La cruauté de l’homme pour l’homme est-elle un mystère ?
L’Holocauste du 20è siècle est-il un accident ?
Il est évident que le pathos nuit à la compréhension, et que Lanzman aura été un artisan exceptionnel pour nous amener à un niveau de conscience plutôt approfondi.
La sidération, qui paraît légitime, et qui vous envahit en prenant conscience que l'humanité contient tout cela (je ne pense pas devoir nommer cela, justement, pour éviter de banaliser), exige d’être soi même l’objet d’une lucidité et d’un doute absolus.
On se trompe lourdement avec « comment est-ce possible ? », ou « plus jamais ça ? », ou « jugeons et condamnons ça ».
Parce que nous externalisons la cruauté humaine en dehors de nous, et espérons en être délivrés … à tort.
Chacun doit se poser la seule question qui vaille la peine.
Si j’étais né en Allemagne entre les 2 guerres, ou au Cambodge dans les années 50, …, ou ailleurs (les situations de cruauté sont abondantes, et pas du tout en voie de disparition) ... j’aurais pu être amené à faire quoi ?
Pour découvrir que ni l’éducation la plus élaborée, ni la religiosité la plus exacerbée, ne garantissent aucun progrès de la civilisation … et que la réponse n’existe pas … encore …
Mais aussi que ceux qui prétendent l’horreur disparue grâce à des mesures politiques sont des escrocs capables du pire, ce qu’ils prouvent abondamment dans tous les pays de ce monde.
L’Holocauste est-il un sommet de la cruauté humaine ?
Il me semble que considérer l'Holocauste comme incomparable à toute autre cruauté humaine est une grave erreur.
La cruauté des comportements inter-humains ne me paraît pas progressive, comme si on pouvait la mesurer sur une échelle de gravité, ce qui je trouve est erroné.
La cruauté est binaire, elle est absolue, ou elle n'est pas.
En ce sens, elle n'est jamais banale, elle est totale.
Et tous ceux qui y participent sont totalement coupables, sans aucune circonstance atténuante.
L'effet d'entraînement d'une insertion sociale quelconque non seulement ne peut rien excuser, mais n'interdit nullement de prendre une position individuelle de principe : "je ne suis pas d'accord" est peut être la seule chose à faire.
Ce qui veut dire : je mets ma vie en jeu.
Et ma question est : en suis-je capable ?
On a vu quelques exemples de résistance, rarissimes, mais enthousiasmants (je pense à la rose blanche).
Un point sensible est d'identifier immédiatement ce que vous appelez ignoble ou crime.
L'astuce des nazis a été de diluer cette possibilité de se prononcer (par exemple obliger toute une troupe à piétiner l'indésirable maintenu au sol jusqu'à ce que mort survienne).
Le moment possible de notre refus est forcément bien antérieur à tout acte irréversible : il se situe au niveau des principes et des discours.
Penser que la Shoah ne pourra jamais être comprise semble conduire à une voie sans issue.
La puissance poétique de Primo Levi, et son suicide, démontrent un désespoir insurmontable, que l’on peut partager sans équivoque.
Mais la réalité de la cruauté de l’homme pour l’homme est une constante de l’humanité.
Ce n’est pas un accident.
Elle survient partout et à toutes les époques.
Elle est nécessaire aux castes « supérieures », dominantes, de toutes les sociétés.
Une des expressions de cette cruauté est la formalisation de l’antisémitisme.
Rappelons l’origine parfaitement établie de l’antisémitisme, qui aura conduit à l’Holocauste au 20è siècle.
La papauté et la hiérarchie de l’église catholique romaine ont suscité les premiers pogroms, en Angleterre, à l’occasion de la première croisade, pogroms qui ont essaimé en accompagnant les déplacements des croisés jusqu’à Jérusalem.
Il s’agissait de consolider le pouvoir de cette église, en instrumentalisant n’importe quel prétexte, pour résister à l’avancée presque irrésistible de l’islam.
« Les juifs ont tué Jésus » … ben voyons ! On oublie que Jésus était juif ?
Les castes dominantes abrutissent les gueux avec des propagandes assez stupides, mais dont l’efficacité est stupéfiante.
Pardonnez ce pensum, je n'ai pas fini de chercher.