L’Horloge ne peut être ramenée à 2015
Le gouvernement américain a insisté, à maintes reprises sur la nécessité pour l'Iran de remplir ses obligations envers le Conseil de Sécurité des Nations Unies, avant d'envisager de revenir au Plan d'Action Global Conjoint (PAGC). De son côté l'Iran insiste pour que les États-Unis s'obligent à le faire, en tant que principal contrevenant à leurs obligations envers le Conseil de Sécurité des Nations Unies. La question est de savoir qui fera le premier pas ?
Pour quelles raisons les États-Unis différent-ils leur retour à l'accord nucléaire de 2015 ?
Sous l'administration Obama, le JCPOA se voulait un accord destiné à faire revenir le calme dans la région ; prévenir une course aux armements et éviter une guerre nucléaire dans le Golfe Persique. Le président Obama voulait ainsi “geler ses différends avec l'Iran”, avant de retirer les troupes américaines en Irak et au Moyen-Orient.
L'accord du JCPOA était considéré comme un ensemble de mesures initiales prises en faveur de la paix dans la région.
Or, les frappes de drones du régime iranien visant la raffinerie Saoudienne d’Aramco ; les attaques de pétroliers comme les nombreuses autres attaques des Houthis contre les intérêts saoudiens et ceux des EAU, ainsi que la mise au jour - dans les années qui suivent son entrée en vigueur - de l'intensification du programme nucléaire et des missiles de l'Iran, ajoutée à la présence militaire iranienne, persistante en Irak et en Syrie sont la preuve que le JCPOA s'est retourné contre lui.
C'est ce dont prend acte, Joe Biden dans sa déclaration : "Nous continuerons à faire face au comportement déstabilisateur de l'Iran à travers le Moyen-Orient, en lien avec les pays européens". Par là même il semble entériner les propositions, présentées par les États arabes et l’Union européenne, d’ajouter au JCPOA, des annexes relatives aux missiles, aux emprises régionales comme à la sécurité.
L'accueil favorable de ces propositions par la nouvelle administration américaine n'ont pas manqué de faire l'objet - on s'en doute - d'une vive réaction de la part de l'Iran.
Les défis auxquels Biden se voit confrontés, à propos de l'Iran
Joe Biden sort d'une période électorale présidentielle difficile et d'une bataille politique avec les républicains. Il lui faut donc, avec sa nouvelle administration, ramener l’Amérique au calme et à la stabilité.
Sachant que plusieurs sénateurs républicains parmi les plus influents, et aussi quelques représentants démocrates, considèrent un engagement avec l'Iran comme leur ligne rouge, cela ne saurait le conduire à faire preuve de faiblesse, face à l’Iran.
Dans la position actuelle, assez fragile, des démocrates au Sénat, Biden doit éviter de susciter de possibles contestations concernant tout futur accord avec l'Iran. D'autant plus que l'octroi dans le cadre du JCPOA, de concessions à l'Iran, nécessiterait par ailleurs, l'approbation du Sénat américain, qui risquerait de lui être refusée.
L'histoire se complique encore, du fait de l'annonce jeudi le 11 février d’une résolution bipartite, cosignée par 113 membres de la Chambre des représentants des États-Unis, appelant à un Iran démocratique, non nucléaire et laïque, et condamnant le terrorisme parrainé par le régime.
Enfin, les conséquences sociales et économiques, de la pandémie actuelle de la COVID-19, à laquelle Biden doit faire face, s'imposent à lui, comme principal défi et priorité pour son gouvernement ; la question de l'Iran ne saurait guère alors, figurer en tête de liste, des priorités de Biden.
L'Iran fixe une date limite au 21 février 2021
Le Parlement iranien, quant à lui, vient d'adopter une loi appelée "Loi d'action stratégique pour lever les sanctions". Cette loi exige que si les États-Unis ne lèvent pas toutes leurs sanctions contre l'Iran, le gouvernement Rouhani ignorera ses engagements nucléaires, ce qui revient à augmenter le nombre des centrifugeuses et à poursuivre l'enrichissement de l'uranium tout en cessant de mettre en œuvre les protocoles additionnels interdisant l'accès complet des sites nucléaires aux inspecteurs de l'AIEA. (Si on tient compte del'accord récent provisoire réservant les accès de l’AEIA ? Est-ce que je me trompe ?)
Khamenei, pour sa part a réitéré ces mêmes exigences en déclarant : "Si les pays européens veulent que l'Iran revienne à ses obligations, les États-Unis doivent lever toutes leurs sanctions contre l'Iran".
L'objectif d'une telle résolution du parlement et la fixation d'une date limite (21 février) est de faire pression sur les États-Unis et les signataires du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en les menaçant - en cas de non-levée des sanctions – de continuer de progresser vers la réalisation de la bombe atomique.
C’était aussi l'occasion d'annoncer la production d’une petite quantité d’uranium métallique, laquelle est principalement utilisée pour fabriquer la bombe nucléaire. De cette façon, le régime informe délibérément l'AIEA d'une production à venir, d'uranium métallique, information destinée à provoquer une forte réaction de la part des trois pays européens.
De son côté, en réponse à la déclaration des pays européens, Zarif écrivait sur son compte Twitter “Par quelle logique la République Islamique aurait-t-elle le devoir d'arrêter ses actions de représailles ? “pour ajouter : "Qu'ont fait les trois pays européens pour remplir leurs devoirs ?" (Agence de Presse Tasnim – 991124)
Vers un nouvel arrangement géopolitique
L'économie iranienne a été gravement affaiblie, sa monnaie est en chute libre et ses recettes en devises ont diminué. Le gouvernement Rouhani a reconnu que 60 millions d'Iraniens vivaient en-dessous du seuil de pauvreté et que cela expliquait l'ampleur des soulèvements massifs de 2018 et de 2019 qui s'enracinent dans une situation économique intolérable au peuple iranien.
Quand le régime iranien remarque en outre, que ce n’est qu’au cours du soulèvement de 2019 que Trump a tenté d’évincer Ghasem Soleimani, le numéro 2 de l'Iran, en le faisant assassiner - au titre d'infiltré du régime dans la région - n'entérine-t-il pas le fait que l'influence régionale de l'Iran en Irak, au Liban et en Syrie est de plus en plus contestée et considérée comme illégitime ? En atteste ces millions de personnes qui ont participé à des manifestations en Irak et au Liban pour protester contre l'influence de l'Iran dans leur pays.
La Russie, pour sa part, a fait pression sur l'Iran pour que le régime réduise son influence en Syrie.
Tous ces facteurs et bien d'autres similaires ont donné aux pays européens l'occasion de contester l'équilibre géopolitique de 2015, au point d'élever le niveau de leurs revendications au regard de leurs nouvelles préoccupations à l'égard de l'Iran.
A moins que la renaissance du JCPOA ne règle toutes ces questions ! la position de Biden sera sans doute de gagner du temps et de chercher à répondre aux préoccupations des pays européens concernant le programme de missiles balistiques de l'Iran, lequel menace les pays de la région, en particulier Israël.
Ce qui pourrait l'inviter à participer à un éventuel nouvel accord.
Les défis du Guide Suprême
Le régime iranien qui s'appuie sur la monarchie absolue du Guide Suprême et la perpétuation du régime iranien repose principalement sur la répression du peuple en Iran et la création d'une instabilité, par-delà ses frontières. Si l'un des deux facteurs ci-dessus venait à s'affaiblir ou disparaître, le régime serait confronté à un effondrement inévitable. L'expansion nucléaire de l'Iran et son programme de missiles balistiques font donc, partie intégrante de la stratégie de Khamenei et de son régime. De ce point de vue, le régime ne peut se prêter à discuter d'un nouveau compromis.
Khamenei n'ignore pas que si l'Iran recule, les Etats-Unis "trouveront de nouvelles excuses pour contester, toujours autre chose, tous les jours". Un jour, ce sera au nom des droits de l'homme, un autre pour les armes nucléaires, ou pour les missiles, et un autre jour encore, pour des questions régionales" (Khamenei, 20 février). Cette réalité correspond à ce qu'il appelle "une dégradation infinie".
Et cependant, l'incapacité du régime à obtenir des concessions des États-Unis risque d'ouvrir la voie à une nouvelle vague de troubles sociaux, de manifestations et de soulèvements, voire à un éventuel effondrement de ce régime autoritaire, iranien.
Ce destin, Khamenei ne veut ni le connaître, ni le reconnaître ! C'est la raison pour laquelle le régime iranien ne peut relâcher sa pression pour le rétablissement de l'accord de 2015.
Il ne s'agit donc pas de savoir, qui des Etats-Unis, ou de l'Iran fera le premier pas ?
La question est plutôt de savoir si le régime se soumettra aux propositions des pays européens d'adopter un éventuel nouvel accord en 2021 ?