un premier tableau de Monna Lisa, épouse de Francesco del Giocondo, qui n’est pas celui du Louvre, deuxièmement, que n’ayant pas vérifié si ce tableau se trouvait toujours en Italie, il a fait confiance à quelqu’un qui, pensant au deuxième portrait, lui a dit, en toute bonne foi, qu’il ne se trouvait plus en Italie, mais en France.

Il nous faut donc rechercher la trace de ce premier portrait.

La dame à la résille de perles

Tableau dont l’attribution à Léonard a été parfois contestée, La Dame à la résille de perles est exposée à la bibliothèque ambroisienne de Milan.

Les yeux, limpides, avec la brillance de la vie ; les nuances rougeâtres et plombées qui les cernent ; les cils qui les bordent ; les sourcils, plus épais ou plus rares ; les ravissantes narines roses et délicates ; le modelé de la bouche, le rouge des lèvres, l’incarnat du visage ; enfin, le collier qui étrangle le cou, gênant à la fois la circulation et la déglutition, tout cela se trouve dans ce tableau, incontestablement.

Ici, Monna Lisa est plus jeune que dans le tableau du Louvre. Elle a 16 ans comme je l’explique dans mon ouvrage. Sa coiffure est séparée d’une raie par le milieu comme au Louvre. Le front, le dessus de la tête régulièrement arrondi, les joues pleines, les petites fossettes, les yeux, le menton, la poitrine, les épaules tombantes, tout cela correspond. En revanche, dans le tableau du Louvre, Léonard a modifié la pointe du nez, les arcades sourcilières, la bouche et supprimé les cils et les sourcils. Le cou est le même, mais plus long sur le tableau de Milan. Enfin, il me semble que Monna Lisa est tout aussi belle sur ce portrait qu’au Louvre.

Eléments de preuves et conséquences

1. Lorsque Vasari écrit que Léonard a travaillé quatre ans sur le portrait de l’épouse de Francesco del Giocondo et qu’il l’a laissé inachevé, cela concerne ce portrait et non celui du Louvre. Même après quatre ans de travail, non seulement Léonard n’avait pas disposé les dernières fines couches de peinture qui auraient adouci les lignes, mais il n’avait pas "fignolé" les bijoux.

2. Il s’ensuit que le portrait faisant pendant, intitulé Portrait d’un musicien, est le portrait de Francesco del Giocondo, son époux, ce qui s’accorde avec le témoignage de l’anonyme Gaddiano : "Léonard a fait le portrait d’après nature de Francesco del Giocondo".

3. Il s’ensuit qu’il doit exister très probablement un portrait de la première épouse de Francesco nommée Camilla, morte à 18 ans. Je fais l’hypothèse qu’il s’agit du portrait du musée des Offices d’Alessandro Araldi intitulé Portrait d’une jeune femme noble et je constate que, probablement sur la volonté de Francesco, Léonard a peint sa seconde épouse dans la même posture, même coiffure, même collier, etc.

4. Il s’ensuit qu’il doit exister un autre portrait de Francesco peint à la même époque pour marquer ce premier mariage, ce qui m’amène à faire l’hypothèse qu’il s’agit d’un autre portrait des Offices intitulé Portrait d’un inconnu par Botticelli.

5. Il s’ensuit enfin, d’après le témoignage 3, qu’en peignant la Joconde du Louvre, l’intention de Léonard était de peindre une Pomone, c’est-à-dire une Flore, c’est-à-dire qu’il... voulait percer le mystère de l’Être.

Sixièmement et dernière preuve : une inscription recouverte par un repeint dans le tableau du "musicien"... Cantor Angelus... (tout le reste de ma vie), je chanterai l’ange... (Camilla).

Note : ce texte est un extrait très résumé de mon manuscrit consacré à Léonard de Vinci, refusé par les maisons d’éditions. Pour écrire ce manuscrit, je me suis appuyé sur l’ouvrage de Serge Bramly intitulé Léonard de Vinci, biographie. Également sur l’ouvrage de Giuseppe Pallanti Monna Lisa, mulier ingenua que mon épouse m’a traduit de l’italien.

Les tableaux représentés se trouvent dans les musées que j’ai indiqués.



15 réactions


  • Avatar 21 février 2008 14:55

    Oui, il existe bel et bien un autre portrait de la Joconde.

    En voici une photographie :

    blogborygmes.free.fr/blog/images/JocondeTB.jpg

     


    • Juliette Darembert 21 février 2008 18:01

      LERMA, SORS DE CE CORPS, CESSE DE TROLLER !


    • Avatar 21 février 2008 18:48

      A Juliette,

      Pas Lerma non...

      Mais quand je vois votre photo, je vais vous le dire : Satan m’habite


    • italiasempre 21 février 2008 22:52

      Avatar , bon sang qu’est-ce que tu es drole !!!

      Irresistible..

      @ l’auteur

      Votre article est excellent, comme d’habitude. Merci de partager avec nous la passion que vous inpire Leonardo en general et la Gioconda en particulier.

      amicalement

       


  • Asp Explorer Asp Explorer 21 février 2008 19:01

    Pourrait-on avoir plus de précisions sur "La Dame à la résille de perles", un tableau que je ne connaissais pas mais que je trouve bien joli (mais bien petit) ?


    • Emile Mourey Emile Mourey 21 février 2008 20:14

       

      @ Asp Explorer

      Il s’agit d’une huile sur bois de 51 sur 34 cm qui se trouve à la bibliothèque ambroisienne de Milan. Parmi ceux qui contestent l’attribution à Léonard, Jack Wasserman dont voici le texte aux éditions Ars Mundi : Léonard n’appréciait pas les ornements mais il aimait la ligne. Ici, la ligne soumise, se contente de souligner les traits du modèle vivant. Disparus les tressaillements mystérieux de l’espace autour des bijoux – le collier, par exemple… même les bijoux perdent de leur magie tant la parure est compliquée.

      Dans "Tout l’œuvre peint de Léonard de Vinci", ce tableau est présenté avec la réserve suivante : œuvre d’authenticité discutée, contestée par la majorité de la critique, alors que celui dit du "musicien" est dit également d’authenticité discutée mais admis par la majorité de la critique. Cet ouvrage propose de voir dans ce portrait Béatrice d’Este mais avec un point d’interrogation. Il passe en revue toutes les attributions successives proposées par les experts que ce soit sur l’auteur présumé ou sur l’identité de la personne représentée. Mais aucun expert n’a pensé qu’il pouvait s’agir d’un premier portrait de Monna Lisa. De même, aucun expert n’a pensé que son mari pouvait avoir été peint dans les tableaux que je propose. Peut-être parce qu’on s’est imaginé que ce devait être un homme âgé. C’est étonnant alors que l’on sait que Francesco del Giocondo était un personnage qui était à la tête d’une fabrique qui exportait ses tissus dans l’Europe entière, qu’il était ami de Botticelli puis de Léonard de Vinci. Mais ce qui est encore le plus étonnant est qu’on n’ait pas fait le rapprochement de "physionomie" entre les deux portraits dans lesquels je vois le même personnage à des âges différents, coiffé en outre du même bonnet rouge qui indique sa profession. Pour moi, tout cela me semble évident. Je l’explique beaucoup plus en détails dans mon ouvrage que j’ai rédigé dans les années 80/90 mais comme les maisons d’éditions me l’ont refusé, il faut que le public se satisfasse avec des romans pseudo-historiques à l’imagination débordante comme celui que vient de sortir les éditions Télémaque sur Léonard de Vinci.

       


  • Savinien 21 février 2008 23:33

    Je n’ai pas grand lumière pour discuter de ce genre d’hypothèse, mais je sais que certains tableaux cachent parfois sous leurs couleur un second tableau qui, le plus souvent, n’a rien à voir avec le premier. De quoi inspirer un nouvel Alexandre Dumas (voir à ce propos le polar du grand romancier espagnol, A.Perez-Reverte, "Le tableau du maître flamand" où c’est carrément une énigme historique qui est dissimulé dans la scène peinte). Je sais aussi que certains peintres usent sciemment des repentirs,ceci afin d’en tirer des effets visuels et de créer ainsi de fascinants tableaux,qui sont hantés par le fantôme d’autres tableaux,tous prèts à surgir sous nos yeux... Comme quoi le monde de Borgès n’appartient pas qu’à la littérature !


  • Christoff_M Christoff_M 22 février 2008 06:52

    A E Mourey article très interessant, texte tres bien étayé....

    j’ai vu des émissions traitant de tableaux de l’époque, dont une qui relatait la vie d’un italien universitaire, passionné de Léonard qui passait sa vie à motrer que certaines de ses oeuvres existent cachées, derrière des parrois factices et d’autres ont été "repeintes" ou plutot masquées après des restaurations pas toujours fidèles, d’autres enfin dissimulées pour ne pas etre détruites en cas de guerre ou de pillage de son vivant...

    Si bien qu’il reste de nombreuses surprises à découvrir,la recherche scientifique de plus en plus pointue quant à l’analyse des toiles permettra sans doute de nombreuses révélations dans un avenir proche...


    • Emile Mourey Emile Mourey 22 février 2008 10:13

      @ Christoff_M

      Je ne sais pas bien comment vous répondre. Dans un sens, je suis assez d’accord pour reconnaître que certains peintres ont mis dans leurs tableaux une pensée ou un message plus ou moins caché. Le cas de Léonard de Vinci est exemplaire, d’autant plus qu’il a laissé de nombreuses notes qui nous éclairent sur l’homme et qu’en tant qu’acteur de la vie publique, il est un peu plus connu que d’autres. C’est en effet une grave erreur que d’interpréter les tableaux religieux de Léonard comme d’autres tableaux de ce genre qui ne prétendaient qu’à illustrer et conforter les dogmes de l’Eglise de son époque. Léonard cherchait plus loin et voulait percer le "mystère de l’être". Il l’a cherché en disséquant des cadavres pour essayer de comprendre l’origine et les mécanismes de la vie mais aussi dans ses tableaux où il a recherché, comme il le dit, "le mouvement de l’âme". 

      Certains internautes m’ont parfois reproché de toucher à tout et de passer sans transition de l’histoire antique aux grands maîtres de la peinture. Non ! Ce qui m’intéresse est de redécouvrir dans des hommes sortant de l’ordinaire des pensées intelligentes mais qui n’ont pu les exprimer, compte tenu de la censure et autocensure de leur époque, que par bribes ou d’une façon plus ou moins cachée ; la peinture étant un procédé plus subtil que le livre pour échapper à l’Inquisition et aux procès.

       La dérive de notre époque est tragiquement illustrée par le roman pseudo-historique "Le Da Vinci code" qui conduit le lecteur à chercher des énigmes "people" de bas niveau et à passer à côté des grandes questions existentielles et de société que certains grands peintres ont pourtant soulevées dans leur œuvre… exemple : Caravage.

       A cela s’ajoute, pour notre époque, une censure ou autocensure qui ne dit pas son nom mais qui est pourtant bien réelle. Nous vivons malheureusement aujourd’hui sous le règne de la pensée vulgaire et cela, avec la complicité de fait de ceux qui nous gouvernent


  • fjr 22 février 2008 13:43

    Je n’ai rien d’une spécialiste, mais je reconnais mal dans ce tableau la main de Vinci...même si je dois dire que j’ai beaucoup de mal aussi parfois avec des tableaux dont l’attribution est moins disputée (la madonne à la grenade, par exemple). On peut évidemment jouer sur la distinction entre la main du maître et le travail de son atelier qui permettent d’expliquer pas mal de différences de traitement.

    A ce seul niveau du "ressenti", le portrait du musicien paraît plus proche du style vincien, tout en posant quand même pas mal de questions (existe-t-il des tableaux définitivement authentifiés de Vinci sur un fond uniforme ?).

    Mais surtout je trouve que la citation de Vasari peut difficilement s’appliquer au tableau en question pour la seule raison que Vasari parle "des yeux", "des sourcils", "des narines"...toutes choses qui ne se retrouvent qu’au singulier dans un profil. Licence poétique du grand biographe-peintre ? Peut-être, mais alors pourquoi ne pas penser à une licence poétique aussi quand il parle des yeux cernés de nuances rougeâtres ? Et reconnaître que sa phrase sur le passage des lèvres au visage véritablement fait de chair s’applique particulièrement bien à notre Joconde ? D’autant que Vasari, qui a fait un énorme travail d’analyse et a d’ailleurs peu à peu réécrit son oeuvre pour tenir compte des témoignages nouveaux que lui apportaient ses sources, est loin d’avoir vu tous les tableaux dont il parle.

    En tout cas, le sujet est trèes intéressant. Merci !

     

     


    • Emile Mourey Emile Mourey 22 février 2008 14:46

       @ fjr

      D’abord, il y a les textes. Vasari dit bien que c’est sur commande de Francesco del Giocondo que Léonard a fait le tableau de Monna Lisa, donc celui de Milan. Quant au tableau du Louvre, il est dit qu’il a été fait sur commande de Julien de Médicis, mais comme celui-ci est mort prématurément, on comprend très bien que Léonard l’ait emporté avec lui en France et que ce soit François Ier qui l’ai acheté. Ensuite il y a le personnage de Francesco del Giocondo dont on sait qu’il était fortuné, amateur d’art, lié à Botticelli et à Léonard. C’est lui qui est au centre et qui explique tout. Et c’est peut-être même lui qui n’a pas voulu que Léonard achève le tableau de Milan. Je lui donne raison car, quand on atteint un tel degré de pureté et de perfection, il aurait été mal venu de brouiller les lignes par du sfumato.

      Il est exact qu’on peut reconnaître l’œuvre d’un grand peintre par une impression subjective mais il faut auparavant que cette subjectivité ait été nourrie par l’étude de la pensée de ce peintre. C’est ainsi que j’ai eu l’intime conviction que Léonard était l’auteur de la Vierge à l’enfant que j’ai présentée dans un précédent article, ce qu’ensuite viennent confirmer les textes.


  • Marie Pierre 22 février 2008 19:24

    La lecture d’Arasse serait la bienvenue ! je regrette parfois l’absence de DW.

    Bon, c’est une tribune libre.


    • Emile Mourey Emile Mourey 22 février 2008 21:19

      @ Marie-Pierre

      Ne regrettez pas DW. Les experts de Léonard de Vinci sont mondialement connus. DW n’y figure pas.


  • fjr 23 février 2008 13:56

     Sans rentrer dans une querelle d’experts, où je me perdrais vite, je cite ce que j’ai trouvé dans le Léonard de Vinci de Marco Rosci, parce que la façon dont il parle de ce tableau correspond bien à ce que je ressens sans savoir l’exprimer aussi clairement.

     

    "Le portrait présumé de Béatrice d’Este n’est plus, à l’unanimité presque générale, attribué au maître, mais à de Predis....En effet, malgré la grande sensibilité et la finesse de l’exécution, ce portrait est très éloigné, et même aux antipodes des principes de Léonard en matière de composition et de modelé estompé entre lumière et ombre : il suffit pour en juger de de voir son profil net, et même presque sec, se détachant sur un fond dont l’obscurité est d’une qualité tout à fait différente, faite de contraste, et non pas en fondu, par rapport à celle de la Dame à l’hermine de Cracovie. Un élément toutefois parle en faveur d’une oeuvre exécutée dans l’entourage lombard de Léonard : c’est la décoration en filet d’or sur l’emmanchure de la robe qui propose le motif du lien noué utilisé par le maître dans ses décorations et jeux allégorico-décoratifs à la cour ducale."


    • Emile Mourey Emile Mourey 23 février 2008 14:59

       

      @ fjr

      Je ne sais pas si c’est de Predis qui a peint Blanche Marie Sforza mais ce qui me paraît clair, à mon sens, est qu’il y a entre ce portrait et celui de la dame à la résille de perles tout ce qui fait la différence entre un peintre appliqué et l’artiste de génie. Mettez-vous face à ces deux portraits et vous n’aurez plus aucune hésitation à voir où est la marque du génie.

       Dans son tableau de Milan, Monna Lisa est l’incarnation même de la beauté, de la jeunesse et surtout de la vie. C’est cela que Léonard a voulu exprimer, et ce n’est pas à la portée de n’importe quel peintre d’être capable de l’exprimer d’une façon aussi expressive. Là est la signature de Léonard. Là est le premier critère qui doit guider l’expert. De même que pour la Joconde du Louvre, que dit le commandeur Cassiano del Pozzo, patron des Arts et humaniste : C’est l’œuvre la plus complète de cet auteur car il ne lui manque que la parole.

       Portrait de Béatrice d’Este ? Allons donc ! Ce n’est pas sérieux. On en a un dessin la représentant. Une honnête matrone dépourvue de toute beauté. En revanche, que le riche marchand de tissus soyeux qu’était Francesco del Giocondo ait eu le bon goût d’épouser une des plus belles femmes de son temps, cela me semble une évidence.

       Et puis, pourquoi vouloir emprisonner Léonard de Vinci dans un style ? Alors que l’on sait qu’il a toujours été en recherche dans l’innovation.

       Mais le fond noir de la dame à la résille de perles, il est absolument merveilleux. C’est lui qui fait ressortir par contraste la vie que Léonard a mis dans sa dame. Voyez mon article précédent sur la Vierge à l’enfant. Relisez ce que Vasari dit à ce sujet. Là est la signature de Léonard.


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