lundi 25 septembre 2017 - par Franck ABED

Histoire du missel tridentin et de ses origines, par l’Abbé Claude BARTHE

L’abbé Claude Barthe est l’auteur de plusieurs ouvrages remarqués sur la crise actuelle de l’Eglise. Il se consacre également à la défense et à l’explication de la liturgie romaine classique, pour ne pas dire « normale » ou « traditionnelle ». Nous apprécions son travail tant par la qualité de ses analyses que par l’érudition dont il fait preuve. Avec cette Histoire du missel tridentin il nous offre un livre riche et passionnant que nous recommandons vivement.

Etudier et expliquer la longue histoire de la liturgie ne signifie pas s’arrêter au fondamental Concile de Trente et ses suites. L’histoire de l’Eglise, contrairement aux fantasmes de certains, ne commence pas en 1545 pas plus qu’en 1962. Ceci étant dit, pour présenter une étude sérieuse et complète il convient de remonter aux origines, lorsque les premières communautés chrétiennes répétaient les gestes de Jésus en mémoire de Lui. Sur ce sujet précis, il rappelle que : « le christianisme n’est pas le fruit du judaïsme rabbinique, mais le judaïsme de l’après-Temple et le christianisme ont eu une gestation commune : ils sont cohéritiers et non héritiers l’un de l’autre. » Ainsi, il est essentiel de savoir que la messe est la réalisation du sacrifice non sanglant de Jésus Christ. Au cours de celle-ci, tout renvoie à Notre Seigneur : « la messe est la représentation de la vie du Christ, depuis son Incarnation (la procession d’entrée correspond à l’entrée du Christ dans le monde, le chœur qui chante l’introït est le chœur des Prophètes qui annonçait sa venue), jusqu’à l’Ascension (à laquelle correspond l’Ite missa est). » Tout au long de son étude, l’abbé Barthe rappelle des vérités et des enseignements méconnus voire oubliés : « Le Gloria, dans la grande doxologie antiarienne (attribuée pieusement à Saint-Hilaire), a été un chant de l’office divin au titre d’hymne de l’aurore. Son intégration à la messe est propre à la liturgie romaine et aux liturgies romanisées, d’abord à Noël, puis le dimanche et aux fêtes de martyrs, dont l’intonation d’abord réservée à l’évêque s’est étendue à tout prêtre. » Il explique également le sens profond du baiser du prêtre à l’autel : « le baiser à l’autel est le symbole du baiser que l’humanité du Christ donne à la divinité, comme le baiser de la bouche de l’Epoux à l’Epouse dans le Cantique des Cantiques. » Entre deux explications théologiques, l’abbé Barthe fournit des repères historiques forts intéressants : « le premier missel romain imprimé connu fut achevé le 6 décembre 1474, à Milan (il en existe deux exemplaires), par l’imprimeur Zarotto. » Il poursuit en précisant : « la marque propre de la liturgie tridentine est qu’elle est réglée, elle est un miroir, dans la loi de la prière, de la regula fidei de Rome. » Il donne de l’ampleur à son propos en évoquant le grand renouveau liturgique du Grand Siècle : « il y eut, au XVIIème siècle, dans toute l’Europe, un mouvement de renouvellement des études ecclésiastiques dans les grands séminaires, fondés sur un esprit tridentin, pour une bonne formation intellectuelle et spirituelle des futurs prêtres. Il ne se démentit pas tout au long du XVIIIème siècle, de sorte que le Clergé de l’Ancien Régime, qu’il soit gallican ou pro-jésuite, était dans l’ensemble un corps savant et zélé. » Malheureusement, l’histoire de la liturgie ne fut pas celle d’un long fleuve tranquille : « Après le Concile Vatican II, les modifications seront telles qu’elles mettront fin à l’époque tridentine de la liturgie romaine pour la faire entrer dans une autre époque, mais ceci est une autre histoire. » Cependant, l’abbé Barthe en guise de conclusion et d’espoir pour l’avenir estime que « l’histoire du missel tridentin est loin d’être terminée  ».

Ce livre nous plonge littéralement dans l’histoire de la liturgie romaine qui fut en quelque sorte canonisée par le Concile de Trente, après avoir été stabilisée au Moyen Age. A l’appui de nombreuses et utiles références historiques, nous découvrons l’histoire du missel de Pie V à Jean XXIII. L’auteur développe des idées fortes pour saisir la pertinence des gestes liturgiques au cours du déroulement de la messe. Il revient également sur l’auto-survivance du missel tridentin, qui finit malgré tout par être consacré par les autorités romaines avec le motu proprio Summorum Pontificum, publié le 7 juillet 2007. Un livre passionnant et essentiel pour connaitre l’histoire du missel tridentin et comprendre les enjeux des différentes réformes liturgiques.

 

Franck ABED



6 réactions


  • jacques 25 septembre 2017 11:09

    mauvaise rubrique


  • njama njama 25 septembre 2017 15:21

    Le latin la langue de l’Église
    pas celle du peuple

    les premières traductions en langue vulgaire ont été le fait des Vaudois, de Pierre Vlado ou Valdès qui fonde la fraternité des Pauvres de Lyon,
    "Il se consacre à la prédication de l’Évangile sans être prêtre. Il demande et finance la traduction d’extraits de l’Évangile [en franco-provençal], au clerc Étienne d’Anse et à Bernard de Ydros qui en assure la copie"

    Un mouvement évangélique proto-protestant si on peut dire qui après excommunications de ses adeptes fut assez vite persécuté par l’Église

    Histoire des Vaudois
    https://www.museeprotestant.org/notice/histoire-des-vaudois/


    • njama njama 25 septembre 2017 17:10

      @Robert Lavigue
      ok, mais araméen, syriaque, grec c’est pour la partie orientale, à l’ouest l’Église a vite adopté la langue latine

      Je crois que le rite tridentin plaît justement parce que comme le vulgus pecum - un peu de latin au passage smiley - ne grillait rien ça ajoutait au Mystère et le rite était mystère sur Mystère et le prêtre un hiérophante de la Transsubstantiation ...
      ça façonne l’imaginaire ...

      Je crois que certains sont nostalgiques de cela et c’est aussi pour ça que le rite orthodoxe reçoit un certain engouement


  • Christian Labrune Christian Labrune 25 septembre 2017 21:50

    Marcel Proust, dans l’un de ses premiers écrits, peut-être bien le « Contre Sainte-Beuve », mais je n’en jurerais pas, écrit que lorsque le christianisme sera complètement mort -, et il l’est bel et bien - il faudra continuer à dire des messes, pour la beauté de la chose, et il me semble qu’il a tout à fait raison. La messe en latin, selon le rite tridentin de Pie V, c’était bien beau, et peu importait qu’on comprît ou non le latin.

    C’était beau comme les psalmodies du grégorien ou, plus tardivement, ces cantates de Buxtehude et de Bach dont on ne peut pas se lasser. L’imaginaire religieux, même si on n’y croit plus du tout, c’est comme les fleurs qu’on sacrifie dans de beaux vases pour décorer un appartement.

    Plus encore, peut-être, que les religions monothéistes, celles de la plus haute antiquité m’enchantent, et particulièrement celle des anciens Egyptiens dans la forme qu’elle a prise à la grande époque ramesside.

    Puisse la reine du pays de Pount, la grande déesse Hathor, épouse d’Horus, répandre ses bienfaits sur l’auteur de cet article comme sur tous ceux qui l’auront lu.


    • baldis30 25 septembre 2017 22:12

      @Christian Labrune
      bonsoir,

      Peut-on rester insensibles à toutes les messes en latin que les grands, les plus grands nous ont laissé. Effectivement de Bach mais aussi Mozart, Beethoven, Liszt ou Gounod ...

      Que l’on soit ou non croyant... le respect devant l’inspiration divine.... ou le génie 


    • Christian Labrune Christian Labrune 25 septembre 2017 22:40

      Que l’on soit ou non croyant... le respect devant l’inspiration divine.... ou le génie
      =====================================
      @baldis30
      C’est exactement ce que j’écrivais, et sans la moindre ironie ; du moins lorsque je parlais de la beauté de la liturgie catholique.
      Sur l’inspiration « divine », j’aurais quand même tendance à être un peu plus réservé que vous.
      Votre propos m’en rappelle un autre, de Cioran -que par ailleurs je n’apprécie guère-, écrivant à peu près que Dieu doit énormément à Jean-Sébastien Bach. Pour cette fois, je trouve qu’il n’a pas tort.


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