vendredi 21 décembre 2018 - par Jacques-Robert SIMON

Jésus Gilet Jaune !

Jésus aurait-il porté un gilet jaune si il en avait eu l’occasion ? La question mérite d’être posée.

 Il faut en premier lieu se débarrasser de Paul de Tarse dit Saint Paul, (mort vers 68 à Rome), apôtre surnuméraire des douze classiquement cités. Le Nouveau Testament le présente comme un persécuteur des disciples de Jésus jusqu'à sa prétendue rencontre avec le Christ, vers 32-36. C’est lui qui va transformer une foi en l’Amour en un militantisme communautaire : il faudra obéir à l’église. Jésus n’est toutefois pas, par ce que l’on relate de sa vie, le fondateur d’une structure hiérarchisée en possession de vérités indépassables. Il a été utilisé pour transformer une source de transcendance en une possibilité de tutelle sur les Hommes, un pouvoir temporel. Saint Paul fonda à partir des années 40, plusieurs Églises dans le territoire de la Turquie actuelle, puis en Asie Mineure et en Grèce. Il édicte alors un ensemble de recommandations : les relations hors mariage en particulier avec les prostituées sont prohibées, le port du voile pour les femmes lors des réunions religieuses durant lesquelles elles doivent se taire (« Que les femmes se taisent dans les assemblées.  »)… Il subsiste toutefois un devoir d'amour envers les frères chrétiens comme envers les autres hommes. Mais le point le plus important est que les chrétiens doivent se soumettre aux autorités dans lesquelles ils vivent :

 Épitre aux romains « 13-1 Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu.13-2 C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. »

 L’autorité hiérarchique, sans préciser laquelle, détient son pouvoir de Dieu, ce pouvoir est donc légitime et il faut lui obéir. La fusion temporelle-spirituelle sera totale lorsque Constantin fera en 313 du christianisme la religion officielle de l’Empire romain.

 Jésus n’était donc pas chrétien au sens de Saint Paul qui avait mis an avant le besoin d’adorer, le besoin d’obéissance, le respect des hiérarques au détriment de l’élévation personnelle. Jésus, personnage historique ou mythique peu importe, n’est pas une brebis d’un troupeau dont il suivrait fidèlement la trace, c’est tout au contraire un rebelle qui n’accepte pas l’ordre établi.

 Jésus est un juif d’origine rurale qui fût le promoteur d’un égalitarisme social très strict. Ceci l’a conduit à entrer en conflit avec les élites, en particulier religieuses, de Jérusalem. Le développement de la monoculture nécessaire aux besoins des grandes villes entraina la disparition des fermes consacrées à la polyculture au moins en partie autosuffisantes. Ceci aggrava le sort des populations non citadines devenues de fait fragilisées. « Jésus est un rebelle en lutte contre la domination romaine et ses alliés locaux. Il a développé un discours anti-élite dans le but notamment de déstabiliser l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem. »

 Que se passe-t-il maintenant avec les gilets jaunes. La non-acceptation de l’ordre établi semble commune. Il y a le refus d’une fraction importante de la société d’accepter de ressembler aux membres de l’élite afin de pouvoir avoir l’espoir de l’intégrer. Quelles sont les caractéristiques de cette élite ? Elle se reconnaît dans l’apparence de la justice plutôt que dans la justice elle-même. Elle use et abuse d’une novlangue politiquement correcte qui permet de dissimuler les problèmes en les enfouissant sous des montagnes de paroles verbales et une politesse de bon aloi qui dissimule mal un vrai mépris, cette bienséance qui peut justifier le pire en gardant une constante bonne conscience. Les pauvres deviennent des quémandeurs, des assistés, des rétifs à la modernité, des passéistes des 30 glorieuses… Le peuple devient populiste même s’il ne fait que défendre ses intérêts.

 La vérité c’est que l’abandon de tout sacré (religieux, républicain, démocratique) pour laisser la place à ce qui, selon certains, réunit tout le monde, c’est à dire l’argent, entraîne inévitablement que les plus démunis peuvent être assimilés aux moins capables grâce à une évaluation quantitative précise : leur état de fortune. Le sacré, quel qu’il soit, unit tous les segments d’une population, pauvres comme riches. Ce n’est évidemment pas le cas pour l’argent. Les pauvres sont assimilés à des êtres inutiles, incapables de penser, qu’il faut panser pour qu’ils ne créent pas trop de troubles. Les pauvres sont pauvres par paresse, inintelligence, par manque de vertus, parce qu’ils s’adonnent trop aux plaisirs tristes, mais certainement pas à cause d’un quelconque déterminisme social. D’ailleurs la déclaration des Droits de l’Homme l’affirme :

 Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.

 Qui peut prétendre qu’ils le demeurent au-delà d’artifices verbaux dont l’élite est justement si friande. De plus, on ne se préoccupe guère de la suite du texte :

 Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

 Qui peut prétendre une seule seconde que le salaire ou la rémunération dépend du seul mérite quel que soit le métier exercé ?

 La bien-pensance et la novlangue ont permis de se débarrasser de la lutte des classes : les exploités sont devenus des assistés, les clochards des SDF… Mais elles impliquent aussi une police des mœurs : les pédérastes, les lesbiennes deviennent des gays dont on doit afficher une proximité anglicisante (gay friendly) sous peine de mort électorale ou sociale, les noirs deviennent des gens de couleur, les mongoliens des trisomiques… Ce renouvellement du vocabulaire s’est-il traduit par un progrès dans l’acceptation des différences ? Poser la question c’est y répondre ! En fait ce nouveau langage quasi-codé et ce modelage de la pensée n’ont pas ce but : ils sont pratiqués pour marquer son appartenance à une caste qui s’est autoproclamée être l’élite progressiste pour le monde entier. La novlangue n’est pas faite pour inclure mais pour exclure, pour pouvoir mépriser, stigmatiser ceux qui ne s’y conforment pas et qui deviennent par conséquent des représentants du mal, des suppôts de Satan. La définition du mal, et du bien par les mots plutôt que par les actes n’a rien de nouveau, c’est le procédé habituel de tous les totalitarismes : l’inquisition aussi mettait l’amour du prochain en avant pour réprimer, torturer, tuer les hérétiques.

 Quant aux négociations que proposent les autorités pour apaiser les révoltes, elles se déroulent comme attendu : elles accordent un peu d’argent que les autres acceptent car ils ne peuvent pas faire autrement mais ils perdent structurellement un peu de leurs droits sociaux. Les secteurs dits régaliens ne sont pas à l’abri du formatage libéral (qui implique une régression des acquis sociaux) : tandis que l’on alloue une somme pour (prétendument) compenser les efforts faits par les forces de l’ordre, la sécurité privée devient un acteur incontournable pour l’État : « Il faudra nous interroger sur les conditions dans lesquelles les agents privés pourront intervenir sur de nouveaux espaces. » (C. Castaner).

 Vous dirigez la France, l’Europe, le Monde depuis les années 1980 : êtes vous fiers de vos résultats ? de vous ?? N’y avait-il pas, n’y a-t-il pas une autre façon de faire ? Produire à profusion tout en privant beaucoup de l’essentiel était-il une nécessité ? Une société d’économie mixte était-elle inenvisageable même si d’autres la préconisaient avec succès :

 « Nous devons, sans relâche, renforcer le développement de l’économie étatique, tout en encourageant, soutenant et guidant le développement de l’économie privée. »

 



36 réactions


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 13:13

    La richesse matérielle a aussi son revers : l’ennui. Sulitzer de se retrouver quasi SDF à quelques kilomètre de chez moi. https://www.7sur7.be/7s7/fr/1527/People/article/detail/3508480/2018/12/20/In solvable-Paul-Loup-Sulitzer-pourrait-etre-expulse-de-son-appartement-bruxellois.dhtml. Je n’ai personnellement jamais été sensible à ce critère de riche-pauvre ;/ Il y a des personnes intéressantes et les autres,..L’époque actuelle est nulle. Heureusement, reste l’humain.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 13:18

    Quant à Jésus. Je ne sais si l’homme était intéressant. J’ai tendance à fuir les prosélytes. Et puis le saumon est plutôt un poisson du nord.... 


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 21 décembre 2018 13:41

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.
      Je ne suis pas un fin connaisseur du Nouveau Testament, mais il ne me semble pas que Jésus ait été prosélyte (12 apôtres représentent peu de choses même pour l’époque).


    • Sergio Sergio 21 décembre 2018 13:45

      @Mélusine ou la Robe de Saphir.

      Bonjour Mélusine

      Pour feu votre compatriote « Jésus Christ était un hippie » quel visionnaire, là on lui met un gilet jaune, c’est beaucoup pour l’homme, ou pour l’image qu’il représente. C’est bizarre que l’on utilise aucune référence biblique/coranique référentielle à l’évolution comportementale de l’homme !


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 13:59

      @Jacques-Robert SIMON

      Et à Sergio (Bonjour aussi). Pour moi le christ est plus un concept qu’une imagerie. Exemple dans la mythologie égyptienne : le christ, c’est Osiris et les hindous : http://www.lalibre.be/debats/opinions/jesus-s-est-il-forme-en-inde-51b89203e4b0de6db9af42cf


  • Sergio Sergio 21 décembre 2018 13:54

    L’auteur et Mélusine

    « ....  Saint Paul qui avait mis an avant le besoin d’adorer, le besoin d’obéissance, le respect des hiérarques au détriment de l’élévation personnelle ... »

    Assorti d’avenants et décrets d’application judéo-chrétiens « les premiers seront les ......  » Notre condition occidentale se prête parfaitement aux usages de nos politiques, va falloir mettre du temps pour nous sevrer de nos croyances innées par les acquis (quelle pirouette) de nos ancêtres.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 21 décembre 2018 14:21

    Pour moi, un GJ est une personne dans la précarité (réelle ou pas, connaissant de nombreuses personnes qui se disent « pauvres » et ont un magot caché,..) qui aimerait bien pouvoir aussi s’acheter un costard. J’ai beaucoup de difficulté à les voir comme porteur d’un véritable mouvement. Mais s’ils peuvent faire bouger les lignes, pourquoi pas..A ce niveau, mai 68 était plus porteur. On pouvait vivre chichement dans le dignité (suffisait d’âtre artiste, peintre, scientifique,...). Aujourd’hui, l’unique valeur est l’ARGENT. Pauvre société de riches ou qui rêvent de l’être. Comme le disait hier B Fontaine : mais quelle connerie que ce monde actuel. Enfin, elle s’est limité à répéter trois fois : connerie.


  • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:08

    @Octobre Rouge

    Surface !

    SOUND OF aux commandes

    TAC au Sonar

    NEMO aux machines

    SMIX en cuisine

    FUFU corvée de chiottes smiley

    SHAW aux torpilles

    Tube 1,2,3,4,5,6 ouverts

    Exécution !

    @Maitre_Eolas

    Dernière sommation !!!!!!


  • alinea alinea 21 décembre 2018 15:10

    Si Jésus était parmi nous aujourd’hui, ou le Bouddha anarchiste, je suis sûre qu’il s’en trouverait pour dire qu’ils récupèrent le mouvement avec leur bonne parole !

    L’homme contemporain est si content de lui qu’il passera à côté de toutes les opportunités de progrès ; il confond la confiance avec la crédulité, le dévouement avec l’arrivisme !

    On n’ira pas bien loin avec ceux-là.


    • Shaw-Shaw Shawford 21 décembre 2018 15:12

      @alinea

      Tins, en bouffant avec mon banquier à Libourne, j’ai vu une machin LE MEUR qui exerçait juste en face du resto !

      Vous avez dit bizarre ?


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 21 décembre 2018 17:24

      @alinea
      Il ne s’agit pas de créer un mouvement, il s’agit de trouver un chemin de vie qui évite le pire.


    • kalachnikov kalachnikov 21 décembre 2018 21:23

      @ alinea

      Je nage en pleine hallu car vu ton engagement, ton propos peut laisser entendre que Mélenchon, c’est kif kif bourricot avec Jésus ou le bouddha.

      Je vais aller prendre mes gouttes.


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 21 décembre 2018 16:08

    Jésus avait un gilet de sauvetage car il marchait sur l’eau .


  • AmonBra QAmonBra 21 décembre 2018 21:19

    Merci @ l’auteur pour le partage.

    Plus de 2000 ans après les avoir chassé du temple à coups de pied au cul, c’est même le seul passage des évangiles où Jésus manifeste une sainte mais violente colère, il ne pourrait de nos jours que faire le même constat que nous : Non seulement ils occupent et magouillent plus que jamais dans le temple, mais ils prétendent en être les propriétaires !

    Il ne pourrait donc que faire sienne notre colère et partager notre légitime combat !

    Au fait, pourquoi sont ils plus silencieux que la « grande muette » ses représentants officiels sur terre ? . .


  • Jonas Jonas 22 décembre 2018 14:02

    "Jésus est un rebelle en lutte contre la domination romaine et ses alliés locaux. Il a développé un discours anti-élite dans le but notamment de déstabiliser l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem.« 


    Jésus n’est pas contre la domination romaine, les zélotes ont d’ailleurs voulu l’utiliser comme »roi des Juifs" à des fins de révolte politique contre les romains, ce que Jésus Christ a refusé.
    L’autorité, la hiérarchie est nécessaire, mais elle doit rester sous la loi morale de Dieu.
    Or, cette loi morale, qui faisait le ciment de la civilisation européenne depuis des siècles, a été lentement et progressivement détruite par la secte maçonnique  : le Sacré, l’Humilité, le sens du Sacrifice, l’Incarnation du souverain en son Peuple.
    C’est justement cette perte que les gilets jaunes dénoncent : Macron méprise la France et les Français, pour lui et pour toute une bande de profiteurs, de banquiers et d’industriels, ce pays n’est qu’une gigantesque entreprise qui ne sert qu’à faire de l’argent (économie, croissance, bénéfices, etc...), destinée à devenir à terme une succursale de l’oligarchie mondialiste.


    « Dis-nous donc ce qu’il t’en semble : est-il permis, ou non, de payer le tribut à César ? Jésus, connaissant leur méchanceté, répondit : Pourquoi me tentez-vous, hypocrites ? Montrez-moi la monnaie avec laquelle on paie le tribut. Et ils lui présentèrent un denier. Il leur demanda : De qui sont cette effigie et cette inscription ? De César, lui répondirent-ils. Alors il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

    Matthieu 22:17-21


  • daniel daniel 22 décembre 2018 15:58

    Pour quoi mélanger Jésus Christ avec les affaires des gilets jaunes ?


    • Jacques-Robert SIMON Jacques-Robert SIMON 22 décembre 2018 17:13

      @daniel
      C’est indiqué dans le texte, les deux se rebellent contre une certaine élite. Au-delà d’une ressemblance qui pourrait passer pour artificielle, il s’agit à mon avis d’un même type de révolte.


  • Armand Griffard de la Sourdière Armand Griffard de la Sourdière 22 décembre 2018 22:12

    La première fois que Jésus a vu Chuck Norris , il est resté cloué sur place ! :-<


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