samedi 3 février - par Emile Mourey

La bataille des champs catalauniques expliquée par le militaire

Sur le terrain incliné du champ de bataille s'élevait une éminence qui formait comme une petite montagne. Chacune des deux armées désirant s'en emparer, parce que cette position importante devait donner un grand avantage à qui s'en rendrait maître, les Huns et leurs alliés en occupèrent le côté droit, et les Romains, les Visigoths et leurs auxiliaires, le côté gauche. Le point le plus élevé de cette hauteur ne fut pas disputé, et demeura inoccupé.

Mon interprétation (interprétation du militaire) : l'auteur, Jordanés, écrit en latin. En toute logique, il commence son récit en venant du Nord, depuis la grande plaine d'où l'on a vue sur la ville de Chalon. A sa gauche, c'est la vallée de la Saône et un terrain plat. A sa droite, ce sont les monts d'Agneux qui montent en pente douce, des monts probablement déboisés pour des questions de sécurité ; il s'agit de l'éminence qui monte en pente douce dont parle Jordanès. 

          

... Comme nous l'avons dit, les deux armées se trouvaient alors en présence dans les champs catalauniques.

Sur le terrain incliné du champ de bataille s'élevait une éminence qui formait comme une petite montagne. Chacune des deux armées désirait s'en emparer, parce que cette position importante devait donner un grand avantage à qui s'en rendrait maître, les Huns et leurs alliés en occupèrent le côté droit, et les Romains, les Visigoths et leurs auxiliaires, le côté gauche. Le point le plus élevé de cette hauteur ne fut pas disputé, et demeura inoccupé. (Jordanès, Histoire des Goths, 551 après J.C.)

Étude du terrain d'après la carte de Cassini. Dispostif des deux adversaires.

En allant de votre droite à votre gauche, voyez la Saône bien visible. En rouge, sur sa rivre droite, la cathédrale de Chalon-sur-Saône. En surimpression, la ville fortifiée à l'intérieur de son enceinte. Puis, le carrefour des voies de l'époque. En vert, la vallée de la Thalie et la Thalie, en bleu, qui, à l'époque, était beaucoup plus large qu'aujourd'hui, véritable barrière d'eau qui protégeait la ville. Une ligne de hachures en gris sombre représente la pente pour accéder à l'éminence, plateau allongé en blanc, image de petite montagne. Les Romains, les Wisigoths et leurs auxilaires se sont installés dans la vallée de la Thalie, face à la pente est, en avant de la rivière, Aétius et les Romains au sud en protection de Chalon à l'aile gauche, les Visigoths et leurs auxiliaires, au nord, à l'aile droite. Le point le plus élevé de cette hauteur est au sud, là où se dresse l'antique château fort dont il ne reste aujourd'hui que la grande tour, sur la carte au-dessous de la fin du groupe de mots "château de Taisey".

L'armée des Huns vient d'Orléans où elle a subi un grave échec. Elle s'est établie dans la vallée de l'Orbize, face à la pente figurée en hachure, dans un dispositif semblable. Attila est au centre avec les plus braves des siens. Sur ses ailes, les nombreux peuples qu'il a soumis avec leurs rois parmi les plus braves, les Ostrogoths, à sa gauche.

Pourquoi le lieu haut ne fut occupé, ni par les Huns, ni par Aetius ?

Tout simplement parce que s'y trouvait la forteresse dont il ne subsiste aujourd'hui que la tour principale dite de "Taisey", laquelle ne pouvait tomber que par un siège en règle. Et pourtant, Attila va en prendre le risque. Je cite : on combattit donc pour se rendre maître de la position avantageuse dont nous avons parlé. Attila fit marcher ses guerriers, pour s'emparer du haut de la colline ; mais il fut prévenu par Thorismund et Aétius, qui, ayant uni leurs efforts pour gravir à son sommet, y arrivèrent les premiers, et repoussèrent facilement les Huns, à la faveur du point élevé qu'ils occupaient... il faut comprendre : "depuis la forteresse"Alors Attila, s'apercevant que cette circonstance avait porté le trouble dans son armée, jugea aussitôt devoir la rassurer, et lui tint ce discours... Marchons donc vivement à l'ennemi ; ce sont toujours les plus braves qui attaquent. N'ayez que mépris pour ce ramas de nations discordantes ; c'est signe de peur, que de s'associer pour se défendre. Voyez ! même avant l'attaque, l'épouvante déjà les entraîne ; elles cherchent les hauteurs, s'emparent des collines, et, dans leurs tardifs regrets, sur le champ de bataille elles demandent avec instance des remparts....Tandis qu'ils se serrent sans ordre, et s'entrelacent pour faire la tortue, combattez, vous, avec la supériorité de courage qui vous distingue, et, dédaignant leurs légions, fondez sur les Alains, précipitez-vous sur les Visigoths...

On en vint aux mains : bataille terrible, complexe, furieuse, opiniâtre, et comme on n'en avait jamais vu de pareille nulle part. De tels exploits y furent faits, à ce qu'on rapporte, que le brave qui se trouva privé de ce merveilleux spectacle ne put rien voir de semblable durant sa vie : car, s'il faut en croire les vieillards, un petit ruisseau de cette plaine, qui coule dans un lit peu profond, s'enfla tellement, non par la pluie, comme il lui arrivait quelquefois, mais par le sang des mourants, que, grossi outre mesure par ces flots d'une nouvelle sorte, il devint un torrent impétueux qui roula du sang ; en sorte que les blessés qu'amena sur ses bords une soif ardente y puisèrent une eau mêlée de débris humains, et se virent forcés, par une déplorable nécessité, de souiller leurs lèvres du sang que venaient de répandre ceux que le fer avait frappés.

Quel est ce petit ruisseau ?

Il existait encore au siècle dernier, avant que les lotissements ne le fassent disparaître. Il descendait du milieu du plateau et alimentait un petit lac qui, ensuite, par un simple fossé, alimentait les fossés de la forteresse.

Ce lac, le voici, tel qu'il devait être avant la construction du château versaillais. Au fond et à droite, on devine le passage par lequel il devait s'écouler jusqu'aux fossés du château-fort en léger contre-bas. De toute évidence, ii devait exister une sorte d'écluse qui permettait de mesurer la quantité d'eau à envoyer tout en l'économisant.

Nous sommes là, au coeur du combat, combats terribles, sanglants, jusque dans l'eau où les plus forts poussaient les vaincus ensanglantés. Serait-ce le nombre des morts qui aurait fait monter le niveau du lac jusqu'à le faire déborder ? jusqu'à y faire couler le sang dans les fossés du château-fort. Des fouilles archéologiques nous donneront peut-être l'explication. De quand date le tunnel que l'on devine sur la photo ? car s'il n'existait, à cette époque, qu'un fossé de là à la forteresse, on devine que l'écluse s'est rompue dans la fureur des combats et que le lac se vidant, le ruisseau soit devenu "torrent" jusqu'à charrier le corps des morts et des mourants.

Taisey, le site que les archéologues ne veulent pas voir.

Mais quelles étaient donc les motivations d'Attila ?

Tout simplement la faim. On se rappelle qu'Attila est déjà venu une première fois à Chalon, avant d'assiéger Paris et Orléans ; on se rappelle que le roi burgonde lui avait cédé les trésors de la cité entreposés dans la tour pour que cesse le "butinage" pratiqué par ses troupes. Nul doute que la cité avait dû, alors, le ravitailler pour qu'il quitte la région. Nul doute qu'Attila y revenait pour la même raison. Car Chalon était riche en blé, César l'affirme, et ce blé, où était-il mieux gardé que dans l'oppidum de la forteresse ? (1)

Fuite d'Attila ; des chefs qui se perdent dans la nuit... une grande pagaille !

...Alors les Visigoths, se séparant des Alains, fondent sur les bandes des Huns ; et peut-être Attila lui-même serait-il tombé sous leurs coups, s'il n'eût prudemment pris la fuite sans les attendre, et ne se fût tout d'abord renfermé, lui et les siens, dans son camp, qu'il avait retranché avec des chariots...

Thorismund, fils du roi Théodérie, et le même qui s'était emparé le premier de la colline avec Aétius et en avait chassé les Huns, croyant retourner au milieu des siens, vint donner à son insu, et trompé par l'obscurité de la nuit, contre les chariots des ennemis ; et, tandis qu'il combattait bravement, quelqu'un le blessa à la tête, et le jeta à bas de son cheval ; mais les siens qui veillaient sur lui le sauvèrent, et il se retira du combat. Aétius, de son côté, s'étant également égaré dans la confusion de cette nuit, errait au milieu des ennemis, tremblant qu'il ne fût arrivé malheur aux Goths. A la fin, il retrouva le camp des alliés après l'avoir longtemps cherché, et passa le reste de la nuit à faire la garde derrière un rempart de boucliers. Le lendemain, dès qu'il fut jour, voyant les champs couverts de cadavres, et les Huns qui n'osaient sortir de leur camp, convaincus d'ailleurs qu'il fallait qu'Attila eût éprouvé une grande perte, pour avoir abandonné le champ de bataille, Aétius et ses alliés ne doutèrent plus que la victoire ne fût à eux...

...Aussi les Goths et les Romains s'assemblèrent-ils pour délibérer sur ce qu'ils feraient d'Attila vaincu ; et comme on savait qu'il lui restait peu de vivres, et que d'ailleurs ses archers, postés derrière les retranchements du camp, en défendaient incessamment l'abord à coups de flèches, il fut convenu qu'on le laisserait en le tenant bloqué. On rapporte que, dans cette situation désespérée, le roi des Huns, toujours grand jusqu'à l'extrémité, fit dresser un bûcher formé de selles de chevaux, prêt à se précipiter dans les flammes si les ennemis forçaient son camp ; soit pour que nul ne pût se glorifier de l'avoir frappé, soit pour ne pas tomber lui, le maître des nations, au pouvoir d'ennemis si redoutables...

...Durant le répit que donna ce siège, les Visigoths et les fils de Théodéric s'enquirent les uns de leur roi, les autres de leur père, étonnés de son absence au milieu du bonheur qui venait de leur arriver. L'ayant cherché longtemps, seIon la coutume des braves, ils le trouvèrent enfin sous un grand monceau de cadavres, et, après après avoir chanté des chants à sa louange, l'emportèrent sous les yeux des ennemis. Vous eussiez vu des bandes de Goths aux voix rudes et discordantes s'occuper des soins pieux des funérailles, au milieu des fureurs d'une guerre qui n'était pas encore éteinte. Les larmes coulaient, mais de celles que savent répandre les braves. 

E.Mourey, 3 février 2024

Articles précédement publiés :

Agoravox Mourey La bataille des champs catalauniques...3/9/2020

Agoravox Mourey À mon article sur la bataille des champs catalauniques, Mme la Ministre, répondez...7/9/2020

Agoravox Mourey Troisième article sur la bataille des champs catalauniques...21/9/2020

 



18 réactions


  • Sirius S. Lampion 3 février 13:14

    La localisation précise de cette bataille reste incertaine, mais le Chalons dont il est question est celui de Champagne et pas celui de Bourgogne :

    • le site considéré comme le plus probable se situe dans un lieu appelé Campus Mauriacus (Champs Mauriaques), situés à quinze kilomètres à l’Ouest de Troyes, dans la plaine de Moirey, au sud de la commune de Dierrey-Saint-Julien (Aube).

    • Une autre hypothèse situe le champ de bataille à une douzaine de kilomètres au Nord-Est de Châlons-en-Champagne, sur la commune de La Cheppe. On y trouve une vaste enceinte protohistorique dite « camp d’Attila », datant du IIe siècle av. J.-C., située sur les bords de la Noblette, vestige d’un oppidum gaulois occupé ensuite par les Romains. Ce lieu de forme elliptique comprenant des fortifications à fossés entourés de remparts en terre, hauts d’environ sept mètres, est aujourd’hui envahi par la végétation qui entoure le camp. La voie romaine passant à proximité, et la vaste plaine en feraient un lieu de bataille possible, sauf que ce camp, n’z été baptisé "camp d’Attila" qu’à partir du XVIIIe siècle.

    • Troisème éventualité : la bataille se serait déroulée près de Méry-sur-Seine à vingt-cinq kilomètres au Nord-Ouest de Troyes.


    Quoi qu’il en soit, Châlons-en-Champagne s’appelait Civitas catuuellaunorum, du nom du peuple celte, les Catalauni dont elle était la capitale, alors que Chalon-sur-Saône s’appelait Cavillonum ou Cabillonum au premier siècle av. J.-C. (Jules César), et Cabiloninsis urbis en 779.



    • Emile Mourey Emile Mourey 3 février 15:17

      @S. Lampion

      Vous n’avez probablement pas bien lu mon article ou pas compris. Ce champ de bataille fut aussi le lieu d’autres combats que j’ai expliqués avec preuves à l’appui. Je ne perd pas mon temps à faire des fouilles archéologiques mais j’aurais pu ajouter que les propriétaires qui m’ont précédé m’ont dit, lors de mon achat, qu’ils avaient retrouvé des armes anciennes enfouies vers l’ancien lac, ceci pour dire qu’il suffit de gratter le sol pour en retrouver d’autres ; mais comme le dit JPCiron dans un précédent commentaire, la doxa maintient ces sacs de noeuds non questionnés, siècles après siècles.


    • Emile Mourey Emile Mourey 3 février 16:29

      @JPCiron @Antenor @Rinbeau @tous

      depuis Chalon, résidence seniors, cellule xxx

      E. Mourey


  • titi titi 3 février 19:04

    @L’auteur

    Il y a un autre marqueur de la présence des Huns qui a traversé les siècles, c’est ce qu’on appelle la « tâche mongoloïde ».

    C’est une tâche héréditaire bleuâtre, en bas du dos des nouveaux nés, qui disparait au bout de 3 4 ans.

    Et il se trouve que cette ’tâche mongoloïde", qui trahit la présence d’ascendants venus d’Asie, est surreprésentée en Champagne. Mais pas en Saone et Loire.


  • Antenor Antenor 6 février 19:16

    @ Emile

    Aucune chance pour que la bataille ait eu lieu du côté de Saint-Maurice-des-Champs, pratiquement au pied de Mont-Saint-Vincent ?


  • Emile Mourey Emile Mourey 8 mars 21:42

    ... dans leurs tardifs regrets, sur le champ de bataille elles demandent avec instance des remparts....

    Les remparts du dernier recours sont ceux de la forteresse de Taisey qui se trouvait et se trouve toujours au sommet fe la colline.


  • Emile Mourey Emile Mourey 8 mars 22:49

    Il semble qu’Attila ait lancé ses cavaliers huns à l’assaut de la forteresse de Taisey dans la foulée de son arrivée, espérant un effet de surprise. Jordanès dit que la bataille avait commencé à la dixième heure du jour, donc vers 15heures. Il dit aussi que les Romains l’avaient précédé, ce qui signifie que la position était tenue et pas laissée à la seule défense de la garnison.


  • Emile Mourey Emile Mourey 8 mars 22:50

    L’engagement de tout le corps de bataille ayant lieu le lendemain.


  • Emile Mourey Emile Mourey 9 mars 08:46

    c’est signe de peur, que de s’associer pour se défendre. Voyez ! même avant l’attaque, l’épouvante déjà les entraîne ; elles cherchent les hauteurs, s’emparent des collines, et, dans leurs tardifs regrets, sur le champ de bataille elles demandent avec instance des remparts....Tandis qu’ils se serrent sans ordre, et s’entrelacent pour faire la tortue,

    Nous avons là le récit et l’échec de l’attaque des Huns pour s"emparer par surprise de la forteresse dés leur arrivée mais à l’art militaire romain, utilisation de la pente favorable, formation en ligne de bataille, soutien et appuis feux depuuis le rempart de la forteresse, il oppose la plus grande fougue au combat, sans artifices, du Hun.


  • Emile Mourey Emile Mourey 9 mars 10:12

    Aerius l’attendait au pied des remparts, dans la formation en lignes de bataille, appuis feux venant des remparts et du haut de la tour.


  • Antenor Antenor 9 mars 16:28

    @ Emile

    Etymologiquement, les champs catalauniques seraient les champs qui bordent la Thalie ?


    • Emile Mourey Emile Mourey 9 mars 19:02

      @Antenor

      Je ne sais pas. En revanche, on aurait dû comprendre que son autre nom « campus Mauriacus » faisait référence au saint Maurice honoré par la ville de Chalon.


  • Antenor Antenor 11 mars 19:39

    @ Emile

    Aurélien soumet Tétricus aux Champs Catalauniques et peu après Cenabum prend son nom et devient Orleans. Aetius bat aux Champs Catalauniques Attila qui venait d’Orleans. C’est à se demander s’il ne faut pas situer ces deux batailles à proximité d’Orleans. Par exemple à Saint-Maurice-sur-Aveyron qui possède de nombreux vestiges antiques.


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