vendredi 15 mai 2020 - par Marc Meganck

La position du bien-pensant mou

La position du bien-pensant mou

 

En 1849, l’écrivain transcendantaliste américain Henry David Thoreau écrivait dans La Désobéissance civile : « Quand je converse avec les plus libres de mes voisins, je note que, malgré tout ce qu’ils peuvent dire de l’importance et du sérieux de la question, de leur souci de la tranquillité publique, la question se résume à ceci : ils ne peuvent se passer de la protection du gouvernement actuel et redoutent les conséquences de la désobéissance sur leurs biens et leur famille. » Autre contexte, autre époque, autre continent… certes. Mais les mots de Thoreau sont plus que jamais d’actualité. Obéir au doigt et à la baguette, à la gestuelle brouillonne d’un chef d’orchestre impossible à identifier. Ravaler le mot « rébellion ». Poser les questions essentielles est semble-t-il honni, inapproprié, à contre-courant. Poser des questions comme le fait un enfant, en toute innocence : Pourquoi ? Comment ? La réponse est dans le flou. C’est cette fable dont tout le monde se fout des origines : avaler des couleuvres. Cet acte culinaire sommaire : gober un œuf, gober le morceau. Encore un peu de purée ? Encore un peu de buée sur vos lunettes ? « Non merci, nous ne contredirons pas ». La position du bien-pensant mou est merveilleuse. Une posture docile et silencieuse. Traverser dans les lignes. Passer au vert. Ne pas contester. Le bien-pensant mou ne descend déjà pas dans la rue en temps normal pour protester, alors en période de crise réelle… Plus que d’un portrait, sa position tient d’une photo de classe, une classe qui déborde, dont certaines têtes ont été scalpées pour faire rentrer tout le monde dans le cadre. Celui qui réalise le cliché se marre, mais personne ne moufte sur la pellicule. Thoreau avait trouvé la solution : s’isoler dans une cabane au milieu des bois du Massachusetts, au bord du lac de Walden, loin de tout ça, de la grégarité, de la pensée unique. La masse contemporaine et occidentale a cette capacité inique de se coucher pour conserver ses acquis, même rabotés : son bas de laine, sa tirelire, son pèze, son flouze, son pognon. Les briques d’abord. La pseudo-sécurité matérielle l’a emporté sur la volonté de liberté. Et quand tombe la nuit, les couleuvres et les morceaux bien durs avalés, le bien-pensant mou se met en position pour quelques heures inertes supplémentaires…

Marc Meganck

Photo : Miguel Bruna – Unsplash

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8 réactions


  • Clark Kent Séraphin Lampion 15 mai 2020 08:43

    Bon, ok, j’aime bien vos textes, mais pour comprendre, il faut que je remette en place les alinéas pour identifier les paragraphes.

    Ça serait plus facile si vous le faisiez avant. 

    Sinon, c’est bien.

    Merci.


  • eau-mission eau-pression 15 mai 2020 09:07

    Aux enfants de cette époque on disait qu’il avaient rendez-vous en tête à tête avec le chef d’orchestre à la prière du soir. C’était avant le marchand de sable.


  • Iris Iris 15 mai 2020 14:37

    Sans être aussi cynique que Raymond75, je trouve également votre jugement très sévère envers des gens qui se contentent de peu et aspirent seulement à la tranquilité.


  • velosolex velosolex 15 mai 2020 19:33

    Les raisons qui lui font pousser Throreau à cet écart du monde, relatif,, sont multiples. Il a eu des ennuis avec les habitants de Concord, ayant mis le feu inopinément à la forêt. Il veut se mettre en conformité avec des idéaux de simplicité. Pas un objet ne rentrera dans la cabane, sans qu’elle n’est justifié de son utilité. C’est le premier livre écologiste, encore qu’on peut déjà trouver chez Diogène qui vivait lui dans un tonneau un premier éloge du dépouillement...Lui aussi prônait la radicalité de l’expression, et dans des termes très provocateurs, tenant de l’happening. 

     Il est difficile de garder longtemps le refus de transiger. L’équilibre vient de la négociation, d’une certaine soumission à l’ensemble des lois sociales et politiques, à partir du moment qu’elle sont l’expression de l’ensemble, ce qui correspond à la démocratie.

    Quand celle ci glisse vers quel que chose qu’on ne peut approuver, se pose la question du choix, entre collaboration, et dissidence. Avec les risques que cela pose pour les deux formules. C’est un dilemme qui s’est posé dans toutes les dictatures. Et la position du révolté est bien plus difficile à tenir, et tient même parfois du suicide. A moins de s’appeler Sakharov par exemple, ou Einstein.

    Mais il est ridicule de dénoncer l’inaction des foules, qui tiennent simplement à leur peau, tétanisés par la répression. Il leur faudra vraiment avoir plus rien à perdre pour se soulever. C’est ce phénomène historique qui arrive parfois. Et alors on ne sait ce qui va surgir 


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