vendredi 5 octobre 2018 - par Désintox

La fin de régime permanente

Un peu plus d'un an de macronisme, et déjà une impression de fin de régime ... Et si c'était la V° république elle-même qui était en cause ?

En Europe, la France est un des rares pays à posséder un régime présidentiel. Tous les autres ont-ils tort ? La dérive du régime présidentiel français est pourtant évidente. De réforme en réforme, les pouvoirs du président augmentent régulièrement. Peut-on en dire autant de la qualité des présidents en exercice ? Citons quelques noms : De Gaulle, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron.

Lorsque la V° république a été instituée, le président n'était pas élu au suffrage universel, mais par un collège d'élus. Cette disposition limitait sérieusement les pouvoirs réels du président. La cinquième république, à ses débuts, restait donc un régime parlementaire. Trois réformes ont fâcheusement modifié les choses.

La première a été l'élection du président au suffrage universel en 1962. Elle a donné à celui-ci une légitimité qui a augmenté considérablement son pouvoir réel.

La seconde a été la réduction de la durée du mandat présidentiel, qui a limité l'usure du pouvoir.

La troisième a été l'inversion du calendrier qui fait que les élections législatives suivent directement l'élection présidentielle.

Les deux dernières réformes ont eu des conséquences catastrophiques. En effet, lorsque le mandat présidentiel durait 7 ans, alors que l'assemblée était élue pour 5 ans, il y avait obligatoirement des législatives au cours du mandat présidentiel. En 1986, 1993 et 1997, le président a ainsi perdu sa majorité au parlement, ce qui a provoqué de fait le retour à un régime parlementaire, appelé "cohabitation". Tous ceux qui ont connu ces époques ont pu observer que le pays a été gouverné sans crise particulière. Dés lors qu'on a fait coïncider les durées des mandats du président et des députés, les cohabitations sont devenues impossibles, alors même qu'elles entravaient la dérive monarchique du pouvoir.

L'inversion du calendrier est encore pire. Rappelons de quoi il s'agit. Avant que la durée du mandat présidentiel ait été ramenée à cinq ans, le calendrier prévoyait que les législatives auraient lieu un peu avant la présidentielle. Mais celui-ci a été inversé pour que les législatives se tiennent dans la foulée de la présidentielle. Les parlements-croupions que nous connaissons actuellement sont en grande partie la conséquence de l'inversion de calendrier. En effet, nous avons tous constaté que les élections législatives sont devenues sans enjeu.

De réforme en réforme, la France se rapproche de plus en plus de certains régimes présidentiels qui ne sont pas réputés pour être des modèles de démocratie. Les États-Unis ont aussi un régime présidentiel, mais on pourra remarquer que le parlement y dispose de plus d'influence qu'en France et que les élections de mi-mandat existent toujours.

Beaucoup de citoyens rêvent aujourd'hui d'une VI° république. Je pense qu'ils peuvent encore attendre longtemps. En effet, les seules façons de changer la constitution pour sortir du présidentialisme sont de réunir le parlement en congrès ou bien d'organiser un référendum. Dans la pratique, il faut donc "prendre" la présidence pour mettre fin au présidentialisme, ce qui paraît assez contradictoire.

Pour sortir de ce présidentialisme sclérosé, la première chose à faire serait de mettre fin à l'inversion du calendrier, en replaçant les élections législatives avant la présidentielle. Sans remettre en cause fondamentalement les institutions, une telle disposition mettrait fin à leur dérive vers le pouvoir personnel.

Illustration : Ubu roi, par Alfred Jarry 1896

 


12 réactions


  • troletbuse troletbuse 5 octobre 2018 10:18

    L’énorme connerie de Chirac et Jospin. C’était pour avoir le pouvoir absolu. Ils ont réussi mais pas pour eux.


  • dr.jambon-beurre dr.jambon-beurre 5 octobre 2018 10:48
    Pour sortir de ce présidentialisme sclérosé mieux vaut changer de président.

    Peu importe la structure du pouvoir, si ce sont des connards vénaux aux commandes, le résultat sera le même.

  • Clark Kent Bécassine 5 octobre 2018 10:57

    Ce n’est pas à la fin du régime dit « présidentiel » de la 5ème république, même renforcé, que nous assistons, mais à l’agonie de l’état-nation, construction politique réalisée autour d’un état centralisé.

    La nation justifie l’existence d’un état qui n’est pas associé à la personne d’un monarque mais à une entité abstraite. L’état-nation serait est une phase de l’évolution politique incompatible avec le fédéralisme projeté par les partisans de l’économie de marché sans entraves dans lequel le pouvoir détiendrait les pouvoirs régaliens appartenant encore aux nations et détruisant toutes les autres compétences des pouvoirs nationaux actuels caricaturés dans la formule « état-providence » pour discréditer la régulation res rapports sociaux et de la protection sociale.

    Pour détruire l’état-nation, les stratèges de la construction progressive de l’U-E confisquent les vestiges des pouvoirs des parlementaires pour le s concentre dans les mains d’un pseudo-monarque mis en place par les les puissants lobbies détenteurs du pourvoir européen pour les transférer à une entité fédérale des régions-länders qui deviendra le gouvernement européen dans lequel la notion de « démocratie » sera à l’image de l’UE actuelle où la commission et le conseil européens non élus imposent les règles du jeu dictés par les puissances économique et les fantoches du parlement européens sont engraissés par le complexe financiaro-industriel pour diffuser la bonne parole dans leurs diocèses.

    La fin de régime que nous vivons est le passage d’une Europe géographique constituée d’états nations plus ou moins démocratiques à une Europe Fédérale ploutocratique

    • Désintox JPB73 6 octobre 2018 10:04

      @Bécassine

      À mon avis, c’est la langue, la culture et les institutions qui font l’unité du pays, pas le nationalisme.

      Le nationalisme, c’est la guerre.

  • Francis, agnotologue JL 5 octobre 2018 11:33
    ’les seules façons de changer la constitution pour sortir du présidentialisme sont de réunir le parlement en congrès ou bien d’organiser un référendum. Dans la pratique, il faut donc « prendre » la présidence pour mettre fin au présidentialisme, ce qui paraît assez contradictoire.’’
     
     Contradictoire ? Pas du tout : c’est précisément ce que propose Jean-Luc Mélenchon.
     
     Le premier qui dit, la vérité, ... air connu.
     
     
     ’’Pour sortir de ce présidentialisme sclérosé, .... ’’
     
     Sclérosé, le présidentialisme ? Je ne crois pas, non.

    • Francis, agnotologue JL 5 octobre 2018 11:34
      @JPB73,
       
      ps. « Fin de régime permanente » ?
       
      C’est une allusion au « coup D’État permanent » ?

    • Désintox JPB73 5 octobre 2018 18:58
      @JL
      Un peu.

    • Désintox JPB73 5 octobre 2018 19:04

      @JL

      Oui, mais le ferait-il ?

      Le mode opératoire proposé est de réunir une assemblé constituante, ce que ne permet pas la constitution !Il faudrait donc faire un premier référendum pour modifier la constitution afin de pouvoir réunir une assemblée constituante, puis élire cette assemblée constituante, la laisser travailler un ou deux ans et enfin faire un second référendum pour adopter la nouvelle constitution.

      Vu la vitesse à laquelle s’usent les gouvernants actuels, il est fort probable que le second référendum se transformerait en un plébiscite contre le président et le gouvernement sortants.

      C’est pourquoi je n’y crois pas du tout.

    • Francis, agnotologue JL 6 octobre 2018 08:51

      @JPB73

       
      je ne crois pas qu’un référendum serait nécessaire, dès lors qu’il serait élu [ sur un tel programme ].
       
      « Plébiscite contre » ? C’est pas un oxymore, ça ?
       


    • Désintox JPB73 6 octobre 2018 09:54
      @JL
      « Plébiscite contre  ? C’est pas un oxymore, ça ? »
      Si, mais je ne trouve pas le mot.

    • Désintox JPB73 6 octobre 2018 10:05
      @JL
      « je ne crois pas qu’un référendum serait nécessaire, dès lors qu’il serait élu [ sur un tel programme ]. »

      Si ce n’est pas le référendum, alors c’est le congrès, avec la majorité 2/3 je crois.

      Donc, c’est le référendum.

    • Francis, agnotologue JL 6 octobre 2018 10:57

      @JPB73

       
       désaveu peut-être ?


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