samedi 28 mars 2009 - par jack mandon

...Il était une fois

En ces temps de panique généralisée, nous sentons la puissance titanesque du collectif. C’est un monstre composite aux multiples têtes , aux appétits féroces et gargantuesques. Il est naturel qu’il prenne la forme de l’apocalyspe, amplifié et vomi par tous les orifices des médias de la terre Gaïa. Et pourtant, quelque part, comme sur une autre planète, chacun dans sa différence peut encore entendre l’appel de la vie tout au fond de lui, comme l’enfant « écoute la mer » en plaquant un coquillage sur son oreille. Je vous invite à la balade, au cheminement initiatique dans le monde parallèle de la découverte et de la redécouverte. Partons sur les traces de saint-ex, et de son petit compagnon étoilé. Je vous propose un conte philosophique, venu du bout du monde, quelque part entre l’empire du milieu, et celui du soleil levant. Emergé d’une contrée mystérieuse et luxuriante, aux senteurs naïves d’estampe, entre nature et culture, l’Eden de la conscience...

« La princesse et le magicien

Il était une fois une jeune princesse qui croyait en tout, à l’exception de trois choses.

 Elle ne croyait pas aux princes, elle ne croyait pas aux îles, elle ne croyait pas en Dieu.
Son père, le roi, lui avait dit que tout cela n’existait pas.
Un jour, la princesse s’enfuit de son château et partit pour le pays voisin. Là, à sa grande satisfaction, de la côte où elle se trouvait, elle vit des îles, et sur ces îles, d’étranges et troublantes créatures qu’elle hésitait à nommer. Alors qu’elle était à la recherche d’un bateau, un homme vêtu d’une grande robe s’approcha d’elle sur la grève.
"Est-ce que ces îles sont réelles ? Demanda la jeune princesse.
_Bien sûr que ce sont des îles réelles, répondit l’homme vêtu de la robe.
_Et ces créatures étranges et troublantes ?
_Ce sont tous d’authentiques princes bien réels.
_Alors, Dieu doit exister ! s’écria la jeune princesse.
_Je suis Dieu, répliqua l’homme vêtu de la robe en s’inclinant pour saluer.
La jeune femme retourna chez elle aussi rapidement qu’elle put.
_Ainsi, te voilà de retour ? dit le roi son père.
J’ai vu des îles, j’ai vu des princes, j’ai vu Dieu, lui dit la princesse d’un ton plein de reproches. Le roi demeura impassible.
_Il n’y a pas d’îles réelles, pas plus que de princes où de vrai Dieu.
_Je les ai vu !
_Dieu était vêtu d’une grande robe ?
_Est-ce que ses manches étaient retroussées ?
La princesse se souvint qu’elles l’étaient. Le roi sourit.
_C’est la tenue d’un magicien. Tu as été trompée.
A ces mots, la princesse repartit dans le pays voisin, revint sur la même plage où, de nouveau, elle trouva l’homme vêtu de sa longue robe.
_Mon père le roi m’a dit qui vous êtes, dit la princesse avec indignation. Vous m’avez trompé la première fois, mais vous ne m’aurez pas cette fois-ci. Maintenant je sais que ces îles que l’on voit ne sont pas réelles et ces princes non plus, car vous êtes un magicien.
L’homme de la plage sourit.
_C’est toi qui as été trompé, ma fille. Dans le royaume de ton père il y a de nombreuses îles et de nombreux princes, mais tu es sous l’influence d’un sort qu’il t’a jeté, et tu ne peux pas les voir.
Pensive, la princesse retourna chez elle. Quand elle vit son père, elle le regarda dans les yeux.
_Père, est-ce vrai que vous n’êtes pas un vrai roi, mais seulement un magicien ?
Le roi retroussa ses manches.
_Oui, ma fille, je ne suis qu’un magicien.
_Mais, l’homme, sur l’autre rivage était Dieu ?
_L’homme de l’autre rivage était un autre magicien !
_Je dois connaitre la vérité, la vérité qui se cache derrière la magie.
_Il n’y a pas de vérité derrière la magie, dit le roi.
Le princesse était désespérée. elle exprima le désir de mettre fin à ses jours.
Usant de magie, le roi fit apparaitre la mort. Elle se tenait dans l’embrasure de la porte et fit signe à la princesse. La princesse frissonna. Elle se souvint de ces îles superbes bien qu’irréelles, et de ces princes, irréels peut-être mais superbes.
_Très bien, dit-elle, je crois que j’ai compris la leçon.
_Tu vois, ma fille, dit le roi, toi aussi maintenant tu es en train de devenir une magicienne. »

Le seul réel qui vaille, est celui de notre unicité et de notre subjectivité. Il s’éveille à la tombée du nid, au sortir du ventre doux et chaud de la mère, dans la solitude royale du "grand bleu". Il s’éteint dans la fosse commune du temps, pour tous ceux qui n’ont pas la mémoire d’aimer. Pour les autres, il sommeille lascivement et joyeusement à l’ombre lumineuse des poètes, héros éternels du temps universel.


9 réactions


    • jack mandon jack mandon 29 mars 2009 12:02

      Philippe
      Bien entendu, selon votre logique, vous avez parfaitement raison de réagir de cette manière.
      Quant au fond, je suis d’accord avec vous, mais de mon point de vue, je parlais d’autre chose.
      Trente années d’exercice de l’analyse et de la psychothérapie m’ont appris que 50% des clients vivent sous un seuil de conscience qui ne leur permet pas d’affirmer leur différence. Ils essaient de vivre un appétit sans en être conscient, ainsi l’appétit est refoulé dans l’inconscient, puis projeté sur une personne, une idée, une situation qui possède avec eux une certaine analogie. Je vais prendre deux exemples simples pour illustrer mon propos.
      Imaginons un jeune des banlieues passionné de foot. Il assisteà toutes les rencontres importantes, exulte et se déchaine pour revenir dans sa cité en pleine excitation. Le meilleure choix pour son équilibre personnel consisterait d’entrer dans un club et devenir l’acteur principal de sa passion. En terme psy, il projette son admiration, voir son fanatisme sur les plus grands champions en oubliant d’exister...c’est l’expression de l’ombre lumineuse. Une personne sur deux en est là.
      Un exemple avec l’ombre négative projetée. Un personnage hyper actif, un homme politique très largement critiqué par 60% des français. Indépendament des affrontements politiques légitimes.
      Pour faire court, si c’est possible, il est autoritaire, agressif, égocentrique, présomptueux...etc
      Ce sont les défauts les plus répandus chez les Français moyens. Dans ce cas précis, ce sont des travers relativement inconscients. La meilleure démarche consiste à les débusquer en nous pour nous éviter de les souligner chez l’autre...au risque de la haine pathologique.
      Quand j’évoque le collectif, je ne me place pas sur un plan humain ou politique, mais je pense à la fusion, aux mélanges, où tous les systèmes nous entrainent à la perte d’identité. La crise en témoigne.
      Ainsi, dans le conte, la jeune femme fait l’apprentissage de la prise de conscience pour s’affirmer dans son unicité et sa créativité...voir, entendre, sentir, penser et agir par soi même !
      La forme utilisée pour exprimer cela est, bien sur, teintée de ma différence, qui consiste à établir des relations émotionnelles avec le monde, ma manière de penser habituellement synthétique est plus intuitive que logique. Je suis enclin à l’exaltation et attiré par les phénomènes occultes...quelques penchants artistiques et bien peu scientifiques, cela s’entend.
      Merci pour votre intervention philippe, ce conte est beaucoup plus troublant qu’il n’y parait, pour une foule de gens, il nous invite à sauter sans parachute en toute confiance, ce qui peut inquiéter , d’où le peu de retour, dans la réalité du saut, mais aussi sur le site.
      Il est donné à chacun de nous de mourir plus intelligent.




  • Jojo 28 mars 2009 16:40

    Bonjour,
    Je n’ai pas compris, par contre j’ai bien compris que je n’avais pas compris. Pas grave, je vais me remettre à lire AJ… Ça ne sera pas du Mandon, mais je comprendrai.

    PS : Vous comprendrez j’en suis sûr que même si j’apprécie généralement vos écrits, je ne puisse pas plusser celui là (ni le moinsser d’ailleurs), je vote blanc donc, en attendant des jours meilleurs… smiley


  • Francis, agnotologue JL 29 mars 2009 09:51

    ""Il était une fois une jeune princesse qui croyait en tout, à l’exception de trois choses  : Elle ne croyait pas aux princes, elle ne croyait pas aux îles, elle ne croyait pas en Dieu ""

    " Le féminisme, c’est de ne pas compter sur le Prince Charmant. " (Jules Renard)

    Quel rapport ? Aucun ! Juste une idée, comme ça, en passant. smiley


  • Suldhrun LOL 29 mars 2009 14:01

     Les aliens du reel 

    auteurs de leur propre cauchemar lol


    Qu ils viennent dire  !!!


  • Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 30 mars 2009 10:02

    Cet article m’incite à vous poser une question, celle de notre perception, car ce que je vois, ce que j’entends et touche, n’est jamais qu’un aspect de quelque chose. La perception est d’abord une perspective ; il n’y a pas de perception de nulle part.
    Percevoir, c’est également deviner et transposer, tant nos perceptions sont empreintes de nos souvenirs et de nos désirs. Ce que l’on appelle courammant "les erreurs des sens" ne sont que des anticipations erronées. C’est un fait que l’art du prestigitateur, par exemple, consiste à suggérer de fausses conceptions et à transformer cette réalité que nous croyons à tort percevoir.
    L’illusion est donc doublement une erreur de la perception et du jugement, accompagnée de la conviction d’être dans le vrai. Platon parlait à ce sujet "d’ignorance double". Descartes allait plus loin encore dans sa réflexion sur la perception sensible. Elle était, selon lui, toujours illusoire, parce que les qualités sensibles n’ont pas pour objet de nous renseigner sur ce que les choses sont en elles-mêmes. Les sens ne nous ont pas été donnés pour connaître la vérité des choses. Les conséquences en sont que l’erreur est une faute dont nous ne sommes pas vraiment responsables. Se tromper n’est pas penser ce qui n’est pas, ce serait de façon plus grave renoncer à penser. La certitude ne peut donc pas être totalement envisagée de manière objective. Elle est le plus souvent associée à une interprétation subjective ou intuitive. C’est la raison pour laquelle un philosophe comme Kant pointait du doigt la prétention de la métaphysique à connaître l’être tel qu’il est en soi. Il en résulte que les raisonnements qui prétendent dépasser l’expérience sont illusoires eux aussi et nous conduisent à des impasses. Aussi toute philosophie qui est une recherche du réel et du vrai comporte-t-elle fatalement une lutte contre l’erreur et l’illusion. Cela a commencé avec Platon.
    Mais il n’en reste pas moins vrai que, sans l’imagination, le monde serait vite insupportable car, grâce à elle, nous atteignons un langage indirect sous lequel d’authentiques vérités se sont dissimulées. Puisque toute vérité prend son temps...


    • jack mandon jack mandon 30 mars 2009 14:05

      Bonjour Armelle
      Comme vous le savez, c’est le cerveau droit qui permet à l’intuition de prendre forme, mais le filtrage du cerveau gauche peut lui être fatal, tous les douaniers ne sont pas compréhensifs et tolérants. Cette information qui émerge délicatement d’un léger brouillard peut être riche d’enseignement, mais aussi chimérique et farfelue, issue d’un temps universel, elle déboule dans le temps linéaire humain. De plus, elle est conditionnée par un cerveau gauche qui peut être très normatif , très conventionnel, d’une rigueur formelle décourageante. Il existe, le temps d’une « fenêtre météorologique » variable et ténue, une période pendant laquelle il est donné de décrypter des sensations, des images ou des sons, une écoute P.N.L. en somme. Les femmes et les artistes sont plus doués pour ce type d’expérience. Les philosophes en parlent, selon moi d’une manière spéculative, pour moi, modeste praticien, je le vis mais ne peux pas vraiment en parler.

      Je vais être un peu trivial, pour détendre un peu, il existait une pub télévisuelle qui mettait en scène deux hommes, le premier vantait l’excellence des frittes Mac caine, le second, son voisin de table mangeait les frittes dans l’assiette du premier...en conclusion, le slogan qui fusait, « Les frittes Mac Caine, ce ne sont pas ceux qui en parlent le mieux qui les aiment »


  • Sandro Ferretti SANDRO 30 mars 2009 18:06

    Bonjour Jack,
    Merci pour cette petite goutte d’onirisme.
    Par ailleurs, j’aime bien votre idée que le but du jeu ( car c’est un jeu la vie, n’est-ce pas, vu qu’on ne nous a pas demandé notre avis..) est de mourir moins con qu’on n’était né.


    • Diane Diane 1er avril 2009 21:18

      Enfin un peu de rêve !
      Merci Jack,
      Ce texte me touche ...c’est le reflet de ma propre existance....La jeunesse nous pousse à découvrir le monde , la vie et rien n’est jamais terminé, quelque soit notre âge.Tout dépend de notre ouverture d’esprit et de notre manière d’appréhender le monde .C’est cela qui est magique !
      La magie c’est la chaleur, la beauté, l’amour....plus de magie, c’est le froid, le néant, la mort...
      La magie, c’est ce qui nous aide aujourd’hui, à croire encore à un monde meilleur....Nous sommes tous des magiciens....


  • jack mandon jack mandon 7 novembre 2009 11:20

    Par olivier cabanel (xxx.xxx.xxx.160) 7 novembre 10:45

    Jack Mandon,
    merci de cette très jolie fable,
    c’est une approche de la perception de la vérité très éclairante,
    nous avons chacun des réels différents, à la manière de ceux qui, suite à un défaut de la vue ne perçoivent pas les couleurs de la même manière.
    merci de cette lecture proposée.

    çà me rappelle une autre fable :
    dans une maison, des enfants se battent pour avoir un jouet,
    la mère excédée les menace de les en priver définitivement s’ils n’arretent pas.
    ils s’arrêtent donc de se disputer, et dans le calme revenu, ils entendent des bruits sourds et puissants qui font vibrer les murs de la maison.
    qu’est ce que c’est, Maman, j’ai peur, crient les enfants...
    celle ci regarde par la fenêtre, et les rassure,
    "ne vous en faites pas, ce n’est qu’un homme qui marche dans la foret,
     pas très loin de notre fourmilière,
    mais je le connais, il n’est pas dangereux pour nous, c’est un écologiste.

    la dessus, « l’écologiste » apercevant la fourmilière donna un grand coup de pieds dedans, semant le malheur et le désarroi,
    il venait de perdre une élection, et ce geste était destiné à le calmer...
    depuis ce jour noir, les fourmis considérèrent d’un œil moins bienveillant les « écologistes », surtout lorsqu’ils venaient de perdre une élection...


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