vendredi 25 avril 2014 - par oscar fortin

La pensée sociale du Pape Jean XXIII (2/2)

PACEM IN TERRIS (11 AVRIL 1963)

 

Peu de temps avant de mourir, alors qu’il se sait atteint d’un cancer et que les activités conciliaires font branler les colonnes du temple, le bon pape Jean XXIII, se concentre sur une seconde encyclique qui sera son testament pour à l’humanité (il mourra en mai 1963). Secoué par les rumeurs de guerre, hanté par la paix toujours aussi fragile, scandalisé par la pauvreté qui est le destin de plus des deux tiers de l’humanité, une voix se fait entendre en lui. Cette voix est celle que nous retrouvons dans son Encyclique Paix sur Terre (Pacem in Terris).

Cette paix tant recherchée ne sera jamais réalité si elle ne trouve pas le terroir qui lui permettre de croitre. Ce terroir comprend certains ingrédients qui lui sont indispensables pour survivre. Au nombre de ceux-ci, il y a, entre autres, la justice, la vérité, le respect des droits fondamentaux des personnes.

 1 - La paix sur la terre, objet du profond désir de l'humanité de tous les temps, ne peut se fonder ni s'affermir que dans le respect absolu de l'ordre établi par Dieu.

9 - Le fondement de toute société bien ordonnée et féconde, c'est le principe que tout être humain est une personne, c'est-à-dire une nature douée d'intelligence et de volonté libre. Par là même, iI est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns et les autres, ensemble et immédiatement, de sa nature : aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables (7).

11 - Tout être humain a droit à la vie, à l'intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente, notamment en ce qui concerne l'alimentation, le vêtement, l'habitation, le repos, les soins médicaux, les services sociaux. Par conséquent, l'homme a droit à la sécurité en cas de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse, de chômage et chaque fois qu'il est privé de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté (8)

34 - La dignité de la personne humaine exige que chacun agisse suivant une détermination consciente et libre. Dans la vie de société, c'est surtout de décisions personnelles qu'il faut attendre le respect des droits, l'accomplissement des obligations, la coopération à une foule d'activités. L'individu devra y être mû par conviction personnelle ; de sa propre initiative, par son sens des responsabilités, et non sous l'effet de contraintes ou de pressions extérieures.

Une société fondée uniquement sur des rapports de forces n'aurait rien d'humain : elle comprimerait nécessairement la liberté des hommes, au lieu d'aider et d'encourager celle-ci à se développer et à se perfectionner.

35 - Voilà pourquoi une société n'est dûment ordonnée, bienfaisante, respectueuse de la personne humaine, que si elle se fonde sur la vérité, selon l'avertissement de saint Paul : « Rejetez donc le mensonge ; que chacun de vous dise la vérité à son prochain, car nous sommes membres les uns des autres (25). » Cela suppose que soient sincèrement reconnus les droits et les devoirs mutuels. Cette société doit, en outre, reposer sur la justice, c'est-à-dire sur le respect effectif de ces droits et sur l'accomplissement loyal de ces devoirs ; elle doit être vivifiée par l'amour, attitude d'âme qui fait éprouver à chacun comme siens les besoins d'autrui, lui fait partager ses propres biens et incite à un échange toujours plus intense dans le domaine des valeurs spirituelles. Cette société, enfin, doit se réaliser dans la liberté, c’est-à-dire de la façon qui convient à des êtres raisonnables, faits pour assurer la responsabilité de leurs actes.

 

Trois traits caractérisent de notre époque

40 - D'abord la promotion économique et sociale des classes laborieuses. Celles-ci ont, en premier lieu, concentré leur effort dans la revendication de droits surtout économiques et sociaux ; puis elles ont élargi cet effort au plan politique ; enfin au droit de participer dans les formes appropriées aux biens de la culture.

41 - Une seconde constatation s'impose à tout observateur : l'entrée de la femme dans la vie publique, plus rapide peut-être dans les peuples de civilisation chrétienne ; plus lente, mais de façon toujours ample, au sein des autres traditions ou cultures. De plus en plus consciente de sa dignité humaine, la femme n'admet plus d'être considérée comme un instrument ; elle exige qu'on la traite comme une personne aussi bien au foyer que dans la vie publique.

43 - Les hommes de tout pays et continent sont aujourd'hui citoyens d'un Etat autonome et indépendant, ou ils sont sur le point de l'être. Personne ne veut être soumis à des pouvoirs politiques étrangers à sa communauté ou à son groupe ethnique.

45 - Et une fois que les normes de la vie collective se formulent en termes de droits et de devoirs, les hommes s'ouvrent aux valeurs spirituelles et comprennent ce qu'est la vérité, la justice, l'amour, la liberté ; ils se rendent compte qu'ils appartiennent à une société de cet ordre. Davantage : ils sont portés à mieux connaître le Dieu véritable, transcendant et personnel. Alors leurs rapports avec Dieu leur apparaissent comme le fond même de la vie, de la vie intime vécue au secret de l'âme et de celle qu'ils mènent en communauté avec les autres.

51 - L'autorité exigée par l'ordre moral émane de Dieu. Si donc il arrive aux dirigeants d'édicter des lois ou de prendre des mesures contraires à cet ordre moral et par conséquent, à la volonté divine, ces dispositions ne peuvent obliger les consciences, car « il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes (34) ». Bien plus, en pareil cas, l'autorité cesse d'être elle-même et dégénère en oppression. « La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu'autant qu'elle se conforme à la juste raison ; d'où il appert qu'elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Mais dans la mesure où elle s'écarte de la raison, on la déclare injuste, elle ne vérifie pas la notion de loi, elle est plutôt une forme de la violence (35). »

 

La réalisation du bien commun, raison d’être des pouvoirs publics

53 - Tous les individus et tous les corps intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l'ensemble. Et c'est en harmonie avec celui-ci qu'ils doivent poursuivre leurs propres intérêts et suivre, dans leurs apports - en biens et en services - les orientations que fixent les pouvoirs publics selon les normes de la justice et dans les formes et limites de leur compétence. Les actes commandés par l'autorité devront être parfaitement corrects en eux-mêmes, d'un contenu moralement bon, ou tout au moins susceptible d'être orienté au bien.

56 - Ensuite, la nature même de ce bien impose que tous les citoyens y aient leur part, sous des modalités diverses d'après l'emploi, le mérite et la condition de chacun. C'est pourquoi l'effort des pouvoirs publics doit tendre à servir les intérêts de tous sans favoritisme à l'égard de tel particulier ou de telle classe de la société. Notre prédécesseur Léon XIII le disait en ces termes : « On ne saurait en aucune façon permettre que l’autorité civile tourne au profit d'un seul ou d'un petit nombre, car elle a été instituée pour le bien commun de tous (40). » Mais des considérations de justice et d'équité dicteront parfois aux responsables de l'Etat une sollicitude particulière pour les membres les plus faibles du corps social, moins armés pour la défense de leurs droits et de leurs intérêts légitimes (41).

58 - Ces principes sont en parfaite harmonie avec ce que Nous avons exposé dans Notre encyclique Mater et Magistra : « le bien commun embrasse l’ensemble des conditions de vie en société qui permettent à l'homme d'atteindre sa perfection propre de façon plus complète et plus aisée (43). »

62 - C'est donc là un devoir fondamental des pouvoirs publics d'ordonner les rapports juridiques des citoyens entre eux, de manière que l'exercice des droits chez les uns n'empêche ou ne compromette pas chez les autres le même usage et s'accompagne de l'accomplissement des devoirs correspondants. Il s'agit enfin de maintenir l'intégrité des droits pour tout le monde et de la rétablir en cas de violation (47)

65-Mais il faut toujours rappeler ce principe : la présence de l'Etat dans le domaine économique, si vaste et pénétrante qu'elle soit, n'a pas pour but de réduire de plus en plus la sphère de liberté de l'initiative personnelle des particuliers, tout au contraire elle a pour objet d'assurer à ce champ d'action la plus vaste ampleur possible, grâce à la protection effective, pour tous et pour chacun, des droits essentiels de la personne humaine. (65 en Pacem in terris)

 

78 - On ne peut, certes, admettre la théorie selon laquelle la seule volonté des hommes - individus ou groupes sociaux - serait la source unique et première d'où naîtraient droits et devoirs des citoyens, et d'où dériverait la force obligatoire des constitutions et l'autorité des pouvoirs publics (52).

79 - Toutefois, les tendances que Nous venons de relever le prouvent à suffisance : les hommes de notre temps ont acquis une conscience plus vive de leur dignité ; ce qui les amène à prendre une part active aux affaires publiques et à exiger que les stipulations du droit positif des États garantissent l'inviolabilité de leurs droits personnels. Ils exigent en outre que les gouvernants n'accèdent au pouvoir que suivant une procédure définie par les lois et n'exercent leur autorité que dans les limites de celles-ci.

 

Conclusion

Le pape Jean XXIII, dans son encyclique Mater et Magistra exhorte tous les centres d’enseignement sous l’autorité de l’Église à diffuser cet enseignement de la pensée sociale de l’Église.

 

« Nous demandons qu’elle soit enseignée comme matière obligatoire dans toutes les écoles catholiques à tous les degrés, surtout dans les séminaires, sachant du reste que, pour plusieurs d’entre eux, c’est, depuis longtemps, chose faite et très bien faite. Nous désirons aussi que la doctrine sociale de l’Église figure au programme de formation religieuse des paroisses comme des associations d’apostolat des laïcs et qu’elle soit propagée par tous les moyens modernes de diffusion : quotidiens et périodiques, ouvrages scientifiques ou de vulgarisation, émissions radiophoniques et télévisées. » (223)

Je me permets de signaler que cet enseignement de la doctrine sociale telle qu’exposée par le pape Jean XXIII n’a jamais fait partie de mes études tant philosophiques que théologiques (1961-1969). C’est tout dire du peu d’importance qu’on accordait alors à cette doctrine qui n’était pas sans soulever beaucoup de questions aux bien pensants de nos sociétés. Lorsque je suis parti pour le Chili en 1969, je n’avais aucune notion de cette doctrine, pourtant de grande importance pour l’Amérique latine où j’allais servir les grandes valeurs évangéliques de la justice, de la vérité, de la solidarité, de la participation, de la compassion et de l’engagement. Heureusement que la déclaration de Medellin, en 2008, en rappela certains points importants.

Au terme de ce survol rapide de la pensée sociale du pape Jean XXIII, je ne puis qu’inviter les lecteurs et lectrices à poursuivre la lecture de ces deux importants documents de la pensée sociale de l’Église. Une lecture qui vous rapprochera inévitablement de ce que des chrétiens et chrétiennes engagées en Amérique latine mettent de plus en plus en pratique à travers ce que Chavez a appelé le Socialisme du XXIe siècle. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils ont pour adversaires de nombreux évêques et l’aile oligarchique de la chrétienté. Que l’on regarde du coté du Honduras, du Venezuela, de la Bolivie, de l’Équateur, les cardinaux de chacun de ces pays s’allient aux puissances impériales pour les combattre.

 

« Nous avons établi des normes et des principes que Nous vous supplions non seulement de méditer, mais, autant qu’il sera en votre pouvoir, de faire passer dans la réalité. Si chacun de vous se donne à cette tâche avec courage, il ne manquera pas par là de contribuer dans une large mesure à affermir sur terre le règne du Christ, « règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce ; règne de justice, d’amour et de paix », d’où nous passerons un jour au bonheur du ciel, pour lequel nous avons été créés et que nous appelons de tous nos vœux. » (261)

Après 51 ans de sa mort, il sera finalement reconnu par l’Église comme saint. Celui qui l’accompagnera sur les autels de la sainteté, Jean-Paul II, il ne lui aura fallu que neuf ans pour franchir toutes ces étapes. On dit que Jean XXIII n’a pas de miracle pour venir attester sa canonisation, mais il est là, toujours aussi humble, pour nous rappeler la bonté et l’ouverture au monde.

 

 

Oscar Fortin

Le 23 avril 2014

 



9 réactions


  • Pierre Régnier Pierre Régnier 25 avril 2014 11:06

    Vous relevez, Oscar, qu’il n’aura fallu que Neuf ans à Jean-Paul II pour être lui aussi canonisé, et pour l’être en même temps que le bon Jean XXIII, qui aura attendu 63 ans.

    Hé oui Oscar, l’église est bien - aux deux sens du terme - dans son époque, et on y bâcle la réflexion sanctifiante comme le monde profane bâcle les préparations de ses réformes !

    Ces dégâts sont largement dus au pape Jean-Paul II lui-même, qui a succombé à l’impérialisme publicitaire et a « cherché à paraître » comme tout politicien superficiel de son temps.

    Mais je crois qu’ils sont dus beaucoup plus encore au mauvais pape Benoît XVI, qui a passé sa vie à confondre le message évangélique avec le dogmatisme que son église en a tiré.

    Cet épouvantable dogmatisme qui la conduit à trahir la pensée et le sacrifice de Jésus de Nazareth, par lui consenti il y a 20 siècles pour la pacification du monde.

    Epouvantable dogmatisme dont l’église actuelle n’exclut même pas - toujours pas - ce qu’il a de manifestement criminogène :

    http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-nouveau-pape-devra-supprimer-la-130677


    • Pierre Régnier Pierre Régnier 25 avril 2014 11:13

      Excusez, Oscar, le très faible en arithmétque que je suis, et qui ne sait pas soustraire 1963 de 2014... et qui, en plus, vous attribue sont minable résultat !


    • oscar fortin oscar fortin 25 avril 2014 11:30

      Merci Pierre pour poursuivre vos commentaire sur cette seconde partie de la pensée sociale du bon pape Jean XXIII. Pour la comptabilité ne vous en faites pas. On dit parfois qu’un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour. 


      Je réalise à travers les divers commentaires portant sur la première partie, il est plus question de l’Église que de la doctrine sociale du pape Jean XXIII. J’interprète le sens des oui et des non quant à l’appréciation de l’article dans ce sens. Je ne sais si je me trompe. 

    • Pierre Régnier Pierre Régnier 25 avril 2014 12:05

      Oui Oscar, dès qu’on parle de l’église ce sont surtout ceux qui veulent lui taper dessus qui se manifestent, plutôt que ceux qui veulent réfléchir vraiment sur ses écrits et ses comportements.

      Mais il faut reconnaître qu’avec Jean-Paul II et Benoît XVI elle a beaucoup "tendu des bâtons pour se faire battre".

      Une frustration est inévitable chez un auteur d’Agoravox quand les commentaires sont peu nombreux, ou ne portent pas sur l’essentiel. Par ailleurs il ne saura jamais le nombre de ses lecteurs qui ne s’expriment pas.

      Je suis sûr qu’il y en a et qu’il y en aura ici beaucoup et que, quels que soient les commentaires, même pour de très nombreux catholiques parmi les plus soumis à leur hiérarchie, vos deux textes et les suites que vous leur avez vous-même données, vont beaucoup compter.

      Encore merci, en tous cas, pour ce double rappel du meilleur de Jean XXIII... et de l’église catholique malgré ses errements ultérieurs.


  • soi même 25 avril 2014 15:09
    Les compromissions des églises

     Le 25 janvier 1959, Jean XXIII convoque le deuxième concile du Vatican, vecteur d’une importante modernisation de l’Église catholique romaine. Il engage également la réforme du Code de droit canonique, datant de 1917, qui s’achèvera en 1983. La préparation du concile est confiée à la secrétairerie d’État. Un Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens est créé, et a pour résultat la présence de plusieurs dizaines d’observateurs d’Églises chrétiennes non catholiques.
    Il œuvra également à mettre fin aux troubles qui agitaient l’Église melkite suite à des changements liturgiques effectués au sein de cette branche du catholicisme. Acceptant la requête du patriarche Maxime IV Sayegh, il déclara autorisée l’utilisation de la langue vernaculaire lors de chaque célébration de la liturgie byzantine. Jean XXIII consacra aussi évêque un prêtre melkite, le Père Gabriele Acacio Coussa. Pour cela, Jean XXIII usa du rite byzantin, fait rare pour un pape, et utilisa sa tiare en guise de couronne.

     

    Dès le début du nazisme, un soutient de l’église catholique.

    Le représentant du pape en Allemagne, le cardinal Pacelli (qui deviendra lui-même pape le 2 mars 1939 sous le nom de Pie XII) éprouva un tel engouement pour l’Allemagne qu’on l’appelait Il Tedesco : L’Allemand.

    En 1932 après qu’Hitler soit battu aux élections présidentielles par Von Kindenburg, Mgr. Kaas, prélat allemand tout dévoué à Pacelli, se mit d’accord avec les magnats de l’industrie lourde allemande de Rhénanie pour que le catholique Führer des nazis, Adolf Hitler, devienne chancelier de l’Allemagne, à charge de revanche pour lui de favoriser l’Eglise catholique pendant tout le temps qu’il détiendrait le pouvoir.

    http://bibelforscher.suzie.fr/compromissions_eglises.html

    Seconde Guerre Mondiale

    Cependant, la survenance de la Seconde Guerre Mondiale va bousculer cette organisation. Montini, qui avait assisté à la signature du Concordat du 20 juillet 1933 entre le Saint-Siège (représenté par Pacelli, le futur Pape Pie XII) et le Troisième Reich[11], va en effet être un témoin privilégié de la guerre et de l’action du Saint-Siège face à celle-ci. Le nazisme, déjà condamné par Pie XI dans l’encyclique Mit brennender Sorge, continue d’inquiéter le Saint-Siège quand l’Allemagne annexe l’Autriche en mars 1938, lors de l’Anschluss.

    Le 10 février 1939, le pape Pie XI meurt ; son successeur, le cardinal Pacelli, est élu le 2 mars suivant et prend le nom de Pie XII. Pendant le temps du conclave, Montini veille à l’organisation matérielle des lieux où se réunissent les cardinaux. Une fois élu, Pie XII nomme le cardinal Luigi Maglione secrétaire d’État, mais garde les deux substituts. Montini et le pape se verront tous les jours avant la guerre et pendant celle-ci, multipliant les audiences et les productions de documents. En juillet et août 1939, le Dr Manfred Kirschberg, de Paris, demande à Mgr Montini d’attribuer aux juifs d’Europe un territoire en Angola (territoire portugais) pour les préserver des persécutions, mais le projet n’aboutira pas[12].

    Dès le début de la guerre, Montini se voit confier la responsabilité du Bureau d’informations, organe de liaison entre les prisonniers de guerre ou internés civils et leurs familles, notamment en donnant à ces dernières des nouvelles des prisonniers par radio. En janvier 1940, Pie XII demande à Montini de diffuser des messages via Radio Vatican pour dénoncer le sort réservé par les nazis au clergé et aux civils polonais. Après l’entrée des Allemands dans Paris le 14 juin 1940, Montini adresse un message de soutien à l’abbé Martin, seul Français de son service[13]. Outre les activités prenantes du Bureau d’informations, le substitut accorde de nombreuses audiences aux diplomates en visite au Vatican, et participe à la distribution de secours, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge, aux prisonniers et aux populations civiles.

    Rapidement, Mgr Montini sera au centre de deux incidents diplomatiques entre l’Italie fasciste et le Saint-Siège. D’une part, fin avril 1941, il est accusé par le ministre Galeazzo Ciano d’avoir diffusé un tract antifasciste à des étudiants romains, mais aucun tract n’a été retrouvé ; d’autre part, une note envoyée au Saint-Siège l’accuse d’avoir organisé une réunion antifasciste dans les appartements du Vatican, avec des diplomates étrangers : l’information est vite démentie par le secrétaire d’État.

    En novembre 1941, le substitut préside la nouvelle « Commission pour les secours », chargée d’envoyer des aides financières et des médicaments aux prisonniers, alliés ou non. À partir de 1942, le Saint-Siège est informé du sort réservé aux Juifs d’Europe. Ceux de Slovaquie sont momentanément préservés de la déportation grâce à l’intervention de la Secrétairerie d’État[14] mais, très vite, on informe le Saint-Siège des conséquences de ces interventions : le 24 juin 1942, le nonce apostolique à Berlin Cesare Orsenigo informe Mgr Montini que les démarches tentées en faveur des Juifs « ne sont pas bien accueillies ; au contraire, elles finissent par indisposer les autorités »[15]. À partir de ce moment, le Saint-Siège, et en particulier le pape Pie XII, réagissent discrètement face aux atrocités nazies, de peur des représailles[16].

    À partir de septembre 1942, Montini va se trouver au cœur d’un complot visant à renverser Mussolini[17]. La princesse Marie-José de Belgique, belle-fille du roi Victor-Emmanuel III, est reçue en audience le 3 septembre 1942 par Mgr Montini. Elle explique au substitut que le peuple italien est prêt à abandonner le régime fasciste, que des hommes sont prêts à assurer la relève et qu’une paix séparée peut être conclue avec les Alliés[18]. Montini, que sa fonction lui permet de rencontrer les diplomates alliés, fait donc part de ce projet aux Alliés, qui font preuve de bonnes dispositions. Néanmoins, ils mettent en œuvre leur propre stratégie : ils commencent par débarquer en Afrique du Nord le 8 novembre 1942, se rapprochant ainsi de l’Italie. À l’issue du bombardement de Rome par les Alliés le 19 juillet 1943, Montini accompagne Pie XII dans les rues de la ville afin de prier et de secourir les pauvres. L’approche des Alliés ébranla le gouvernement fasciste ; le 24 juillet 1943, le Grand conseil du fascisme vote les pleins pouvoirs au roi Victor-Emmanuel III. Le 25 juillet au matin, l’un des membres du Conseil qui vota les pleins pouvoirs, Alberto De Stefani, demande à Montini que le Saint-Siège serve d’intermédiaire entre les Alliés et le nouveau gouvernement à venir[19]. Le lendemain, le roi demande au maréchal Badoglio de former un ministère et ce dernier fait arrêter Mussolini. Le 13 août 1943, un nouveau bombardement allié survient sur Rome : Montini accompagne à nouveau le pape sur les lieux touchés afin de réconforter la population. Le lendemain, le gouvernement Badoglio proclame Rome « ville ouverte ».

    Jusqu’à la fin de la guerre, Montini est témoin des différents événements qui touchent Rome, notamment l’occupation de la ville par les Allemands à partir du 10 septembre 1943, puis sa libération par les forces alliées le 4 juin 1944. Cette guerre fut aussi pour lui le temps des épreuves : ses parents meurent en 1943, et plusieurs de ses amis furent déportés dans des camps de concentration ; enfin, son ami Longinotti (qui l’avait fait entrer à l’Académie des nobles ecclésiastiques), meurt dans un accident de voiture en 1944.

    http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/707918#Seconde_Guerre_Mondiale


  • oscar fortin oscar fortin 25 avril 2014 16:24

    Merci beaucoup pour ce rappel historique. Un mot de votre part sur le contenu de l’article aurait été apprécié.


    bonne journée à vous

  • Montdragon Montdragon 26 avril 2014 09:36

    Il faut être retors ou infidèle pour moinsser cet article...
    Et ne rien connaitre de l’œuvre ce pape social, antithèse de l’autre facho de polonais.
    Voyagez donc en Amérique du Sud, voir qui est le plus populaire !


    • oscar fortin oscar fortin 26 avril 2014 09:59

      Montdragon : Je ne suis pas bien certain d’avoir bien compris votre commentaire par rapport à la doctrine sociale du bon pape Jean XXIII, telle qu’exprimée dans cet article. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.


      Merci et bonne journée

Réagir