Fraude fiscale et corruption : Patrick et Isabelle Balkany devant la justice
C’est un procès ouvert depuis le lundi 13 mai dernier et qui s’étendra jusqu’à six semaines. La 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris devra démontrer que Patrick et Isabelle Balkany ont tenté de dissimuler aux yeux du fisc, une partie de leur patrimoine qui s’évalue à 13 millions d’euros, au minimum.
« Instruction exclusivement à charge »
C’est une affaire plus grave que celle pour laquelle le couple avait été condamné en mai 1996. Patrick Balkany à l’époque élu de Levallois-Perret est condamné par la 9e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre, à quinze mois de prison avec sursis, 200 000 francs d'amende et deux ans d'inéligibilité, pour avoir rémunéré aux frais des contribuables de la ville pendant dix ans, trois personnes supposées être des employés municipaux et qui ne s’occupaient en réalité que de son appartement et de sa résidence secondaire. Son épouse Isabelle, également vice-présidente du conseil général des Hauts-de-Seine et conseillère municipale à Levallois-Perret, avait été condamnée à la même peine.
Cette fois, c’est une ordonnance de 92 pages qui renvoie le couple devant les tribunaux. Les juges chargés de l’instruction du dossier, Renaud Van Ruymbeke et Patricia Simon, ont depuis plus de quatre ans analysé et demelé un énorme umbruglio composé de sociétés offshore au Panama et aux Seychelles, de fiduciaires suisses , de prête-noms excessifs, de comptes bancaires au Liechtenstein et à Singapour.
Patrick Balkany et son épouse Isabelle devront répondre des chefs de « fraude fiscale » « blanchiment de fraude fiscale » « corruption passive » et « blanchiment de corruption ».
Les époux de 70 et 71 ans encourent dix ans de prison. Sur Facebook, Isabelle Balkany avait publié un texte dans lequel elle fustigeait les journalistes « navrant, scribouillards nécrophages » qui faisaient « souffrir l’homme de (sa) vie » avec des « minables caricatures qui en sont faites avec délectation », ainsi que les juges coupables d’une instruction à charge : « Je suis fatiguée qu’un manquement fiscal qui n’a, certes, aucune excuse, mais qui a, du moins, des explications familiales, soit, par l’écume, sciemment suscitée par certains, transformé en crime, agrémenté de mensonges, dont certains dépassent le loufoque et de suspicions strictement infondées (...) C’est la fête du Travail, je vais en profiter pour faire une grosse sieste... »
Elle avait tenté de mettre fin à ses jours quelques heures après cette publication du 1er Mai et est hospitalisée depuis lors même si son état reste stable.
Pauvres Balkany
Au deuxième jour de leur procès prévu jusqu’au 20 juin, les dépenses quotidiennes et le train de vie incroyable de l’élu et de son épouse ont été passés au peigne fin. Billets d’avion, employés de maison, caisses de supermarché, pressing, les témoignages s’en suivent et indiquent un même fait : Tout était presque toujours payé en espèces.
Les investigations ont permis de conclure que 29 732 euros de dépenses ont été effectuées en argent liquide par les Balkany en 2015 et 2016, et que seulement 2 000 euros avaient été rétirés de leurs comptes bancaires.
« Je me demandais ce qu’elle faisait dans la vie pour avoir toujours des billets de 500 euros », « Il avait même des espèces dans les poches de son peignoir », « Les seuls billets de 500 que je voyais passer, c’était les Balkany. Je n’ai jamais vu un chèque ni une carte bleue. » écrit le Monde, relayant les témoignages des employés.
Le président Benjamin Blanchet a énuméré les biens et le vaste patrimoine du couple en mentionnant que celui-ci n’avait jamais versé l’impôt sur la fortune avant 2015 , bien qu’ayant 16 millions d’euros d’actifs en 2013, selon l’estimation du fisc.
Patrick Balkany qui sera interrogé ce mercredi 15 mai en après-midi par le tribunal ne fera pas valoir son droit au silence. Il a décidé de se défendre. L’homme qui expliquait très sérieusement aux auteurs du canular, les “Yes Men”qu’il n’y a pas de pauvres en France, s’est dit ruiné : "J'ai commencé la politique avec ma femme : nous étions riches, on a fini pauvres", déclare le maire de Levallois-Perret.
Enfin, Alexandre Balkany, fils de Patrick comparaîtra pour avoir cherché à protéger ses parents. Il a signé des baux de location fictifs pour une villa à Marrakech. Jean-Pierre Aubry et l'ancien avocat Arnaud Claude seront aussi jugés pour leur implication dans le montage autour de ce riad. L'État, le fisc ainsi que les associations anticorruption Anticor et Sherpa sont constitués en parties civiles dans cette affaire.