Jésus Gilet Jaune !
Jésus aurait-il porté un gilet jaune si il en avait eu l’occasion ? La question mérite d’être posée.
Il faut en premier lieu se débarrasser de Paul de Tarse dit Saint Paul, (mort vers 68 à Rome), apôtre surnuméraire des douze classiquement cités. Le Nouveau Testament le présente comme un persécuteur des disciples de Jésus jusqu'à sa prétendue rencontre avec le Christ, vers 32-36. C’est lui qui va transformer une foi en l’Amour en un militantisme communautaire : il faudra obéir à l’église. Jésus n’est toutefois pas, par ce que l’on relate de sa vie, le fondateur d’une structure hiérarchisée en possession de vérités indépassables. Il a été utilisé pour transformer une source de transcendance en une possibilité de tutelle sur les Hommes, un pouvoir temporel. Saint Paul fonda à partir des années 40, plusieurs Églises dans le territoire de la Turquie actuelle, puis en Asie Mineure et en Grèce. Il édicte alors un ensemble de recommandations : les relations hors mariage en particulier avec les prostituées sont prohibées, le port du voile pour les femmes lors des réunions religieuses durant lesquelles elles doivent se taire (« Que les femmes se taisent dans les assemblées. »)… Il subsiste toutefois un devoir d'amour envers les frères chrétiens comme envers les autres hommes. Mais le point le plus important est que les chrétiens doivent se soumettre aux autorités dans lesquelles ils vivent :
Épitre aux romains « 13-1 Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu.13-2 C'est pourquoi celui qui s'oppose à l'autorité résiste à l'ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes. »
L’autorité hiérarchique, sans préciser laquelle, détient son pouvoir de Dieu, ce pouvoir est donc légitime et il faut lui obéir. La fusion temporelle-spirituelle sera totale lorsque Constantin fera en 313 du christianisme la religion officielle de l’Empire romain.
Jésus n’était donc pas chrétien au sens de Saint Paul qui avait mis an avant le besoin d’adorer, le besoin d’obéissance, le respect des hiérarques au détriment de l’élévation personnelle. Jésus, personnage historique ou mythique peu importe, n’est pas une brebis d’un troupeau dont il suivrait fidèlement la trace, c’est tout au contraire un rebelle qui n’accepte pas l’ordre établi.
Jésus est un juif d’origine rurale qui fût le promoteur d’un égalitarisme social très strict. Ceci l’a conduit à entrer en conflit avec les élites, en particulier religieuses, de Jérusalem. Le développement de la monoculture nécessaire aux besoins des grandes villes entraina la disparition des fermes consacrées à la polyculture au moins en partie autosuffisantes. Ceci aggrava le sort des populations non citadines devenues de fait fragilisées. « Jésus est un rebelle en lutte contre la domination romaine et ses alliés locaux. Il a développé un discours anti-élite dans le but notamment de déstabiliser l’aristocratie sacerdotale de Jérusalem. »
Que se passe-t-il maintenant avec les gilets jaunes. La non-acceptation de l’ordre établi semble commune. Il y a le refus d’une fraction importante de la société d’accepter de ressembler aux membres de l’élite afin de pouvoir avoir l’espoir de l’intégrer. Quelles sont les caractéristiques de cette élite ? Elle se reconnaît dans l’apparence de la justice plutôt que dans la justice elle-même. Elle use et abuse d’une novlangue politiquement correcte qui permet de dissimuler les problèmes en les enfouissant sous des montagnes de paroles verbales et une politesse de bon aloi qui dissimule mal un vrai mépris, cette bienséance qui peut justifier le pire en gardant une constante bonne conscience. Les pauvres deviennent des quémandeurs, des assistés, des rétifs à la modernité, des passéistes des 30 glorieuses… Le peuple devient populiste même s’il ne fait que défendre ses intérêts.
La vérité c’est que l’abandon de tout sacré (religieux, républicain, démocratique) pour laisser la place à ce qui, selon certains, réunit tout le monde, c’est à dire l’argent, entraîne inévitablement que les plus démunis peuvent être assimilés aux moins capables grâce à une évaluation quantitative précise : leur état de fortune. Le sacré, quel qu’il soit, unit tous les segments d’une population, pauvres comme riches. Ce n’est évidemment pas le cas pour l’argent. Les pauvres sont assimilés à des êtres inutiles, incapables de penser, qu’il faut panser pour qu’ils ne créent pas trop de troubles. Les pauvres sont pauvres par paresse, inintelligence, par manque de vertus, parce qu’ils s’adonnent trop aux plaisirs tristes, mais certainement pas à cause d’un quelconque déterminisme social. D’ailleurs la déclaration des Droits de l’Homme l’affirme :
Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Qui peut prétendre qu’ils le demeurent au-delà d’artifices verbaux dont l’élite est justement si friande. De plus, on ne se préoccupe guère de la suite du texte :
Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Qui peut prétendre une seule seconde que le salaire ou la rémunération dépend du seul mérite quel que soit le métier exercé ?
La bien-pensance et la novlangue ont permis de se débarrasser de la lutte des classes : les exploités sont devenus des assistés, les clochards des SDF… Mais elles impliquent aussi une police des mœurs : les pédérastes, les lesbiennes deviennent des gays dont on doit afficher une proximité anglicisante (gay friendly) sous peine de mort électorale ou sociale, les noirs deviennent des gens de couleur, les mongoliens des trisomiques… Ce renouvellement du vocabulaire s’est-il traduit par un progrès dans l’acceptation des différences ? Poser la question c’est y répondre ! En fait ce nouveau langage quasi-codé et ce modelage de la pensée n’ont pas ce but : ils sont pratiqués pour marquer son appartenance à une caste qui s’est autoproclamée être l’élite progressiste pour le monde entier. La novlangue n’est pas faite pour inclure mais pour exclure, pour pouvoir mépriser, stigmatiser ceux qui ne s’y conforment pas et qui deviennent par conséquent des représentants du mal, des suppôts de Satan. La définition du mal, et du bien par les mots plutôt que par les actes n’a rien de nouveau, c’est le procédé habituel de tous les totalitarismes : l’inquisition aussi mettait l’amour du prochain en avant pour réprimer, torturer, tuer les hérétiques.
Quant aux négociations que proposent les autorités pour apaiser les révoltes, elles se déroulent comme attendu : elles accordent un peu d’argent que les autres acceptent car ils ne peuvent pas faire autrement mais ils perdent structurellement un peu de leurs droits sociaux. Les secteurs dits régaliens ne sont pas à l’abri du formatage libéral (qui implique une régression des acquis sociaux) : tandis que l’on alloue une somme pour (prétendument) compenser les efforts faits par les forces de l’ordre, la sécurité privée devient un acteur incontournable pour l’État : « Il faudra nous interroger sur les conditions dans lesquelles les agents privés pourront intervenir sur de nouveaux espaces. » (C. Castaner).
Vous dirigez la France, l’Europe, le Monde depuis les années 1980 : êtes vous fiers de vos résultats ? de vous ?? N’y avait-il pas, n’y a-t-il pas une autre façon de faire ? Produire à profusion tout en privant beaucoup de l’essentiel était-il une nécessité ? Une société d’économie mixte était-elle inenvisageable même si d’autres la préconisaient avec succès :
« Nous devons, sans relâche, renforcer le développement de l’économie étatique, tout en encourageant, soutenant et guidant le développement de l’économie privée. »