Insensiblement, le Miniver administre la novlangue par perfusion et commence avec le scrabble
« Par exemple, dans le Times du 17 mars, il apparaissait que Big Brother dans son discours de la veille, avait prédit que le front de l’Inde du Sud resterait calme. L’offensive eurasienne serait bientôt lancée contre l’Afrique du Nord. Or, le haut commandement eurasien avait lancé son offensive contre l’Inde du Sud et ne s’était pas occupé de l’Afrique du Nord. Il était donc nécessaire de réécrire le paragraphe erroné du discours de Big Brother afin qu’il prédise ce qui était réellement arrivé. » - George Orwell, 1984, Première Partie, Chapitre IV.
Même si les références à "1984", le roman 1984 de George Orwell, sont devenues de véritables tartes à la crème, je prends le risque de m'y référer puisque les évolutions actuelles de la "mondialisation" paraissent avoir adopté cette fiction comme un scenario qu'il suffit de lire pour connaître notre avenir.
Nous en sommes donc arrivés au chapitre IV contenant la citation du chapeau de cet article, citation qui colle parfaitement à l'actualité de ces derniers jours et à ses rebondissements, les méchants se transformant en héros pour devenir des traitres en seulement trois jours.
Dans "1984", le Miniver est le Ministère de la Vérité. Ce terme de novlangue fait intervenir la double pensée, puisqu'il s'agit en fait d'un ministère du mensonge et de la propagande, un organe du pouvoir qui réécrit l'histoire aussi souvent que « nécessaire » afin de faire croire au peuple que Big Brother prévoit toujours ce qui va se passer. Par exemple, quand l'Océania est en guerre contre l'Eurasia et alliée à l'Estasia, ou vice-versa, le Miniver détruit tous les documents datant de l'époque où les alliances étaient inverses.
Le rôle de la novlangue est de favoriser la parole officielle et d'empêcher l'expression de pensées critiques. Pour l'instant, seuls des spécialistes la maîtrisent à l’oral et à l’écrit, mais l'objectif, déjà en partie réalisé, est de remplacer totalement les vieux idiomes porteurs de ferments complotistes vers les années 2050. Son usage se répand constamment et les membres de la majorité utilisent de plus en plus le vocabulaire et la grammaire novlangues et, paradoxalement se font souvent doubler par des challengers qui montrent un zèle constant à inventer des mots, convaincus qu'ils sont que c'est en changeant les mots qu'on changera la société.
L'édition actuelle du dictionnaire officiel contient encore beaucoup trop de mots inutiles et de constructions archaïques destinées à être supprimées ultérieurement. Le lexique de la novlangue sera réduit à un minimum, le but étant de restreindre l'étendue de la pensée.
L’idée fondamentale de la novlangue est de supprimer toutes les nuances d’une langue afin de ne conserver que des oppositions claires (l'axe du bien v/s l'axe du mal) pour renforcer l’influence du pouvoir à travers un discours dualiste permettant d'éliminer toute réflexion sur la complexité d'un problème : si tu n'es pas pour, tu es contre, il n'y a pas de milieu. Si la langue possède le mot « bon », il est inutile qu’elle ait aussi le mot « mauvais », car cela suppose l'existence de nuances entre ces deux termes. Le concept « mauvais » est donc détruit pour être remplacé par le « non bon ».
Pour accélérer le processus de "simplification", le Miniver vient donc de s'attaquer à la validité du vocabulaire référencé par le dictionnaire officiel du Scrabble qui remplacera bientôt celui de l'Académie Française appelée à disparaître, ses membres, contrairement à ce qu'on croit, n'étant pas éternels.
À l'occasion de la parution le 19 juin de la neuvième édition de « L'Officiel du jeu Scrabble », le guide des règles du jeu, la Fédération internationale de Scrabble francophone (FISF) a dévoilé la validité de 750 "nouveaux mots" (des féminisations de mots, essentiellement), et l'exclusion pour raisons « éthiques » de ceux qui ne seront plus admis sur les grilles, car jugés « offensants », racistes, sexistes ou encore discriminatoires, « identifiés comme ayant un caractère haineux, irrespectueux des valeurs humaines ».
Il s'agit des mots : asiate, boche, chicano, enculeur, femmelette, gogol, goudou, gouine, lope, lopette, nabot, nègre, négresse, négrillon, pédé, pouffiasse, romano, schleu, sidaïque, tafiole, tantouse, tantouze, tarlouse, tarlouze et travelo.
Ces mots ont été « identifiés comme ayant un caractère haineux, irrespectueux des valeurs humaines et des nouvelles sensibilités de notre monde », ce qui n'est bien sûr pas le cas de prolo, pétasse, guerre, torture, terroriste, et encore moins flic, barbouze, mouchard, enfoiré et connard.
Par contre, la FISF précise que d'autres mots (noms et dérivés) qui sont pourtant « à caractère haineux » resteront "autorisés" (sic) en 2024, mais uniquement en tant que « formes verbales ». Ce sera le cas par exemple des mots « chicana(s) », « enculé(e)(s) », « grognasse(s) », et « salope(s) ».
Mais en 2025, terminé ! C'est vrai quoi ! Y en a marre des enculé(e)(s). Comme ça, y en aura plus.
Malheureusement, dans ce cas particulier, je crains qu'il ne soit pas suffisant de supprimer un mot pour que la réalité disparaisse, surtout dans la canopée.