lundi 11 mai 2020 - par Bernard Dugué

La peur est pire que le virus

 Nous avons affaire à un virus qui se propage et dont la puissance pandémique se situe entre la grippe espagnole de 1918 et la grippe asiatique de 1957. Nous avons surtout affaire à une réaction des Etats pouvant apparaître démesurée. Le Covid-19 a été « pris en main » par un pouvoir qui en a fait une affaire d’Etat, mobilisant l’appareil militaire, policier et hospitalier ; en dépossédant la médecine de ville de ses prérogatives. Pour preuve, les cabinets médicaux se sont vidés et les médecins n’ont pas accès aux tests alors que c’est crucial, pour des raisons médicales mais aussi pour suivre l’épidémie. Les réseaux Sentinelles ne font que quelques dizaines de tests par semaine ! De plus, les médecins de ville n’ont plus de droit de prescrire des traitements contre le Covid-19 sous prétexte qu’il n’y en a pas. La médecine n’intervient plus, les gens sont livrés à la peur, ils s’en remettent à l’Etat sécuritaire qui joue tel un Janus sur les deux faces, faire peur, sécuriser, rien de neuf sous le soleil, Machiavel avait déjà tout compris.

 

 Pour le reste, nous avons affaire à un étrange dévoilement. Chacun révèle un peu de lui-même. La plupart des intellectuels sont resté discrets. Seuls André Comte-Sponville et quelques autres se sont exprimés en philosophes engagés. Un bon nombre se regardent le nombril en confinement, confient leurs états d’âme, sans sacrifier à la notoriété médiatique en jouant sur Skype. Ils gèrent la résilience, se prenant pour les héros d’une série télé dont le scénario a été écrit par Boris Cyrulnik. Ils ne regardent pas les drames se jouant dans la société et les dérives du pouvoir. On peut « pressentir » un monde d’après qui devrait être le même que celui d’avant mais en pire, pas seulement au niveau de la géopolitique. Au niveau social, la crise économique risque de se déplacer en crise sociale majeure. N’oublions pas 1929 et ce qui arriva une décennie plus tard. Cela dit, l’interconnexion et la technique peuvent avoir un impact tampon. On voit l’effet domino des crises systémiques mais l’on ignore souvent l’autre aspect, la stabilité systémique. 

 

 Pour comprendre et expliquer ce qui arrive, il y a quelques cartes philosophiques à jouer mais elles sont bien rangées sous le tapis par l’intelligentsia française. Trois penseurs, Heidegger, Ellul, Luhmann. On l’aura compris, c’est du côté de la technique et de son fondement métaphysique occidental qu’il faut chercher. Ce qui n’exclut pas d’examiner la dimension historique en s’éclairant de philosophes « apocalyptiques ; Löwith, Voegelin, Strauss et encore Heidegger. Se pourrait-il que ce soit une fin de l’Histoire prométhéenne dévoilée par une particule virale de 100 nanomètre de diamètre ? Ou alors la figure de l’homme balayée telle une figure de sable après une vague, comme l’indique l’épilogue des Mots et des Choses de Foucault dont l’oracle nous parle ? Le pouvoir ne s’intéresse plus à l’homme, au Sujet de la modernité, il s’occupe de la maladie, du virus, faisant de cette pathologie un objet d’expérience scientifique à l’échelle nationale, avec l’appui des experts sanitaires.

 

 On dirait une expérience de Milgram à l’échelle nationale, mais réalisée dans un contexte de peur, ce qui n’est pas le cas dans la fameuse expérience où n’entre en compte que l’obéissance d’un Sujet placé dans des conditions sécurisantes. Jusqu’à quel point les individus en situation de peur (ou de panique) sont-ils disposés à obéir à une autorité scientifique, quitte à abandonner leurs fondamentaux humains, plus de libraires, plus de vie sociale, plus de messes, obsèques réduites au strict minimum, églises fermées, bibliothèques vidées ? L’humanisme des Lumières avait pour devise Sapere aude, aies l’audace de savoir, le courage de te servir de ton entendement ! (Kant). Et en 2020, aies le courage de te servir de ton discernement ! Les Français ont-ils du discernement et du courage ? Montesquieu disait que le ressort de la république est la vertu alors que le ressort de la tyrannie est la crainte, en précisant ceci « Il y a deux sortes de tyrannie ; une réelle, qui consiste dans la violence du gouvernement ; & une d’opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établissent des choses qui choquent la manière de penser d’une nation. » (Esprit des lois, III, de la tyrannie). La nation pense-t-elle correctement cette épidémie de Covid-19 et quid de la violence ? A notre époque, l’opinion est surtout faite par les médias. Qui impactent la vision des Français. La peur fait le reste. Le virus est redoutable certes, mais la peur est un plus grand danger. Un peuple qui a peur ne demande pas forcément un tyran mais un régime autoritaire ou à défaut, un gouvernement d’union nationale. Les médias continuent à propager la peur et décompter les morts.

 


14 réactions

  • Clark Kent Séraphin Lampion 11 mai 2020 10:23

    « On dirait une expérience de Milgram à l’échelle nationale  »

    sauf que ce n’est pas à l’échelle nationale, mais à l’échelle d’au-dessus, ce qui n’a rien de rassurant mais éclaire d’une lumière crue la relativité de l’adjectif « national »...

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  • julius 1ER 11 mai 2020 11:03

    Pourquoi ne parlez-vous pas de la Grippe asiatique de 70 qui a fait 35 000 morts en France en 2 Mois,.... à l’époque le pouvoir de Droite n’a rien fait pour endiguer le fléau est-ce trop difficile d’en parler ?????

    c’est vrai qu’empiler les cadavres au fin -fond des hôpitaux n’a rien de sexy !!!!

    il est vrai que si le pouvoir en place aujourdhui n’avait pas décrété le confinement

    on n’en serait aujourdhui à plus 100 000 morts selon les experts avisés , c’est vrai qu’il est plus facile de juger ce qui est attentatoire aux libertés que se pencher sur une courbe exponentielle et mortifère ????

    c’est en tous cas la leçon que je tire de ces 55 jours comme pékin !!!

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    • Odin Odin 11 mai 2020 15:19

      @julius 1ER

      Bonjour,

      « il est vrai que si le pouvoir en place aujourd’hui n’avait pas décrété le confinement on n’en serait aujourd’hui à plus 100 000 morts selon les experts avisés » 

      Ces experts sont ils si avisés que cela (voir Fergusson en GB) ou participent ils à laisser la population dans la peur (théorie du choc), dans l’attente d’un vaccin financé principalement par Bill Gates/OMS….pour se gaver sur la bête.

      Faisons une comparaison rapide entre la France qui a confiné et un autre pays en Europe comme la Suède qui n’a pas confiné.

      Population FR = 66.900.000 / S = 10.313.447

      Morts au 11/05 FR = 26.380 / S = 3.225

      Taux mortalité sur l’ensemble de la population :

      FR = 0,0394 / S = 0,0313

      Mortalité pour 100.000

      FR = 39,43 / S = 31,27

      De plus, la Suède a ou aura une immunité de groupe que nous ne sommes pas prêt d’avoir avant de nombreux mois.

      Est-il nécessaire de parler de la différence concernant l’économie, les faillites de PME / PMI artisans etc… et du nombre de chômeurs que cela va engendrer ainsi que du montant de la dette sur le PIB et du flicage de la population (traçage) que les suédois ne vont pas connaître. 

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    • Odin Odin 11 mai 2020 15:54

      @pacem

      Bonjour,

      Plus il y a de contamination et plus rapide sera l’immunité de groupe. Ce qui est primordial à comparer est le nombre de morts.

      Les contaminés on peut les soigner pas les morts.

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    • julius 1ER 12 mai 2020 08:33

      @Odin
      la Suède c’est 10 millions d’habitants,.... donc pourquoi pas l’Islande pendant qu’on y est avec 300 000 habitants c’est sûr que l’immunité collective est plus facile à atteindre dans ces pays !!!

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    • julius 1ER 12 mai 2020 18:16

      @Odin
       pour la grippe çà peut marcher mais pas pour le Covid19 !!!
      on ne peut opposer Santé VS Economie ....
      car sans la santé il n’y a pas d’économie, le microcosme qu’ est le PA Charles de Gaulle avec 1800 pers à bord lorsqu’il a eu 1100 pers HS atteintes par le Covid19 eh bien il est rentré au port à toute vitesse ...
      est-ce cela ton modèle économique ???? des entreprises qui défaillent à tour de bras parceque les gens ne sont plus en état de travailler ... çà c’est le modèle Bolsonaro que l’on va voir sous peu dans toute sa déliquescence !!!!!

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  • François Vesin François Vesin 11 mai 2020 11:05

     « Seuls André Comte-Sponville et quelques autres se sont exprimés en philosophes engagés  »

    .

    Allez, encore un petit effort, même les dents serrées

    et vous nous ferez l’extrême honneur de rappeler qu’un

    mouvement souverainiste résolu à ne plus subir le populicide

    organisé par Macron et ses affidés vient de se créer et que

    quiconque, de droite, de gauche et d’où qu’il le veut peut

    s’abonner à sa revue, FrontPopulaire et dès le mois de juin

    participer à de véritables états généraux pour « les jours d’après ».

    lien utile : https://frontpopulaire.fr/p/actualites

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  • simplesanstete 11 mai 2020 12:34

    Lisez Dr Knock, le triomphe de la médecine de Jules Romains,1923, tout y est...un jeu d’enfant....le socialisme victimaire.

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  • Fergus Fergus 11 mai 2020 12:58

    Bonjour, Bernard

    « les gens sont livrés à la peur »

    Ce n’est pas mon impression.

    La majorité des personnes que je rencontre prend des précautions (majoritairement par la distanciation), mais sans exprimer dans les discussions d’angoisse particulière.

    Il est vrai que je vis dans un département — les Côtes d’Armor — très peu touché par le Covid-19.

    Pour autant, je constate — par le biais de photos et de vidéos reçues de mes proches — qu’il en va de même à Paris. Hier vers 20 heures, il y a même eu ici et là des rassemblements spontanés très peu prophylactiques, avec drapeaux aux fenêtres ; on eût dit la Libération de Paris ! 

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  • velosolex velosolex 11 mai 2020 17:45

    Ah, la peur ! Certains la découvrent. Ils pensaient que ce truc était lié au moyen âge, où à une chasse d’eau qui déborde. 

    C’est la saitne frousse, d’attraper le covid.

    Ils ont bien torts, car souvent ils sont déjà morts.

    IL faudrait leur dire !. Mais qui va prendre le risque ?...

    Certains marchent avec trois masques sur la figure, et un autre dans la poche arrière, en cas de crevaison.

    C’est terrible. Le jour des morts vivants. J’en reviens terrorisé. Une grand mère a failli se jeter sous les roues d’une voiture, plutot qu’avoir à me croiser. Je me suis regardé dans une glace ; avais je l’air d’Elephant man ???? En quoi était je si monstrueux. 

    C’est que je n’avais pas mis de masque sans doute. C’est la revanche des gueules cassées. En voilà au moins qui sont heureux. Covid ne peut pas faire plaisir à tout le monde !

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  • Décrypteur 11 mai 2020 18:48

    J’ai publié il y a 2 semaines un article tentant de sensibiliser sur l’irrationnalité de cette peur (https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/n-ayez-pas-peur-du-covid-19-223619). Néanmoins, avec 4500 vues, je ne m’attendais pas à être invité par BFM...

    Les couards sont majoritaires et imposent à tous les conséquences de leur panique. Mais n’oublions pas que ce sont les minorités agissantes qui font basculer le cours de l’histoire. Ceux qui se sont résignés à se soumettre à la peur se résigneront aussi bien à se soumettre à la raison. Il faut seulement leur montrer la voie de cette raison. Pas gagné quand establishment et médias réunis hurlent au loup d’une même voix, mais il faut garder espoir, de petites voix dissidentes commencent à se faire entendre ici et là (vous citez Comte Sponville, mais il y en a d’autres), et brouillent à bas bruit la propagande d’Etat. Ce travail de fond doit se poursuivre, il finira par produire quelque chose. 

    Mais il faut rester vigilant, car l’agitation sociale qui naîtra immanquablement de cette crise pourra engendrer le meilleur comme le pire. Merci de nous rappeler à ce sujet les conséquences funestes de la crise de 1929. Le contexte est certes bien différend, mais les réflexes n’ont probablement pas changés.

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  • Taverne Taverne 12 mai 2020 09:24

    « Pourquoi responsabiliser les gens ? On va leur faire peur, ce sera plus rapide et plus efficace. »

    On voit les résultats de cette politique : la peur a rendu les gens craintifs même en milieu sécurisé. Elle donne envie aux plus audacieux de braver le danger et de faire les malins. Ces résultats comportementaux sont dus à cette politique infantilisante. Cette privation du discernement a été renforcée par les messages très contradictoires et le défaut de transparence qui empêche qui que ce soit de connaître les faits et de se faire une idée juste des choses. Quand on est empêché de penser, on est infantilisé et peu responsable.

    La peur est un outil fourni par la nature pour nous aider à identifier le danger et à l’éviter. L’exploitation primaire de cette émotion à des fins politiques est contre nature et constitue une atteinte au libre arbitre du citoyen.

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    • chantecler chantecler 12 mai 2020 09:35

      @Taverne
      salut,
      Oui, mais je constate que pour instiller la peur ,voire rendre les gens cinglés, il aura fallu 8 semaines de bourrage de crâne intensif , en permanence et sur tous les médias (pléonasme).
      En attendant la cavalerie , Grouchy , (un traitement avalisé ou des masques ) qu’est pas encore arrivée .
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Waterloo
      Ca me rappelle un peu les premières grandes campagnes antitabac :
      Tu te baladais dans la rue avec la clope au bec et tu voyais des gens à 50 m s’évanouir .
      C’est plus de l’info , c’est du conditionnement ....

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